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Full text of "De l'origine des fontaines"

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/ 


ilpeiiftaJf'i' 


^tûlZÛKA^ 


♦ 


Library 

of  the 

University  of  Toronto 


? 


•( 


D  E 


L'  O  R I  G  I  N  E 


DES 


FONTAINES. 


A    PARIS, 

Chez  Jean&Laurent  d'Houry, 

fur  le  Quay  des  Auguftins  j  à  l'image 

S.  Jean. 

M.    DC.    L  XXVIII. 
AV^C   r  RIVILECE  DV   ROf. 


Digitizéd  by  the  Internet  Archive 

in  201-0  with  funding"'from 

Univçrsity  of  Olj^wa 


littp://www.arcliive.org/details/deloriginedesfonOOperr 


A  MONSIEVR, 

MVHVGVENS 

DE  ZVLICHEM. 


ONSIEFR, 


^my  que  je  -vous  ay:  dédié 
ce  petit  ouvrage  deT^  [a  naijjance 
&  </f:^  le  moment  mefme  de  fi 


\ 


a  1} 


E  P  I  s  T  R  E. 
conception  y  je  pourrois  pourtant 

changer  i avis  à  prefent  ^puis  que 
fay  changé  la  refolution  ou  fejîois 
alors  de  ne  le  pas  rendre  public. 
Ma  pensée  qui  ejloit  excufahle  en 
ce  temps4à  ou  la  chofe  fe  pajjoit 
feulement  entre  nous  ^  pourroitne 
tejlre  plus  en  celuj-cy  ^  ou  j'y  ap- 
pelle tant  de  témoins  ;  ^  l'inten- 
tion que  fay  toujours  eue  de  vous 
honorer  j  pourroit  dans  la  fuite 
n  avoir  pas  l'effet  que  je  de/ire. 
le  fay ,  MoNSlEVR^  quel  efi 
l'avantage  qui  me  peut  revenir  en 
mettant  vn  nom  aujft  illujlre  que 
le  vojlre  a  la  tejle  de  mon  livre  ^ 


E  ?  I  s  T  R  E, 
mais  je  ne  njondrois  pas  dMs  t in- 
certitude dufucce:^  ^  qne  cela  vous 
pujl  caufer  le  regret  d avoir  accepté 
vne  choje  de  ft  peu  de  valeur  ;  je 
ne  voudrois  pas  non  plus  par  là 
vous  engager  à  fa  défenje  ^  puis 
que  je  la  veux  bien  abandonner 
moy-mejme,  jUdais  toutes  ces  con-- 
Jiderations  ne  fçauroient  me  dé- 
tourner de  mon  premier  dejjein  qui 
nejl  autre  choJe  que  de  vous  don- 
ner en   cette   rencontre    quelque 
marque  de  ma  reconnoijjance  pour 
t amitié  que  vous  rri  ave^^  toujours 
fait  paroijîre.   le  veux  en  rendre 

icy  vn  témoignage  quifoit  public^ 

â  II] 


E  P  I  s  T  R  E. 
de  me/me  que  je  ^eux  que  tout  le 
monde  fçache  que  je  fuis  &  que 
^OHS  voulez  bien  que  je  me  dife , 


MONSIEFR, 


Voftre  très- humble  8c  tics 
obeïfTant  fervitcur  >i«* 


^  ^  ^  ,j,  ^  ^  yi.  A  A  i  ,j^j^  .Jl-Jl'Jl  JlcA  'A. 
T'TV'  T  T  T  T'  T'  T'  t  t  t  t  t  t  t  t  t* 

AVERTISSEMENT. 

'.E  difcours  de  l'Origine  des 


fCll'Foncaines  ,  dcnuc  comme 
il  eft  de  ces  grands  raifon- 
nemens  de  Phyfique  ,  &:  de  ces 
fubdles  demonftrations  de  Géo- 
métrie 3  dont  les  Sçavans  ont  ac- 
couftumé  d'orner  de  femblables 
ouvrages ,  femblera  vn  peu  fimple 
pour  la  matière  dont  il  traite.  Mais 
j'aycru,  &:  j'ay  mefme  reconnu  par 
ma  propre  expérience ,  quedes  cho- 
fcs  fi  fubtiies  inférées  dans  vn  dif- 
cours comme  celuy-cv ,  n'eftoient 
fouvent  d'aucune  vtilité,  foit  aux 
gens  les  plus  habiles/oit  aux  autres; 
parce  que  les  premiers  en  avant 
vne  parfaite  connoiiïance  ^  il  ne 
fert  de  rien  de  leur  dire  des  chofes 
qu'ils  fçavent  déjà  ,  6e:  fouvent 
mieux  que  ceux  qui  les  leur  difent  > 

a  iiij 


AVERTISSEMENT, 
Et  il  fert  encore  moins  de  les  dire 
aux  autres  ^  puis  que  ne  les  fçachanc 
point  ils  ne  les  peuvent  pas  com- 
prendre par  vn  difcours  qui  n'eft 
point  fait  pour  les  enfeigner,  & 
qui  au  contraire  fuppofe  toujours 
les  ledeurs  dans  vne  fuftifante  ca- 
pacité pour  les  entendre. 

l'ay  cru  aufli  qu'il  n'eftoit  pas 
neceflaire,  quoy  qu'il  s'agiiTe  icy 
de  Phyfique  ,  de  prendre  occafion 
de  parler   de  la  compofition   des 
corps  naturels ,  &:  d'en  expliquer 
les  principes  ,   fuivant  les  ancien- 
nes ou  les  nouvelles  opinions,  ny 
de  parler  des  petits  corps  qui  les 
compofent ,  de  leur   forme  &:  de 
leur  mouvement  :  Car  encore  que 
j'en  aye  touché  quelque  chofe  en 
quelque   endroit  où  je  parle   des 
parties  de  l'air  &:  de  celles  de  l'eau, 
&:  du    mouvement   qu'elles   ont; 
l'effet  néanmoins  que  je  veux  leur 
attribuer  fe  peut  aifément   com- 
prendre fans  tous  ces  grands  pre- 


AFERTISSEMENT.^ 

paratifs  qui  neferviroientqu'à  fai- 
re voir  ma  vanité  en  grotTilTant 
inutilement  mon  diicours ,  6^  à 
y  caufer  de  l'obfcunté  ,  bc  peut- 
eftre  à  faire  naiftre  des  occafions  de 
nouvelles  difputes.  Il  n'eft  pas  dif- 
ficile 5  quand  on  le  veut,  de  pa- 
roiftre  fçavant  en  difant  de  gran- 
des chofes  5  &:  deux  ou  trois  cercles 
ou  triangles  ne  font  pas  mal-aifez 
à  tracer  ,  les  livres  bc  les  amis  ne 
manquent  pas  danscebefoin.  Mais 
mon  deffein  a  efté  de  parler  feule- 
ment de  ce  qui  tombe  grofliere- 
ment  fous  les  fens,  fans  approfon- 
dir ny  les  caufes  ny  les  effets  dans 
leur  origine.  Auffi  quand  je  parle 
de  reflexion  ou  réfraction ,  je  n'ex- 
plique point  par  quels  angles  &:  par 
quelles  fupperficies  elles  fe  font, 
il  iuffit  qu'il  foit  confiant  qu'elles 
fe  font.  De  mefme  quand  je  parle 
de  l'évaporation  des  chofes  humi- 
des, de  celle  de  la  glace  ,  de  la 
dilatation   ou    condenfation    des 


'ArERTISSEMENT. 
vapeurs  ôide  leur  refolution  en  eau, 
des  couleurs  que  l'air  &:  les  nues 
prennent  quelquefois  ;  je  ne  dis 
point  quelles  font  les  caufes  &  les 
moyens  internes  de  tous  ces  qSqis 
remarquables,  je  me  contente  d'en 
parler  avec  vne  fimplicité  qui  fe 
peut  accommoder  aux  efprits  les 
plus  médiocres  ;  eftant  perfuadé 
que  toutes  ces  éruditions  n'au- 
roient  point  éclarcy  davantage  mon 
fujet,  principalement  n'ayant  pas 
eu  deflein  d'enfeigner  ny  la  Phy- 
flque  ny  l'Optique. 

L'on  pourra  dire  que  cette  ma- 
nière modcfte  &  foûmife  s'accor- 
de peu  avec  la  fierté  qu'il  fem- 
ble  que  j'ay  eue  quand  j'ay  entre- 
pris vn  deflein  que  j'élève  aufTi 
haut  que  je  fais,  éc  quVne  perfon- 
ne  qui  aflemble  comme  je  fais  auiîi 
tout  ce  qu'il  y  a  eu  de  Philo  fo- 
phes  depuis  plus  de  vingt  fiecles, 
pour  fe  mettre  au  milieu  d'eux ,  ôr 
critiquer  leurs  fentimens  ôc  mcfmc 


'AVERTISSEMENT. 
les  rejetter;  devroit  du  moins  pour 
la  bienfeance,  avoir  tenu  vnc  con- 
duire plus  élevée  &  plus  hardie, 
quand  ce  ne  feroit  mefme  que  pour 
adoucir  Toutrage  qui  femble  eftre 
fait  à  ces  grands  hommes  quand 
ils  font  attaquez  par  vn  auffi  petit 
adverfaire  que  je  fuis.  Mais  quel- 
que eftime  que  j'aye  eue  pour  le 
fujet  que  j'ay  traité  ,  &:  quelque 
critique  que  j'ayc  faite  fur  les  opi- 
nions de  ces  Philofophes  ,  je  n'ay 
point  cru  pour  cela  eftre  obligé 
d'élever  mon  ftile  &  de  prendre 
des  manières  de  fierté  &  de  har- 
diefTe.  Ce  n'eft  point  vneçhofe  ex- 
traordinaire que  d'examiner  les 
fentimçns  de  quelque  auteur  que 
ce  foit ,  il  efl:  permis  aux  plus  pe- 
tits difciples  de  demander  aux  plus 
renommez  Philofophes  ,  dans  les 
Ecoles  mefme  où  ils  ont  le  plus  de 
crédit ,  la  raifon  des  propofîtions 
qu'ils  ont  avancées;  &:  la  foiblcffe 
de  ces  difciples ,  ny  celle  de  leurs 


'AVERTI  SSEMENT. 
raifonnemens  ,  n'a  jamais  fait  de 
tort  à  la  gloire  de  ces  grands  hom- 
ines  ;  il  n'y  en  a  mefme  pas  vn 
d'entre  eux  qui  n'ait  fait  le  fcm- 
blable,  &  qui  n'ait  réfuté  les  opi- 
nions des  autres  pour  fouftcnir  la 
fîenne  ,  ny  qui  ait  cru  poui:  cela  fe 
mettre  au  dcflus  d'eux. 

Le  Père  Schottus  qui  a  traité  de 
l'Origine  des  Fontaines  en  a  vfé 
de  la  mefme  façon  :  il  a  rapporté 
les  opinions  de  tous  ceux  qui  en  ont 
écrit  avant  luy  ,  &  les  a  refutées 
de  mefme  :  mais  la  manière  dont 
il  s'eft  fervy  n'eil:  pas  celle  que  j'ay 
fuivie  :  l'ordre  vn  peu  trop  fchola- 
ftique  qu'il  a  voulu  garder  m'a  fem- 
blé  y  caufer  vne  trop  grande  diffi- 
culté 5  en  ce  que  les  opinions  de 
chaque  Philofophe  eftant  difperfées 
dans  plufieurs  fedions  de  fon  livre, 
pour  les  examiner  par  leurs  diffé- 
rentes parties  \  il  faut  pour  fçavoir 
quelle  efl  l'opinion  d'vn  Auteur 
parcourir  tout  le  livre  par  toutes 


AERTI  SSEMENT. 
Tes  feclions  ,  ce  qui  eft  affcz  en- 
nuyeux, ôc  de  relie  forte  que  ce 
Père  mefme  qui  s'en  eft  apperceu 
a  efté  contraint  de  faire  vne  reca- 
pitulation fommaire  de  la  fîenne  à 
la  fin  de  fon  livre  pour  la  faire 
voir  dans  toute  fon  étendue  fans 
interruption.  La  méthode  que  j'ay 
gardée  elT:  véritablement  plus  fim- 
ple&  moins  ingenieufe  ,  mais  autli 
elle  eft  plus  claire  à  mon  avis,  &: 
plus  capable  d'eftre  fuivie  par  beau- 
coup deperfonnes  qu'vn  plus  grand 
ordre  pourroit  embarraffer.  Fay 
donc  fait  la  déduAion  de  chaque 
opinion  le  plus  brièvement &:  le  plus 
fidellement  que  j'avpu  fansm'aflfu- 
jettir  précifément,  comme  le  Père 
dont  je  viens  de  parler ,  au  texte 
de  leurs  Auteurs  5  qui  quelquefois 
eft  long  5  &  fouvent  entrecoupé  de 
chofes  qui  ne  fervent  de  rien  à  fon 
intelligence  -,  àî  tout  d'vne  fuite 
j'ay  fait  les  reflexions  que  j'ay  cru 
à  propos  y  afin  que  l'on  puft  voir 


AVERTISSEMENT. 
en  mefme  temps  quelle  eft  l'opi- 
nion  de  chaque  Auteur ,  &  ce  qui 
s'en  peut  dire. 

Ce  que  j'ay  dit  dans  ma  lettre  à 
Monfieur  Hugucns,  qui  eft  à  la  fin 
de  ce  livre ,  n'eft  point  pour  blâmer 
les  expériences,  comme  Tont vou- 
lu dire  quelques-vns  qui  avoient 
déjà  veu  cette  lettre  :  mais  feule- 
ment pour  dire  qu'il  n'y  a  aucune 
feureté  à  tirer  des  conclufions  gé- 
nérales de  certaines  expériences, 
&:  làdefTus  attribuer  à  de  certaines 
chofes  de  certains  effets  plûtoft  qu'à 
d'autres ,  &  d'en  exclure  toutes  au- 
tres caufes  connues  ou  inconnues. 
le  fçay  trop  que  c'eft  aux  expé- 
riences que  l'on  doit  les  plus  belles 
connoiflances  que  l'on  ait  à  pre- 
fent  des  chofes  naturelles  qui  a- 
voient  efté  cachées  à  l'antiquité  j&; 
je  ne  me  fonde  moy-mefme  que  fur 
de  femblables  principes  :  Mais  il 
eft  vray  auifi  que  je  ne  fais  fervir 
ces   experiences-là  à  autre  chofe 


JVERTl  SSEMENT. 
qu'au  faïc  parnculier  où  je  les  ap- 
plique :  celle  du  fuccement  de  la 
Terre  rapportée  par  Magnanus, 
celle  de  la  pénétration  de  la  Terre 
par  l'eaii ,  du  delTalement  de  l'eau , 
du  Thermomètre  contre  la  chaleur 
ou  froideur  des  puits  &  des  lieux 
foufterrains  ,  de  la  hauteur  des 
pluyes  bc  des  neiges ,  de  l'cvapora- 
cion  de  la  glace  ,  de  l'élévation  ô^ 
abailTement  apparens  dés  objets 
éloignez,  &  autres  de  cette  forte, 
ne  fervent  qu'a  prouver  &  à  foû- 
tenir  la  propofi^n  dont  il  s'agit, 
fans  que  j'en  ti^^aucune  conclu- 
fîon  générale  hoi^  de  mon  fujetj 
&  ainfi  on  ne  peut  pas  dire  que 
cette  lettre  me  rende  contraire  à 
moy-mefme  dans  cet  ouvrage. 

le  ne  diray  point  icy  comme  font 
plufieurs  5  que  c'a  elle  contre  mon 
confentement  que  ce  livre  a  efté 
mis  au  jour ,  &  que  ce  que  j'en  ay 
fait  a  efté  pour  fatisfaire  mes  amis 
qui  m'y  ont  porté,  6c  par  manierede 


AP^ERTISSEMENT. 
dire  contraint  :  car  quoy  que  cela 
puiffe  eftre  vray  en  cette  rencon- 
tre, je  fçay  que  Ton  ne  fait  de 
femblables  violences  qu'à  ceux  qui 
le  veulent  bien.  Auffi  j'avoue  que 
c'eft  de  mon  confentement  qu'il 
eft  imprimé  :  mais  il  eft  vray  auffi 
que  j'aurois  cfté  plus  fatisfait  s'il 
l'cuft  pu  eftre  fans  qu'il  fuft  rendu 
public,  ne  m'eftant  propofé  dans 
cette  impreffion  que  de  le  voir  mis 
bien  au  net ,  &  d'en  avoir  des  exem- 
plaires pour  mes  amis  avec  plus  de 
facilité.  ^^ 

Puis  qu'il  a  cTOç  falu  en  paffer 
par  là  5  je  me  fui^  réfolu  à  ne  point 
trouver  à  redire  que  chacun  en  dife 
fon  fentiment ,  &:  que  l'on  rejette 
mon  opinion  fi  l'on  veut  comme 
j'ay  rejette  celles  des  autres ,  &  que 
l'on  me  rende  ainfi  la  pareille  :  Et 
comme  je  connois  aflez  que  les 
Icdeurs  ne  fe  lailTent  point  mener 
par  les  traits  de  Rhétorique  avec 
lefquels  Ton  tâche  ordinairement 

de 


AVERTISSEMENT, 

de  fe  les  rendre  favorables  ^  je  n'en 
emploiray  icy  aucun  pour  cela^ 
tout  ce  que  je  leur  puis  dire  efr, 
que  ceux  qui  voudront  bien  le  lue 
me  feront  beaucoup  d'honneur. 

le  ne  diray  point  auffi  comme 
quelques  autres ,  que  je  n'ay  guè- 
re employé  de  temps  à  compofer 
ce  petit  ouvrage  ,  que  je  l'ay  fait 
en  me  jouant  &  pour  me  divertir 
dans  mes  heures  perdues  :  car  au 
contraire  comme  je  porte  aflez  de 
refped  au  Public  pour  le  traiter 
plus  ferieufement  que  cela,  je  n'ay 
point  voulu  paroiftre  devant  luy 
qu'après  m'eftre  mis  au  meilleur 
eftat  que  j'ay  pu  y  j'ay  veu  &  reveu 
mon  ouvrage,  &  l'ay  fait  voir  à 
mes  amis  ;  j'ay  employé  vn  temps 
raifonnable  pour  le  faire  ;  j'y  ay 
mis  les  meilleures  heures  de  mon 
loifir,  &:  quelque  plaifir  que  j'aye 
pris  à  y  travailler,  je  ne  diray  point 
que  c'a  efté  en  me  jouant  ;  j'y  ay 
donné  mes  plus  ferieufes  reflexions 

é 


AVERTISSEMENT 
autant  que  le  meritoit  mon  fujêtrce 
que  je  n'ay  point  de  honte  d'avoiier, 
lors  que  je  voy  que  de  grands  per' 
fonnages  de  ce  fiecle  s'adonnent  à 
de  pareilles  recherches,  &  que  cela 
augmente  leur  réputation ,  &  leur 
donne  de  grands  avantages  dans  le 
Monde.  Quoy  qu'il  en  foit ,  je  ne 
croiray  pomt  que  les  heures  que 
j'y  ay  employées  foient  perdues, 
fi  le  travail  qu'elles  ont  produit 
peut  plaire,  ou  fervir  de  quelque 
chofe  pour  vnc  plus  grande  décou- 
verte de  ce  que  j'ay  cherché. 


FRIVILËGE    DV  ROT. 

LOviS  PAR  LA  GRACE  I>F  DlEV  RoY  DE 
France  et  de  Navarre  ,  à  nos  smez  êc 
féaux  Corifeillers  les  Gens  tenans  nos  Cours  de 
Parlement ,  Maiftres  des  Requelles  ordinaires  de 
noftre  Hoftel ,  Baillifs ,  Senefchaux  ou  leur?  Lieu- 
tenans ,  &  autres  qu'il  appartiendra  ,  falut.  Noftre 
bien  amé  Pierre  le  Petit  ,  Marchand  Libraire 
de  noftre  bonne  ville  de  Paris ,  nous  a  fait  rc- 
monftrer  qu'il  defireroit  faire  imprimer  vn  livre 
intitulé  De  V Origine  des  ro?itjmes  ;  ce  qu'il  ne  peut 
faire  fans  avoir  nos  Lettres  fur  ce  neceflaires.  A 
CES  CAviES,  luy  avons  permis  &  permiCttons  par 
ces  prefentes  de  faire  imprimer  en  tel  volume , 
marges  8c  carafleres  que  bon  luy  fcmblera ,  ce 
fufdit  livre,  6c  iceluy  vendre  êc  débiter  par  tout 
noftre  Royaume ,  pays  8c  terres  de  noftre  obeif- 
fance  ,  durant  le  temps  de  dix  années  .  à  com- 
mencer du  jour  que  ladite  imprelTion  fera  para- 
chevée. PenJant  lequel  temps  nous  faifons  dé- 
fenfssà  tous  Libraires  &;  Imprimeurs  d'imprimer, 
vendre  ny  débiter  fans  le  confentement  de  i'ex- 
pofant ,  ou  de  ceux  qui  auront  droit  de  luy  ,  à  pei- 
ne de  trois  malle  livres  d'amende  8c  de  confîfca- 
tion  ,  applicable  vn  tiers  à  Nous  ,  vn  tiers  à  l'Hô- 
pital gênerai  ,  8c  l'autre  tiers  à  TExpofant  ;  à  la 
charge  de  mettre  deux  exem.plaires  dudit  livre 
en  noftre  Bibliothèque,  vn  en  celle  ce  noftre  ca- 
binet du  Louvre  ,  8c  vn  en  celle  de  noftre  très- 
cher  8c  féal  Chevalier  le  f.eur  Daligre  Chance- 
lier de  France ,  avant  que  de  ks  cxpofer  en  ventes 
&  de  faire  enregiftrer  ces  prefentes  au  livre  du 
Syndic  des  Marchands   Lijraires  de  noflrc-iie 


ville  de  Paris ,  &  qu'en  mettant  au  commence- 
ment ou  à  la  fin  dudit  livre  vn  extrait  de  cespre- 
fentes  foy  y  foit  ajoutée.  Si  mandons  à  chacun 
de  Vous  ainli  qu'il  appartiendra ,  que  du  contenu 
en  cefdites  prefentes  vous  fafliez  joiiir  l'Expofant 
ou  ceux  qui  auront  droit  de  luy  pleinement  8c 
paifiblement  :  Commandons  au  premier  nollre 
Huiflîer  ou  Sergent  fur  ce  requis,  faire  pour  l'e- 
xécution d'icellss  tous  exploits  &  a6tes  nece flai- 
res fans  autre  permiflîon ,  nonobftant  oppofitions 
&  autres  empefchemens  quelconques ,  dont  û  au- 
cuns interviennent,  Nous  nous  enfommes  refer- 
vez  la  connoifiTance  &  à  noftre  Confeil  -,  &  icel- 
le  interdifons  à  tous  nos  autres  Cours  &  luges , 
Clameur  de  Haro  ,Chartre  Normande ,  8c  Lettres 
à  ce  contraires  :  Car  tel  eil  noftre  plaifir. 
Donne'  à  Paris  le  ii.  jour  de  luin  ,  Tan  de  grâce 
mil  fix  cens  foixante  quatorze ,  8c  de  noftre  règne 
le  trgnte-deuxiéme. 


Rcgï/he" fur  le  livre  de  la  Comfnmatute  des  Lilratres 
é^  Imprimeurs  de  Paris  le  ij.  luiUeî  i6j^.  Signée 
Thierry,  Syndic. 

Achevé  d'imprimer  p3ui  la  premier;  fois  le  i8. 
Septembre  1674. 


fiibrils 


D  E 
L'  O  R  I  G  I  N  E 

DES  FONTAINES. 

PREMIERE     PARTIE. 

'Est  vae chofe affez  eftraiige l 
qu'en  ce  fîecle  où  les  efpnts  font 
plus  curieux  &peut-eftre  plus 
qu'ils  ne  furent  jamais ,  ou  la 
Phvfique  eft  traitée  avec  plus  d'exacti- 
tude qu  elle  ne  l'a  efté  dans  les  iTecles 
paiïez  ,  ou  tant  de  gens  habiles  quî 
compofènt  les  illuftres  Académies  que 
nous  voyons  dans  plufieurs  Royaume? 
de  l'Europe ,  ont  depuis  quelques  an- 
nées fait  tant  d'admirables  obièrvations 
avec  vn  loin  &  vne  diligence  in- 
croyables ,  foit  du  cours  des  aftres ,  de 
leur  fituation,  de  leur  grandeur  &  de 
leur  figure ,  par  le  moyen  des  excel- 
lens  telefcopes  dont  ils  ont  porté  la 

A 


2  Del*  Origine 

peri:eâ:iOii  dans  vn  très-haut  degré; 
loit  de  la  campofitioii  des  corps  d'icy- 
bas  par  les  difièftions  exactes  &  par 
les  analiies  étudiées  de  rAnatoniie  &  de 
la  Chimie  ;  foit  de  la  figure  des  corps 
les  plus  petits ,  ôcdes  i.ileâies  prefijue 
imperceptibles  ,  par  les  microfcopes 
exquis  qu'ils  ont  inventez  :  C'eft  dis-je 
vne  choie  afîez  eftrange  que  pas  vn  de 
ces  grands  génies ,  avec  leur  vafte  con- 
noi fiance ,  leur  application  finguliere , 
&  leur  patience  incroyable,  ne  (e  fbit 
encore  mis  en  peine  de  rechercher  fe- 
rieufemeit  quelle  peut  eftre  la  caufè 
des  Fontaines  &  des  Sources ,  &  n'ait 
pu  eftre  touché  de  la  cunofité  de  dé- 
couvrir l'origine  de  toutes  les   eaux 
qu'ils  voyent  couler  continuellement 
uir  la  terre.    Cette  recherche  feroit  à 
mon  avis  autant  digne  de  leurs  dodes 
réflexions  qu'aucune  autre  choie  qu'il 
y  ait  dans  la  Nature ,  puis  que  je  voy 
que  dans  l'Ecriture  lamte  la  Sageffè 
éternelle  remarque  qu'au  meime  temps 
que  le  Créateur  jettoit  les  fondemens 
du  Monde,  qu'il  formoit  les  Cieux, 
qu'il  elrabliiloit  &  affermifloit  la  Terre, 
&  qu'il  mettoit  des  bornes  à  la  Mer  & 

'^ 


Dts  Fontaine  s.  ; 
aux  Abvimes.il  i jageoit  aufTi  aux  Fon- 
tanies,  dont  elle  dicquil  bala-icoit  ou 
peibit  les  eaux  ;  foit  quelle  ait  voulu 
paî-  ce  mot  pai'Ier  des  nuées  quelle 
dèhgae  podiblepour  eftrelacauie  & 
le  principe  des  fontaines  ,  le!  quelles 
Ton  voit  eftre  fufpeadues  &  com-ne 
balancées  en  lair  ;  Ibit  qu'elle  ait  vou- 
lu dire  qu  il  pefoit  &  balançoit  les  eaux 
des  fontaines  pour  leur  donner  des  é- 
coulemens  qui  leur  fullent  égaux  & 
proportionnez  pour  couler  toujours. 
Klais  enfin  quoy  qu'il  en  foit ,  l'on  peut 
dire  après  cette  remarque,  que  la  con- 
noiflance  des  fontaines  n'eft  pas  d'vne 
m.oindre  confideration  que  celle  de 
toute  la  Terre^de  la  Mer.  des  Abyimes, 
Se  des  Cieux  mefnies;  de  qu'elle  efl:  vne 
des  principales  choies  à  quoy  l'Efpnt 
du  Tout-puiflant  ait  donné  vne  appli- 
cation particulière ,  i\  cela  fe  peut  dire, 
quand  il  a  tire  du  néant  toutl'V  nivers. 

Cependant  entre  ceux  qui  ont  cent 
fiir  cette  matière  dans  ces  derniers 
temps ,  les  vns  l'ont  lait ,  fi  je  Tofe  dire, 
avec  tant  de  négligence  ou  de  préven- 
tion deiprit  pour  leur  fentiment,  que 
fans  examiner  davantage  les  difficultez 

A  ., 


4  De   l'O  r  I  g I  n  e 

qui  ne  fe  trouYent  que  trop  dans  vae 
matière  aufTi  cachée  que  celle-là ,  ils 
ont  prononcé  affirmativement  en  fa- 
veur de  leur  opinion  :  les  autres  en  ont 
parlé  de  forte  qu  il  eft  aisé  de  connoî- 
tre  que  ce  qu'ils  en  ont  fait  n  a  eflé  que 
pour  accompagner  quelque  plus  grand 
ouvrage  &  le  rendre  plus  acconiply, 
ou  pour  fervir  à  quelque  autre  deflein 
qu'ils  pouvoient  avoir.  Mais  quoy  qu'il 
y  en  ait  qui  ayent  traité  cette  matière 
exprés  &  de  propos  délibéré ,  il  n'y  en 
a  pourtant  point  qui  Payent  approfon- 
die &  regardée  de  tous  fes  coPcez  avec 
cette  exactitude  que  les  Philolophes 
de  ce  iiecle  apportent  à  la  confidera- 
tiondes choies  dePhyfique.  Ceftpeut- 
eftre  qu'ils  ont  cru  qu'il  eftoit  mutile 
de  rechercher  l'origine  d'vne  chojle 
auffi  connue  que  l'ell  celle  des  fontai- 
nes ,  &  que  l'apparence  eftant  auflî 
Viflble  qu  elle  l'eft  ,  que  les  pluyes  & 
les  neiges  en  font  la  véritable  cauiè, 
ils  pouvoient  s'en  tenir  à  cette  opinion 
vulgaire  lans  examiner  davantage  com- 
ment ex  par  quels  moyens  ces  eaux  de 
la  pluye  &  de  la  neige  qui  ne  tombent 
pas  toûjoursjpeuvent  entretenir  le  coui's 


DESFONTAINES.  5 

cantinuel  des  foiitaines  &  des  nvieres 
qui  coulent  fur  la  terre. 

Cette  négligence  &  cet  endarmilTe- 
ment ,  fi  ce  mot  m'eft  permis ,  font 
d'autant  plus  eftonnans ,  qu'il  eft  cer- 
tain que  l'eiprit  de  nos  Philofophes  eft 
dans  vne  continuelle  défiance  lur  le 
fait  des  chofes  de  Phyfique  ;  jufques  là 
qiiQ  ny  le  témoignage  des  plus  grands 
Philoiophes  de  l'antiquité  ,  ny  meime 
quelquetois  celuy  de  leurs  propres  lèns 
n  eft  d'aucun  crédit  auprès  d'eux,&  qu'il 
faut  ou  des  demonftrations  folides ,  ou 
des  experieiices  exades  &  foigneule- 
inent  exécutées ,  pour  leur  faire  rece- 
voir la  moindre  proDofition. 

Mais  ce  qui  augmente  mon  dzon" 
nement ,  eft  que  le  doute  ou  tant  de 
grands  &  anciens  perfonnages  ont  efté 
uir  cette  matière ,  le  refiis  qu'ils  ont 
fait  de  reconnoiftre  les  pluyes  &  les 
neiges  pour  la  véritable  caufe  des  fon- 
taines, &  la  peine  qu'ils  fe  font  donnée 
de  leur  trouver  vn  autre  principe  :  Qje 
tout  cela ,  dis- je ,  qui  devoit  ce  me  fem- 
b!e  avoir  causé  dans  Telprit  des  Philo- 
fophes d'aujourd'huy  vn  grand  fcrupu- 
le  pour  leur  opinion  ,  ne  les  ait  pas 

A  liî 


4^  De    l'Origine 

retirez  de  cet  eadoriiiillemeat ,  &  qu  il 
eft  certain  que  ce  qui  peut  les  porter 
à  s'y  tenir  ^  n'a  pas  efté  caché  à  ces 
grands  Génies  de  Tantiquitè. 

Comment  donc  ,  puis  que  la  pre- 
mière &  plus  ordinaire  maxime  de  nos 
Modernes  eft  de  douter  de  tout  ,  ne 
doutent-ils  point  auffi  d'vne  opinion 
fi  conteftée  &fi  peu  éclaircie;  &  com- 
ment n'examinent- ils  pas  de  plus  prés 
leBraifons  qu'ils  ont  pour  laluivre,  & 
celles  que  l'on  peut  letu'  obséder  ? 

Toutes  ces  confédérations  qui  font 
mon  eftonneme.it,  devroient  me  fer- 
mier la  bouche  &  me  faire  quitter  la 
plume  :  car  fi  de  fi  fçavans  perfonna- 
ges  acquiefcent  à  cette  opinion,  fi  quel- 
que doute  dans  lequel  ils  (ont,  avec 
peut-eftre  beaucoup  derailon  ,  com- 
me je  le  croy ,  eft  la  caufe  de  leur  fi- 
le ice,  me  fera- t-il  bien  feant  de  pren- 
dre la  parole  pour  traiter  vne  matiè- 
re fur  laquelle  toute  leur  philofophie 
eft  demeurée  prefque  muette ,  &  n'a 
rien  voulu  prononcer  affirmativement? 
mon  entreprife    ne  donnera  - 1  -  elle 
pas  à  fon  tour  vn  eftonnement  plus 
jufte  que  n  eft  le  mien ,  &  ma  temeritê 


DESFONTAÎNES.  7 

ne  fera-t-elle  pas  plus  à  condamner 
que  ce  fileiice  judicieux  que  je  repro- 
che à  de  11  grands  eiprits  ? 

Mais  puis  qu'il  eft  permis  non  feu- 
lement de  dire  Ton  avis  fur  des  choies 
indéciies,  mais  m^imc  de  contefter 
academiquement  celles  qui  font  le  plus 
eftablies  ^  pourquoy  ne  melerviray-je 
pas  de  ce  privilège  pour  dire  mon  len- 
timent  ?  Iniques  icv  le  fifteme  du  Mon- 
de n  a  rien  eu  d'afiuré  :  auITi  chacun  s'en 
eft  tait  vn  félon  fon  caprice  >  &  Ton 
n'en  a  rejette  aucun  lors  qu'il  a  efté 
fondé  fiir  les  apparences  &fiir  la  proba- 
bilité, lufques  icy  il  n'a  efté  rien  relolu 
fur  rOngme  des  tontames  :  chacun  s'en 
eft  imaginé  vne  félon  fa  pensée  &  fé- 
lon les  remarques  &  les  expériences 
qu'il  en  a  faites:  De  meimejenecroy 
pas  avoir  mauvaife  grâce  de  déclarer 
quelle  eft  ma  pensée  fur  ce  fujet,  & 
de  l'appuyer  des  expériences  que  je 
puis  avou'  &  des  conièquences  que 
j'en  puis  tirer. 

Mon  deflein  eft  donc  d'examiner  en 
ce  Traité  les  diverfes  opinions  que  les 
Philofophes  anciens  &  modernes  ont 
eues  fur  ce  fujet  j  de  faire  voir  qu'il  y 

A.  luj 


8  De    l'Ori  gin  e 

a  beaucoup  de  chofes  dans  leurs  feti- 
timens  qui  répugnent ,  je  ioferay  dire, 
au  raifbnnenient,  aux  expériences,  & 
aux  règles  de  Phyfique  &  de  Mecha- 
nique  j  &  enfiute  de  propofer  ma  pen- 
sée ,  l'examiner  (iir  les  melmes  princi- 
pes,  &  d'en  laiiTer  le  jugement  à  de 
plus  habiles  que  je  ne  fuis. 

le  déduiray  donc  fidellement  &  le 
plu5  clairement  que  jepourray ,  ce  que 
i'ay  recueiUy  de  difFerentes  oginions 
lur  cette  matière ,  &  enliiite  melervant 
de  ce  que  j'y  auray  trouvé  de  meilleur 
félon  mon  feas ,  &  de  ce  que  j'y  pour- 
ray  ajouter  de  moy-mefine  j  j'en  com- 
pofèray  vn  avis  que  j'appelleray  le 
mien ,  que  je  ne  prétends  pas  fbutenir 
affirmativement,  mais  que  je  loumets  à 
vn  autre  meilleur  quand  il  fe  preientera 

PLATON. 

PLaton  left  vn  des  premiers  qui  ait 
dit  fbn  lèntiment  fiir  cette  matière 
(  il  l'on  peut  appeller  ainfi  ce  qu'il  en  a 
dit  dans  ion  Phœdon  ).  En  effet  ce  que 
l'on  y  voit  eft  iî  peu  raiionnable ,  que 
c  eft  luy  faire  gi'and  tort  ,  de  le  citer 
en  cette  rencontre ,  &  de  prendre  fe- 


DESFONTAINES.  p 

neuTemeat  des  imaginations  bizares& 
de  pures  rêveries  qu  il  ne  débite  pas 
comme  de  luy-mefme  ,  mais  comme 
failant  le  récit  d'vne  belle  fable  (  c'eft 
ainfi  qu'il  l'appelle.  )  Le  nom  de  cet 
Auteur  a  beaucoup  de  crédit  ^  &  tous 
ceux  qui  ont  parlé  de  longine  des  fon- 
taines ,  Font  toujours  mis  en  telle  de 
tous  les  Philolophes  anciens  qui  e.i  ont 
dit  quelque  chofe  :  c  eil:  pourqu^v  je 
n  ay  garde  de  fiippnmer  Ton  témoigna- 
ge quel  qu'il  puillè  eftre,  dans  le  dei- 
lem  que  j'ay  de  rapporter  ceux  de 
beaucoup  d'autres  qui  ne  font  pas  de 
fon  poids  &  de  fa  confédération . 

Dans  ce  dialogue  de  PhcedDn  il  in- 
troduit Socrate  dif courant  de  l'immor- 
talité de  lame  avec  fes  amis,,  en  atten- 
dant le  poifon  auquel  il  avoit  efté  con- 
damné. Après  avoir  parlé  des  âmes,  de 
leurs  génies  &  conducteurs  ,  &  avoir 
fait  vne  defcnption  de  la  Terre  qu'il  di- 
vife  en  deux  parties ,  fçavoir  vne  hau- 
te ,  où  les  âmes  bienheureules  fè  reti- 
rent après  le  ti'épas  ;  l'autre  bafle ,  que 
les  hommes  vivans  habitent  ;  il  dit  qu'il 
y  a  au  deflbus  de  cette  Terre  bafîe 
pîufteurs  concavitez  qui  vont  en  rond 


to  De  l'Origine 

les  vnes  plus  graades  &  plus  profan- 
cies,  les  autres  moins ,  &  qu  elles  fe  ren- 
contrent &  ont  leurs  forties  en  diffé- 
rentes manières,  par  leflpelles  il  fort 
vne  grande  quantité  d  eau ,  qui  fe  verfe 
dvi-iQ  concavité  en  lautre ,  comme  fe- 
roit  vne  taflè  dans  vne  autre  ;  Qajl  y 
a  dans  la  Terre  vne  très-  grande  quanti- 
té d  eau ,  ioit  froide,  foit  chaude ,  pour 
fournir  aux  fontaines  &  aux  rivières  ; 
Qh;1  y  a  auffi  beaucoup  de  feu  jurqu  a' 
tonner  des  fleuves,  quil  y  en  a  auffi 
cl  eau  bourbeufe,  IVne  plus,  lautre 
moms  •  de  que  tout  cela  eft  meu  de 
melme  quele  ieroit  va  vafe  fiilpendu 
en  équilibre  comme  vne  balance  qui 
s'eleyeroit  &  sabaiflèroit  tantoft  d vn 
cofté  tantoft  de  l'autre  altei'iiativement^ 
&quecelaeftainfidirposéde  fa  natu- 
re^ Qu^ïl  y  a  vne  grande  ouverture  qui 
traverle  t3utela  Terre.qui  eft  appellée 
par  les  Poètes,  &  fur  tout  par  Homère, 
le  Tartare,  dans  lequel  tous  les  fleuves 
viennent  le  rendre ,  &  d'où  ils  fortent  • 
Qne  la  caufe  de  cet  écoulement  conti- 
nuel eft  que  ces  eaux  n'ont  m  fonds 
m  fondement,  ce  qui  les  fut  flotter  de 
la  forte  en  haut  &  ea  bas  3  Q^  lair  ôc 


DE  s  Font  A  IN  E  s.        ti 
le  vent  qui  font  à  le itour  caufent  la 
mefme  cliofe  ,  &  qu  J  y  a  de  meime 
qu'aux  a-iimaux  vue  cDatinuellerelpi- 
ran on  d'air  ;  Que  celuv  qui  ibrc  ou  qui 
e:itre  avec  l'eau  excite  de  grands  veits, 
de  que  ces  eaux  ayaat  coule  ,   s'ar- 
reftent  en  differeas  lieux  &  font  des 
lacs ,  des  mers ,  des  fleuves ,  &  des  ton- 
taines .  doû  s'en  retournant  par  divers 
chemins  elles  fe  rendent  au  Tartare 
d'où  elles  eftoient  venues  -,  les  vnes 
plus  haut ,  les  autres  plus  bas ,  ma- s  tou- 
tes plus  bas  que  n'a  efté  leur  iflue.  Il 
dit  enfuite  qu  il  y  a  quatre  principaux 
écoulemeis  de  toutes  ces  eaux  du  de- 
dans de  laTerre,rvn  eft  l'Ocean^'autre 
r Acheron ,  qui  eft  a  Toppolite ,  &  qui 
s'écoule  par  des  lieux  déserts  &  foucer- 
rains  dans  le  Palus  Acherufe  où  lesanies 
des  morts  fe  viennent  re  idre  ;  le  tr  oïlié- 
me  qui  coule  au  milieu  deux, eft  Pyn- 
phlegêton,  qui  après  avoir  coule  quel- 
que temps  tombe  dansvn  lieu  vafte, 
où  eftant  échauffe  par  vn  grand  teu, 
il  fait  vn  lac  ou  marais  deau  &  de  boue 
boùiilaite  plus  grand  que  n'eft  la  Mer. 
A  Toppolite  de  ce  dernier  fleuve  eft  le 
quatrième  qui  fore  avec  violence ,  & 


12  De   l'O  r  I  g  I  n  e 

qui  après  avoir  fait  le  marais  Stygien,  & 
avoir  pafie  par  divers  chemins  en  rond, 
defcend  enfin  comme  les  autres  dans 
le  meinie  Tartare  &  s'appelle  Cocyte. 

Re flexions  fur  l'opinion  de  Platon. 

Voilà  cequ  on  dit  eftre  le  fentimentde 
Platon  (iir  l'origine  des  fontaines ,  qui 
n  eft  nullement  celuv  d'vn  Philofophe; 
c  eft  plùtoft  vn  dilcours  accommodé  à 
la  croyance  du  ^Tllgalre  du  temps  de  S  o- 
crate ,  que  Platon  a  cru  eftre  de  la  bien- 
ieance  de  luy  faire  te.iir  au  lieu  ou  il 
eft  oit  &  principalement  eftant  accusé 
&  condamné  comme  vn  homme  qui 
n  avoit  pas  des  fentimens  conformes  à 
la  religion  de  fon  temps  :  Mais  de  croi- 
re qu'il  lait  fait  parler  félon  ce  quil 
penfoit  luy-mefine  ,  ce  feroit  luy  faire 
trop  gi*and  tort  ,  &  je  U'ouve  qu'il  y 
a  aflez  dequoy  s'eftonner  comment 
on  rappoîte  ce  qui  eft  dans  ce  dia- 
logue pour  le  feitiment  véritable  d' va 
fi  grand  homme ,  fiir  lequel  il  y  ait  lieu 
de  fonder  quelque  confequence.  Tous 
ceux  néanmoins  qui  ont  écrit  ftir  cette 
matière ,  ont  pris  la  peine  d'y  répondre 
auffi  lerieufemeat  qu'ils  auroient  pu 


DESFONTAINES.  î; 

faire  à  vne  démonft ration  de  geome- 
me ,  &  ont  dit  que  Platon  n'ayant  point 
donné  de  caufe  à  cette  libration  conti- 
nuelle ;  ce  mouvement  diminueroit  ne- 
ce  flairement  peu  à  peu  &  amveroit 
enfin  au  repos  de  lequiLbre  :  Mais  ils 
ne  prennent  pas  garde  que  Platon  dit 
que  toutes  ces  choies  qu  il  a  décrites 
font  de  la  forte  par  leur  nature,  ce  qui 
luy  eftant  accordé  gratuitement,  com- 
me il  eft  necelTaire^  exclud  toutes  les 
raifons  qu  on  pourroit  alléguer  contre 
ion  fifteme.  Ils  difènt  encore  qu'il  de- 
vroit  avoir  donné  quelque  cauie  a  ces 
vents  impétueux  qui  excitent  ces  flots 
&  qui  les  font  couler,  autrement  rien 
n'oblige  à  le  croire  :  mais  ces  imagi- 
nations puériles  &  cette  belle  fable, 
(  puis  qu'il  l'appelle  amfi  )  ne  mentent 
pas  vne  critique  1er leufe. 

ARISTO  TE. 

ARiftote  qui  eftoit  le  difciple  de 
ce  grand  homme  ^  en  a  parle  avec 
bien  plus  de  folidité  ,  quoy  que  pour- 
tant il  y  ait  aflez  de  diverfité  dans  ion 
avis,  comme  nous  Talions  voir.  Il  dit 
que  plufieurs  croyent  que  les  pluyes 


t4  De   l'Origine 

de  rhyver  s'eftaatamafièes  daris  la  Ter- 
re eii  quel"]ues  eudroits  ioucieux  T/Ut 
élevées  par  les  rayons  du  loieil  jUK^ues 
au  haut  des  moiitagneSj  d'eu  elles  sor- 
tent par  les  ouvertures  des  lources  & 
font  les  rivières ,  &  que  par  cette  rai- 
fon  on  les  voit  plus  fortes  en  hy'>'er 
qu  eneftéj&quelv^uefbisfe  feicher  en- 
tièrement félon  la  capacité  plus  grande 
ou  plus  petite  de  ces  refervoirs  fou- 
terrains.  Il  condamne  cette  opinion , 
foutenant  que  fi  l'eau  que  les  fontai- 
nes &  les  rivières  rendent  pendant  vne 
année  eftoit  ramafsée  en  vn  lieu  ,  elle 
feroit  plus  grande  en  quantité  &  en 
mafiè  que  toute  la  TeiTe  ou  peu  s'en 
faudroit,  ce  que  les  pluyes  &  les  nei- 
ges ne  peuvent  faire.  Mais  il  dit  qu'on 
peut  croire  que  les  fontaines  &  les 
fleuves  font  engendrez  de  l'air  conden- 
ie  &  refolu  en  eau  dans  les  cavernes  de 
Ja  Terre  par  le  froid  qui  y  eft  toujours; 
&  qu'il  y  a  apparence  qu'il  fe  fait  dansla 
Terre  lamelmechofeque  nous  voyons 
fè  faire  dans  Tair  hors  de  la  Terre  ;  & 
que  comme  les  vapeurs  que  le  Soleil 
attire  en  haut  fe  convertiîlènt  en  hu- 
midité,  dont  les  parties  fe  joignant  l'vne 


D  F.  s    FO  N  T  A  I  NE  s.  %^ 

k  l'autre  tour  des  s;ourres,  qui  tombeat 
en  pluye;  de  melme  audi  les  vapeurs 
au  dedans  de  la  Terre  pouvant  eitre  re- 
folues  en  humidité  par  le  froid  qui  v 
eft ,  font  des  gouttes  d  eau  qui  s  vnif^ 
fe.it  eiiemble.  coulent  eniuite  Surfont 
des  fontaines^  des  rivières,  &  des  fleu- 
ves. Que  la  radon  qu'il  y  a  de  croire 
que  cela  le  tait  de  la  forte,  eft  qu'il  y 
a  des  tontames  au  pied  de  toutes  les 
montagnes ,  lefquelles  font  d'autant 
plus  grofles  que  les  montagnes  font 
gî-andes  ;  que  melme  les  plus  grands 
ileuves  dont  il  fait  vne  énumeration 
aflèz  particulière  v  prennent  leur  narf' 
iance.  Qne  la  raifon  pourquoy  il  ne 
faut  pas  crou'e  que  les  rivières  vien- 
nent d'eaux  ramaisées  &  retenues  en 
relerve ,  eft  qu'il  n'y  a  pouit  de  lieu 
afièz  grand  pour  les  contenir ,  &  qu'il 
ne  le  Tait  point  alTez  de  nuées  pour 
taire  que  tant  d'eau  coule  de  ce  ^qui 
auroit  eftéainfi  ramalsé  des  pluy  es  feu- 
lement 5  s'il  ne  s'en  engeidroit  point 
d'autre  ;  &  que  ce  qui  fait  que  les 
montagnes  rendent  les  eaux  peu  à  peu, 
c'eft  qu'elles  s'y  engendrent  goutte  à 
goutte.    L'on  peut  juger  aulTi,  dit- il. 


i6         De   l*Ori  gin  e 

qu  il  y  a  de  grandes  ouvertures  &  de 
grandes  cavernes  dans  la  Terre,  parce 
que  Ton  voit  aflez  de  rivières  y  entrer 
&  s'y  perdre  3  fiirquoy  il  rapporte  qu  au 
pied  du  mont  Caucale  il  y  a  vn  lac  oii 

f)lufieurs  rivières  très-grandes  viQn.nQn.t 
e  décharger,  fans  qu'on  voye  aucune 
ifluë  par  ou  elles  puiflènt  fortir ,  &  que 
toutes  ces  eaux  entrent  dans  la  terre 
qui  les  rend  fort  loin  de  là.  Il  croit 
auflî  qu*il  y  a  de  grands  lacs  fous  la  ter- 
re qui  peuvent  fournir  des  eaux  aux 
fontaines  &  aux  rivières.  Il  dit  auffi 
que  les  montagnes  font  comme  des  é- 
ponges  appuyées  fur  les  lieux  bas,  les- 
quelles diftiUent  des  eaux  peu  à  peu  : 
car  ces  montagnes ,  dit-il ,  reçoivent  au 
dedans  vne  grande  quantité  d'eau  qui 
tombe  denhaut  &  qui  refroidit  la  va- 
peur qui  s'élève  pour  fe  convertir  ei 
eau. 

Réflexions  fur  l* opinion  cCAriftote, 

Von  voit  par  cette  dédudion  du 
fentiment  d' Ariftote  qu'il  n'eft  pas  bien 
affuré  dans  fa  pensée ,  il  femble  mê- 
me qu'il  fe  contredit  en  quelques  en- 
droits :  car  en  vn  lieu  il  dit  que  l'eau  que 

les 


DES  Fontaines.  17 
les  fleuves  &  les  lontaines  font  C  juler 
durant  vue  année  lurpaflè  en  grandeur 
toute  la  Terre ^  Et  en  vn  autre  il  dit, 
qu'il  y  a  des  concavitez  dans  la  Terre  > 
ou  il  y  a  de  grands  lacs  qui  peuvent 
fournir  des  eaux  aux  fontaines  &  aux. 
rivières ,  il  eft  tres-inutile  de  faire  cet- 
te remarque  &  de  fonger  à  vn  fi  foible 
fècours  que  celuy-là, au  mefme temps 
qu'il  dit  que  les  eaiLX  des  fontaines  & 
des  rivières  furpnflent  en  grandeur  tou- 
te la  Terre  :  Car  comme  il  eft  certain 
qu'il  y  a  peu  de  ces  lacs  (  s  il  eft  vray 
qu'il  y  en  ait,  )  &  que  ces  lacs  ne  peu- 
vent faire  quvne  tres-petitepomon  de 
la  Terre ,  le  fecours  qu'ils  donneroient 
aux  fontaines  &  aux  fleuves  feroit  de 
nulle  confideration.&ne  menteroit  pas 
d'entrer  en  compte  dans  cette  immen- 
fe  effufion  qu'il  (uppof e  ;  &  puis  avec 
tout  cela  il  hudroit  que  ces  lacs  fui- 
fènt  plus  élevez  que  les  fleuves ,  pour 
qu'ils  pufîent  y  fau'e  couler  leurs  eaux  3 
&  fi  cela  eftoit ,  les  Lies  en  auroient 
moins  de  capacité ,  puis  qu'ils  ne  pour- 
roient  eftre  que  fous  les  montagnes  au 
deffus  des  plaines  j  &  cependant  il  dit 
qu'ils  font  fous   la  terre  ,  (ans   faire 

B 


t8  De  l'Origine 

diftinétion  de  montagaes,  ny  parler  Je 
leur  élévation  au  deflus  de  la  fource 
des  fleuves:  mais  qui  a  jamais  trouvé  de 
ces  lacs  ? 

En  vn  autre  lieu  il  veut  que  cette 
prodigieule  quantité  d'eau  fe  rafle  d'air 
coxidensé  réduit  en  humidité ,  qui  fe 
mettant  en  petites  gouttes  dans  les  ca- 
vernes de) la  Terre  ,  &  ces  gouttes  le 
joignant  enfemble  viennent  enfin  à 
couler.  Envn  autre  il  dit,  que  la  Ter- 
re eft  feiche  ,  &  que  Thumidité  qu  elle 
a  &  qu'elle  rend  en  vapeurs  quand  elle 
eft  échaufiée  pour  produire  ces  eaux, 
luy  vient  des  eaux  de  la  pluye  qu'elle 
boit,  fi  cela  eft  de  la  forte,  il  n'y  aque 
les  pluyes  qui  puiflènt  caufer  les  fon- 
taines, puis  qu'il  n'y  a  quelles,  félon 
luy-mefme,qui  puiflentdonnerde  Thu- 
midité  à  la  Terre  pour  rendre  des  va- 
peui's  capables  de  produire  de  l'eau. 
L'on  peut  donc  conclui'e  fiiivant  Ion 
fèntiment  meffne,  qu'il  pleut  fuffiiam- 
ment  pour  faire  couler  les  fontaines  ôc 
les  rivières ,  &  que  cette  immenie  quan- 
tité d'eau  des  rivières  pendant  vne  an- 
née ,  n  eft  pas  telle  qu'il  la  croit ,  ou 
bien  quelle  peuteftre  produite  parles 


D  Ë  s    FON  T  A  I  N  E  s.  I9 

pluves,  ce  qui  eft  contraire  a  ce  qiul 
fenible  avoir  voulu  prouver. 

le  ne  veux  pas  ni  arrefter  à  ce  que 
luv  objeaent  Boiti  Cardan,  Scaliger, 
Agncola  ,  Valefius  ,  touchant  cette 
converfion  d'air  en  eau  ,  Us  diient  que 
tout  l'elentent  de  l'air  ne  pourroit  pas 
(iiffire,  eftant  converty  en  eau  ,  à  l'é- 
coulement de  toutes  les  rivières  &  de 
toutes  les  fontaines  pendant  vne  jour- 
née leulement  j  Scaliger  en  rapporte 
la  preuve  pour  tous,  &  dit,  qu'il  croit 
qu'il  faut  pour  faire  vne  partie  deau, 
dix  fois  autant  d'air  ;  &  que  cela  eftant, 
il  ne  fe  trouvera  point  dans  la  terre,  de 
lieu  dix  fois  plus  grand  quelle.  De 
plu':s,  que  cet  air  changé  en  eau  ne  te- 
nant plus  que  la  dixième  partie  du  lieu 
qu'il  occupoit  eftant  air ,  il  refteroit  du 
vuide,  &  qu'il  eft  mal-aise  de  dire  par 
quelles  ouvertures  il  reviendroit  d'au- 
tre air  :  mais  ces  objedions  font  de 
mauvâife  foy  ,  tant  à  l'égard  de  cette 
converfion  qu'ils  prétendent  qu  Ari- 
ftote  ait  crue  ,  que  ce  \^ide  quelle 
cauferoit  dans  la  terre:  car  comme  la 
fort  bien  remarqué  Lidiat  auteur  mo- 
derne &  de  ce  fiecle,  dont  je  parleray 

B  y 


10  De   l'Origine 

cy  après,  Anftote  n'a  point  dit  abfolu- 
nient  que  Tair  eftoit  changé  en  eau, 
mais  bien  lair  humide,  c'eft  à  dire, 
que  l'humiditè qui  eft  méfiée  avec lair, 
fe  ramalTe  enfemble  dans  les  cavernes 
de  la  terre ,  &  fait  de  leau  ;  &  ce  qui 
donne  lieu  à  l'entendre  de  la  forte  efb 
que,  comme  nous  venons  de  dire,  il 
dit  en  vn  autre  endroit ,  que  la  Terre 
qui  eft  feiche  de  fbn  naturel,  n  a  point 
d'humidité  pour  caufer  ces  vapeurs  que 
celle  qui  luy  vient  par  les  eaux  de  la 
pluye  qu  elle  a  beuë.  Il  s'enfiiit  donc 
que  quand  il  a  dit  que  Pair  fe  chan- 
geoit  en  eau ,  il  faut  entendre  l'air  hu- 
mide, ou  plûtoft  rhumidité  avec  la- 
quelle il  eft  méfié.  Pour  ce  qui  eft  du 
vuide  quecauferoit  cette  mutation,  il 
n'y  a  pas  dequoy  y  trouver  de  la  diffi- 
culté :  car  puis  que  cette  mutation  telle 
quelle  foit,  fe  fait  petit  à  petit  comme 
il  Ta  dit,  l'air  entrera  de  mefine  petit  à 
petit  dans  les  lieux  ou  elle  fe  fera ,  & 
il  ne  fe  trouvera  point  de  vuide  com- 
me ils  prétendent. 

La  remarque  que  fait  Ariftote  qu'il 
y  a  des  rivières  au  pied  de  toutes  les 
grandes  montagnes  &  que  de  grands 


DES  Fontaines  h 
fleuves  y  prennent  naiflance ,  ne  prou- 
ve rien  de  Ion  pnnape  :  car  Ton  ne 
fçauroit  de  là  tirer  aucune  confequen- 
ce  que  toutes  ces  eaux  viennent  de  l'air 
condensé  &  changé  en  eau. 

EPICVRE. 

EPicure  dans  Ton  Epiftre  a  Pytoclus, 
rapportée  par  Diogene  Laerce ,  dit 
que  les  eaux  des  fontaines  &  leurs  écou- 
lemens  continuels  peuvent  eftre  en- 
gendrez à  leurs  lources ,  ou  de  ce  que 
des  eaux  venant  de  plus  loin  continuel- 
lement mais  petit  à  petit ,  s'aflemblent 
&  coulent  enfemble  fous  la  terre  en 
ce  lieu-là ,  ou  de  ce  qu  il  y  a  en  cet  en- 
droit-là  meime  vne  grande  quantité 
d  eau  amafsée  ,  qui  peut  fournir  à  cet 
écoulement  continuel ,  &  que  tous  les 
grands  fleuves  font  caufez  par  ces  ruif^ 
féaux  quoy  que  petits  chacun  en  par- 
ticulier 3  lefquels  coulant  fur  la  pente 
des  collines  fe  rendent  les  vns  dans  les 
autres ,  &  enfin  s'afl^mblent  tous  dans 
vn  canal  pour  faire  vn  grand  fleuve. 

Reflexions  fur  ^opinion  eCEpicure. 

Tout  ce  qu  on  peut  inférer  de  ce 


îi        De  -l'O  r  I  g  I  n  e 

que  dit  Epicure  eft  quil  croit,  que  les 
fources  loiit  causées  par  l'amas  des  eaux 
fbuterraines ,  qui  s'vaifîaat  les  vues  aux 
autres  font  ces  écoulemens  qu'on  ap- 
pelle foataiiies ,  de  mefine  que  les  fleu^ 
ves  font  caufez  par  laflèniblage  des 
ruiflèaux  qui  coulent  des  (ources  &  des 
fontaines  :  car  pour  ce  qui  eft  de  l'o- 
rigine de  l'eau  qui  compofe  l'va  ôc 
l'autre  il  n'en  parle  point. 

VITRVVE. 

QVoy  que  Vitruve  naît  pas  fait 
profenTionde  laPhilofbphie^nean- 
moins  fon  livre  d' Architecture  qu'il  a 
laifié  à  la  pofterité  eft  remply  de  tant 
de  remarques  &  recherches  curieufes 
que  l'on  peut  écouter  fbn  avis  touchant 
les  fontaines ,  (inon  comme  celuy  d Va 
Philofophe,  du  moins  comme  celuy 
d'vn  homme  de  bon  fens  qui  avoit  vne 
grande  expérience  &  beaucoup  de  le 
<5lure.  Il  paroift  donc  dans  le  huitième 
livre  de  fon  ArchiteclurejOÛ  il  parle  des 
fontaines  &  de  leurs  qualitez,  qu'il  croit 
qu  elles  fo.it  causées  par  les  eaux  de  la 
pluye  &  de  la  neige  de  fhyver ,  qui 
traverfant  la  terre  &  s^arreftant  aux 


DESFONTAINES.  23 

lieux  folides  &  non  ipoîi2;ieux,vie  laeat 
à  couler  par  les  fources.  Qae  ces  pluyes 
tombent  ordinairement  fur  les  monta- 
gnes ,  ou  elles  s'arreftent  dans  les  lieux 
creux,  ou  il  croift  beaucoup  d'arbres 
qui  y  confervent  la  neige  tort  long- 
temps, laquelle  le  fondant  peut  à  petit 
s'écoule  inlenfiblement  par  les  veines 
de  la  terre,  &  que  cette  eau  eftant 
parvenue  au  pied  des  montagnes  y  pro- 
duit les  fontaines. 

Reflexions  fur  l' opinion  de  Fit  raye. 

Le  fentimentdeVitrlive  eftle  Cq-i- 
timent  ordinaire ,  &  de  la  façon  qu'il  le 
conçoit  &  tous  ceux  qui  font  de  cette 
opinion  ,  Ton  y  peut  trouver  deux 
grandes  difficultez  ^  l'vne  quil  fuppofe 
la  pénétration  de  la  terre  par  les  eaux 
de  la  pluye,  que  j'oferay  dire  neftre 
ni  véritable  ni  pofTible  ,  l'autre  qu'il 
fuppofe  aufli  vue  quantité  fulBlante  de 
ces  mefmes  eaux  de  pluye  pour  four- 
nir aux  écoulemens  continuels  des  fon- 
taines ,  ce  qui  n  eft  point  véritable  non 
plus  3  &  parce  que  dans  la  fuite  nous 
verrons  plus  amplement  la  preuve  de 
ces  deux  difficultez ,  nous  n  en  dirons 


24  De   l'O  r  I  g  I  n  e 

pas  davantage  prefentemeiit. 

SENEQVE. 

SEnequea  parlé  fort  amplement  fiir 
cette  matière ,  mais  il  y  a  plus  d  é- 
iegance  dans  la  manière  avec  laquelle 
il  a  expliqué  fbn  opinion ,  qu'il  n'y  a  de 
vray-femblance.  Il  n eft  pas  de  lavis 
de  ceux  qui  croyent  que  ïeau  des 
pluyes  &  des  neiges  Toit  le  principe  & 
l'origine  des  fontaines.  II  en  rapporte 
leurs  railbns  qu  il  reftite  &  dont  nous 
dirons  quelque  chofe  en  Ton  lieu  ;  ea- 
fiiite  il  dit  qu'il  y  en  a  qui  croyent ,  & 
c'eft  aufîl  fon  avis  ,  que  dans  la  terre 
il  y  a  de  grandes  concavitez  &  beau- 
coup d'air,  lequel  a  caufe  de  la  graade 
ombre  dans  laquelle  il  eft  &  de  la  gran- 
de froideur  de  ces  lieux- la ,  &  aiiffi  à 
cauie  que  cet  air  n'a  aucun  mouve- 
ment ny  aucune  agitation,  eft  con- 
verty  en  eau  ;  de  mefine  que  nous 
voyons  fur  la  Terre  que  les  lieux  ren- 
fermez &  inhabitez  lont  humides ,  & 
que  l'air  qui  y  eft  fe  convertit  en  eau, 
Quelairqui  eft  icy-haut,  à  caufe  de 
l'agitation  continuelle  dans  laquelle  il 
eft  par  les  vents  dont  il  eft  poufié ,  & 

par 


DES  Fontaines.  25 
gar  la  chaleur  du  f bleil  qui  le  dilate , 
le  trouve  rarement  dans  cette  oifiveté 
neceflaire  pour  ce  changement  en  eau , 
&  c'eft  pourquoy  aulTi  il  ne  pleut  pas 
contmuellem-ent  :  m.ais  fous  la  terre  oii 
il  y  a  vne  ombre  perpétuelle ,  va  froid 
éternel ,  &  vne  continuelle  épaifieur 
fans  mouvement,  il  eft  facilement  coa- 
verty  en  eau 3  &  c'eft,  à  ce  qud  dit,  ce 
qui  donne  naifîance  au  cours  continuel 
des  Fontaines  &  des  Rivières.  Il  croit 
de  plus  que  la  terre  fe  peut  changer  en 
E  au,  &  que  les  vapeurs  qu'elle  exhale 
s'épaifTjflant  à  cauTe  qu'elle  les  rend 
dans  vn  air  enfermé  &  contraint ,  & 
non  émeu  &  agité  3  le  changent  incon- 
tmant  en  eau  :  Car,  dit-il,  toutes  chofes 
fe  fopA  de  toutes  chofes  ;  l'air  le  fait  de 
Peau,  &  le  feu  de  lair  3  l'air-fe  fait  aufîî 
du  feu ,  pourquoy  la  terre  ne  fe  fera- 
t-elîe  pas  de  l'eau ,  &  Peau  de  la  teiTe  f 
Car  fi  la  terre  le  peut  changer  en  quel- 
que choie  ,  ce  fera  principalement  en 
eau.  Elles  ont  toutes  deux  celade  com- 
mun ,  que  l'vne.  &  l'autre  eft  épaiflè  & 
pelante  &  rangée  au  lieu  le  plus  bas  de 
r  Vnivers  3  ii  de  l'eau  il  le  fait  de  la  terre, 
pourquoy  de  la  terre  ne  fe  fera-r-il  pas  - 

C 


26  I>E    l'O  R  I  g  I  N  E 

de  l'eau  ?  Qnand  on  confidere ,  cotiti- 
nuè-t-il  5  les  fleuves  ,  leur  grandeur , 
&  la  quantité  qu'il  y  en  a  dans  le  Mon- 
de '■  comment  ils  coulent  toujours  avec 
abondance  &  avec  rapidité  ,  l'on  eft 
dans  vn  grand  eftonnement ,  &  Ton  a 
de  la  peine  à  s  imaginer  d'où  ils  peu- 
vent venir,  &  ce  qui  peut  leur  fournir 
tant  d'eaux  nouvelles  pour  entretenir 
leur  cours.  Mais  que  dira-t-on  de  voir 
lair  chaise  continuellement  par  les 
vents  avec  violence ,  non  pas  dans  va 
canal  borné  &  limité  comme  les  riviè- 
res ,  mais  par  toute  la  vafte  eftendue* 
du  ciel  ?  &  cependant  il  ne  manque 
point  d'air  pour  (iicceder  à  celuy  qui  eft 
chafsé  ,  &  la  raifon  eft  ,  qu'il  retourne 
en  luy-mefine  :  car  les  élemens,  dit-il, 
ont  des  retours  alternatifs  &  coniecu- 
tifs  les  vns  aux  autres ,  ce  qui  périt  pour 
Fvn  tourne  à  profit  à  l'autre.  La  Na- 
ture ,  continu'é-t-il ,  tient  comme  dans 
vne  balance  les  parties  dont  elle  eft 
composée  ,  defquelles  elle  tâche  de 
conierver  l'équilibre,  de  crainte  que 
s'il  venoit  à  s'altérer ,  le  Monde  ne  per- 
dift  aufli  Ton  équilibre  duquel  dépend 
là  conrervation.  Toutes  chofes,  ajoute- 


DESFONTAINES.  1/ 

t-il,  font  dans  toutes  chofesj  l'air  ne  le- 
chan2;e  pas  feulement  en  feu ,  mais  il 
n  eft^jamais  fans  feu,  fi  on  luy  ofte  la 
chaleur  il  durcit  Sc^demeure  fans  mou- 
vement; fair  ne  le  change  pas  feule- 
ment en  eau ,  mais  il  n'eft  jamais  ians 
eau;  laterrefaitdeFeau&derair,  & 
n'eft  jamais  fans  eau&iàns  air,  &  ce 
paflage  de  l'vn  en  fautre  luy  eft  d'au- 
tant plus  facile  qu  elle  eft  déjà  méfiée 
avec  celuy  auquel  elle  doit  paflèr.  La 
terre  a  donc  en  elle  de  1  eau  qu'elle 
peut  faire  lortir ,  elle  a  de  l'air  qu'elle 
épailTit  par  le  moyen  de  fombre  &  du 
froid  pour  en  faire  de  leau ^  &  enfirn 
elle  fe  change  elle-mefine  pai*  la  difpo- 
iition  qu  elle  a  de  fa  nature  à  fe  chan- 
ger ,  en  quoy  elle  ne  fait  qu'\^er  de  fes 
diroits.    Seneque  ayant  eftably  de  la 
forte  fon  opimon ,  fe  tait  deux  obje- 
ctions. La  première  eft  contre  ce  qu'il 
dit ,  que  r ombre  &  l'oifiveté  font  que 
l'air  fe  convertit  en  eau,  &  à  ce  lujet  il 
rapporte  que  Theophrafte  dit ,  qu'au- 
trefois le  mont  Hemus  eft  oit  fec  &fan$ 
eaux:  mais  que  les  Gaulois  s'y  eftant 
retirez  ,  pomfuivis  qu'ils  eft  oient  par 
C  affandus ,  coupèrent  les  forefts  &  les 

Cij 


a8         De   l'O  r  I  g  in  e 

bois  dont  cette  montagae  eftoit  cou- 
verte 5  d'où  il  fortit  vue  très-grande 
abondance  d  eaux.  L'on  crut  que  la 
cauie  de  cela  eftoit  que  Teau  que  Ton 
voyoït  couler  alors ,  avoit  efté  retenue 
par  les  bois  pour  leur  nourriture  parti- 
culière avant  qu'ils  fuflent  coupez;  & 
que  les  bois  n'y  eftant  plus ,  cette  nour- 
riture {iiperfluc  s'écouloit  de  cofté  & 
d'autre  ,  &  faifoit  ces  ruiileaux  nou- 
veaux &  extraordinaires  ;  &  il  ajoute 
que  pareille  chofe  arriva  auilî  en  la 
Magaefie  au  rapport  du  mefme  Theo- 
phrafte. 

La  confèquence  que  Ton  pouvoit 
tirer  de  ce  fait  eft ,  que  fi  le  principe 
que  Seneque établit,  (cavoir  l'ombre 
&  roifiveté  de  l'air ,  eftoit  véritable 
pour  le  convertifîement  de  F  air  en  eau, 
il  auroit  deu  arriver  le  contraire  de  ce 
que  Theophrafte  rapporte  :  car  au  lieu 
que  tant  que  le  mont  Hemus  a  efté 
couvert  de  forefts  ,  il  n'a  point  paru  y 
avoir  d'eau  ;  l'ombre  &  i'oifiveté  de 
l'air  qui  ibnt  continuellement  dans  les 
boii  devroient  en  avoir  produit  en  a- 
dondance  dans  ces  forefts  3  3c  au  con- 
traire il  ti  auroit  pas  dû  y  avoir  d'eau 


D  E  s    FO  N  T  A  I  NE  s.  ip 

après  k  def^rudion  de  ces  forefts ,  puis 
que  l'ombre  a  y  eftoit  plus ,  de  que  hiir 
fe  trouvant  par  ce  moyen  exposé  à  l'a- 
citation  des  vents ,  &  à  la  dilatation  diî 
ioleil  n'eftoit  pas  difposè  à  eftre  chan- 


ge en  eau 


Seieque  répond  à  cette  objeclion, 
en  le  laTchant  vn  peu  contre  Theo- 
phrafte,  &  difànt ,  que ,  ne  luv  en  dè- 
plaife ,  il  n'y  a  pas  de  vraifemblance  à 
ce  qu'il  raconte ,  pource  qu'il  eft  cer- 
tain ,  dit-il  ,  que  tous  les  lieux  ombra- 
geux font  toûpurs  humides;  ce  qui  ne 
ièroit  pas  véritable  f\  les  arbres  des  fo- 
reils  delleichoieit  cette  humeur  pour 
leur  lei-vir  d'aliment  :  outre  que  des  ar- 
bres coupez  devroient  conliimer  da- 
vantage d'humidité, en  ayant  plus  de  be- 
foin  pour  croiftre  que  pour  fe  nourrir 
feulement;  &  de  plus ,  que  les  rivières 
prennent  leur  naiflance  bien  plus  bas 
que  ne  peuveit  aller  les  racines  des 
arbres. 

L'autre  objection  eft  du  mefrne 
Theophrafte ,  qm  dit  qu'il  arriva  a  peu 
prés  la  mefine  chof  è  vers  vne  ville  de 
Candie  nommée  Arcadie,  ou  les  fon- 
taines &  les  lacs  des  environs  demeure-. 

C  uj 


30  De  l'Origine 

rent  à  fèc,  à  caufe  que  la  ville  ayaat 
efté  ruinée  ,  les  teixes  d'alentour  de- 
meurèrent incultes  3  &  que  peu  après , 
lors  que  le  peuple  y  fut  retourné,  &:  eut 
labouré  les  terres  à  l'ordinaire,  les  fon- 
taines recommencèrent  à  couler.  La 
raifon  qu'il  en  rapporte  eft ,  que  la  ter- 
re, faute  d'eftre  cultivée  devint  telle- 
ment dure  par  le  deflùs  que  les  eaux 
delà  pluye  ne  la  pouvoient  pénétrer  & 
s'ccouloient  ainfi  inutilement. 

Mais  Seneque  répond ,  que  cette 
objection  ne  prouve  rien ,  pource  qu  il 
y  a  beaucoup  de  deferts  où  il  (e  trou- 
ve quantité  de  fontaines ,  &  qu'il  eft 
bien  plus  certain ,  qiie  l'on  habite  & 
cultive  les  lieux  à  caufe  des  fontaines 
qu'on  y  rencontre,  qu'il  neft  certain 
que  les  fontaines  s'y  engendrent  a  caufe 
de  la  culture  des  terres. 

Re flexions  fur  l'opinion  de  Seneque, 

S'il  n  y  avoit  point  de  plus  fortes  ob- 
je(5fcions  à  faire  contre  cette  opinion 
que  les  deux  que  luy  fait  Theopnrafte, 
ce  feroit  peu  de  chofe.  Deux  cas  fingu- 
liers  chacun  en  leur  efpece ,  dont  meP- 
me  la  vérité  n  eft  pas  trop  conftante  j  & 


DES  Fontaines.  ^t 
dont  Seneque  veut  douter,  ne  feroient 
pas  lufHfans  pour  y  donner  étreinte; 
ces  cas  pourroient  avoir  leurs  rations , 
qu  il  feroit  aisé  de  découvrir ,  fi  le  fait 
cftoit  bien  examiné  :  mais  la  difficulté 
eft  dans  la  transmutation  de  ces  éle- 
mens  les  vns  aux  autres ,  laquelle  vé- 
ritablement eftoit  conforme  a  la  Phy- 
fique  de  fon  temps  :  mais  on  eft  à  pré- 
sent bien  revenu  de  ces  maximes  an- 
ciennes ,  on  croit  bien  que  la  terre 
&  leau,  lair  &  le  feu,  font  capables 
de  meflange  des  vns  avec  les  autres , 
mais  non  pas  de  changement  de  Tvii 
en  lautre;  &  toutes  les  raiions  quei 
rapporte  Seneque,  font  plûtoft  raifons 
de  Déclamateur  que  de  Phyficien.  La 
comparaifon  qu'il  tait  de  lair  pQufsé  par 
le  vent  ne  prouve  &  n'explique  en  au- 
cune façon  le  cours  continuel  des  ri- 
vières :  il  ne  parle  que  d'vne  fimple 
agitation  ,  femblable  à  celle  de  l'eau 
d'vn  lac  ou  d'vn  étang  agitée  par  le 
y^nt^  laquelle  lemble  couler  à  caule 
que  le  deflus  eft  poufsé  d'vn  cofté  à 
l'autre  y  mais  où  il  ne  fe  fait  point  pour 
cela  de  nouvelle  production  &oû  c'eft 
h  mefme  qui  revient  toujours ,  &  qui 

C  iuj 


32,         D  H   l'O  r  I  g  I  n  e 

kiit  celle  qui  la  devance.  Il  e:i  eft  de 

mefîne  de  l'air  poufsê  par  le  ve.it. 

PLINE. 

PLine  qui  a  obfevé  fi  (oigiieufe- 
meat  les  chofes  de  la  Nature ,  peii- 
fe  celle-cy  tout  autremeitque  Se:ie- 
que  :  car  îans  le  mettre  en  peine  com- 
me luy  de  la  génération  des  eaux ,  il 
ne  s'applique  qua  trouver  les  caufesde 
leur  élévation  au  haut  des  montagnes. 
Il  croit  qu'il  y  en  a  deux ,  l'vne  qui  eft: 
l'air  ou  le  vent  qui  poufle  l'eau  &  l'éle- 
vé en  haut  ;  l'autre,  qui  eft  le  poids  de 
la  Terre ,  qui  agiflant  iur  l'eau  la  fait 
aulîî  monter. 

Reflexions  fiir  r  opinion  de  Pline, 

La  première  caule  pourroit  eftre  re- 
cevable ,  fi  l'on  connoifloit  l'origine  de 
ces  vents  &  de  ces  eaux  :  car  il  fe  pour- 
roit iaire  que  le  vent  eftant  enfermé 
dans  les  concavitezde  la  Terre  où  il  y  a 
dei'eau5&  venant  à  s'augmenter,  poûf^ 
feroit  l'eau  en  telle  forte  qu'il  la  feroit 
monter  jufque  au  haut  des  montagnes 
les  plus  élevées ,  Comme  il  arrive  ea 
quelques  machines  Hydrauliques ,  où 


DESFONTAINIES.  3^ 

ae  l'ecui  eftant  mife ,  &  de  Tair  y  eftant 
pDufsé  enriiite,  reauei  fort  avec  vio- 
leace ,  beaucoup  au  defliis  de  la  ma- 
chine: mais  cela  ne  dure  qu'autant  que 
l'air  que  Ton  v  a  poufsé  demeure  preisé  : 
caraufTi-toft  qu'il  eft  foiti  allez  d'eau 
pour  faire  que- l'air  puiiïe  reprendre  fa 

f)lace  &  fe  tirer  de  contrainte ,  l'eau  ne 
brt  plus;  &  ainfi  il  faut  toujours  re- 
nouveller  leau  afin  de  remettre  l'air  en 
contrainte,  &  l'obliger  àpoufîèr  l'eau 
pour  ravoir  fa  liberté.  Il  eft  donc  que- 
ftion  icy  de  fçavoii' ,  comment  après 
que  la  première  impulfion  de  l'air  aura 
chafsé  l'eau  en  haut,  il  pourra  y  en  re- 
venir d'autre  :  car  ilfe  fait  vne  pareille 
violence  pour  faire  entrer  Veau  dans 
ces  machines  qu'il  s'en  fait  quand  elle 
en  fort. 

Valezius  qui  eft  de  l'opinion,  de  Pli- 
ne à  cet  égard,  ajoute,  que  l'eau  eftant 
poufsée  de  la  forte  au  haut  des  monta- 
gnes, y  eft  rereiué  dans  de  grands  re- 
fervoirs  qui  y  font. 

Outre  laVaifon  que  fay  rapportée 
contre  l'opinion  de  Pline ,  Lydiat  autre 
Philofophe  de  ce  fiecle,  dont  je  parle- 
ray  cy-aprés  ,  la  combat  encore  par 


54  De  l^Origine 

d'autres  raiforts  qu  il  rapporte  dans  va 
fçavant  Traité  qu'il  aJait  de  l'Origine 
des  Fontaines ,  imprimé  à  Londres  en 
1(^05.  Il  dit  5  que  le  vent  ne  s*éleve 
point  par  vn  ordre  réglé  :  mais  de  met- 
me  que  tait  la  tempefle  fiir  la  mer, 
dont  les  périodes  font  inceitaines  ^  & 
qu  ainfi  il  n'y  a  aucune  apparence  de 
donner,  pour  caufè d Vu  efret  aufTî  ré- 
glé que  l'eft  le  cours  des  fontaines ,  le 
vent  qui  Feft  fi  peu  dans  fàprodudion. 
Et  d'ailleurs  5  qu'encore  qu'on  flippo- 
faft  qu'il  y  a  dans  Teau  va  certain  air 
impulfif,  comme  le  fiippofè  le  mefîne 
Valezius  &  quelques  autres  avec  luy , 
fuivant  le  ientiment  de  Pline^  cet  air 
qui  de  fa  nature  eft  léger ,  ôc  de  figure 
pyramidale  &  aigu'e ,  comme  il  le  dit , 
porteroit leau  qui  eft  pefànte  &  fluide 
a  fe  ranger  plûtoft  aux  coftez  des  ca- 
naux &  des  cavernes  des  montagnes , 
qu'à  leur  fbmniet  5  puis  que  d'ailleurs  le 
vent  quelque  impétueux  qu'il foit ,  n  a 
jamais  élevé  les  flots  de  la  mer  dans  la 
plus  grande  tempefte^aurfi  haut  que  les 
montagnes  dont  on  voit  lortir  les  four- 
ces  :  ce  qu'il  pourroit  encore  moins  fai- 
re ^continuë-t-Uj  eftant  enfermé  dans 


DESFONTAINE^.  ^Ç 

des  canaux  étroits  &  recourbez,  com- 
me le  font  ceux  du  dedans  de  la  Terre. 
Quant  à  l'autre  caufe  qu  il  allègue , 
qui  Q.it  la  pefanteur  de  la  Terre,  (uivant 
lopinion  de  Thalez  qui  en  eft  le  pre- 
mier auteur  ,  au  rapport  de  Seneque, 
&  que  Bodin  &  Scaliger  ont  depuis 
fuivie ,  elle  eft  hors  de  toute  vraifem- 
blance  :  car  il  y  a  bien  plus  d'apparence 
de  croire  que  l'eau  pefe  fur  la  terre, 
que  de  dire  que  la  terre  peie  fiir  Teau , 
puis  qu'il  n'y  a  m  fontaine  m  rivière ,  m 
Mer  qui  n'ait  la  terre  pour  foûtien  & 
pour  fondement. 

SAINT     THOMAS 

-    &  les  Philofophes  de  Connimbre. 

SAint  Thomas ,  avec  les  Philofophes 
deConnimbre,difent  que  l'eau  de  la 
Mer ,  dont  toute  la  Terre  eft  pénétrée 
par  le  moyen  des  ouveitures  qui  y  font, 
eft  attirée  au  fommet  des  montagnes 
par  la  force  &  vertu  des  Aftre^  &  cela 
par  la  raiion,  dit  (aint  Thomas ,  que  les 
corps  inférieurs,  outre  leur  mouvement 
propre  &  particulier ,  iiuvent  en  quel- 
que façon  celuyd.çs  corps  fupeneiu'Si 


l6  De  l'O  r  I  g  I  n  e 
&  que ,  plus  le  corps  inférieur  eft  par- 
fait ,  plus  il  participe  au  mouvemeat  du 
fiiperieur  :  de  meime  qu'on  voit ,  dit-il, 
que  le5  corps  celeftes ,  outre  le  mouve- 
me  it  propre  &  particulier  à  leur  Tphe- 
re,  rerieanent  quelque  chofe  dumou- 
vemeat  de  celle  qui  eft  au  deilùs,  & 
par  larjuelle  ils  font  emportez. 

Les  Philofophes  de  Conmmbre  a- 
joute it  a  cela^que  la  Terre  de  Ton  cofté 
attire  auilî  i'eau  par  la  raifon  de  fa  gran- 
de ieicherefîe ,  &  aue  cette  eau  n'eft 
pas  élevée  au  haut  clés  mojitagaes  par 
vn  droit  chemin,  &  à  plomb  :  mais  par 
des  voyes  obliques,  tortues  &  recour- 
bées^ &  quainh  cette  élévation,  fe  fait 
partie  par  la  vertu  des  Aftres ,  partie 
par  la  faculté  attracSlive  de  la  Terre  qui 
la  fiicce  comme  feroit  vne  éponsie, 

Re  fier  mis  fur  l'opinion  defaint  Thomas 
&  des  Philofophes  de  Conramhre, 

Les  véritables  Phyf  ciens  nadmet- 
teit  aucunes  vertus  ny  facultez  aux 
orps  dont  ils  veulent  connoifire  ou 
expliquer  la  nature ,  pource  que  ces 
vertus  &  ces  facultez  font  aulTi  cachées 


D  E  s    FO  N  T  A  I  N  E  s.  57 

que  la  chofe  merme  que  l'on  cherche , 
de  louveit  ces  vertus  cachées  vUie  nous 
fiippoioas  lie  ioPxt  qu  vae  excuie  à  no- 
ftre  ignoraace.  C'eft  pourquo!}^  l'opi- 
niom  cy-defTus  dl  peu  fondée  a  cet 
égard;  les  vertus  que  les  Phyiicie  is  coa- 
noifleit  dans  les  Àftres  font  la  lumiè- 
re dans  le  Soleil ,  &  peut-eftre  aulli  Ja 
chaleur  ;  &  pour  la  lunnere  qui  eft  dans 
les  autres  Aftres,  elle  n'y  peut  eftre 
que  par  re'^exion  de  celle  du  Soleil, 
comme  elle  y  eft  évidemment  dans  la 
Lune.  Le  rapport  qu'il  y  a  du  flux  & 
du  reflux  de  la  Mer.  avec  les  accroilîe- 
mens  &  decroifiemens  de  cet  Aftre,  ne 
les  porte  pas  meime  a  luy  donner  vue 
vertu  particulière  pour  caufer  cet  effet 
fi  admirable;  ils  ne  s'arreftent  nulle- 
ment a  cette  apparence,  &  cherchent 
d'autres  raiions  plus  Iblides  &  plus  con- 
vaincantes :  c'eft  pourquoy  a  l'égard  de 
la  veitu  des  Aftres  il  n'y  a  pas  lieu  de 
fuivre  cette  opinicn. 

Pour  ce  qui  eft  de  la  feichereflè  de 
la  Terre  que  l'on  fuppofe  attirer  leau 
à  elle  par  des  chenu  is  détournez  & 
obliques  ;  quand  on  demeureroit  d'ic- 
cord  que  cela  ie  lait^  il  ne  s'eniuivroit 


5^  D  E  l'O  ri  g  I  n  e 
pas  pour  cela  que  les  Fontaines  puflent 
avoir  pour  principe  ce  (uccemcnt  de  la 
Terre,  puis  qu'il  eft  certain  par  expé- 
rience qu  vne  éponge  que  Ton  prend 
pour  exemple ,  ne  ki/îe  point  écouler 
hors  d'elle  l'eau  qu  elle  a  tirée  ,  non 
plus  que  la  terre  ou  le  fable  fec  quand 
ils  ont  attiré  de  l'eau ,  nonobftant  ce 
qu  en  dit  Magnanus. 

S  C  A  L  I  G  E  R. 

IVles  Scaliger  ,  dit  qu'au  commen- 
cement du  Monde  y  la  terre  eftoit 
toute  ronde,  couverte  &  environnée 
d'eau  par  tout  également,  &  l'eau  fem- 
blablement  environnée  d'air  3  &  que 
les  lieux  ou  eft  oient  fituez  ces  élemens 
eftoient  leurs  lieux  propres  &  naturels. 
Qiïaprés  cela  Dieu  creuia  la  Terre 
pour  y  faire  venir  la  Mer ,  &  que  de  ce 
qu'il  en  ofta  il  en  fit  les  montagnes  j  & 
comme  dans  ces  montagnes  il  y  avoit 
des  concavitez  &  des  cavernes ,  qui 
faiibient  tenir  à  la  Terre  plus  de  place 
qu'elle  n'en  occupoit  dans  fon  lieu  na- 
turel; Teau  qui  auparavant  l'environ- 
noit  également  par  tout ,  fat  contrain- 
te de  le  retirer  pour  faireplace  à  ces 


D  E  s    F  O  N  T  A  ï  N  E  s.  59 

montaG;aes  .dccaCo,  retirant  de  s  élev«r 
iur  la  propre  iuperncie.  Que  cette  eau 
élevée  de  la  forte ,  &  qui  n  eftoit  plus 
dans  Ion  lieu  naturel  &  propre ,  com- 
mença à  pefer  fur  lautre  ,  &  trou- 
vant dans  la  Terre  des  ouvertures  & 
des  canaux ,  monta  jufques  aux  embou- 
chures des  fources  qu'elle  fit  couler  ^ 
poufsée  qu  elle  eftoit  par  celle  qui 
eftoit  au  defllis  d'elle  ;  &  que  c  eft  de 
cette  façon  que  les  fources  ex  les  Fon- 
taines font  produites  fyr  la  Terre, 

Réflexions  fur  V opinion  de  Scaligcr. 

De  la  manière  que  Scaliger  expofe 
fa  pensée ,  il  faut  y  fappleer  beaucoup 
de  chofes  quil  ne  dit  pas.  Il  ne  parle 
point  des  diminutions  ny  des  accroif^ 
fem.ens  des  Fontaines.  Il  ne  parle  point 
aufll  du  de{ralement  des  eaux  de  la 
Mer  5  m  de  beaucoup  d'autres  difficuî- 
tez  qu'on  pourroit  trouver  dans  fon  o- 
pinion  :  mais  s'il  n'y  avoit  que  cela  à  re- 
dire >  il  feroit  aisé  de  le  fuppleer  en  fa- 
veur d'vn  perfonnage  comme  luv,  fi 
fçavant  en  toutes  choies.  Le  principal 
manque  au  fifteme  qu'il  propofe:  car 
qiund  on  le  luy  accorderoit  tel  qu'il 


40  D  E  l'O  r  I  g  I  n  e 
leftâblit ,  (ans  examuier,  pour  (bii  hon- 
neur ,  fi  ce  creuiemeiit  de  la  Terre  pour 
y  recevoir  des  eaux  pour  faire  la  Mer, 
a  pu  faire  monter  les  premières  eaux 
plus  haut  qu'elles  n'eftoient  au  C3m- 
meacement ,  quand  elles  eftoient  en 
leur  lieu  naturel,  comme  il  l'appelle; 
il  n'eft  pas  poffible  que  l'eau  de  la  Mer 
puft  monter  au  haut  des  montagnes  par 
la  feule  pefanteur  de  cette  eau  hors  de 
(on  lieu  naturel,  pource  que  cette  pe- 
fànteur  ne  peut  opérer  qu  vn  fimple 
équilibre  avec  l'autre  ;  c'eft  à  dire  que 
celle  qui  eft:  pouftée  ne  montera  point 
plus  haut  que  la  fùperficie  de  celle  qui 
la  pouffe  :  &  comme  cette  fùperficie 
n'eft  poiiit  plus  haute  que  les  rivages 
de  la  Mer ,  elle  ne  pouflera  de  l'eau 
que  jufques  à  cette  hauteur.  Cette  vé- 
rité eft  c:>nftante  &  ne  mente  point 
d'eftre  prouvée. 

CARDAN. 

CArdan  eft  aflèz  empefché  fiir  cette 
matière,  de  avant  que  d'en  dire  ioa 
avis  5  il  réfute  quelques- vnes  des  opi- 
nions que  nous  avons  déjà  rapportées; 
de  confiderant  la  quantité  eftonnante 

des 


DES    F  O  N  TA  I  N  I  S.  fl 

des  e:iux  des  Fontaines  &  des  Rivières, 
&la  manière  dont  on  prétend  qu  elles 
font  élevées  au  haut  des  montagnes ,  il 
dit ,  qu'il  fi'v  a  pas  d  appare  ice  que  le 
rex%x  de  la  Mer  puifle  chaffer  des  eaux 
juiques  au  haut  des  montagnes ,  com- 
me quelques-yns  le  difent  3  puis  qu'il 
n  }■  a  point  de  railon  pourquoy  ces  eaux 
avant  que  de  parvenir  en  ces  hauts 
lieux ,  ne  puiffent  pas  s'échapper  a  va 
cofté  ou  d'vn  autre  par  tant  d'ouvertu- 
res qui  font  dans  la  Terre ,  &  cela  d'au- 
tant plus  facilement ,  qu'eftant  pous- 
sées avec  violence  j  elles  doivent  cher- 
cher naturellement  leur  liberté  :  &  que 
le  mouvement  de  ce  reflux  ,  devant 
eftre  i'ort  violent  pour  chaffer  des  eaux 
fi  haut  &  fi  loin ,  donneroit  vn  ébi^an- 
lement  à  toute  la  Terre.  De  plus ,  qu  il 
ne  devroit  point  y  avoir  de  diminution 
dans  le  cours  des  Fontaines,  puis  que 
le  reflux  eft  ordinairement  égal.  Il  fou- 
tientauffi  que  depuis  le  temps  jjue  cette 
circulation  fe  fait ,  la  Mer  &  les  Riviè- 
res devroient  eftre  ieichées  par  la  cha* 
leur  du  Soleif  II  dit  auiTî  qu'il  n'y  a  pas 
d'apparence  que  les  pluyes  &  les  nei- 
ges puiflent  produire  Yne  aufTi  grande 

D 


4î         De   l'Origine 

quantité  d'eau  que  l'on  en  voit  couler, 
QujlI  eft  pareillement  incroyable  qu'il 
fe  puifle  faire  continuellement  vne  (i 
grande  génération  d  eau.  Enfin  il  fe  ra- 
bat À  dire  que  l'eau  s'engendre  &e{l 
produite  de  toutes  ces  caufes  enfem- 
ble  :  mais  que  la  principale  origine 
vient  de  l'air  qui  fe  change  facilement 
en  eau.  Que  l'eau  des  pluyes  augmen- 
te les  Rivières.  Que  les  rosées  du  ma- 
tin en  Efté,  &  les  bruines  en  Hyver, 
avec  rhumidité  de  la  nuit  y  contri- 
buent aufïj  beaucoup  ^  &  que  de  fait 
Ton  remarque  ,  que  les  fources  &  les 
Rivières  font  plus  foibles  le  fbir  que  le 
matin,  à  cauie  de  l'arrivée  du  Soleil 
qui  diflîpe  ces  humiditez ,  ce  qui  fe 
voit  principalement  au  Primtemps  & 
en  Automne  j  &  qu'ainfMes  eaux ,  qui 
au  dedans  des  montagnes  s'engendrent 
par  la  fraifcheur  des  pierres ,  &  au  de- 
hors par  celle  de  la  nuit,  viennent  à 
couler  infenfiblement ,  &  s  amaflant 
deçà  &  delà  en  petits  ruiiTeaux ,  font  vn 
fleuve  médiocre ,  &  que  plufieurs  de 
tels  fleuves  joints  enfemble  en  font  va 
grand.  Il  croit  auOî  que  rimpetuofité 
éi  reflux  de  la  Mer  pouiTe  des  eaux: 


DESFONTAINES.  4^ 

daas  la  Terre ,  qui  font  des  fources 
ri'eau  douce  ea  les  iaiiaat  paffer  à  tra- 
vers plufieurs  fortes  de  ten'e  ;  &  que 
quand  elles  perdent  leur  ialeure  & 
leur  amertume  ,  c'eft  moms  par  cette 
percolatioQ  que  par  la  rencontre  qu'el- 
les font  des  eaux  douces  de  la  pluve  ; 
&  à  ce  iiijet  il  remarque  trois  cauies  de 
ce  deflalement.  La  première  eft,  dit-il, 
la  pefanreur  du  fel  qui  le  fait  defcen- 
dre  au  fond  de  Peau  quand  elle  lïeft 
point  agitée  :  car  la  Mer ,  dit-il ,  ne 
confen'e  fa  Ialeure  dans  toute  fa  malTe 
que  par  Pagitaaon  de  ion  flux  &  reflux. 
La  féconde  caufe  cft  l'écoulement 
paifible  de  Teau  parniy  pluiieiu's  efpa- 
ces  de  terre ,  pendant  lequel  le  fel  def- 
cend  au  fond  &  y  demeure.  La  troi- 
sième efc  le  medange  des  eaux  douces 
des  pluye3  &  des  neiges  qui  le  rencon- 
trent en  chemin, 

Re flexions  fur  F  opinion  de  Cardan, 

Le  fentiment  de  Cardan  paroift  âC- 
icz  raiionnable,  &  d  autant  plus  ac- 
compagne de  bon  fèis ,  qu'il  veut  don- 
ner plus  d'vne  caule  à  vn  effet  auHl 
grand   qu'eft  l'écoulement  continuel 

D  u 


44         De  l'Or  i  g  i  n  e 

des  fourcesSc  des  Rivières  :  Et  de  vray^ 
il iiy  a  pDint  de Philoiophe  qui  ne fça- 
che  que  nea  ne  fe  produit  dans  la  Na^ 
ture  par  vne  (eule  caufe ,  Néanmoins 
quand  on  examinera  de  prés  celles  qu'il 
veut  eftablir ,  Ton  y  trouvera  beaucoup 
à  redire.  Car  premièrement,  celle  qu'il 
donne  pour  la  principale  qui  eft  le 
changement  d  air  en  eau ,  eft  fans  con- 
tredit la  moins  bonne  ^  ôc  pour  parler 
franchement  elle  ne  Teft  point  du  tout; 
pource  qu'il  ne  fè  fait ,  comme  il  a  eftê 
dit  cy-devant 5  aucune  mutation,  non 
feulement  d'air  en  eau^mais  de  quelque 
autre  ch  jfe  ]ue  ce  foit  en  vne  autre , 
telle  qu  elle  pu^fle  eftre.  Ce:te  maxi- 
me eft  veritab'eme it  fort  contraire  à  la 
Philofophie  des  fiecles  palîèz  :  mais  les 
expériences  qu'on  a  faites  de  tant  de 
choies ,  ont  découvert  &  afTurê  cet- 
te venté. 

A  l'égard  des  pluyes  il  ne  les  donne 
que  comme  vn  fecours  à  cette  pre- 
mxre  caufe  :  miais  ce  qu'il  dit  de  la  ro- 
sée du  Primtemps ,  des  bruines  de  l'Au- 
tomne &  de  la  fraifcheur  des  nuits ,  qu'il 
croit  augmenteer  vifiblement  le  coins 
des  Fontaines  &  des  Rivières  au  matta^ 


DHSFONTAINES.  45 

eT:  beaucoup  imagnaire  ;  car  il  n'y  a 
g  :ere  d'appareice  de  croire  que  des 
choies  auitî  légères  &  aufTi  peu  ioli- 
des,  que  le  font  la  rosée,  la  brume, 
&  la  fraiibheur  de  la  nuit,  ^uiiTent  faire 
croiftre  viïïblement  les  Riv: ères  au  ma- 
tin ,  puis  qu'a  peine  peuveit- elles  faire 
des  gouttes  d'eau  fur  la  p  )i  re  des  her- 
bes en  Efté,  &{iirles  filets  d*araigaé es 
qu'on  voit  fur  les  buiil  ms  e  i:\utDmp.e, 
où  elles  font  diffipées,  c^mmeil  dit 
luv-mefme ,  au  premier  regard  du  So- 
leil. Commeit  do:ic  pourroieit- elles 
augmenter    l'eau    dVne  Rivière  qui 
coule  ?  &  comment  a-t-il  pu  s'ei  ap- 
percevoir?  Il  devroit  dire  les  moyens 
dont  il  s'eft  iervy  pour  taire  cette  ex- 
périence, pource  que  je  tiens  que  ce 
n  eft  pas  vne  chofe  aisée  que  de  me- 
furer  de  l'eau  courante  ,  mefme  )ui^ 
ques  à  la  valeur  d Vn  poulce  ^  les  plus 
expérimentez  ont  de  la  peine  a  le  ren- 
contrer d'accord  en  vne  femblable  oc- 
cafîon.  le  l^ay  bien  que  ceux  qui  gou- 
vernent des  Moulins  liir  l'eau  aflurent 
que  leur  machine  eft  meueavec  plus 
de  rapidité  &  de  torce  le  matin  que  le 
foir  j  ôc  là  dellus  ils  ont  voulu  dire ,  que 


4<^         De  l'Origine 

l'eau  qui  k  faïf  oit  aller  couloit  avec  plus 
d  abondance  au  matin  quaufoir:  mais 
fi  ce  mouvement  eft  tel ,  qu'ils  difent 
comme  il  fe  peut  faire  ,  il  n'en  faut 
pas  attribuer  la  caufe  à  vne  augmen- 
tation d  eau  :  mais  pluftoft  à  la  fi'oi- 
deur  qui  eft  plus  grande  dans  l'eau  au 
matin ,  à  caufe  de  la  nuit  qui  eft  tou- 
jours froide  ,  qu'au  foir  qu'elle  eft 
échauffée  par  Je  Soleil  dujour,  &  cette 
froideur  ajouftantài'eau  vne  pefanteur 
nouvelle  fait  tourner  la  machine  plus 
vifte  &  avec  plus  de  force. 

Mais  pour  revenir  a  noftre  Auteur, 
ce  qui  eft  eftonnant ,  eft  qu'après  avoir 
refuté  avec  des  raifons  qu'il  croit  per- 
tinentes ,  l'efFet  qu'on  veut  donner  au 
flux  &  reflux  de  la  Mer  ,  il  eft  néan- 
moins contraint  d'y  avoir  recours ,  (ans 
répondre  aux  objections  qu'd  y  a  faites 
iuy-mefme,  &  principalement  à  celle 
de  l'ébranlement  qu'il  cauferoit  à  tou- 
te la  Terre  par  ia  violence:  comme  d^, 
pouf  y  avoir  joint  d'autres  caufes,  com- 
me le  changement  d'air  en  eau,  les 
rosées  &  les  brumes  avec  la  fraifcheur 
des  nuits ,  cet  ébranflement  ne  pouvoit 
plus  eftre  produit  par  cette  violence 


DESFONTAINES.  47 

qu'il  ne  ir  fi  confiderable. 

Les  Chimifres  ne  font  pas  d'accord 
que  Teau  de  la  Mer  fedeflale  fi  facile- 
ment que  le  preteiicl  aodre  Auteur.  Il 
eil  biei  vray  viue  l'on  en  peut  tirer 
le  Tel  fixe  ;  il  eft  vray  aulTi  que  fa 
pefàateur  le  peut  faire  deiceadre  au 
toad  de  l'eau ,  que  meime  il  peut  eftre 
arreii:è  dans  les  différentes  terres  par 
le(l]uelles  il  paffe  :  mais  le  fel  voIatiJe 
eft  tellement  attaché  a  l'eau ,  qu'il  ne  s'en 
peut  tirer  m  feparer  que  par  évapora- 
non  &  diftillation,  encore  faut-il  qu'el- 
le Toit  faite  lentement ,  autrement  le 
fel  la  iùivroit ,  &  leau  Ibrtiroit  lalée 
de  Falembic,  fi  l'on  luy  donnoit  le  feu 
trop  violent.  Il  eft  fouvent  tombe  des 
pluyes  falées,  de  du  fel  melme  des 
nuées ,  fur  la  Mer  &  lur  la  Terre  ,  par 
la  raifbn  de  la  grande  chaleur  du  Soleil 
qui  avoit  hafté  &  précipité  cette  eva- 
poration.  L'on  voit  auiTi  que  quelque 
le!  quon  ait  tiré  des  marais  iàlans,  leau 
qui  y  refte  eft  toujours  (àlée  autant 
qu'auparavant  ;  il  en  eft  de  mefmie  de 
celle  qui  refte  dans  les  chaudières  où 
le  fiel  fe  fait  avec  le  feu ,  comme  en 
Lorraine  ou  Franche-Comté  &  ailleurs. 


48  Dk  l'Origine 

Ce  n'eft  pas  que  quelques  Habiles 
Chimiftes  ne  difeit  que  l'eau  de  la 
Mer  fe  peut  deflaller  entieremeat  par 
percolation  daas  la  terre  :  mais  ils  veu- 
lent que  cette  percolation  foit  repérée 
dans  des  terres  différentes,  &  qu'elle 
fe  fafîe  de  bas  en  haut  ^  c  eft  à  dire  que 
l'eau  doit  monter  dans  la  terre  &  non 
pas  y  deicendre ,  &  c  eft  ce  qui  ne  ie 
peut  Elire  que  par  artifice ,  &  non  pas 
naturel  lement.  Aufïî  ceux  qui  ont  vou  - 
lu  donner  l'eau  de  la  Mer  pour  le  feul 
principe  des  Fontaines  ,  fuppolent  va 
grand  feu  fous  la  Terre  qui  la  fafle  di-, 
ftiUer,  comme  nous  ledironscy- après* 
Car  de  dire  que  la  rencontre  iies  eaux 
de  la  pluye  defîale  celle  de  la  Mer, 
il  en  faudroit  trop  pour  cela&  en  plus 
grande  abondance  que  celle  de  la  Mer 
mefine ,  &  en  ce  cas  ce  fecours  des 
eaux  de  la  Mer  ne  f  eroit  que  d'vne 
très-petite  confîderation ,  &  de  plus 
elle  ne  fer  oit  pasdefialée  entièrement. 
Georgius  Agiicola  eft  de  l'avis  de 
Cardan  j  II  dit  que  l'isau  eft  tres-fbu- 
vent  engendrée  dans  la  Terre  :  Que 
quelqueFDis  elle  provient  des  pluyes, 
mais  rarenieat  de  la  Mer. 

L'on 


DES  Fontaines.  49 
L'on  peut  remarquer  que  Cardan  a 
cm  que  lévaporation  de  l'eau  fe  fai- 
ioit  en  pure  perte  pour  Teau  fans  re- 
tour ,  quand  il  dit  que  la  Mer  devroit 
eftre  ieiche  &  les  Rivières  aufli  ^  de- 
puis le  temps  qu'elles  coulent  l'vne  & 
l'autre  par  circulation  ,  ce  qui  n  eft  pas 
félon  le  ieatiment  des  Philofophes  de 
ce  temps  icy, 

W.  DOBRZENZKI 

de  Nigro  ponte. 

IAcquesW.Dobrzézki  deNigro  pon- 
te 5  Bohémien ,  dans  ion  traité  De  la 
nouvelle  Philofophie  touchant  le  génie 
des  Fontaines ,  imprimé  à  Ferrare  en 
t  (^5 7 .  eft  de  l'opinion  de  Cai'dan  en  ce 
qui  eft  leulem^ent  de  la  condenfation 
&  changement  de  l'air  en  eau^  &  du  flux 
&  reflux  de  la  Mer ,  fe  fervant  des  niei- 
mes  rallions  que  luy  ^-à.quoy  il  ajoufte 
la  remarque  qu'il  a  faite  en  Sicile ,  au 
lieu  de  S  Cille  &  Canbde ,  où  l'on  voit, 
dit-il ,  vne  quantité  prodigieuie  d'eaux 
eftre  englouties  en  vn  moment  dans 
des  gouitres  &  cavernes  fpacieufes  ^  & 
dit  que  tant  d'eaux  n'entrent  pas  dans 
la  terre  inutilement ,  &  fans  eftre 

E 


ço  De  l'O  r  I  g  I  n  e 

rendues  par  quelques  autres  endroits, 
comme  leroieiit  les  Fontames.  Et  pour 
prouver  que  le  deflalement  des  eaux 
fe  fait  de  la  forte  que  le  dit  Cardan , 
parle  meflangedes  eaux  douces  quel- 
les rencontrent ,  il  dit  que  les  eaux  des 
Fontaines  ont  quelque  gouft  de  iel 
plus  elles  s'approchent  de  la  Mer ,  & 
au  contraire  qu  elles  en  ont  moins  plus 
elles  s'en  efloignent. 

Keflexkns  fur  t opinion  de 

Vy,  Dobr^en^kj. 

Ce  que  rapporte  noftre  Auteur,  de 
ce  qu'il  a  veu  en  Sicile  ,  ne  prouve 
rien  de  ce  qu'il  prétend.  Première- 
ment ,  fi  ces  eaux  font  englouties, 
comme  il  le  dit ,  &  comme  cela  peut 
eftre,ces  eaux- là  ne  peuvent  pas  fervir 
au  cours  non  feulement  des  Fontaines, 
mais  des  Rivières  meimes  3  puis  que  la 
Mer  eft  plus  bafle  qu  elles ,  &  que  ces 
eaux- là  descendent  dans  des  lieux  en- 
core plus  bas ,  puis  qu'elles  y  entrent  ^ 
volontiers ,  &  avec  tant  de  vîteffe. 
Secondement,  cette  liberté  avec  la- 
quelle elles  entrent  dans  ces  gouffres 
ae  les  peut  pas  obliger  à  monter  au 


DESFONTAIMES.  Çt 

haut  des  montagnes ,  comme  poiirroit 
faire  le  reflux  dont  la  violence  eft 
actuelle  :  Mais  le  flux  &  reflux  de  la 
Méditerranée  eft  tres-petit  &;  preique 
infenfible. 

Quant  aux  Fontaines  qui  font  moins 
falèes  plus  elles  s'éloignent  de  la  Mer , 
ce  n  eft  pas  à  caufe  que  les  eaux  de 
la  Mer  rencontrent  des  eaux  douces 
qui  les  défiaient  ;  mais  c'eft  pluftoft, 
&  avec  plus  de  vraifemblance ,  parce 
que  les  eaux  douces  de  la  Terre  ren- 
contrent davantage  d'eau  de  la  Mer 
plus  elles  en  approchent,  doû  elles 
en  font  plus  ou  moins  falées. 

lEAN    BAPTISTE 
W  A  n-He  l  m  o  n  t. 

IEan  Baptifte  Wan-Helmont ,  dans 
vn  Traité  qu'il  a  fait  fous  le  titre  de 
Principes  inoiiis  de  Phyfique  ,  a  vne 
opinion  bien  différente  de  celle  des 
autres  j  &  comme  elle  eft  finguliere , 
je  la  déduiray  icy  bien  au  long ,  &  à 
peu  prés  félon  fes  propres  termes. 

Il  n'appelle  pas  fontaines  toutes  for- 
tes d'écoulemens  d'eaux  ,  quoy  que 
continuels  :  comme  ceux  que  la  neige 

E  II 


52  De     l'O  R  I  G  IN  E 

fondue  ou  la  pluye  peuvent  caufèr  ^  il 
les  tient  trop  caiuels.  Il  veut,  dit-il, 
quelque  chofe  de  plus  vivant ,  &  en- 
fuite,  pour  expliquer  fa  pensée ,  il  dit  : 
Qiul  faut  premièrement  confiderer  la 
Terre ,  en  la  manière  qu'elle  fe  pre- 
fènte  à  nos  yeux ,  icy  noire ,  là  giife  ; 
icy  il  y  a  des  bois  &  des  forefts  :  là 
ce  font  des  prairies  ou  des  terres  la- 
bourables. Enfin  elle  a  autant  de  dif- 
ferens  afpecls ,  &  le  laifle  voir  en  au- 
tant de  façons  que  les  Climats  &  les 
Aftres  luy  en  peuvent  donner ,  &  le 
peuvent  permettre. 

Cette  terre  ainfi  diverlTfiée  ,  &  fi 
différente  d'elle-mefine  ,  n  eft  pas , 
dit-il  5  lelement  de  la  Terre,  mais  plù- 
toft  les  produélions  de  cet  Elément. 
Il  ajoute  que  n  Ton  creufe  profonde- 
ment, il  arrive  qu  après  avoir  rencon- 
tré, tantoft  beaucoup  de  terre,  tantoft 
du  fable ,  tantoft  des  pierres ,  l'on  par- 
vient enfin  jufques  à  vn  fable  pur  & 
net ,  qui  n'a  aucune  qualité  foit  métal- 
lique ou  autre.  Il  nomme  ce  fable  le 
dernier  fonds  de  la  Nature  qu'il  dit 
eftre  impénétrable  ,  &  que  Ion  ren- 
contre pourtant  aflez  fouvent  fur  la 


DE  s    FO  N  T  A  I  N  E  s.  5^ 

furface  de  la  Terre  ,  &  qui  ne  peut 
eftre  épiusé  ,  pource  qu'autant  qu'oa 
en  peut  tirer  &  vuider  l'eau  qui  s'y 
trouve  méfiée  ,  autant  il  en  revient 
pour  fucceder  au  premier  &  remplir 
la  place^  Il  conclud  donc ,  que  com- 
me ce  lable  eft  le  dernier  fonds  de  la 
Nature ,  auffi  le  continuë-t-il  jurqu'aii 
centre  de  la  Terre  ,  fi  ce  n'eft  que 
l'Enier  en  occupe  vne  partie. 

Que  ce  fable  eft  la  ventable  Terre, 
exemte  de  tout  changement  •  qu'il  eft 
CDmme  vn  crible  ou  vn  filtre  par  le- 
quel la  Nature  c  3ule  &  paffè  les  tre- 
lors  inépuiiables  de  fes  claires  &  net- 
tes eaux  pour  l'vlage  =de  l'Vnivers. 

Que  dans  ce  fable  il  y  a  vne  vertu 
Vivifiante  pour  les  eaux ,  qui  fait  que 
tant  qu'elles  y  demeurent ,  elles  font 
affranchies  des  loix  des  fituations  hau- 
tes ou  bafles ,  en  forte  qu'elles  ont  vn 
mouvement  gênerai  &  indiffèrent  pour 
toutes  les  parties  de  ce  fable ,  ce  qu  elles 
perdent aulTi-toft  quelles  en  font  for- 
cées, &,  fuivant  la  loy  des  chofes  pe- 
lantes ,  font  obligées  de  couler  dans  les 
lieux  bas  jufques  à  ce  qu'elles  fe  foient 
rendues  dans  la  Mer  ou  elles  demeu- 

E  iij 


54  De   l'Origine 

rent  en  repos. 

Il  dit  que  tout  ce  fable  ,  encore 
qu'il  s'en  trouve  qui  foit  élevé  jufques 
à  la  iurface  de  la  Terre,  &  que  mel- 
me  il  y  en  ait  qui  fok  monté  jufqu'au 
(ommet  des  plus  hautes  montagnes, 
enti'e  les  pierres  &  les  rochers,  garde 
"  toujours  la  propriété  vivifiante,  &  don- 
ne par  tout  des  eaux  vives  que  les  cha- 
leurs de  lEfté  ne  peuvent  diminuer. 
Et  que  comme  dans  le  corps  humain , 
lelangqui  eft  à  latefte ,  aux  pieds ,  &c. 
coule  indifféremment  fans  égard  m  du 
haut  ni  du  bas ,  Se  qu'auHî-toft  qu  il 
en  eft  forti  &  qu'il  eft  extravasé  ,  il 
devient  itijet  à  cette  fituation  des  lieuK 
&  à  la  loy  des  chofes  peiàntes  :  De 
mefme  cette  eau ,  tant  qu'elle  demeu- 
re dans  ce  fable  pur,  qui  eft  Ton  vé- 
ritable corps ,  coule  fans  peinedetous 
coftez,  fins  CDnnoiftre  ni  haut  ni  bas  : 
mais  fi  vne  fois  elle  vient  a  en  (brtir , 
elle  n'a  plus  de  repos  jufques  a  ce 
qu'elle  fe  Ibit  rendue  dans  la  Mer  oii 
elle  le  rencontre  pour  toujours ,  com- 
me au  lieu  le  plus  bas. 

Par  cette  nouvelle  Philofophie,  il 
prereiid  expliquer  le  paflage  du  Sage, 


DESFONTAINES  ^Ç 

qui  dit  :  Que  tous  les  fleures  partent  de 
la  Mer  ,   &  enfin  y  retournent  fans 
quelle  en/çit  plus  enflée.  Et  cet  autre 
de  la  Geiiefe ,  qui  dit  ;  //  y  a^ott  yne 
Tontdîne  qm  montoit  du  dedans  de  la 
Terre  pour  larrofer  ,  a  caufc  ^ue  le  Set* 
gneur  na^oit  pas  encore  fait  pleuvoir 
fur  la  Terre,  Il  prétend  auilî  par  cet- 
te Philofophie ,  donner  vne  explica- 
tion pertinente  a  cet  autre  paflage  de 
la  Genefe ,  où  il  eft  dit  :  -Que  Dieu  fepa^ 
ta  les  eaux  d'avec  les  eaux  :  car  il  dit 
que  l'Ecriture  appelle  Mer  Tamas  de 
toutes  les  eaux  en  vn  lieu ,  &  que  ce 
que  nous  appelions  Mer,  fur  quoy 
Ton  navige,  n'eft  qu  vne  petite  partie 
des  eaux  qui  ont  efté  créées  ^  &  pour 
cette  raifon  il  ne  1  appelle  qu  vn  cloa- 
que, &  prétend  que  le  véritable  anus 
des  eaux  eft  dans  ce  fable  pur,  lequel 
contient  à  peu  prés  tout  le  diamètre 
de  la  Terre ,  au  lieu  que  ce  que  nous 
appelions  Mer  ne  couvre  qu  vne  par- 
ue de  fa  fuperficie  ,  &  n'a  au  plus 
qu'vne  lieuë  ou  deux  de  profondeur  : 
Et  aiiili  qu'il  faut  dire ,  que  Dieu  a  fe- 
paré  la  Mer  invifible ,  qui  eft  ce  fable 
remply  d  eau,  d'avec  la  Mer  vifîble, 

E  liij 


^6        De    l'Origine 

qui  eft  rOcean,  les  fleuves  &  les  ri- 
vières qui  en  font  partie  ;  &  quec^eft-là 
véritablement  avoir  feparé  les  eaux 
d'avec  les  eaux. 

Il  dit  enfuite ,  que  les  eaux  des  Fon- 
faines  &  des  Rivières  eftant  enfin  en- 
trées dans  la  Mer  vifible ,  en  pénètrent 
le  fonds  pour  regagner  ce  fable  pur, 
&  rempli!-  la  place  de  celle  qui  en  eft 
fortie^  &  que  paflànt  par  beaucoup  de 
terres ,  elles  perdent  leur  fàleure  &  leur 
amertume.  Et  à  caule  que  ces  Fontai- 
nes &  ces  fleuves  en  coulant  lùr  la 
Terre  y  ont  laifsé  les  iemences  des 
minéraux,  &  autres  qualitez&  vertus; 
elles  s'en  retournent  promtement  dans 
la  Mer  de  dehors ,  pour  rentrer  aulîî- 
toft  dans  celle  du  dedans  (  ou  gifent 
les  femences  de  toutes  chofes  )  pour 
en  reprendre  de  nouvelles  ;  par  ou 
ion  voit  que  l'écoulement  de  TOceaa 
dans  ce  fable  vivifiant  n'eft  pas  inuti- 
le, &  que  Ton  peut  atti'ibuer  aux  vns 
&  aux  autres  vne  manière  d  entende- 
ment, pour  faire  chacun  fî  bien  Ton 
devoir,  &  principalement  à  l'Océan , 
que  Ton  peut  dire  avoir  vne  vie  à  fà 
modc;  puis  qu'à  des  temps  certains  & 


DESFONTAINES.  Ç7 

afïïirez ,  &  e:i  obrervant  exactement 
les  divers  changemens  de  la  Lune ,  il 
élevé  luv-niefine  Tes  eaux  au  milieu 
de  ion  eilenduë,  lors  mefme  qu  Une 
fait  point  de  vcnt^  &  contre  lequel  il 
ne  laifle  pas  de  pouffer  Tes  flots  &  les 
élever  de  collé  &  d'autre  par  vne  vi- 
ciiTitude  de  mouvement ,  variée  &  di- 
verfifiée  ,  &  par  des  intervalles  ré- 
glez félon  les  jours  &  les  temps.  Et 
ainfi  5  que  celuy  qui  voit  ces  merveil- 
les arriver  tous  les  jours  à lOcean  vi- 
able &  extérieur ,  ne  doit  pas  s'elton- 
ner  de  celles  qui  fe  font  dans  l'Oceaa 
invifible  &  intérieur ,  ni  eftre  davan- 
tage en  admiration  de  la  vertu  vitale 
de  ces  eaux ,  que  la  Providence  divine 
a  deftinées  à  l'vlàge  des  hommes  ;  a- 
joutant  enliiite  que  cette  Caballe  fem- 
blera  d'abord  eft range  à  ceux  qui  la 
confidereront  pour  la  première  fois  : 
mais  qu'Un  eft  pas  nouveau  que  ceux 
qui  Ignorent  beaucoup  de  chofes  ad- 
mirent beaucoup  de  chofes. 

Re flexions  fur  r opinion  d'Helmont, 

L'opinion  de  ce  Philoiophe  paroift 
d  va  cofté  inepte  &  ndicule  ,  &  de 


«;S  De  l'Origi  ne 

Tautre  paflâble  &  peut-eftre  receva- 
ble.  Sa  nouveauté  peut  choquer  les 
vns ,  &  le  fîfteme  raifonné  qu'elle  efta- 
blit  par  des  comparailons  apparentes , 
peut  contenter  les  autres  ;  &:  cela  d\iu- 
tant  plus  que  noftre  Auteur  fournit  vn 
principe  qui  eftant  receu  peutlatisfai- 
re  aisément  à  des  diflScultez  jufquà 
prêtent  infurmontables  ,  de  plus  ces 
partages  de  l'Ecriture,  avec  l'explica- 
tion extraordinaire  qu'il  leur  donne , 
femblent  appuyer  Ton  fentiment  avec 
beaucoup  de  force  ,  par  le  refped 
qu'on  doit  avoir  pour  le  Texte  facré. 

Mais  fans  nous  laifler  ébloiiir  à  tant 
de  nouveautez ,  &  aufll  lans  trop  les 
méprilèr,  examinons  vne  propofitiori 
avancée  avec  la  hardiefle  que  nous 
voyons,  &  qui  n'a  d'autre  preuve  que 
le  feul  témoignage  de  fon  Auteur  fon- 
dé fiir  Ion  imagination  pure. 

Si  de  telles  pensées  eftoient  admi- 
fes ,  les  difficultez  de  la  Phyfique  ie- 
roient  bien-toft  refolues,  il  n'y  auroit 
qu'à  donner  des  vertus ,  ou  de  la  vie 
aux  pierres ,  aux  métaux ,  &  aux  autres 
chofes  dont  nous  admirons  les  effets , 
Se  alors  la  pelanteur  des  corps ,  la  ver- 


D  E  s   FO  N  T  A  I  N  E  s.  Çp 

tu  de  raimaiic  6cc.  feroieat  taciles  à  ea- 
teidre  &  à  expliquer  par  de  fembjables 
expedieas.  Les  anciens  Philolophes 
n'en  ont  pas  vsé  de  la  forte  ,  ils  ont 
efté  bien  plus  retenus  dans  leurs  opi- 
nions ;  3c  quelque  parciculieres  qu  el- 
les ayent  efté  ,  ils  ont  tafché  de  les 
foutenir  par  d  autres  témoignages  que 
le  leur  propre. 

Cette  vertu  vivifiante  que  noftre 
Auteur  donne  à  ce  iable  pur,  &  cette 
manière  de  vie  &  d'entendement,  dont 
il  veut  que  1  Océan  loitdiiîe,  eft  af- 
lurémeit  quelque  chofe  de  bien  hardi. 
Et  ceft  peut-eftre  cette  c onfideration. 
qui  a  empefché  pluiieurs  Pliibiophes 
avant  luy  d  en  dire  autant.  La  gloire 
qu'il  pourroit  prétendre  d  avoir  efté  le 
premier  à  l'écrire  fè  réduirait  à  ce 
qu'il  en  fait  moins  de  difficulté  queux. 
Gallèndv  a  eu  la  mefme  pensée  que 
tioftre  Auteur  ,  c  jmme  il  le  dit  luv- 
melme  ,  mais  il  l  a  quittée  quoy  qu  il 
euft  remarqué  de  grandes  conformitez 
entre  le  corps  de  la  Terre  &  celuy 
d  vn  homme  :  Et  en  effet ,  il  n  y  a 
perfonne,  pour  peu  quil  ait  efté  Phi- 
lofophe  ;  qui  n'ait  reconnu  le  rapport 


€o        De   l'O  ri  gin  e 

qu'il  y  a  entre  tout  le  corps  de  la  Ter- 
re &  celuy  d Vn  animal  vivant  :  de 
mefine  qu'entre  celuy  de  l'homme  ,  & 
le  monde  entier  ,  dont  il  a  eu  le  fur- 
nom  de  Petit  monde.  Mais  ce  rapport 
quelque  apparent  qu'il  ait  efté ,  n'a  ja- 
mais porté  perfonne  à  donner  ferieufe- 
ment  vne  ame  à  tout  le  Monde,  de  mef^ 
me  que  le  corps  de  l'homme  en  a  vne. 
Toutes  les  comparai! ons  que  l'on  a  fai- 
tes de  l'vn  avec  l'autre  ,  n'ont  efté  & 
ne  peuvent  eftre  qu'allégoriques  ;  & 
s'il  y  a  beaucoup  de  choies  qui  fon- 
dent ce  rapport ,  il  y  en  a  bien  d'au- 
tres qu'il  eft  inutile  de  rapporter  icy, 
qui  ne  peuvent  y  convenir  ;  quand  ce 
ne  feroit  que  cet  entendement  &  cet- 
te vie  qu'il  donne  a  l'Océan  en  parti- 
culier. Car  par  la  raifon  de  cette  ref- 
femblance ,  il  faudroit  donner  vne  fem- 
blable  vie  &  vn  femblable  entende- 
ment à  chacune  des  chofes  dont  nous 
admirons  les  effets  :  Et  enfin  le  Mon- 
de auroit  autant  de  vies  3c  d'entende- 
mens  qu'il  y  auroit  de  chofes  difl^e- 
rentes ,  ou  bien  il  n'y  auroit  que  l'O- 
céan feul  qui  en  euft  5  cependant  le 
corps  de  1  homme  n  eft  point  fait  de  h 


DES    V  O  N  T  A  I  NE  S.  €t 

ibrte ,  il  n'a  qu  vne  feule  vie  &  qu  va 
feiil  entendemeac  qui  fourrut  à  toutes 
(es  operatioas. 

De  plus ,  fi  quelqu'vn  diloit  que  la 
reflèmb lance  qu'il  y  a  du  CDrps  dô 
l'homme  avec  celuy  de  la  Terre ,  in- 
duit à  croire  que  la  Terre  eft  animée; 
vn  autre  pourr oit  dire ,  que  cette  mef- 
me  relfemblance  de  la  Terre  inani- 
mée, comme  elle  l'eft ,  avec  le  corps 
humain ,  mduit  à  croire  que  le  corps 
de  l'homme  eft  inanimé  ;  Ainfi  il  ne  le 
peut  tirer  aucune  confequence  de  cet- 
te refîemblance ,  qui  puiiTe  eftabîir  va 
fait  comme  celuy-là.  Cependant  no- 
ftre  Phdolbphe  n'a  point  d'autre  rai- 
fon  pour  les  vertus  vitales  qu'il  donne 
à  fon  Océan  &  à  foa  fable  pur ,  que 
cette  refîemblance. 

Ce  qu'il  dit  du  fang  dans  le  corps 
humain ,  fur  quoy  il  fonde  principale- 
ment fon  principe  ,  pouiToit  neftre 
pas  véritable  en  tout  &  par  tout.  Nous 
ne  fommes  pas  aflèz  aflurez  comment 
fe  tait  cette  merveiUeufe  circulation. 
Elle  pourroit  avoir  des  principes  de 
Mechanique  qui  reconnoiflent  les  loix 
des  choies  pelantes.  La  chaleur  plus 


di         De   l'Origine 

ou  moins  forte  caule  des  dilatations  & 
des  condenfations  qui  pourroieat  pro- 
duire quelque  choie  de  pareil  :  Et 
enfin  Ton  pourroit  douter  de  cette  in- 
différence de  mouvement  du  lâng  vers 
le  bas  &  le  haut  tant  qu'il  eft  dans  le 
corps  humain;  quand  onconfidereqiie 
les  humeurs  de  ce  mefiiie  corps ,  loit 
qu'elles  foient  méfiées  avec  le  fang 
ou  non ,  fçavent  bien  ou  eft  le  bas 
&  le  haut  du  corps ,  elles  descendent 
plus  volontiers  qu'elles  ne  montent  5 
&  ne  remontent  jamais  que  par  le  fe- 
cours  de  l'art.  Nous  voyons  que  ceux 
qui  ont  mal  aux  jambes ,  fe  tiennent 
au  lit,  ou  bien  mettent  leurs  jambes  lîir 
des  fieges  élevez  :  ceux  qui  ont  mal 
au  bras ,  le  portent  en  écharpe ,  afin  que 
les  humeurs  ne  deicendent  point  en 
des  lieux  bas ,  d'où  elles  ne  pourroient 
revenir ,  &  c  eft  fouvent  ce  qui  rend 
ces  maux  la  incurables. 

Car  de  donner  vn  privilège  plus  par- 
ticulier au  (àng  qu'aux  autres  humeurs, 
c  eft  vne  difficulté  qui  teroit  delà  pei- 
ne à  refoudre.  Noftre  Auteur  pourtant 
veut  en  eftre  cru  fur  fa  parole ,  &  dé- 
cider par  cette  reffemblance  ce  que 


D  'E  s    FO  N  T  A  I  NE  s.  é^ 

tous  les  Philolophes  ont  eftimè  digne 
de  leurs  doutes ,  &  changer  félon  Ion 
pkilir  en  taiiant  monter  &  dei cendre 
mdifi  ereniment  des  corps  peians  ians 
aucune  cauie  mouvante  ,  les  loix  que 
la  Nature  s'efl:  imposées  aelle-m.efine: 
s'eftant  aufll  imaginé  que  le  mot  de 
Cabale ,  qui  ne  peut  éblouir  que  les 
ignorans  &:  les  crédules ,  donneroit  vne 
gi'ande  autorité  à  ion  opinion. 

Pour  achever  ce  qui  refte  à  dire 
fur  la  confequence  que  tire  noftre  Au- 
teur ,  pour  la  vie  &  l'entendement  de 
Ton  fable  pur  &  de  la  Mer  vifible ,  par  la 
relîemblance  dVn  corps  animé  :  S'il 
faloit  croire  neceflairement  que  des  ef- 
fets qui  font  femblables  ,  enflent  des 
caules  iemblables,  il  leroit  aisé  d*eftre 
trompé  à  leur  reflemblance.  Les  peu- 
ples nouvellement  découverts ,  ont 
cru  que  nos  horloges  eftoient  des  ani- 
maux VI vans  ,  par  la  raifon  de  leur 
mouvement  fpontanée  de  melme  qu'il 
Teft  dans  les  animaux,  &  que  la  mort 
leur  arrivoit  quand  la  corde  ou  le 
reflort  venoit  à  fe  rompre  &  faire 
ceffer  leur  mouvement.  Ces  pauvres 
gens-là  raifbnnoient  aulTi  jufte  que 


^4         De  l'Origine 
tioftre  Philofophe  ;  &  fi  nous  n  avions 
en  nos  mains  la  preuve  du  contraire , 
je  croy  qu'il  faudroit  fe  ranger  de  leur 
cofté. 

Mais  paflons  outre  &  voyons  fi  les 
témoignages  quil  rapporte  de  TEcri- 
ture  lainte,  &  l'explication  qu'il  veut 
donner  aux  partages  qu'il  cite,  ajou- 
ftent  quelque  force  à  Ton  raifbnne- 
ment ,  &  s'il  y  a  bien  pensé  lors  qu'il 
les  a  avancez  :  car  s'il  croit  que  par 
l'explication  qu'il  donne  à  ces  parta- 
ges, l'on  eft  obligé  de  s'en  temr  à  (on 
opinion  comme  a  vne  chofe  de  la  foy, 
dont  il  ne  faut  pas  s'écarter;  il  eft  obligé 
de  fon  cofté  de  nous  expliquer  tous  les 
autres  partages  de  l'Eciiture  ,  qui  font 
mention  d'eaux  &  de  Mer ,  &  les  faire 
tous  quadrer  à  fon  principe. 

Comment  expliquera-t-il  cet  en- 
droit de  la  Genele ,  qui  précède  vn  des 
partages  qu'il  a  rapportez  :  Quil  foit 
faîc  yn  firmament  au  milieu  des  eauxy 
&  fuil  fepare  Us  eaux  £ayec  les 
eaux  r"  Eft-ce  qu'il  faudra  appeller  le 
fond  de  la  Mer  vifible  ,  le  Firmament, 
à  caule  qu'il  fepare  les  eaux  de  la  Mer 
vifible ,  d'avec  celles  de  fa  Mer  in- 

vifible? 


vîilble  ?  car  c'eft  aiiifi  qu'il  dit  que 
l'on  doit  expliciuer  cette  Réparation 
des  eaux.  Faudra-t-il  auflî  appeller 
ce  mefme  fond  de  la  Mer ,  du  nom 
de  Cieux  ?  car  le  Pfalmifle  Roy 
dit  :  Que  les  eau^  cjui  font  fur  Us 
Cieux  lo'kcm  le  Seigneur,  Les  eaux  de 
la  Mer  font  fur  ce  fond,  ceft  donc 
d'elles  quil  veut  parler,  &  pourtant 
il  a  déjà  invité  les  eaux  de  la  Mer  dans 
Je  meime  pfalme  à  louer  Dieu^  il  a 
donc  voulu  parler  d'autres  eaux  que  de 
celles  de  la  Mer  ,  ce  ne  peut  pas  eftre 
de  celles  de  cette  Mer  invidble  puis 
qu  elles  ne  font  pas  fur  les  Cieux ,  & 
qu  au  contraire  elles  tont  fous  la  Mer 
melme. 

Lors  du  Déluge  il  eft  dit ,  us  cata- 
ra^es  du  ciel  furent  ouyertcs  pour 
inonder  la  Terre  :  ces  ouvertures  de 
catarades  ne  ie  peuvent  pas  entendre 
pour  des  ouvertures  faites  à  fa  Mer  in~ 
vifble  :  car  les  eaux  de  cette  Mer  quand 
elles  ibnt  extravasées ,  ne  pouvant  pas 
monter  en  haut ,  n'auroient  pu  inon- 
der la  Terre;  NeR--ce  point  que  ces 
ou^■ertnres  forent  faites  au  haur  des 
montagnes ,  jufques  où  ce  làble  pur  & 

F 


.^6  De  l'Orig  i  n  e 
Vivifiant  monte ,  par  lequel  les  eaux  de 
fa  Mer  invifible  montent  aufli  ?  Mais 
quand  cela  feroit,  les  eaux  du  Déluge 
nauroient  eflé  élevées  que  jufques  à 
ces  ouvertures  des  montagnes  5  &  l'E- 
criture dit,  que  les  plm  hautes  mon-' 
tagnes  du  Monde  furent  couvertes  d'eau. 
Mais  elle  dit  encore  davantage  ,  que 
l'eau  ejioit  haute  de  ^uim^e  coudées  par 
de/Jus  les  montagnes  h  [quelles  elle  ay  oit 
couvertes.  Q^e  fi  toutes  ces  eaux 
eftoient  forties  de  ce  fable ,  &  qu'il 
euft  pu  en  fortir  la  quantité  gu  il  faloit 
pour  faire  vne  f[  prodigieuie  inonda- 
tion, qu'eft-ce  qui  ieroit  rentré  en  leur 
place ,  pour  remplir  le  vuide  qu  elles 
y  auroient  causé  ? 

Outre  que  lEcriture  fàinte  na  pas 
efté  donnée  aux  hommes  pour  leur 
enfèigner  la  Phyfique  ou  TAftrono- 
mie ,  comme  il  paroift  clairement  en 
plufieurs  endroits ,  où  ce  qui  y  eft  dit  : 
ne  fe  peut  prendre  au  pied  de  la  let- 
tre, il  iaudroit  ce  me  femble  quand 
on  veut  fe  fervir  de  fon  témoignage 
pour  donner  plus  de  force  à  vne  pro- 
pofition  ;  prendre  garde  daccorder 
tous  les  paflàges  qiion  veut  alléguer 


DESFONTAINES.  67 

fur  la  mariere  dont  il  s'agit,  &  les  y 
faire  quadrer  •  autrement  c  elt  en  vain 
qu'on  fe  fert  d'vn  paflage  s'il  y  en  a 
d'autres  qui  font  contraires.  Le  meil- 
leur eft  de  n^ employer  TE criturefainte 
que  pour  les  chofes  de  la  foy  &  de  la 
Morale,  &  de  ne  la  pas  commettre  té- 
mérairement pour  des  Iciences  qui  ont 
d'autres  principes ,  fondez  lur  les  cau- 
fes  fécondes  aufqu  elles  Dieu  les  a  aban- 
données ,  comme  mutiles  au  falut  des 
hommes  ;  &  qui  n'eftant  que  curieuf  es, 
amoindiiroient  le  refpecft  que  l'on  doit 
a  ce  Texte  lacré ,  deftiné  a  des  con- 
noi/îànces  d'vne  plus  haute  élévation. 
Ainfi  donc ,  quand  noftre  Auteur  pré- 
tend avoir  expliqué  deux  ou  trois  paf^ 
fages  pour  l'etabliflèment  de  la.propo- 
iition;  il  na  rien  fait  de  ce  quil  avoit 
defîein  de  iaire  ,  puis  qu'il  en  a-  laifsè 
d'autres  à  expliquer  d'vne  aulTi  grande 
confequence ,  &  qui  fervent  autant  à 
la  renverfer  comme  ceux-là  ponrroient 
ferv'ir  à  1  établir. 

Aiiis  pour  faire  voir  combien  Fabu5 
efl  grand ,  de  prendre  des  témoigna- 
ges dans  l'Ecriture  pour  la  preuve  de 
nos  iaences  cuneules  j  &  combien  li 

F.j 


^8  De   l'Origine 

y  a  de  penl  â  lexpoièr  à  des  coatra- 
rietez  manifefles  qui  peuveat  bleflèr 
le  relpeâ:  qu  on  kiy  doit  5  il  ne  lera 
pas  mal  à  propos  de  parler  icy  de  ce 
pafTâge  célèbre  qu  oa  allègue  contre 
ceux  qui  tiennent  que  la  Terre  a  vn 
mouvement  particulier  en  elle-mef- 
me  &  a  Tentour  du  Soleil,  luivant  lo- 
pinion  de  Copernique  ,  &  que  le  So- 
leil ne  Te  meut  point  comme  Ton  croit 
qu  d  fait,^  C'eft  le  paflàge  ou  il  eft  dit, 
que  lofué  ayant  mis  en  fuite  les  Amor- 
rhéens ,  commanda  au  Soleil  de  s'ar- 
refter  pour  rendre  le  jour  plus  long, 
&  avoir  plus  de  temps  pour  fe  venger 
de  Tes  ennemis.   Ceux  qui  font  de  l'o- 
pinion contraire  à  celle  de  Coperm- 
que  5  &  qui  veulent  avec  Ptolomée 
que  la  Terre  foit  ferme  &  fiable ,  & 
que  le  Soleil  tourne  au  tour  d'elle, 
difent  qu'il  le  faut  croire  ainfi  3  puis  que 
ïofué  commanda  au  Soleilde  s  arrefter, 
&  de  ne  fe  pas  mouvoir  devers  Ga- 
l>aon,  qui  eftoit  le  couchant^  &  que 
fi  c'euft  efté  la  Terre  qui  euft  tourné, 
&non  pas  le  Soleil,  il  euft  comman- 
d»^  à  la  Terre  de  s  arrefter ,  &  non  pas 
au  Soleil.   Ils  foulliemieat  que  ce  té- 


DESFONTAINES.  69 

moignage  i\  formel  &  fi  faint ,  doit  fer- 
Tir  de  raifoii  cDiitre  tout  ce  quon 
pourroit  alléguer  au  contraire.    Mais 
ceux  qui  tie^aent  Dour  le  mouvemeit 
de  la  Terre  avec  Coperm^ue,  difent, 
que  fi  le  Soleil  fe  fiift  arrefté  aduelle- 
tnerit  comme  lofiié  le  c^mma:idoit  ea 
termes  exprés ,  le  jour  le  hift  trouvé 
plus  court  quil  nedevoit  eftre ,  ce  qui 
euft  efté  contre  Ion  intention,  &  en 
voicy  la  preuve.  ^Ceux  qui  tiennent 
que  la  Terre  eft  ferme  &  ftable ,  di- 
fent  que  le  Soleil  a  vn  cours  particu- 
lier ,  du  couchant  au  levant ,  qu'il  a- 
cheve  en  vne  année  ,  mais  qu'il  eft 
emporté  en  vingt-quatre  heures  ou  en- 
viron du  levant  au  couchant ,  par  le 
mouvement  du  premier  mobile  qm  eft 
contraire  au 'fien  5  en  forte  que  fi  le 
Soleil  n'avoit   point  ce    mouvement 
particulier  du  couchant  au  levant ,  & 
qu'il  ne  fift  que  le  lai  fier  emporter  au 
premier  mobile ,  il  fe  coucheroit  tous 
les  jours  pluftoft  qu'il  ne  fait  de  cet 
efpace  de  chemin  quil  fait  en  fon  par- 
ticuher,  qui  eft  vne  trois  cens  foixan- 
te  cinquiém^e  partie ,  ou  environ ,  de 
fon  cours.  Cela  eftantdela  forte,  com- 


7»         D  E    l'O  R  I  g  I  n  e 

me  ceux  qui  (iiiveiit  l'opinion  de  Pto- 
lomée  en  conviennent  ^  n  eft-il    pas 
vray  ,  que  prenant  le  pafTage  au  pied 
de  la  lettre,  (car  il  faut  que  ceux  qui 
sen  veulent  fervir  le  prennent  de  h 
forte,  pource  que  s'ils  veulent  yd:>nner 
vne  explication  ,  ce  ne  fera  plus  le 
paflàge  qui  fera  foy ,  ce  fera  leur  ex- 
plication ;  &  alors  chacun  fera  receu 
à  donner  la  f\QanQ,  &  il  ne  iera  plus 
queftion  du  paflàge  de  TEciiture  )  fi  y 
di3-je ,  il  le  faut  prendre  au  pied  de  h 
lettre  3  quand  lofiié  commanda  au  So- 
leil de  s'arrefter,  le  Soleil  ne  devoit-il 
pas  sarrefter  dans  fon  cours  particu- 
lier, ne  plus  marcher  &  fe  laiflèr  em- 
porter au  premier  mobile  fans  refi- 
flance  ?  &  alors  ne  fe  fufl-il  pas  couché 
pluftoft  quil  n  eufl  fait  d  vne  trois  cens 
foixante  cinquième  partie  de  fon  cours  ^ 
ôc  le  jour  n'en  euft-il  pas  efté  accour- 
cy  d'autant  ?  ce  qui  eftoit  contre  lin- 
tention  de  lofué. 

Pour  faire  entendre  cela  plus  clai- 
rement ,  il  faut  s'iraa2;iner  vn  batteau 
fort  long ,  preft  a  palîer  fous  vn  pont 
ou  le  courant  de  l'eau  l'emporte ,  & 
que  dans  ce  batteau  il  y  a  vn  homme 


D  F.  s    FON  T  A  I  NE  s.  7% 

qui  marche  de  la  proue  a  la  pouppe  ^ 
c  efl  à  dire  contre  le  courant  de  l'eau  ; 
il  eft  certain  que  fi ,  lors  que  ce  bat- 
teaupaflè  fous  ce  pont, Ton  comman- 
de à  cet  homme  de  s  arrefter  :  cet  hom- 
me emporté  qu'il  eft  par  le  batteau, 
palîera  fous  le  pont ,  pluftoft  que  s'il 
contmuoit  à  marcher  devers  la  pouppe. 
Il  en  eft  de  melme  à  l'égard  du  Soleil , 
félon  l'opinion  de  ceux  qui  allèguent 
le  paflàge  de  l'Ecriture  ;  cependant 
l'on  fait  grand  bruit  fur  cela ,  &  Ton 
crie  a  l'heretique  contre  ceux  qui  ne 
veulent  pas  fe  rendre  à  vn  texte  fi  for- 
mel ;  &  néanmoins  il  fe  trouve  qu'il 
prouve  le  contraire  de  ce  qu'ils  veu- 
lent eflablir. 

C'eft  donc  abufer  avec  beaucoup 
d'irreverence  de  l'Ecriture  ,  que  de 
s'en  fervir  ainfi  pour  des  chofes  de 
néant ,  &  Texpofer  de  la  forte  à  vne 
telle  coutradidion.  LaifTons  i  parc  nos 
fciences  vaines  &  inutiles ,  traitons-les 
par  nos  règles ,  par  nos  maximes,  & 
par  nos  experieiîces  naturelles  ,  félon 
les  forces  &  les  qualitez  des  caufes  fé- 
condes dont  elles  peuvent  dépendre; 
&  n'appliquons  les  paroles  des  faints 


yt         De  l'Origine 

Efoits  qu'à  des  chofes  faintes  pour  qui 
elles  ont  efté  didées.  L'on  tient  qu'A- 
bmham  a  efté  tres-fçavant  en  Aftro- 
nomie,  &  l'Ecriture  vizïs.  parle  point, 
comme  eftant  vne  chofe  au  deflbus  & 
indigne  de  (a  reflexion.  Mais  finiflons 
noftre  digreffion  ,  qui  ne  laiflè  pas 
d'eftre  vtile  pour  empefcher  que  nous 
ne  nous  (ervions  des  chofes  fàintes  en 
toutes  occafions ,  félon  nos  caprices  ^ 
les  méfiant  témérairement  avec  les 
profanes. 

A  l'égard  du  deflàlenient  prétendu 
des  eaux  de  fa  Mer  vifîble  avant  que 
d'entrer  dans  fa  Mer  invifîbie,  nous  en 
avons  parlé  fuffifàmment  fur  l'opinion 
de  Cardan  ;  &:  félon  ce  que  nous  en 
avons  dit  ^  qui  eft  le  fentiment  des 
meilleurs  Cmmiftes  de  ce  temps ,  ce 
defîàlement  fe  devroit  d'autant  moins 
faire  que  la  percolation  qu'il  iiippofe 
ne  fe  feroitfuivant  fon  opinion  que  de 
haut  en  bas. 

L  Y  D  I  A  T. 

LYdiat  Académicien  Anglois,  dans 
vn  Traité  qu'il  a  fait  fiir  noftre  fu- 
jetj  imprimé  à  Londres  en  \6o^.  at- 
tribue 


D  E  s    Fo  N  T  A  I  NE  s.  75 

tribue  lorigme  des  fleuves,  quaat  à  la 
matière  ,  à  la  mer ,  d'où  il  veut  qu'ils 
tirent  leurs  eaux ,  comme  d'vn  ample 
&  vafte  refervoir ,  par  divers  canaux , 
veines  ôc  ouvertures  qui  (ont  lous  la 
Terre ,  &  d'où  ils  rendent  incontinent 
après  la  meilleure  partie  de  ces  mefmes 
eaux,  fuivant  en  cela  ,  comme  il  le  dit, 
les  paroles  du  Sage  dans  TEcriture  lain- 
te  :  Que  les  fleures  tiennent  de  la  Mer 
&  y  retournent.  Quant  a  la  manière 
dont  cela  fc  peut  taire  j  il  louftient , 
fùivant  ce  que  dit  Ariftote ,  qu'il  n  y 
a  point  d'ablurdité  de  croire ,  que  l'eau 
qui  eft  dans  les  cavernes  de  la  Terre  , 
seleve  julqu'au  fomm.et  des  monta- 
gnes, par  la  me(me  raifon  que  nous  la 
voyons  s'élever  de  la  Mer  jufques  à  la 
moyenne  région  de  l'air ,  &  que  cette 
élévation  fe  ïait  par  la  force  de  la  cha- 
leur qui  refout  l'eau  en  vapeurs ,  ce  que 
pouitant  Ariftote  n'a  point  expliqué 
ni  ceux  qui  ont  fuivy  Ton  fentimexit, 
dont  cet  Auteur  fe  plaint,  s'imaguaant 
qu'il  a  fupposé  que  cette  chaleur  eft 
causée  par  les  rayons  du  Soleil.  Aiais 
comme  il  ne  le  contente  pas  de  cette 
chaleur,  iJ  croit  en  avoir  trouvé  vne  au- 

G 


74         De  l'Origine 

tre  qui  luy  femble  Jautaat  plus  pro* 
pre  a  fou  fujet ,  qu  elle  luy  dait  f^i-vir^ 
comme  il  le  dit  luy-meime  ,  pour  va 
autre  defleiii. 

Il  dit  donc ,  que  la  chaleur  eft  prin- 
cipalement &  abfolument  neceflairc , 
pour  faire  la  refolution  des  \apeurs  en 
eau,  ièlonla  doélrine  meime  d'Arifto- 
te ,  &  que  le  froid  n  y  eft  point  neceP- 
faire,  qu'il  fiiffit  que  le  lieu  où  la  va- 
peur eft  élevée  foit  moins  chaud  que 
celuy  ou  elle  eft  excitée.   Ce  qui  Çq 
peut  voir  par  Texemple  des  couvertu- 
res des  alambics,  ôc  encore  mieux  des 
couvercles  des  marmites ,  qui  arreftent 
&  convertiflent  la  vapeur  en  eau  ,  à 
cauie  qu'ils  ibnt  moins  chauds  que  la 
marmite  ou  l'eau  bout.  Que  par  cette 
raifon  plus  la  chaleur  fera  grande,  plus 
Ja  vapeur  le  lèra  auiïî ,  pourveu  qu'il  y 
ait  beaucoup  d'eau  ou  d'humidité  ;  Et 
comme  il  y  en  a  beaucoup  dans  la  terr© 
qui  doit  fer vir  à  la  génération  de  celle 
des  fleuves  ;  il  faut  qu'il  y  ait  auflî  vne 
grande  chaleur  pour  cauier  aflezde  va- 
peur Oc  affez d'eau  pour  tous  les  fleuves 
qu'on  voit  couler  dans  le  monde. 
Toute  la  difficulté  donc,  dit  cet  Au* 


CES  Font  AINE  f.       rf 

teur  5  eft  de  fçavoir  d'où  peut  venir  cette 
chaleur.  Quelques- vas ,  dit- il ,  com-- 
me  Balbus  dans  Ciceron  au  livre  de  la 
NaturedesDieux,  croyent  quela  Ter- 
re a  vne  chaleur  qui  luy  eft  propre, 
juiquesàla  communiquer  aux  animiaux 
pour  leur  donner  la  vie  ,  mais  ce  n'eft 
pas  fon  fentimenc  :  car  il  croit  au  con- 
traire que  la  Terre ,  ièlon  le  l'entiment 
des  Peripateticiens ,  fohde  &  pelante 
comme  elle  eft ,  doit  eftre  froide.  Ce 
QUI  luy  donne  occafion  de  difcuter  les 
caufes  que  quelques-vas  ont  voulu 
donner  à  la  chaleur  qu  on  reconnoifl 
âfiez  (ouveat  eftre  dans  la  terre,  qu  ils 
difent  venir  du  Ciel  &  des  rayons 
du  Soleil  :  mais  il  rejette  fort  cette  opi- 
nion 5  pource  que  Ion  ne  voit  pas^ 
dit-il,  que  la  chaleur  du  Soleil  puifTe 
pénétrer  plus  de  quatre  ou  cuiq  pieds 
dans  la  terre  ,  aux  pays  meime  ou  il 
eft  le  plus  ardent  :  comme  fous  la  Zone 
Tornde ,  où  les  Troglodites  ne  font 
-^as  leurs  cavernes  plus  avant  dans  la 
l^rre.  Q^e  non  feulement  vn  mur  de 
lerre  de  deux  ou  trois  pieds  d  epaif- 
eur,  mais  vn  petit  arbre  avec  le  peu 
de  feiiiUes  quil  peut  avoir ,  empefche 

G  ij 


76  De  l'Origine 

la  chaleur  du  Soleil ,  encore  que  Pair 
d'alentour  (bit  par  manière  de  dire  tout 
en  feu,  &  que  d'ailleurs  la  Terre  eft  au 
mefine  temps  froide  a  huit  ou  dix  pieds 
de  profondeur ,  bien  plus  qu'en  vne 
autre  (aiibn  ;  &  que  par  cette  railbn 
la  chaleur  qui  fe  trouve  dans  la  Terre 
à  quarante  ou  cinquante  toi/es  de  pro- 
fondeur ,  ne  peut  pas  eftre  attribuée 
aux  rayons  du  Soleil  ^  ni  auffi  à  ce  qu'on 
appelle  antiperiftale ,  qui  ne  peut  pas 
avoir  vne  adion  de  plus  grande  eften- 
duë  que  ces  meimes  rayons  du  Soleil  : 
car  il  faut  bien  croire ,  dit-il ,  que  le 
froid  naturel  de  cet  élément  folide  & 
épais ,  a  bien  plus  de  force  pour  re- 
cnafler  en  haut  la  chaleur  du  Soleil , 
que  cette  chaleur  du  Soleil  portée  par 
l'air  fi  léger  &  fi  délié  quil  eft  ,  n'en 
peut  pas  avoir  pour  repoufler  au  de- 
dans cette  froideur  naturelle  de  la  Ter- 
re y  que  la  chaleur  qui  pourroit  y  eftre 
entrée  par  des  fentes  &  ouvermres ,  a 
des  difpofitions  par  la  nature ,  à  caufe 
de  ia  légèreté  a  s'en  retourner  en  haut , 
&  qu  elle  eft  d'ailleurs  combattue  par 
la  fraiicheur  de  la  nuit ,  qui  la  fait  périr 
entièrement  avant  l'arrivée  du  matin , 


DESFONTAINES.  77 

bien  loin  de  fe  pouvoir  conlerver  jui- 
ques  À  rhpxr. 

Que  comme  il  eft  certain  que  l'eau 
de  la  pluye  ne  peut  pas  moiuller  la 
terre    plus  avant   que    huit   ou    dix 
pieds  5  &  que  pour  cela  il  faut  avoir 
recours  à  d'autres  eaux  pour  fournir  au 
cours  des  Fontaines  ;  il  laut  auffi  trou- 
ver vne  autre  chaleur  que  celle  du 
Soleil,  puis  qu'elle  ne  peut  pas  entrer 
plus  avant  que  quatre  ou  cinq  pieds 
pour  exciter  de  La  vapeur  dans  les  lieux 
de  la  terre  plus  profonds  ^  que  cette 
chaleur  efl:ant  iituée  bien  avant  dans 
les  entrailles  de  la  terre  ,  diminue  à 
mesure  qu'elle  approche  de  fa  fuper- 
ficie  ,  &  eft  dilTipée  en  Efté  par  les 
rayons  du  Soleil  qui  luv  ouvre  des 
partages,  de  meime  qu  elle  eft  augmen- 
tée enhyver  à  caufe quelle  eft  aiTeftée 
par  le  froid  &  la  gelée  ,  comme  il  le 
remarque  dans  les  puits  profonds. 

Q^ant  au  principe  que  cette  cha- 
leur peut  avoir ,  il  croit  le  trouver  ei 
examinant  la  chaleur  des  fontaines 
chaudes  qui  fe  voyent  en  quelques 
endroits  du  Monde  3  preiniereme nt  en 
faiiant  voir  qu  elle  ne  peut  procéder 

G  iij 


y%  De  l*Origine 
des  rayons  du  Soleil ,  tant  à  caufè  de 
ce  qui  a  efté  dit  cy-defliis,  qu'à  cauiè 
que  ces  eaux-là  feroieat  plus  chaudes 
Cfi  Efté  qu'en  Hyver  ,  ce  qui  neft 
point:  ni  de  l'agitation  &  mouvement 
qu  elles  ont  dans  leur  cours  ious  terre, 
par  les  differens  détours  pierreux  où 
elles  paflent ,  puis  que  l'eau  ne  s'échauf- 
fe point  quelque  agitée  qu  elle  puifle 
ettre:  ni  du  foufre  ou  de  la  chaux 
quelles  peuvent  rencontrer  en  leur 
chemin,  puis  que  le  fbufi-e  n'a  aucune 
chaleur  s'il  n  eft  allumé ,  &  que  la 
chaux  feroit  confumée  il  y  a  long- 
temps. Ainfi  ne  reftant  plus  aucune  au- 
tre caufe  pour  produire  cette  chaleur ,  il 
conclud  qu  elle  ne  peut  venir  que  d'vn 
feu  loufterrain ,  qui  (eul  eft  capable 
de  l'exciter  &  de  l'entretenir  telle  que 
nous  la  voyons,  fe  fondant  fiir  le  té- 
moignage d'Empôdoclez  rapporté  par 
Seneque  ,  qui  veut  que  telles  eaux 
foieat  échauffées  en  paflàat  par  dellus 
des  lieux  ou  il  y  ait  de  ces  feux  ca- 
chez ,  comme  on  le  peut  conjectu- 
rer par  celuy  de  la  montagne  Etna  ^ 
&  autres  femblables. 


bESFONTAINES.         79 

'kefiextonî  fur  P opinion  de  Lydiat, 

Tout  ce  qu'il  y  a  de  difficulté  dans 
ropinion  de  noftre  Auteur  fe  réduit  à 
Geux  points  principaux  ;  le  premier  eft 
ce  feu  (bufterrain  qu  il  eftablit  pour 
convertir  Teau  de  la  Mer  en  vapeur , 
&  enfîiite  en  eau  ;  l'autre  eft  pourquoy 
h  Mer  n'eft  point  devenue  douce  de- 

Suis  qu'il  y  entre  tant  d'eaux  douces 
es  fleuves  &  des  fontaines  :  car  tout 
le  refte  eft  aisé  a  iuy  accorder. 

Quant  au  premier  ;  il  eft  vray  que 
la  Mer  eft  vn  treibr  fuffifant  pour 
fournir  des  eaux  aux  fontaines  &  aux 
fleuves ,  autant  qu'ils  en  peuvent  avoir 
beibin.  L'on  fe  peut  auHi  imaginer  af^ 
fez  de  conduits  Ibus  la  terre  pour  leur 
donner  moyen  de  fe  répandre  par  tour, 
les  conjectures  en  font  évidentes  3  &:R 
le  feu  qu'il  iuppofe  eftre  dans  la  terrg 
eftoit  vniveriel  &  aflez  grand ,  loa 
pourroit  au.nTi  demeurer  d  accord  de 
cette  diftillation  perpétuelle  :  ^/iais 
d'admettre  par  toute  l'eftenduë  de  la 
Terre  vn  feu  ardent  &  continuel  j, 
c'eft  ce  qui  choque  le  fentiment  ordi- 
naire :  car  de  croire  que  celuy  de  cous 

G  uîj 


^o         De  l'Or  i  gin  e 

lesElem  eis  qui  pafTe  pour  le  plus  lé- 
ger, foit  posé  daas  le  lieu  le  plus  bas 
pour  y  demeurer  ei  vne  perpétuelle 
contrainte,  luy  qui  fait  de  li  grands  ef- 
forts pour  fe  mettre  en  liberté,  &  que 
Ion  ne  peut  pas  mefme  tenir  caché 
lans  qu'a  en  donne  des  %nes  ;  c  efl: 
où  il  n  y  a  nulle  apparence.  II  eft 
vray  qu'on  voit  des  montagnes  dans  le 
Monde  d'où  il  fort  du  feu  continuelle- 
ment, mais  aulTi  neft-il  pas  caché  •  il 
fe  fait  voir  aflèz ,  &  donne  fouvent 
des  marques  de  fà  fierté.  Et  comme 
ces  feux  ont  peut-eftre  efté  de  tout 
temps ,  &  qu'il  n'enta  point  paru  d'au- 
tres dans  r  Vnivers  que  ceux-là  ,  il  faut 
croire  qu'il  n'y  en  a  point  d'autres  audi  ; 
&  que  s'il  y  en  avoit  ils  fe  feroieit  voir 
comme  ceux-cy,  finon  avec  autant  de 
force ,  du  moins  en  quelque  façon  que 
ce  flift.  Vn  feu  vniverfel  &  continu 
deflbus  toute  la  furface  de  La  Terre 
&  de  la  Mer  (ans  interruption ,  toujours 
ardent ,  devroit  avoir  davantage  de 
fbupiraux  que  les  trois  ou  quatre  que 
nous  connoiflons  5  &  la  fumée  des  cho- 
fes  qu'il  conlumeroit  pour  s'entrete- 
nir, le  fèroit  fait  voir  il  y  a  long-temps 


DESFONTAINES.  îl 

par  vue  infiaité  d'endroits  ^  ou  biei  elle 
îauroit  étouffe. 

Les  Fontaines  d'eaux  chaudes  qui 
luy  donnent,  comme  il  dit,  occafion 
de  croire  ce  feu  {bufterrain  ,  font  à 
mon  avis  ce  qui  Ten  devroit  pluftoft 
faire  douter:  car  s  il  eft  vray,  comme 
il  ledit,  que  la  chaleur  de  ce  feu  di- 
minue &  le  perd  en  approchant  de  la 
lurface  de  la  Terre ,  il  taut  que  le  feu 
qui  échauffe  ces  fontaines  foit  bien 
proche  de  cette  furface ,  puis  que  fa 
chaleur  a  vn  effet  affez  grand  pour  les 
faire  boiïillir  en  fortant  ^  &  néanmoins 
depuis  le  temps  quelles  coulent,  l'on 
ne  s'eft  point  encore  apperceu  aux 
pays  ou  font  ces  fontaines ,  qu'il  y  ait 
du  feu  au  deflbus.  L'on  n  a  pas  mefine 
veu  ni  fenti  de  ftimèe ,  ni  aucunq  odeur 
de  foufre  ou  de  bitume ,  ou  d'autre 
matière  que  ce  feu  devroit  confumer 
pour  fon  aliment  ;  fa  chaleur  R  pro- 
chaine devroit  avoir  defleiché  toute  la 
terre  d  alentour  &  y  avoir  fait  des  ou- 
vertures par  lefquelles  cette  fumée  au» 
roit  pafsè  ;  elle  devroit  avoir  cuit  &  re- 
cuit les  pierres  des  canaux  par  lefquels 
coulent  les  eaux ,  &  réduit  toutes  celles 


î%         De  l'Origine 

de  la  montagae  en  chaux,  qui  /è  feroit 
éteinte  &  diffbute  par  ces  mefines 
eaux ,  qui  en  auroient  efté  blanchies  & 
troublées  :  ces  eaux  auroieat  auflî  ame- 
né avec  elles  tout  le  dedans  de  la  mon- 
tagne 5  qui  iè  fèroit  auffi  creusée  petit  à 
petit:  il  sV  feroit  fait  vne  large  ouver- 
ture dans  laquelle  la  fontaine  mefme 
fe  ieroit  abyimée  ^  6c  enfin  lefeuauroit 
paru  comme  lî  a  fait  aux  montagnes  ar- 
dentes qui  font  dans  le  Monde.  Cepen- 
dantle  contraire  fe  voit  dans  tous  les  en- 
virons de  ces  fortes  de  fontiines^  la  terre 
ne  laifle  pas  dy  eftre  couverte  d'her- 
bes, &  de  produire  des  arbres,  comme 
en  vn  autre  lieu ,  les  habitans  ne  font 
nullement  incommodez,  ni  delà  cha- 
leur de  la  terre  fiir  laquelle  i!s  hribiteit, 
ni  de  la  mauvaifo  odeur  de  laflaiièe  de 
ce  feu  caché  ;  ils  ne  craignent  ni  trem- 
blement de  terre  ,  ni  quil  fo  fade  des 
ouvertures  &  des  abyfmes  ;  &  ils  n  ont 
jamais  eu  aucunes  marques  ni  %nes 
qui  leur  puiflôtit  donner  cette  crainte. 
Q^iand  on  creuie  des  puits  en  ces  Iienx- 
là  l'on  n  y  fent  point  de  chaleur  plus 
grande  que  lors  qu'on  en  creufe  e  î 
d'autres  pays  :  ce  qui  pourtant  de vr oit 


DESFONTAINES.  ?| 

cftre ,  puis  qu'il  y  a  va  feu  fT proche  & 
fi  ardent.  Il  ne  faut  pas  dire  gu  il  n  y 
a  que  le  feul  eadroit,  ou  les  leuls  ca- 
naux par  lelquels  ces  eaux  pafîèrit,  on 
le  feu  fafle  fon  at5lio:i  :  car  quand 
meiiîie  la  chofe  (e  feroit  de  la  forte 
que  Lydiat  le  luppole ,  &  comme  il 
lexplique  par  vne  comparaiion  oui! 
apporte  de  certains  ierpens  de  bronze 
creux  ayant  plufeurs  tours  &  retours, 
pofez  lur  le  feu  ,  dans  lefquels  de  Teau 
y  entre  froide  &  en  fort  chaude ,  à  eau- 
ie  du  iejour  qu  elle  fait  dans  ces  canaux 
échaufiez  en  pafîant  par  leurs  divers 
retours  il  n'y  trouveroit  pas  fon  compte  : 
car  ce  feu  dont  il  parle  ne  peut  pas 
ag;r  fi  particulièrement  fur  les  canaux 
de  bronze,  quilne  faflè  fentir  la  cha- 
leur fortement  bien  loin  à  Tentour^ 
auïïî  ce  feu  foufterrain  ne  peut  pas 
borner  fa  fphere  d  activité  à  ces  feul? 
canaux  par  où  paflent  ces  eaux ,  &  la 
grande  force  qu'on  doit  croire  quil  a, 
doit  faire  croire  aufïl  qu  elle  eft  d'vne 
grande  eftendué. 

Noftre  Auteur  pourroit  bien  fe  mé- 
prendre quand  pour  preuve  de  fon  feu 
ioufterrairij  il  allègue  la  chaleur  que 


^4        De  l'Origi  ne 

l'on  refleit  dans  la  terre  cnhyver,  la- 
quelle il  croit  eftre  causée  par  ce  feu 
foufterrain  ^  diftnt  que  la  ciufe  pour 
laquelle  cette  chaleur  fe  reconnoift  en 
Hyver  &  non  pas  en  Efté,  eft  qu'en 
Hyyer  la  terre  eftant  re (Terrée  par  le 
deiTus,  à  caufe  du  froid  &  de  la  gelée 
du  dehors  ,  renferme  &  retient  dans 
clle-melme  la  chaleur  que  ce  feu  y 
produit,  &  que  c'eft  ce  qui  fait  qu'on 
la  fent  :  au  lieu  qu'en  Efté  la  terre 
eftant  ouverte  par  les  rayons  du  Soleil, 
cette  chaleur  s'exhale  facilemeit&ne 
fe  fent  pas. 

Ce  raitonnementeft  aiïiirément  fort 
fpecieux ,  &  dans  vn  autre  temps  pour- 
roit  eftre  receu  :  mais  depuis^ qu'on  a 
douté  que  la  chaleur  &  la  fraifcheiir 
du  dedans  de  la  terre  fuflent  actuelles; 
&  après  quon  a  fait  des  expériences  & 
des  obfèrvations  exac9:es  fur  ce  fait-H 
pour  en  eftre  éclaircy ,  il  n'y  a  pas 
lieu  de  le  recevoir.  Ces  expériences 
ont  fait  connoiftre  que  cette  chaleur 
&  cette  fraifcheur  nefontqu'vneme.^ 
me  chofe  :  c  eft  à  dire  qu'au  dedans  de 
la  Terre  il  y  a  toujours  vne  mefme 
temperatiirede  chaleur  &  de  fraifcheur^ 


DESFONTAINES.  8<^ 

&  que  s'il  y  a  quelque  difFerence .  c  eft 
pour  faire  voir  qu'il  fait  moins  chaud 
en  Hyver  dans  la  Terre  qu'en  Eftè, 
bien  loin  qu'il  y  fade  plus  chaud  com- 
me le  prétend  Lydiat. 

Et  voicy  comment  il  en  a  efté  fait 
des  expériences  ,  dont  j'ay  efté  mov- 
mefme  témoin.  Dans  les  caves  de  l'Ob- 
fervatoire  Royal  à  Paris  qui  ont  84.. 
pieds  de  profondeur ,  l'on  a  mis  deux 
Thermomètres  d  efprit  de  vin ,  fermez 
5c  de  ti'ois  pieds  de  haut  chrxun ,  tous 
deux  enfermez  eniemble  dans  vn  ca- 
veau particuher.  La  première  année 
qu'ils  y  furent  mis ,  qui  fut  en  1  <^7 1 .  il 
y  eut  du  manquement  dans  l'observa- 
tion ,  en  ce  que  l'on  n'avoit  pas  mar- 
qué bien  précisément  les  élévations  & 
les  abaiflemens  des  Thermomètres  : 
néanmoins  on  ne  laifla  pas  de  voir  al- 
fez  que  la  chaleur  eft  oit  prelque  égale 
en  Hyver  &  en  Efcé.  Mais  au  mois  de 
lanvier  de  l'année  1^72.  le  1 3.  jour  de 
ce  mois ,  qui  fut  vn  des  plus  froids  de 
l'Hyver  ,  je  marquay  fur  le  canal  de 
verre  des  Thermomètres ,  la  hauteur 
de  refprit  de  vin  ,  d'vn  trait  qui  ne  (è 
pouvoit  effacer  3  &  y  eftant  retourné 


îé        De  l'O  r  I  g  I  n  e 

le  feptiémede  luillet  enfuivaat,  qu'il 
faifoit  grand  chaud,  je  trouvay  que 
refprit  de  vin  n'eftoit  monté  au  defïïis 
de  la  marque ,  que  dVn  quart  ou  dVn 
tiers  de  ligne  feulement.  Si  Ton  veut 
donc  en  croire  ces  deux  Thermomè- 
tres ,  il  y  a  vne  égalité  de  température 
dans  cescaveseiiHyverc^enEfté^&fi 
Ton  veutfcrupuleufèment  prendre  gar- 
de a  cette  petite  différence  quMs  font 
remarquer ,  il  faudra  conclure  auflî 
qu'il  y  fait  plus  chaud  en  Eflé  qu  ei 
Hyver,  ce  qui  eil  contraire  à  ce  que 
tout  le  monde  a  crû  jufques  à  prefènt, 

l'ay  fait  encore  en  mon  particulier  vne 
autre  fembkble  obfervation  fur  la  cha- 
leur des  puits ,  (  car  c  efl  fur  celle-là 
que  noftre  Auteur  fe  fonde  particuliè- 
rement )  laquelle  j  ay  trouvée  égalé  en 
Hyver  &  en  Efté,  par  vn  lèmblable 
Thermomètre  que  j'y  ay  delcendu 
dans  le  plus  gi'and  froid  &  dans  le  plus 
grand  chaud  de  cette  melme  année 
1672,  fur  lequel  véritablement  je  nay 
pu  faire  la  remarque  de  la  petite  diffé- 
rence des  autres ,  par  la  diflSculté  qu'il 
y  a  de  retirer  promtement  le  Ther- 
momètre du  fonds  du  puits ,  à  caulè  du 


DS  $  FO  N  TA  ï  N  Ë  ^.  S^ 
peiil  qu'il  court  de  le  cailer:  mais  à 
cela  prés  je  iay  retiré  cia'is  le  mcime 
cP  at  en  vne  iaifoii  qu*eri  T^iutre  ^  & 
cepeadaat  fi  ces  Tnermom êtres  a- 
voieat  efté  laifTez  ea  piera  air ,  la  li- 
queur auroit  monte  dans  leur  cariai 
d'  le  faifoa  à  lautre  plus  de  qu!  \7.z  à 
feize  poulces. 

Mais  pâiions  outre  ;  s'il  y  a  va  feu 
fou  terrain  5  comme  leprcceid  nollrs 
Auteur ,  lc  qu'il  fe  hlTc  par  fou  moyea 
vne  difljllation  continiielle,  pour  juoy 
eft-ce  que  les  fontaines  &:  les  fleuves 
aug-iie.irerit  en  li>Ter  &  dimi  lue.it 
en  Efté  ?  Ce  feu  doit  eitre  touj^u^-s 
égal ,  Lv  les  eaux  de  la  Mer  toujours 
en  pïiieille  quantité  ;  c;:;*  fi  cette  égali- 
té n'ell:oit  pas  ni  dwins  ce  [eu  ni  dans 
cette  quantité  d'eau  ,  ou  eft-ce  qui  e  i 
pourroit  eftre  caufe ,  6c  commeit  les 
viaffîtudes  de  cette  inégalité  pour- 
roieàt-elles  eftre  réglées  comme îe  font 
celles  des  accroifîemens  &  decroifle- 
mens  des  Fontaines  f  II  eft  vray  que  la 
Kler  a  des  augmciitations  ,  niais  c'eit 
aux  deux  Equinoxes ,  &  les  fontaines 
ne  croiilènt  qu'vne  fois  Tannée.  Pour 
ce  qui  eft  de  la  chaleur  de  fon  feu 


88  De   l'Or  i  gi  ne 

qu  il  dit  s'augmenter  par  le  froid  &  par 
la  gelée  du  dehors ,  il  ne  gelé  pas  pa* 
tout  où  il  y  a  des  fontaines. 

L  autre  point  de  difficulté  eft ,  cc»m- 
ment  l'eau  de  la  Mer  ne  devient  point 
douce  'j  puis  que  dVn  cofté  il  y  entre 
continuellement  des  rivières  dont  les 
eaux  (ont  douces  ;  &  de  l'autre  il  iort 
de  cette  mefine  Mer  par  divers  canaux, 
des  eaux  falees  qui  s'èpandent  par  tou- 
te la  terre  dans  les  concavitez  qui  y 
font,  &  qui  y  laiflent  leur  fel  quand 
cette  diflillation  fe  fait  :  &  depuis  le 
temps  que  les  Rivières  verlent  dans  la 
Mer  des  eaux  douces  &  diftillées,  & 
que  tout  ce  qu'il  y  a  pu  avoir  d'eau 
(alée  dans  la  Mer ,  doit  avoir  pafsc  d'' 
puis  ce  temps- là  par  ces  canaux  fbu- 
fterrains  ,  &  y  avoir  laiGé  Ton  fel  en 
le  diftiUant  5  il  devroit  eftre  arrivé 
deux  chofes ,  IVne  que  la  Mer  ne  de- 
vroit plus  eftre  làlée  ;  l'autre  que  la 
Terre  devroit  eftre  pleine  de  fel  en 
grande  abondance ,  &  l'on  en  devroit 
trouver  dans  le  fonds  de  toutes  les 
montagnes  plus  que  de  lable. 


DAVITY. 


DES  Fontaines.        8p 
D  A  V  I  T  Y. 

Pierre  Davity ,  dans  fon  livre  du 
Monde  imprimé  en  16^7,  croit 
que  les  Fontames  viennent  de  la  Mer , 
par  la  raifon  de  ce  paffage  célèbre  de 
TEccIefiafte:  Que  les  Rhieres  yiennent 
de  U  Mer  ,  &  qu'elles  y  retournent  y 
fans  quelle  enfoit  trop  remplie.  Car 
il  ne  peut  croire 5  dit-il,  quelle  puft 
recevoir  tant  d'eaux  fans  déborder ,  ni 
auffi  que  le  Soleil  &  le  vent  en  puifle 
faire  exhaler  autant  qu'il  y  en  entre  5 
&cela  d'autant  moins  que  la  nuit ,  dit- 
il  5  repare  aflez  par  le  moyen  de lair 
le  dommage  qui  luy  vient  de  la  part 
du  Soleil  &  des  vents ,  ce  qui  luy  eft 
commun  avec  les  Rivières.  Ceklîip- 
posé  j  il  croit  que  la  Terre  eftant  ron- 
de &  pleine  de  pluf  eurs  ouvertures 
&  de  pluf  eurs  canaux,  la  Mer  par  (à 
grande  pefànteur  poufle  fes  eaux  par 
ces  canaux ,  &  la  fait  ainfi  monter  au 
haut  des  montagnes  ^  fuppolant,  com- 
me font  les  autres ,  que  les  eaux  de  la 
Mer  perdent  leur  amertume  &  leur  la- 
leure  en  palTant  par  plufieurs  &  diffé- 
rentes terres.    Il  admet  pourtant  les 

H 


po  De    l'O  RI  GI  N  E 

vapeurs  de  la  Terre  ,  qui  sépaiiïîflant 
peuvent  fe  CDnvertii-  ca  eau  dans  les 
concavitez  de  la  Terre ,  &  fe  joindre 
à  celles  de  la  Mer  pour  rendre  les  four- 
ces  perpétuelles. 

Reflexions  fur  l* opinion  deDayity, 

Il  n*y  a  rien  à  remarquer  fur  cette 
opinion  qui  n'ait  efté  dit  ;  &  la  conlT- 
deration  que  fait  cet  Auteur  fur  la  ron- 
deur de  la  Terre ,  qu'il  croit  fervir  à 
fon  opinion ,  fait  voir  qu  d  ne  fçavoit 
guère  ce  que  c  eft  que  cette  rondeur 
de  la  Terre ,  ni  dequoy  elle  peut  fer- 
vir, ou  ne  pas  fervir  à  fbn  delTem, 

M'  DE  SCARTE  S. 

REné  Defcartes  ^  dans  fbn  livre  des 
Principes  de  la  Philofbphie  ,  im- 
primé à  Amflerdam  en  t<^44.  efl  de 
l'avis  de  beaucoup  d'autres  ;  il  croit 
que  les  Fontaines  prennent  leur  ori- 
gine des  eaux  de  la  Mer ,  qui  montent 
au  haut  des  montagnes  par  évapora- 
tion,  &  que  c  efl  cette  évaporation  qui 
rend  douces  f  es  eaux  ialées.  Et  voicy 
comment  li  eflablit  Ja  chofe.  Il  dit 
quau  commencement  du  Monde ,  h 


DES  Font  AîNîi  s.  ^t 
matière  ds  la  terre  seftaat  ronipje& 
fracaisèe  .  cl' vue  certaine  manière  qu'il 
dècnt ,  il  refta  dans  la  Terre  beaucoup 
de  larges  ouvertures  par  lel quelles  il 
retourne,  dit-il,  toujours  autant  d'eau 
de-la  Mer  vers  le  pied  des  montagnes  ^ 
qu'il  en  fort  par  les  fources  qui  tbnt 
Uir  ces  meunes  montagnes  :  mais  qu  li 
nV  a  que  les  parties  d'eau  douce  qui 
puiilent  monter  en  haut  à  cauiecju  el- 
les font  déliées  &  flexibles  ^  &  que  les 
parties  du  lel  demeurent  en  bas ,  à  eau- 
le  qu  elles  font  roides  8c  dures  &  qu'el- 
les ne  peuvent  pas  eftre  changées  fa- 
cilement en  vapeur ,  m  paiîer  en  raçon 
quelconque  par  les  conduits  obliques 
de  la  terre  ;  &:  qu'encore  que  cette  eau 
douce  retourne  continuellement  dans 
la  Mer  par  les  fleuves ,  la  Mer  n'en  de- 
vient point  plus  douce ,  pource  que , 
dit- il ,  la  mefme  quantité  de  lel  y  de- 
meure toujours. 

Reflexions  fur  rofinî07i  de  M*  Defcarter^ 

De  la  façon  que  l'entend  M' Defcar- 
tes ,  il  ne  fe  fauve  pas  de  la  difficulté  du 
deffalement  de  la  Mer ,  quoy  qu'il  taU 
che  de  le  faire  auand  il  s'en  iait  l'obje- 

Hi, 


^t  De  l'Or  i  gi  n  e 
<5tion  à  luy-mefine.  Car  fi  levapora- 
tion  fait  que  les  eaux  de  la  Mer  laifTent 
leur  lèl  en  bas ,  c  eft  autant  de  fel  qui 
diminué  à  la  Mer ,  dans  laquelle  il  ne 
peut  plus  retourner,  puis  que,  CDmme 
il  dit,  il  coule  toujours  de  l'eau  de  la 
Mer  vers  le  pied  des  montagnes, pour 
remplacer  celle  qui  en  fort  par  les(our- 
ces.  Par  ce  moyen  donclaMer  devroit 
eftre  adoucie  depuis  le  temps  que  ces 
écoulemens  continuent ,  &  qu*il  en  fbit 
tant  d'eau  falée  qui  n  y  retourne  point 
avec  (on  fel  ;  &  la  Terre  devroit  eftre 
toute  pleine  de  celuy  que  ces  eaux  y 
ont  laifsé  en  s'évaporant,  &  en  mon- 
tant douces  au  haut  des  montagnes.  U 
dit  pour  réponfe  à  cette  objec!^ion ,  que 
la  Mer  ne  s*adoucit  point,  àcaufe  que 
la  mefme  quantité  de  fel  y  demeure 
toujours.  Mais  cette  réponle  ne  iatis- 
fait  pas:  car  fi  les  eaux  de  la  Mer  qui 
coulent  (ans  cefle  vers  le  pied  des  mon- 
tagnes y  latflent  leur  fel ,  il  ne  peut 
^as  eftre  vray  que  la  mefme  quantité 
de  fel  demeure  toujours  dans  les  eaux 
de  la  mer. 

On  pourroit  néanmoins  expliquer 
cette  répoafe  ea  cette  manière..  Il  dit 


DESFONTAINES.  p2 

que  les  ouvertures  que  la  Terre  s  eft 
confervées  foat  très- larges,  &quainfi 
la  communicatioa  des  eaux  du  corps  de 
la  Mer  eft  facile  &  libre  deffous  les 
campagnes  &  deffous  les  monragaes , 
où  il  fuppofè  qu'elles  couleat  de  la 
Mer  ;  &  que  cela  eftant  ainfi  ,  leva- 
poration  qui  fe  fait  de  leau  douce, 
quoy  qu  elle  ne  fe  fàffe  que  deflbus 
ces  montagnes ,  doit  eftre  coifiderée 
comme  fi  elle  fe  faifoit  fur  la  Mer  mef- 
me ,  &  à  découvert ,  par  la  raifon  de 
cette  grande  liberté  de  communication 
&  de  cette  continuité  non  interrompue 
des  eaux  de  la  Mer  par  ces  larges  con- 
duits 5  &  en  efFet  le  fel  ne  s*élevant 
point  au  haut  des  montagnes,  demeu- 
reroit  toujours  dans  ces  eaux ,  qui  ayant 
vne  communication  libre  entre  elles , 
ne  feroient  qu  vn  mefme  corps. 

Cette  folution  pouiToit  pafler  pour 
bonne  de  cette  forte ,  n  eftoit  deux  dif- 
ficukez  qui  en  refultent.  LVae  eft  > 
que  fi  cette  commumcation  eftoit  C\ 
facile ,  il  devroit  y  avoir  de  Feau  de  la 
Mer  par  toute  la  Terre,  puis  qu'il  y  a 
des  Fontaines  par  tout ,  &  l'on  devroit 
trouver  de  l'eau  de  la  mer  dans  tous 


5>4         C)E  l'Origine 

les  puits  qu*onL  feroit  de  dix  ou  douze 
toifes  de  profondeur  feulement^  ce  qui 
n  eft  point ,  ces  fortes  de  puits  faîez 
font  très-rares ,  &  plus  que  ne  le  font 
les  fontaines.  La  raifou  pourquay  Yon 
devroit  trouver  de  Teau  de  la  Mer  dans 
tous  les  puits,  eft  que  s  il  y  a  vue  com- 
municatioii  libre ,  comme  il  le  donne 
à  entendre ,  des  eaux  de  la  Mer  avec 
celles  qui  font  dans  la  Terre  :  ces  eaux- 
là  doivent  monter  dans  la  terreau  ni- 
veau de  celles  de  la  Mer ,  avec  qui 
elles  doive  it  faire  vn  équilibre.  Or  les 
plaines  ne  font  élevées  guère  plus  de 
<kx  ou  douze  toifes  au  deflus  de  la  iu- 
perficie  de  la  Mer ,  comme  je  le  diray 
dans  la  féconde  partie  de  ce  difcouis  • 
&  partant  les  eaux  de  la  Mer  fe  de- 
vroient  trouver  par  tout  dans  les  plai- 
nes à  la  profondeur  de  dix  ou  douze 
toifes. 

L'autre  difficulté  qui  naift  de  la  fo- 
lutioii  cy-deflùs ,  eft  que  cette  folu- 
tion  fait  vne  oppofîtion  avec  ce  que 
le  mefiîie  M'  Defcartes  dit  enlùite, 
lors  qu'il  veut  rendre  raifon  pourquoy 
itl  y  a  des  puits  lalez  :  car  il  dit  qu'ils 
imt  falez ,  ou  à  caufe  qu'il  y  entre 


DFSFONTAINE?.  9? 

quelque  eau  de  la  Mer  (alée  &  non  per- 
c^lée  ,  ou  bien  à  caufe  que  quelque 
eau  s'eft  écoulée  de  la  fuperficiede  la 
Merjufqu  au  fonds  de  ces  puits ,  qui  (e 
font  trcHivez  eftre  de  niveau  avec  cet- 
te f iiperficie  de  la  Mer. 

Quand  il  parle  de  cette  eau  faléeSc 
non  percolèe  ,  il  en  parle  comme 
dvne  choie  extraordinaire,  capable  de 
caufer  ce  cas  fingulier  &  rare  :  C'eft 
donc  à  dire  que  toute  l'autre  eau  de  la 
Mer  qui  eft  dans  la  Terre  eft  percolèe, 
&  que  par  vn  grand  hazard  celle  de  ces 
puits  ne  l'eft  pas  :  Néanmoins  il  dit 
que  ces  eaux  entrent  dans  la  Terre 
par  des  conduits  tres-larges  &  tres-ou- 
rertsj  ce  qui  n  eft  pas  vn  moyen  pour 
les  percoler.  Si  d'vn  autre  cofté  cette 
ۈu  qui  entre  dans  la  Terre  n  eft  point 
4)ercolée  &  partant  falée ,  comme  il  le 
donne  à  entendre,  quand  il  dit  qu  elle 
ne  s'adoucit  que  quand  elle  monte  en 
haut  réduite  en  vapeur ,  il  n'y  a  pas  de- 
qiioy  s  eftonner  fi  elle  entre  dans  ces 

f)uits  5  falée  comme  elle  l'eft  naturel- 
em.ent  ;  il  y  a  donc  quelque  choie  dans 
cette  folution  qui  ne  s'accorde  pas  avec 
ce  qu'il  a  dit  auparavant ,  &  qui  fonc 


96        De   l'O  r  I  g  I  n  e 

enfemble  cette  oppofition. 

Cette  autre  raifon  qu'il  ajoufte  pour 
la  faleure  des  puits ,  que  ce  peut  eftre 
à  caufe  de  l'eau  {àlée  qui  s'écoule  de 
la  {iiperficie  de  la  Mer  jufques  dans 
ces  puits  dont  le  fonds  eft  de  niveau 
avec  la  Mer,  cetteraifon,  dis-je,  fert  en- 
core à  confirmer  davantage  ce  que  )  ay 
ditcy-devant,  quil  fe  devroit  trouver 
de  Teau  falée  dans  tous  les  puits  des 
plaines ,  pource  que  s'il  peut  couler 
de  l'eau  de  la  Mer  venant  de  fafuper- 
ficie  dans  vn  puits  avec  tant  de  Éicili- 
té  &  fi  naturellement,  il  peut  ei  cou- 
ler dans  bien  d  autres  ;  &  tous  les  puits 
voifins  de  ceux-là, fêla communique- 
roient  Tvn  à  l'autre  par  les  veines  de 
la  Terre,  &  depuis  le  temps  qu  il  y  ei 
a  de  fàlez,  tous  les  autres  le  devroieat 
eftre.  le  ne  parle  point  du  grand  éloi- 
gnement  de  la  Mer,  &  de  la  grande 
diftance  qui  eft  entre  elle  &  ces  iortes 
de  puits  :  ce  long  chemin  qui  feroit  de 
plus  de  fept  ou  huit  cens  lieues  en 
quelques  endroits ,  donneroit  occafion 
à  beaucoup  d'écoulemens  à  droit  &  à 
gauche  ,  par  la  diverfité  des  terrains, 
par  la  rencontre  des  pierres ,  des  fables, 

des 


DESFONTAINES.  P7 

des  montagnes  &  autres  obftacles ,  par 
le  moyen  delquels  cette  eau  làlee  ih 
poiirroit  écâiter  ù.  faire  encore  bien 
plus  de  puits  qu^il  n  y  en  a  :  mais  R  Toa 
veut  preidre  garde  à  la  profondeur  de 
ces  fortes  de  puits ,  il  ne  (e  trouvera 
pas  qu  elle  fe  puifîè  rapporter  à  la  fii- 
perficie  de  la  Mer ,  qui  conftamment 
eft  beaucoup  plusbaue. 

P  A  P  I  N. 

Nicolas  Papin  Médecin  à  Blois ,  a 
fait  vn  petit  traité  De  l Origine 
des  fburces  tant  des  fleuves  que  des  ton- 
tames,  imprimé  àBIois  en  t  (^47.  avec 
deux  autres  traitez,  T  vn  de  la  faleure  de 
la  Mer ,  &  1  autre  de  Ton  flux  &  reflux. 
Dans  ce  Traité  des  f  ources  fon  opinioa 
efl:  bien  différente  de  toutes  celles  que 
j  ay  rapportées  :  car  bien  qu'il  convien- 
ne avec  Lydiat ,  &  en  partie  avec  Car- 
dan &  quelques  autres ,  que  la  Mer  eft 
la  véritable  origine  des  fources  &  des 
fontaines  3  il  n' eft  pas  néanmoins  de  leur 
avis  5  dans  la  manière  dont  cela  fe  peut 
faire ,  &  il  en  tire  la  caule  de  plus  loin , 
que  tous  les  autres  Philoiophes  n  ont 
fait, 

I 


p8        D  E   l'O  r  I  g  I  n  e 

Il  dit  que  brs  de  la  creatiDn  du 
Monde  il  ilit  auQ]  créé  va  eiprit ,  qu'il 
appelle  concretif,  ou  de  concrétion, 
tenant  vne  nature  moyenne  entre  la 
celelle  &  rélementaire  ;  que  par  le 
moyen  de  cet  elprit ,  les  corps  ou  il 
.  eft  méfié  reçoivent  du  ciel  &  des  éle- 
niens  les  qualitez  deftructives  &  con- 
fervatrices  de  leur  eftre ,  &  font  main- 
tenus en  leur  forme  particulière ,  Ibli- 
dité  &  conlîftence ,  &  en  vne  vnion 
tres-étroite  avec  les  fubftances  etero- 
gènes  dont  ils  font  compofez  ,  ce 
qu  il  appelle  proprement,  dit- il  ^  con- 
crétion. 

Qoe  cet  efprit  concretir ,  par  cette 
qualité  qu  il  a  dVnir  les  chofes  aufquel- 
les  il  eft  méfié  ,  les  reflerre  de  telle 
forte  &  principalement  les  liquides, 
qu'elles  prennent  vne  forme  Ipheri- 
que.  Qf  il  fait  la  meilleure  &  la  plus 
noble  partie  du  fel  marin;  &  que  leau 
de  la  Mer  qui  en  eft  remplie  fe  refîer- 
rant  en  elle-mefme  par  la  force  de  cet 
efprit  concretif,  prend  vne  rondeur 
autre  que  celle  qu'elle  auroit  avec  la 
Terre,  Il  fon  eau  neftoir  point  con- 
trainte &  ramafsée  de  la  forte  :  Qoe 


DESFONTAINES.  cp 

cette  rondeur  dans  les  endroits  de  1 0- 
cean  où  il  eft  le  plus  large ,  reprefen- 
te  à  peu  prés  vn  demy  globe  iiir  celuy 
de  la  Terre ,  &  pai'  ce  moyen  Tes  eaux 
en  Ton  milieu  font  élevées  beaucoup  au 
defTus  des  plus  hautes  montagnes  du 
Monde,  quoyque  les  bords  loientde 
niveau  avec  la  rondeur  de  toute  la 
Terre. 

Cela  ainfi  fupposé ,  il  dit  qu'il  eil 
facile  à  ces  eaux  ainfi  élevées  dans  le 
milieu  de  lOcean ,  d'en  faire  monter 
d'autres  julques  au  haut  des  monta- 
gnes ,  par  les  canaux  loufterrains ,  les 
labiés  &  les  terres  par  ou  elles  paflènt, 
leiquôlles  eaux  le  devaient  aufTi  par 
cette  melme  percolation ,  dont  quel- 
ques-vns  des  Philofophes  que  nous 
avons  nommez,  oit  pai'lé;  &  que  ces 
eaux  en  laiflant  leur  faleure  dans  les 
terres  où  elles  paflènt  y  laiflent  aufîî 
cet  efprit ,  qui  n'eftant  plus  melléavec 
de  1  eau,  fait  des  pierres.  Qail  y  a  des 
qualitez  élémentaires  qui  peuvent  aug- 
menter ou  diminuer  la  vertu  de  cet 
efpnt  concretif ,  fçavoir  la  chaleur  & 
l'humidité,  &  quelles  luy  font  com- 
muniquées plus  ou  moins  par  la  vertu 

I  11 


loo  De   l'Origine 

des  Aftres ,  &  principalement  des  dou- 
ze fignes  du  Zodiaque,  aufquels  il  at- 
tribue de  différentes  qualitez  de  cha- 
leur &  de  froidure  ,  d'humidité  &  de 
feichereffe.  Que  ces  douze  figues  par 
leurs  afpects ,  de  fextil ,  de  tri  ne  ,  de 
quadrat  &  d'oppofition ,  influent  iVne 
ou  l'autre  de  cesqualitez  feiches&  hu- 
mides ,  chaudes  &  froides ,  qui  font  la 
caufe  de  la  tention  ou  relaxation  de 
cette  concrétion ,  &  c  eft  ce  qui  fait 
le  flux  ô:  le  reflux  de  la  Mer ,  &  de 
tout  cela  il  n'en  donne  aucune  preuve 
que  Ion  leul  témoignage,  fi  ce  n  eft  de 
cet  elprit  concretit  auil  dit  pouvoir 
eftre  feparé  d'avec  (on  fujet  par  lart 
de  la  Chimie ,  &  qui  peut  mefme  fe 
reconnoiftre  dans  les  putrefadions  par 
vne  acidité  qui  luy  eft  particulière. 
Mais  il  prétend  prouver  cette  hauteur 
de  Mer  par  deux  expériences  dont  il 
en  a  fait  l'vne.  La  première  eft  de  deux 
hommes  dans  vn  mefme  navire,  IVn 
fur  le  tillac ,  lautre  dans  la  hunne du 
maft ,  qui  ne  verront  pas  en  mefme 
temps  vn  objet  opposé  :  celuy  de  la 
hunne  le  découvrira  avant  l'autre  à  cau- 
iè  de  Télevation  où  il  eft  ,  qui  le  fait 


DES  Fontaines.  tôt 
voir  par  deflus  celle  des  eaux  de  laMer^ 
au  lieu  que  celuy  du  tillac  en  lera  em- 
pefché  par  cette  mefme  élévation  des 
eaux  qui  fe  trouve  eatre  luv  &  T objet. 
L'autre  expérience  eft  qu'il  dit  avoir 
efté  en  vne  maifon  de  plaifance  en 
Italie ,  où  fur  le  haut  d'vae  moatagne 
tres-élevée,  il  y  a  vn  baiTjii  de  fon- 
taine plein  d'eau  jufques  a  fe  répan- 
dre par  deifus  fes  bords,  iùr  l'eau  du- 
quel bafTin,  qui  eft  aflùrément  de  ni- 
veau, il  dit  avoir  coulé  fa  veue  &  a- 
voir  veu  a  l'oppof  te  la  Mer  qui  s'éle- 
voit  beaucoup  au  deffus,  &  qui  par 
confequent  n'eftoit  pas  de  niveau  mef- 
me avec  le  fommet  de  cette  monta- 
gne ,  qu'elle  furpaiîoit  de  beaucoup. 

Réflexions  fur  l'opinion  de  Papin, 

Ce  Philofophe  eft  à  peu  prés  de  k 
qualité  de  Van-Helmont5cdeLvdiat, 
en  ce  qui  eft  de  reftabliflenient  de  leur 
principe  ;  car  l'vn  veut  qu'on  luv  ac- 
corde gratuitement  la  vertu  vivifiante 
qu'il  donne  à  fon  fable  ou  terre  pure. 
L'autre  vent  qu*on  demeure  d'accord 
d  vn  feu  foufterram  fous  toute  la  ir.rla- 
ce  de  lateiTeiceluy-cy  veutpareillemét 

I  nj 


toi       De  l*Origine 

qu'on  luy  accorde  Ion  elprit  concretif , 
avec  les  qualitez  qu'il  luy  attribue ,  & 
tous  trois  en  veulent  eftre  crus  lùr  leur 
parole.   La  diflereice  pourtant  qu'il 
y  a   des  deux    premiers  à  celuy-cy 
cft ,  que  fî  ce  qu'ils  fuppofent  eftoit 
vray ,  la  difficulté  ne  feroit  pas  bien 
confîderable',  il  n  y  auroit  qu  a  choi- 
fir  r opinion  qui  plairoit  le  plus:  Mais 
pour  ce  qui  eft  de  Papin ,  quand  mef- 
me  on  luy  accorderoit  ce  qu'il  fiip- 
pole ,  la  chofe  ne  fe  pourroit  pas  fai- 
re comme  il  le  dit  ^  &  la  raifon  eft , 
que  fi  cet  efprit  concretif  a  aflez  de 
pouvoir  pour  retenir  les  eaux  de  la 
Mer  enfemble,  jufques  à  les  faire  mon- 
ter en  haut  &  prendre  la  forme  d'va 
globe 3  ces  eaux  ainfi  élevées  ne  peu- 
vent pas  en  poufler  d'autres  pour  les 
faire  monter  au  haut  des  montagnes  r 
car  il  s'eniùit  de  fa  propofition ,  que 
l'eau  de  la  Mer  n  eft  pas  en  fa  liber- 
té ,  &  qu'au  contraire  elle  eft  telleme  it 
contrainte  que  fà  pefanteur  naturelle 
eft  moindre  que  la  violence  que  luy 
fait  cet  efprit  concretif ,  qui  la  fait 
demeurer  {ufpendue&  ians  aâion.  Car 
ièlon  luy  cet  eiprit  concretif  a  vne 


D  H  s    FON  T  A  I  N  E  s,  tOJ 

vertu  de  refierrement,  qui  venant  de 
la  circonférence  au  centre  ,  caule  cet- 
te figure  iphenque;  &  fuivant  cette 
coucretion  l'on  peut  s'imaginer  que  fi  la 
Mer  pouvoit  eftre  tellement  leparée 
de  la  Terre  qu  elle  n'y  touchaft  point, 
elle  ie  mettroit  en  [orme  de  boule ,  & 
feroit  vn  globe  parfait.  Il  s'eniuit  aufïi 
que  toute  la  Mer ,  amfi  remplie  de  cet 
ciprit  concretif ,  ne  s  appuyé  fur  la 
terre  que  comme  feroit  vne  bouteille 
ronde  de  verre  pleine  d'eau  pour  y 
eftre  feulement  fouftenue,  fans  que 
Teau  puifie  s  écouler  m  d  vn  coftè  ni 
d'autre  :  car  la  vertu  de  refierrement 
qu  a  cette  concrétion ,  fait  fiir  l'eau  ce 
que  fait  vne  bouteille  de  verre.  Cela 
citant  de  la  forte ,  i'elevation  de  l'eau 
de  ia  Mer  au  milieu  de  fOcean  ,  i 
quelque  hauteur  qu  elle  puifie  aller, 
iie  peut  avoir  aucun  effet  pour  faire 
monter  les  eaux  qui  iont  dans  les  ca- 
naux de  la  terre  jufquau  haut  des 
montagnes,  quoy  que  plus  abaifsées 
que  cette  rondeur   prétendue  de  la 
Mer ,  pource  que  cet  efprit  concretif 
empeiche  l'adion  quelles  auroient  fi 
elles  il  efloient  point  retenues  par  luy  : 

I  uij 


to4  De  l'Origine 

car  la  raifon  pourquoy  Teau  monte 
dans  vn  canal  jufquesà  la  hauteur  d'où 
elle  vient 3  ceft  que  n'ayant  rien  oui 
empefche  fa  pesanteur  d'agir  ,  l'eau 
d'enhaut  pouflTe  celle  d'embas  jufques 
a  ce  qu  elle  ioit  parvenue  à  vne  hau- 
teur égale,  &  en  équilibre  avec  elle. 
Mais  icy  ou  cet  efprit  concretif  raflem- 
ble  en  rond  toutes  les  eaux  ou  il  eft 
méfié ,  &  où  il  force  mefine  leur  pe- 
fànteur  pour  les  faire  monter  au  deflùs 
de  leur  niveau  ;  il  leur  ofte  necelFai- 
rement  la  liberté  de  poufl'er  en  bas 
comme  font  les  autres  eaux  libres ,  & 
quelque  communication  qu'il  puiiîè 
y  avoir  du  fonds  de  la  Mer  aux  mon- 
tagnes par  les  canaux  de  la  terre ,  il  ne 
peut  y  avoir  d  aâ:ion  impulhve  par  la 
raifon  de  cette  concrétion  fpherique, 
qui  reflèrrant  les  eaux ,  de  la  circon- 
férence au  centre ,  lait  que  celles  du 
fonds  agiflent  vers  le  haut ,  ou  eft  le 
centre  de  concrétion  ,  pluftoft  que 
vers  le  bas  •  &  ne  touchent  au  fonds 
de  la  Mer  ,  que  pour  eftre  fouftenues 
de  melme  que  feroit  cette  bouteille 
dont  nous  avons  parlé.  Car  encore 
que  noftre  Auteur  fuppofe  vn  relaf- 


DES  Fontaines.  105 
chement  de  cette  concrétion  félon  les 
divers  afpecfls  des  fîgnes  du  Zodiaque, 
cela  ne  donnera  point  d'impulfion 
aux  eaux  qui  font  dans  la  Terre  ,  {{ ce 
neft  lors  que  ce  relarchementlera  en- 
tièrement accomply  ;  ôc  que  les  eaux 
de  la  Mer  ayant  pris  la  circonférence 
de  toute  la  Terre,  par  la  liberté  où 
ce  relafchement  les  aura  mifes ,  n'au- 
ront plus  ce  defir  ^  fi  cela  fe  peut  dire> 
de  tendre  vers  ce  centre  de  concré- 
tion 5  &  alors  elles  ne  pourront  faire 
monter  les  eaux  (  au  cas  que  cela  le 
puft  faire  )  qu'au  niveau  des  bords  de 
la  Mer ,  pource  que  tant  que  cette  con- 
crétion agira ,  &  qu  elle  fera  plus  forte 
que  le  relai chement ,  les  eaux  de  la 
Mer  n'auront  aucun  defir  ni  aucun  pou- 
voir de  fortir  de  la  circonférence  fphe- 
rique  que  leur  imprime  cet  efprit  con- 
cretif  :  au  contraire  voulant  toujours 
aller  de  la  circonférence  au  centre, 
elles  ne  poulTeront  jamais  dehors. 
Mais  quand  la  ch  ofe  n  iroit  pas  ainfi  que 
je  le  dis,  &  qu'il  leroit  vray  que  cette 
hauteur  fiipposée  des  eaux  de  la  Mer, 
puft  faire  monter  des  eaux  aulTi  haut 
quelles  le  feroient  elles-mefmes  j  non- 


ïe<^       De    l'Origine 

obllant  la  concrétion;  y  a-t- il  apparen- 
ce que  cette  impiilfîon  puft  fe  Taire  au 
travers  du  fonds  de  la  Mer ,  au  travers 
de  tant  de  terres  par  lesquelles  ces  eiux 
doivent  paflèr  pour  quitter  leur  amer- 
tume &  leur  fàleure,  durant  vn  chemin 
de  plus  de  mjUe  lieues  en  quelques  en- 
droits fans  s  écarter ?yà-t -il  dans  la  Ter- 
re des  canaux  de  cette  longueur,  adèz 
bien  joints  ?  L'on  a  bien  de  la  peine 
à  conduire  de  1  eau  dans  des  tuyaux  de 
plomb  durant  cinq  ou  fîxcens  toifes 
leulement  ;&  quand  il  faut  qu'ils  élè- 
vent leau  à  dix  ou  douze  toiles  ils  fe 
rompent ,  il  nya  point  de foudure qui 
puiHè  rcditer  ,  leau  fe  fait  pafîàge 
quelquefois  à  travers  le  plomb  mefme; 
que  feroit-ce  s'il  la  faloit  élever  juf^ 
ques  à  plus  de  cent  toiles,  comme  il 
y  a  a  (lez  de  iources  dans  le  monde 
qui  font  X  c^ttQ  élévation  ?  Cardan  a 
fait  cette  remarque  à  ce  iujet,  &no{tre 
Auteur  n'y  avoit  pas  fi  bien  pensé  que 
luy.Deplus  s'il  arrivoit  que  par  hazard 
on  vinft  à  renconti'er  en  touillant  quel- 
qu  vn  de  ces  canaux ,  ce  qui  n  eft  pas 
impolTible  ,  cela  monderoit  vne  Pro- 
vince. 


DE  s  Font  AINE  ^.  107 
Pour  ce  qui  eft  des  deux  expérien- 
ces par  leiquelles  il  veut  prouver  fort 
élévation  des  eaux  de  la  Mer  j  la  pre- 
mière eft  rapportée  daas  la  iphere  de 
Sacrobofco  ,  pour  prouver  feulement 
la  rondeur  des  eaux  de  la  Mer ,  &  fai- 
re voir  qu  elles  ne  font  qu  vn  feul  glo- 
be avec  la  Terre,  dont  tout  je  mon- 
de demeure  d'accord  j  &  mermeceux 
qui  ont  nivelle  de  longs  efpaces ,  ont 
remarqué  que  la  rondeur  de  la  Terre 
emporte  fur  vne  lieué  de  niveau  jufque 
àfix  pieds. 

Pour  celle  du  baCTin  de  fontaine 
dans  cette  maifon  de  plaifance  en  Ita- 
lie, d^ntilsett  fervy  comme  dVa  ni- 
veau 3  il  y  a  beauc  ydp  de  choies  a  dire. 
Premjerement  il  peut  n  avoir  pas  b:  en 
fait  fon   ob:ervation  ;    fecondemeit 
quand  b.  diftance  eft  grande  ,  les  ni- 
veaux de  cette  qualité  ne  font  pas  n- 
délies ,  pour  pluficurs  rations.  Car  fi 
l'eau  ne  fait  qu  vn  globe  avecla  terre> 
comme  il  eft  aiîiiré,  parleschofes  que 
nous  venons  de  dire ,  il  n  y  a  point  de 
portion  de  fuperficie  d'eau  qumefott 
celle  d Vn  globe  :  or  cette  portion  de 
gbbe  neft  point  droite,  &  par  confe- 


to8  De  l'Origine 

qiient  ne  peut  avoir  i'effet  àvn  hin 
niveau  :  &  quoy  que  la  differeice  de 
cette  iuperfîcie,  àvae  iuperficie piare 
foit  tres-petite,  elle  eft  pourtant  aflez 
grande  pour  avoir  vn  grand  effet  fur 
vne  chofe  éloignée;  parconrequentfi 
la  luperfîcie  de  ce  bafTin  a  efté  gran- 
de y  elle  a  efté  fîiiette  à  vne  plus  gran- 
de erreur^  &  fi  elle  a  efté  petite,  il  a 
efté  mal-aiséde  bien  faire  robfervation, 
eftant  certain  que  les  petits  inftrumens 
géométriques  ne  font  daucun  viago. 

Mais  quand  bien  je  voudrois  aban- 
donner cette  raifon  ,  qui  n'eft  peut- 
eftre  quVae  chicane  de  geometiie, 
lexpeneice  fait  voir  combien  il  eft 
difficile  de  juger  du  niveau  des  cho- 
ies éloignées  :  c<ir  fî  vous  eftes  dans  vne 
plaine  avec  quelqu'vn  de  voftre  taille, 
prenez  garde  que  Thorif  on ,  c  eft  à  dire 
les  montagnes  éloignées ,  vous  paroi- 
ftront  à  la  hauteur  de  Tes  yeux  •  &  fi 
vous  montez  fur  vne  haute  montagne 
avec  la  mefme  perfonne ,  le  meime 
horilon  vous  paroiftra  encore  de  mef- 
me, c  eft  à  dire  à  la  hauteur  de  fes  yeux, 
comme  quand  il  eftoit  dans  la  plaine  5 
&  la  hauteur  de  cette  montagne  n  au- 


DE  s  Font  A  I  NE  s.  top 
ra  rieii  opéré  liir  l'appareiics  de  ces 
deux  horiloas. 

De  plus ,  il  eft  certain  chez  les  Aftro- 
nomes  que  les  vapeurs  humides  ibit  de 
la  Mer  ,  Ibit  de  la  Terre ,  caufent  de 
grandes  refradions ,  &  font  voir  beau- 
coup de  chofes  autrement  qu  elles  ne 
font  en  effet  :  comme  quand  le  Soleil 
ou  la  Lune  paroiflent  quelquefois  de 
figure  ovale  ,  en  leur  lever  ou  cou- 
cher ^ Elles  les  font  auffi  voir  fur  Ino- 
rifon  avant  qu'ils  y  foient  montez ,  & 
par  la  raifon  de  cette  meime  reha- 
étion  l'éclipfe  de  Lune  qu  on  nomme 
horizontale, paroift  avant  meime  que 
le  Soleil  foit  couché ,  &  que  la  Lune 
foit  aduellemient  levée  •  en  forte  qu'on 
voit  ces  deux  Aftres  en  mefine  temps , 
ce  qui  ne  fedevroitpas,  puis  que  le- 
cliple  de  Lune  ne  fefait  que  par  Tm- 
terpofition  de  la  terre  entre i'vn  &  lau- 
tre.  Ce  qui  caufe  vn  effet  iî  eftrange 
eft  que  les  vapeurs  humides  font  voir  par 
refradion  IVn  de  ces  deux  Aftres,  ou 
tous  les  deux  après  leur  coucher  ou 
avant  leur  lever. 

Cela  fe  prouve  par  vne  expérience 
facile  à  faire.  Prenez  vn  baflin  va  peu 


tîo        De   l*0  r  I  g  in  e 

profond ,  mettez  y  vne  pièce  d  argent 
ou  d'autre  metail ,  &  vous  reculez,  ea 
forte  que  vous  ne  la  puilTiez  voir  du 
lieu  ou  vous  ferez  ,  puis  fans  changer 
de  place  Elites  mettre  de  l'eau  dans  ce 
baflîn  ,  alors  la  pièce'  d'argent  vous 
apparoiftra  avec  tout  le  fonds  du  baf- 
fin  5  comme  fi  vous  aviez  beaucoup 
élevé  voftre  œil. 

L'on  peut  faire  encore  vne  autre 
expérience  àpeu  prés  femblab le,  dont 
l'effet  eft  affez  plailant.  Prenez  va 
verre  à  boire  ,  mettez  dedans ,  par 
exemple  vne  pièce  de  trente  fols ,  & 
Templiffez  d'eau ,  puis  mettez  vne  af- 
fiete  fur  le  verre  ,  &  la  main  lîir  Tal- 
fiete,  &  tenant  le  tout  bien  ferme, 
renverfez  laffiete  &  le  verre  enlem- 
ble,  en  forte  que  l'afliete  fe  trouve 
defibus  &  le  verre  defîùs ,  alors  la 
pièce  d'argent  vous  paroiftra  fur  l'afTie- 
te  j  &  en  mefme  temps  vous  en  ver- 
rez vne  autre  de  la  grandeur  d Vne  de 
quinze  fols  gui  nagera  fur  feau,  telle- 
ment bien  faite ,  que  laifîant  l'eau  en 
repos  il  fera  difficile  à  celuy  qui  ne 
fçaura  pas  quelle  pièce  on  y  aura  mife, 
de  fçavoir  quelle  eft  la  véritable  des 


DES  Fontaines.        itt 

-deux,    lay  fait  vue  autreexperience 
plus  canfiderable,  &  qui  donne  à  con- 
noiflre  que  les  vapeurs  de  la  terre ,  fé- 
lon leur  dilpofition ,  lont  capables  de 
faire  que  des  objets  éloignez  paroillèac 
tantoft  plus  élevez  tantoft  moins ,  com- 
me fî  ces  objets  le  haulToient  ou  sa- 
baiflbient  aduellement.   l'en  rappor- 
teray  icy  les  particularitez  qui  pour- 
ront iervir  à  découvrir  la  caiife  d'vn 
effet  fi  fîngulier.  Voicy  comment  j  y 
ay  procédé  :  l'ay  pris  pour  objet  à  la 
campagne,  vn  pavillon  d'environ  tren- 
te deax  pieds  de  haut  eflcigné  de  demy 
lieuë ,  lequel  j  ay  obfervé  avec  vne  lu- 
nette d'approche  que  j'avois  attachée 
&  rendue  immobile  iur  vne  fenerire 
dans  vn  gros  mur  ^  &  l'ayant  pomtée 
iiir  le  iommet  de  ce  pavillon  y  qui  ré- 
pondoit  au  fil  qui  eftoit  dans  ma  lu- 
nette, &  qui  eftoitde  niveau  avec  elle  ; 
je  trouvay  que  depuis  deux  heures  après 
midy,que  je  commen<^ay  mon  obier- 
vation,  jufquau  loir,  le  haut  de  cette 
couverture  a  voit  femblé  monter  de 
huit  pieds,  en  foite  qu'il  y  avoit  plus 
de  la  moitié  de  cette  couverture  au 
delîus  du  fil  de  ma  lunette.  Ce  jour-  là 


it2  De  l'O  rigi  n  e 
il  fit  aiTez  beau  avec  pourtant  beau- 
coup de  vent ,  &  il  avoit  plu  durant 
qiutre  ou  cinq  jours  auparavant.  Le 
lendemain  au  matin  avant  cinq  heures 
je  retournay  à  ma  lunette,  &  je  trou- 
vay  que  le  pavillon  eftoit  monté  en- 
core beaucoup  plus  haut,  &  que  je  n  en 
vovois  plus  qu'environ  huit  pieds  par 
le  bas  3  &  vne  heure  après  il  me  parut 
descendu  d'environ  huit  pieds ,  en  for- 
te que  mon  fil  coupoit  la  hauteur  de 
tout  le  pavillon  par  la  moitié ,  &  il  de- 
meura ainfi  jufques  a  cinq  heures  du 
foir  qu'il  defcendit  de  quatre  à  cinq 
pieds  ou  il  demeura  tout  le  refte  du 
jour.  Tout  le  matin  de  cette  journée 
l'air  fiit  fort  humide  à  caufe  de  la  pluye 
qu'il  avoit  fait  toute  la  nuit  ,  qui  re- 
commença a  midy  &  dura  jufques  à 
quatre  heures  du  foir  fans  difcontmuer. 
Le  jour  fuivant  vn  peu  après  cinq  heures 
du  maan  je  retournay  à  ma  lunette  qui 
n  avoit  bougé  de  fa  fituation ,  &  je  trou- 
vay  que  ce  pavillon  eftoit  defcendu 
encore  de  quatre  pieds ,  à  neuf  heures 
de  quatre  autres  ;  &  alors  je  voyoïs  le 
haut  de  fa  couverture  au  fil  de  ma  lu- 
nette ,  comme  quand  je  comniençay 

moa 


DES  Fontaines.       m^ 

mon  obfervation  ,  &  à  dix  heures  il 
eftoit  encore  deicendu  de  prés  de  huit 
pieds  davantage  au  deflôus  du  fil  de 
ma  lunette  où  il  demeura  jufqu'au  foir. 
Tout  ce  jour  U  il  fit  très-beau  temps 
avec  beaucoup  de  foleil  fans  vent  5  & 
le  jour  fuivant  à  cinq  heures  du  matin 
qu^il  faifbit  auffi  beau  temps ,  je  trou- 
vay  mon  pavillon  au  melme  abailTe- 
ment  que  je  lavois  laifsé  le  Ibir  du 
jour  précèdent  j  &  deux  heures  après 
il  recom.mença  à  monter  de  trois  ou 
quane  pieds ,  &  U  mon  obiervatiort 
fiit  interrompue.  Ce  jourUquoyquil 
fift  très-beau  temps  ,  il  y  avoit  vn 
br 011:1' ard  tres-épais  fur  vne  rivière 
qui  pafîè  derrière  &  à  vne  portée  ds 
mouiquet  de  ce  pavillon  :  mais  ri  n  en 
eftoit  point  du  tout  obfcurcy ,  &  il  fe 
laifloit  voir  tort  clairement  oc  fort  net- 
tement, peut-eilre  plus  quaux  autres 
jours.  l'ay  recommencé  la  mefme 
expei'ience  01  vn  autre  temps  qu'il 
faiibit  vne  grande  feicherefle,  &  qui 
avoit  duré  plus  de  fix  iemaines  lans 
diicontinuer ,  où  j'ay  vu  toujours  la 
meihie  chofe,  lînon  que  l'élévation  & 
FabailTemeat  n'eftoieat  que  de  moitié 

K 


ft4         De  l'Origine 

de  ceux  de  nia  première  expérience ,  & 
que  I  élévation  de  mon  objet  fe  faifbit 
régulièrement  dumidyau  lbir>&  la- 
baiilement  du  matin  à  midy  ^  au  lieu 
que  félon  la  première  Tvn  &  l'autre 
fe  faifoieat  indifféremment  du  matin  à 
midy  &  de  midy  au  foir.  Il  (e  voit  par 
tout  ce  que  j'ay  dit  que  Teau  ou  les 
vapeurs  humides ,  qui  par  le  grand  éloi- 
gnement  ^  leur  épaiflèur  &  leur  natu- 
re d'eau,  ont  le  mel'me  effet  que  l'eau 
mefme ,  peuvent  faire  voir  des  chof es 
eftre  élevées,  qui  font  neanmoms  baf- 
fes ;  &  qu  aiiifi  ce  que  noflre  Auteur  a 
dit  a  eflè  de  bonne  foy  :  mais  qu'il  a 
eflé  le  premier  trompé  ,  &  que  cette 
mer  qu'il  a  cru  voir  élevée  plus  haut 
que  le  niveau  de  ce  bafTin  ,  ne  l'eftoit 
pas  en  effet  :  mais  que  c  eftoient  les 
vapeurs  de  la  Mer  qui  luy  faifoient  voir 
alors  les  eaux  de  la  Mer  plus  hautes 
qu'elles  neftoient  enef^et.  Cette  ex- 
périence de  niveller  iiir  le  bord  d  vn 
badin  de  fontaine,  n'efl  pasvne  cho- 
fè  nouvelle  :  Avant  que  d'avoir  jamais 
oiiy  parler  de  cet  Auteur  ni  de  fon 
Traité ,  j'ay  fait  vne  pareille  obferva- 
tion  fur  vn  foit  8:rand  baffia  de  fontaine 


DF-S   FO  NT  A  I  NE  s.  ti^ 

fur  yne  haute  montagae:  maisjen'av 
jamais  pu  tirer  aucune  certitude  de  cet- 
te forte  de  mveau ,  je  voyois  tout  ce 
que  je  Youlois.Les  inftrumens  deMa- 
tiiematique  foat  bien  plus  aflurez ,  & 
ceux  qui  s'en  fervent  auroient  fait  il  y 
a  Ion  g- temps  cette  remarque  >  fi  ce 
qu  lî  dit  eftoit  véritable. 

L  on  peut  faire  encore  à  noftre  Au- 
teur vue  objection  femblable  à  celle 
que  j'ay  faite  à  Lydiat ,  qui  eft  Tac- 
croiflement  Sz  diminution  des  fources 
en  Hyver  &  en  Efté ,  pource  que  félon 
ion  opinion  il  n  y  en  devroit  point 
avoir  j  ou  du  moins  il  devroit  y  avoir 
deux  accroiilèmens  en  vne  année ,  {ça- 
voir  âirx  deux  Equinoxes,  où  le  relaf- 
chement  de  (a  prétendue  concretioa 
eft  plus  grand  qu'aux  autres  temps  & 
deux  dinunutions  aux  folftices ,  oii  fa. 
concrétion  a  le  plus  de  force ,  ce  qui 
ne  fe  voit  point. 

Mais  que  n'y  auroit-il  pointa  dire 
contre  cette  vertu  de  tention  &  de  re- 
laxation qu  il  attribue  aux  douze  fignes 
du  Zodiaque  ?  n  eft-ce  pas  vne  chofe 
qu'il  faut  encore  luy  accorder  gi^atuite- 
menti  comme  fon  efprit  concretif. 


it6        D  E  l'Or  igin  e 

avec  toutes  les  qualitez  qu  1  kiy  donne? 

GASSENItl. 

GAflendi  dans  les  Commentaires 
qu'il  a  faits  fur  le  dixième  livre 
deDiogeneLaerce  de  laMetheDrolo- 
gied'Epicure  ;  imprimez  en  1 6^9.  efti- 
me  que  les  Fontaines  &  parconfequent 
les  fleuves ,  dont  il  dit  qu  elles  i  ont  les 
caufes,  foit  prDduites  par  les  vapeurs 
que  les  eaux  &  la  chaleur  qui  font  dans 
la  terre  exatent  &  font  monter  jufqu  a 
la  voûrede  les  cavernes  &  concavitez, 
ou  elles  sarreftent  &  tè  convertirent 
en  eau.  Q^  néanmoins  les  eaux  de  la 
pluye  ôc  des  neiges  fondues  f3nt  la 
matière  principale  des  Fontaines  ;  que 
ces  eaux  &  ces  neiges  pénètrent  la  ter- 
re 5  &  defcendent  par  les  ouvertures 
qui  font  fur  les  montagnes,  &  princi- 
cipalement  fiir  celles  qui  lont  pierreu- 
fes  &  pleines  de  cavernes  ,  &  dans 
lefquelles  il  v  a  de  grands  réceptacles 
ou  elles  saltèmblent  ,  &  fortent  en 
fontaines  avec  plus  ou  moins  de  force 
&  de  durée ,  félon  que  f  ouverture  eft 
plus  ou  moins  grande ,  &  les  refervoirs 
plus  ou  moias  fpacieux» 


D  E  s   FO  N  T  A  I  N  E  s.  î  17 

Réflexions  fur  V opinion  de  Gaffendi. 

L'opinion  de  Gafl'eicli  a  quelque 
chofede  commua  avec  celle  de  \'irru- 
ve ,  &  efti opinian la  plus commuae : 
mais  comme  nous  parlerons  cy- après 
des  dtfficultez  qui  fetrouveat  daas  cet- 
te opinion  j  nous  n'en  dirons  pas  da- 
vantage prefentement. 

M    D  V  H  A  M  E  L. 

IEan  Baptifte  Du  Hamel  en  Ton  li- 
vre des  Methe^res,  6c  des  chofes 
fûilîles,  imprimé  à  Pans  en  \66o.  con- 
fidere  deux  fones  de  l-ontaines  ,  les 
vnes  qui  ne  coulent  pas  toujours ,  & 
qui  le  ieichent  en  Efté,  lerqueîles  Ton 
voit  fbrtir  du  pied  des  montag  les ,  les 
autres  qui  coulent  toujours  &  qui  (br- 
tent  du  haut  des  montagnes.  A  celles 
qui  ne  coulent  pas  toujours ,  il  donne 
pour  pnncipe  les  eaux  de  la  pluye  & 
de  la  neige  ,  lefquelles  il  croit  entrer 
dans  les  montagnes  par  diverfes  ouver- 
tures 5  tentes  &  canaux  :  aux  autres ,  il 
leur  donne  pour  principe  les  eanx  de  la 
Mer,  qui  par  des  conduits  ioûterrains 
fe  répandent  par  tout  louâ  la  furfacede 
la  Terre. 


n8  Df   l'Origine 

Il  fonde  cette  opinion  ^  première- 
ment &  principalement ,  dit-il ,  fiir 
deux  paflàges  de  T Ecriture  iamte ,  dont 
le  premier  a  efté  cv- devant  rappoi-cê 
par  lean  Baptifte  VVan-Helmont ,  où 
le  Sage  dit  que  ro^i  les  fieuyes  entrent 
dans  la  Mer  fans  (jii  elle  en  fo!t,  plus 
remplje  ;  &  fuils  y  retournent  pareil^ 
lem:nt  pour  recommencer  a  couler  de 
nouveau.  L'autre  paflàge eft  delà Ge- 
nefe  ,  où  lacob  bénit  Ion  fils  loi e pli 
des  henedîcltons  du  ciel^  fui  tiennent 
d'enhaut  à  caulè  des  pluyes ,  dit  l'Au- 
teur, que  le  ciel  envoyé  a  propos;  & 
des  benediEiîons  de  l'ahyfme  fut  iPim- 
nent  d'emhas ,  fans  que  l'Auteur  ajoufte 
rien  davantage  pour  expliquer  cette 
benedidion  d'embas,  comme  il  a  £iic 
pour  expliquer  celle  d  enhaut.  Et  par 
ces  deux  partages  il  prétend  prouver 
fà  double  origine  des  Fontaines. 

L'autre  raiibn  fur  quoy  il  ib  fonde, 
eft  que  les  eaux  des  pluyes  que  la  Ter- 
re ne  fçauroit  boire ,  &  dont  elle  ne 
peut  eftre  moiiiUée,  félon  le  fentiment 
de  Seneque ,  plus  avant  que  dix  pieds , 
ne.  fçauroient  cauler  aucunes  fburces, 
iînon  celles  qui  ne  durent  pas  toujours^ 


Dï  s  Font  A  I  î^E  ç.  ttp 
dont  il  a  cy-devan_t  parlé.  Et  puis  que, 
dît-il,  il  y  en  a  d'autres  qui  cDuleit 
toujours  &  qui  fortent  du  haut  des 
montagnes ,  eitre  des  rochers  où  les 
eaux  de  la  pluye  n'ont  pu  m  monter  ni 
e.itrer  ;  il  faut  bien  fi  les  fleuves  vien- 
nent de  la  Mer,  comme  dit  le  Sage, 
que  ces  eaux  paflent  par  divers  con- 
duits &  canaux  pour  entretenir  leur 
cours  y  &  qu  avant  quitté  leur  ialeure 
&  leur  amertume,  en  paflant  par  beau- 
coup de  difî  erentes  terres ,  elles  loient 
élevées  en  vapeur  juiques  au  haut  des 
montagnes  par  la  chaleur  qui  efi:  tou- 
jours dans  la  moyenne  région  de  la 
Terre  ,  &  qui  eft  causée  par  vn  feu 
qu'il  croit  eftre  dans  le  fond  delà  Ter* 
re.  Il  ajoufte  que  cette  élévation  de 
vapeurs  fe  rapporte  fort  au  fentiment 
d'Àriftote,  qui  dit  que  lair  dans  les 
cavernes  de  la  Terre  s'épaiflit  &  le 
change  en  eau  ;  croyant  avec  Lydiat , 
dont  nous  avons  parlé  cy  devant ,  qu'il 
Eut  entendre  la  vapeur  de  l'eau ,  puis 
que  le  ventable  air  ne  pourroit  pas 
fîiffire  à  produire  autant  d'eaux  qu'il  en 
coule  lut  la  Terre.  Que  ces  vapeurs 
fontfacilementélevéeîdans les  conduits 


i 

120         De   l'Ori  g  I  n  e 

de  la  Terre ,  puis  quefiir  la  Terre  elles 
font  élevées  en  l'air,  quay  qu'il  Ibit 
fluide^&toûjvourseii  niouvemeat  ju(- 
ques  aux  nuées  :  car  il  faut ,  dit-il ,  s'i- 
maginer que  les  candats  dans  la  Ter- 
re ,  eftant  étroits fouftiennent  aisément 
les  vapeurs ,  &  les  empeicheit  de  des- 
cendre ,  ce  qui  eft  conforme  au  ienti- 
ment  de  M'  Del  cartes. 

Réflexions  fur  r opinion  de  M  "Du  Hamd, 

M'  Du  Hamel ,  dans  fon  opinion , 
fiiit  celle  de  Lydiat  &  celle  de  Car- 
dan. Il  admet  comme  Lydiat  le  feu 
ioufteiTain,  &il  donne  comme  Cardan 
pour  pnncipe  aux  Fontaines,  les  eàux 
du  Ciel  6d  de  la  Mer  conjointemeit^ 
avec  cette  différence  pourtant,  que 
Cardan  fait  fei-vir  les  eaux  des  pluyes 
tant  pour  concourir  avec  celles  de  la 
Mer  à  l'entretien  des  Fontaines ,  que 

f)our  deflaler  celles  de  la  Mer  ,  (ans 
aire  diftmdion  des  fontaines ,  m  pré- 
tendre ,  comme  fait  noftre  Auteur, 
qu  il  y  en  ait  qui  coulent  toujours  d'vne 
mefine  force  ,  &que  les  autres  fe  iei- 
eheit  en  Efté  :  Enquoy  je  tiens  To- 
pinion  de  Cardan  dIus  fouftenable  que 

celle 


D  E  s    FO  N  T  A  I  N  E  s.  î2t 

celle  de  noftre  Auteur,  eftant  certain 
qu'il  n  y  a  qu'vne  feule  forte  de  fontai- 
nes, &  qu'il  n  y  en  a  point  au  monde 
qui  coulent  toujours  d'vne  mefine  for- 
ce ;  que  il  l'on  le  dit  de  quelques- vnes, 
c'eftabufivement,  &  à  caule  que  leur 
diminution  eft  peu  fenfble  &  moins 
grande  que  celle  des  autres  :  mais  il  y 
en  a  toujours  quelque  petite  quelle 
loit.  Tay  obfervé  plufieurs  fontaines 
fort  grandes  &  fort  copieufes ,  fortant 
du  haut  des  montagnes  affez  élevées , 
comme  le  deiTre  M'  Du  Hamel  :  mais 
je  n'en  ay  jamais  veu  qui  ne  fuft  lujette 
à  diminution  &  à  augmentation.  Tou- 
tes les  Rivières  du  Monde  y  font  fujettes 
de  la  melme  manière  ,  principalement 
les  plus  grandes  ^  &  s'il  ne  fuppofecefeu 
(bufterram  que  pour  ces  fortes  de  fon- 
taines &  de  rivières  toujours  égales ,  il 
n'en  fera  pas  betoin,  non  plus  que  de 
faire  venir  des  eaux  de  la  Mer  par  de 
fi  longs  &  fi  fafcheux  chemins  ,  i\  ce 
n'eft  qu'il  ait  falu  fiiivre  le  texte  de 
l'Ecriture ,  comme  il  dit ,  &  comme  a 
fait  avant  luy  Wan-Helmont  ,  dont 
nous  avons  parlé  :  mais  la  réponle  que 
j'ay  faite  fur  fon  premier  paflàse  en 


ÎÎ2  D  E    l'O  R  I  g  I  n  e 

foïi  lieu ,  peutiervir  en  celuy-cy. 

Quant  à  1  autre   paflàge  qui  parle 
de  la  bénédiction  de  lofeph ,  il  ièroic 
à  {ouhaiter  ^  pour  y  répondre ,  que  M"* 
Du  Hamel  euft  expliqué  la  féconde 
partie  de  cette  benedidion  ,  comme  il 
a  fait  la  première.  lacob  ,  dit  l'Ecriture, 
a  beny  lofeph  des  benedi^ions  cjuï  tien- 
nent d^enhaut  ;  M' Du  Hamel  ajoufte, 
ceftàdire  des  pluyes  que  le  ciel  en- 
voyé à  propos.  Mais  pour  la  féconde 
partie  de  cette  benedi6l:ion  ,  qui  con- 
tient ces  mots ,  <&  des  hcnedi^itons  de 
Vabyfme  qui  eji  f;/^^i:  M' DuHamel 
le  contente  de  rapporter  les  paroles  de 
l'Ecriture  nuem en t  &  lans  aucune  fui- 
te; en  diGnt  feulement,^f^  henediBions 
de  l^abyfme  qui  e/i   en  has^  fans  dire 
quelles  font  ces  bénédictions  de  l'abyf- 
me,  comme  il  a  dit  quelles  font  cel- 
les qui  viennent  d'enhaut  ^  &  cepen- 
dant Tvne  eft  auflî  diflScile  à  fuppléer 
que  l'autre.  S'il  faut  prendre  le  paflà- 
ge au  pied  de  la  lettre ,  &  dans  le  (ens 
qu'il  femble  que  noftre  Auteur  luy 
veiiiUe  donner  :  (  car  ce  paflage  de  foy 
neft  pas  bien  clair,  &  la  lettre  ne  par- 
le en  aucune  façon  de  pluye  ni  d  eau. } 


D  E  s    FO  NT  A  I  NE  s.  12^ 

lacob  a  fouhaité  à  loa  fils  de  la  pluye , 
ce  qui  s'entend  par  les  benedidions 
d'enhaut ,  &  par  les  bénédictions  de 
1  abyime  qui  eft  en  bas  ,  il  y  a  ap- 
parence qu'il  luy  fouhaite  des  puits  a- 
bondans  en  eau  pour  arrofer  la  terre 
dans  vne  grande  feicherefle  :  mais  ce 
îera  là  vne  explication ,  &  alors  le  pa{^ 
fige  ne  fervira  plus  de  rien  pour  ap- 
puyer la  pensée  de  noftre  Auteur  :  car 
ce  ne  fera  plus  le  paflage  qu'il  faudra 
confîderer  ,  ce  fera  T  explication  qu  il 
luy  aura  donnée ,  qui  n  aura  pas  plus 
de  force  que  ce  qu'il  auroit  pu  avan- 
cer de  luy-mefme  fans  fe  fervir  de 
l'Ecriture,  comme  je  Tay  déjà  dit,  fiir 
l'opinion  de  Wan-Helmont. 

Quant  au  feu  ioufterrain ,  jeTi'y  fe- 
ray  point  d'autre  réponfe  que  celle 
que  j  ay  faite  fur  l'opinion  de  Lydiat, 
car  M'  Du  Hamel ,  aufTi-bien  que 
luy  ,  ne  met  en  avant  ce  feu  foufter- 
ram  que  pour  fervir  au  deflein  gêne- 
rai qu'ils  ont  tous  deux  de  rendre  rai- 
fon  par  la  de  la  génération  des  métaux 
&  des  autres  produ(5tions  qui  (e  font 
au  dedans  de  la  terre. 

le  ne  croy  pas  qu'il  puiiTe  non  plus 

L  ij 


124       r^E   l' Origine 

que  Lydiat,  répoadre  à  robjediori  qui 
luy  eft  faite  pourquoy  la  Mer  ne  fe 
deflàle  point  par  la  quantité  des  eaux 
douces  qui  y  entrent ,  &  par  celle  des 
eaux  f àlées  qui  en  (ortent ,  fans  y  reme- 
lier  leur  fel  depius  vn  {{ long-temps. 

LE  PERE  SCHOTTVS. 

GAlpard  Schottus  lefuite ,  Mathe- 
maticien,dans  fbn  livre  de  TAnato- 
mie  Phyfiquhydroftatique  des  fontai- 
nes &  des  rivières ,  imprime  a  Wirtz- 
bourgen  i66^.  donne  trois  caules  de 
1  origine  des  fontaines  &  des  rivières , 
fçavoir  la  Mer ,  lair  vaporeux  èpaiffi  & 
réduit  en  eau  dans  les  cavernes  de  la 
terre ,  &  les  eaux  de  la  pluve  &  de  la 
neige  qui  pénétrant  la  terre  i ortent  fur 
le  penchant  des  montagnes  &  font  des 
fources.  La  raifon  qui  le  porte  à  don- 
ner ces  trois  caufes ,  eft  qu'il  conçoit 
de  trois  fortes  de  fontaines ,  qui  ont 
rapport  à  ces  trois  caufes.  La  première 
forte  de  ces  fontaines  efl  celle  qu'il 
dit  quil  y  a  qui  ne  fçauroient  venir 
d  ailleurs  que  de  la  Mer,  comme  font 
celles  qu  on  voit  avoir  quelque  fympa- 
thie  &  quelque  correfpondance  avec 


D  E  s    FO  N  T  A  I  N  E  s.  Î25 

fes  mouvemens ,  &  celles  dont  les  c- 
coulemens  lont  fi  grands  Se  ({  con- 
tinuels ,  &  les  fources  en  des  lieux:  h 
élevez  qu'il  n'y  a  pas  d'apparence  de 
croire  que  les  pluyes  puifient  eftre 
fiiffilantes  pour  cela  ,  &  encore  moins 
que  lair  épaiHi  ,  &  réduit  en  eau  les 
puifTe  produire. 

La  difficulté  qu  il  y  a  fur  ce  principe 
cft  de  fçavoir  comment  la  Mer  peut 
faire  monter  fes  eaux  en  ces  lieux-là 
fouvent  fort  éloignez,  &  comment  ces 
eaux  perdent  leur  faleure&  leur  amer» 
tume.  Il  rapporte  plufieurs  moyens 
pour  lever  ces  difficultez ,  entre  autres 
les  cinq  qui  fuivent. 

Le  premier  eft  que  cette  eau  de  h 
Mer  eft  attirée  par  la  vertu  attractive 
de  la  terre  quand  elle  eft  feiche  & 
gravelleufe ,  &  cette  vertu  attradive , 
il  la  prouve  par  des  expériences  qu'il 
dit  avoir  efté  faites  p^ar  Emmanuel 
Alagnanus  religieux  Minime  ,  qui  dit 
avoir  mis  du  fable  fcc  dans  vn  canal 
de  verre  ouvert  des  deux  bouts ,  & 
l'avoir  mis  par  après  dans  Teau  par  le 
bout  d'embas  qu'il  avoit  ferme  avec  de 
la  toile  ou  ferge  ,  il  afîùre  que  l'eau 

L  11] 


126         De  l'Origine  i 

a  monté  dans  ce  canal  trois  palmes  I 
plus  haut  que  la  lurface  de  celle  où  I 
il  eftoit  plongé  ;  de  là  il  conclud  que 
l'eau  entrant  dans  la  terre  où  elle  ren- 
contre des  (ables  Tecs  à  droit  &  à  gau- 
che, eft  attirée  en  haut  par  la  meime 
railon,  d'où  s  écoulant  enluite  elle  fait 
des  fources  &  des  fontaines. 

Le  fécond  moyen  eft  l'èvaporation 
qu'il  croit  fe  pouvoir  faire  par  le 
moyen  des  feux loufterrains ,  de  mefme 
que  le  croyentLydiat&Du  Hamel. 

Le  ti'oifiéme  eft  les  vents ,  qui  en- 
trant dans  les  canaux  &  conduits  de  la 
terre  avec  les  eaux  de  la  Mer  ^  &  cher- 
ch^cllt  vne  fortie  les  pouffent  avec  eux 
jujfquau  travers  des  montagnes. 

Le  quatrième  eft  le  flux  &  le  reflux 
de  la  Mer,  dont  la  violence  pouflèfes 
eaux  jufques  à  l'ouverture  des  fontai- 
nes :  ce  qu'il  dit  eftre  croyable  puis 
qu'il  y  a  des  fontaines  qui  ont  des  flux 
&  des  reflux  comme  la  Mer. 

Le  cinquième  moyen  eft  le  mou- 
vement naturel  des  eaux  qui  les  fait 
s'élever  auflî  haut  que  le  lieu  d'où  elles 
viennent  qiund  elles  font  enfermées 
dans  les  canaux.  Et  pour  cela  il  fup- 


D  E  s   FO    NT  A  I  N  E  s.  12;^ 

pofe  de  melme  que  Papia  ,  que  la 
fîirface  de  la  Mer  eft  en  plufieurs  en- 
droits 5  &  principalement  loin  de  fès 
bords  plus  élevée  que  les  plus  hautes 
montagnes-  &  qu'amfiles  canaux  par 
]efquels  la  Mer  envoyé  de  leau  aux 
fontaines  eftant  du'e^flement  au  deflbus 
de  cette  élévation  que  la  Mer  a  en  (on 
milieu  ,  peuvent  naturellement  faire 
élever  des  eaux  juiques  au  haut  des 
montagnes  :  cette  élévation  de  la  Mer 
ne  fiiiant  avec  lefdits  canaux  qu  vn 
corps ,  par  la  raifon  que  le  cilmdre  d'eau 
au  deflus  d'vn  cmalqui  a  Ion  embou- 
chure au  fonds  d'vn  reiervoir ,  opère 
la  melme  chofe  que  feroit  vn  canal 
continu  &  fans  interruption  depuis  la 
furface  de  l'eau  jufques  à  cette  mefine 
embouchure.   Il  fonde  cette  élévation 
de  la  Mer  en  Ton  milieu ,  fur  vn  mira- 
cle qu'il  dit  que  Dieu  jfait  continuel- 
lement pour  le  bien  du  Monde ,  afin 
de  donner  de  l'eau  en  des  lieux  éloi- 
gnez 5  &  ou  il  ne  pourroit  v  en  avoir 
autrement  ^  &  auHi  afin  que  ces  eaux 
de  la  Mer  ,  partant  par  de  longs  & 
difFerens  chemins  &  par  plufieurs  for- 
tes de  terres  puiflent  perdre  leur  faleu- 
re  &  leur  amertume.  L  iiij 


128  D  E    l'O  R  I  gi  n  e 

Pour  prouver  que  l'eau  de  la  Mer 
caufe  ces  fortes  de  fontaines ,  il  rappor- 
te le  paflage  de  l'Ecclefiafte ,  dont  nous 
avons  parlé  fur  l*opinion  de  Lydiat  & 
de  Helniont  :  Que  tous  les  fleures  en- 
trent dans  la  Mer  fans  quelle  en  des^ 
horde  ^  puis  retournent  au  lieu  d'on  ils 
font  yenus  pour  y  couler  de  rechef  :  ce 
qu'il  fortifie  encore  par  le  fentiment 
de  plufieurs  Pères  de  l'Eglife ,  de  quel- 
ques Commentateurs  de  l'Ecnaire  fain- 
te ,  &  de  quelques  Théologiens  &  Phi- 
lofophes  chreftiens. 

Il  rapporte  auflî  ce  paflàge  de  la 
Genefè  :  Fne  fontaine  montoit  de  la 
Terre.  Et  cet  autre:  llfortoit  yn  fleu- 
ye  du  lieu  de  Volupté  ,  pour  arrofer  le 
Varadîs ,  &  de  la  il  conclud  que  ces 
eaux-là  ne  pouvoient  venir  d'ailleurs 
que  de  la  Mer ,  pource  qu'il  eft  dit  au 
niefme  endroit ,  que  le  Seigneur  na- 
y  oit  point  encore  fait  pleuyoir  fur  la 
Terre  :  mais  en  mefme  temps  qu'il  rap- 
porte ces  paiïages ,  il  veut  corriger  ce- 
luy  qui  dit,  c^yne  fontaine  mont  oit 
de  la  Terre ,  &  croit  qu'il  faut  mettre 
vn  pluriel  au  lieu  dVn  fingulier  &  dire , 
plufieurs  fontaines  montoient  de  b 


DE  s    FO  N  T  A  I  NE  s.  tip 

Terre  &  en  arroloient  la  furface. 

Il  dit  aiiffi  qu'Olimpiodorus  qui  eft 
vn  des  Commentateurs  de  l'Ecriture, 
croit  que  quand  il  eft  dit  dans  l'Ec- 
cleliafte ,  ^ue  tous  les  fleuyes  entrent 
dans  la  Mer  ^  il  faut  expliquer  le  mot 
de,  tous,  pour  plufleurs ,  &  dire,  que 
pluFeurs  fleuves  entrent  dans  la  Mer, 
à  câufe,  dit  ce  Commentateur  ,  qui! 
y  a  beaucoup  de  fleuves  qui  n'entrent 
point  dans  la  Mer ,  &  qui  finiflent  leur 
cours  dans  des  lacs  d'où  on  ne  les  voit 
point  lortir;  &  que  fouvent  dans  l'E- 
criture vn  mot  gênerai  n  a  pas  Ion  ex- 
plication fi  étendue  :  mais  noftre  Au- 
teur n  eft  pas  de  ion  avis ,  pource  qu  il 
croit  que  tout  ce  qu'il  y  a  de  fleuves 
au  monde  entrent  dans  la  Mer  vifible- 
ment  ou  invifiblement ,  la  Terre  avant 
des  concavitez  iuiïîlantes  pour  leur 
donner  paiîage  ,  &  communication 
avec  k  Mer  par  le  fonds  de  ces  lacs. 

La  féconde  forte  de  iontaines  qu'é- 
tablit noftre  Auteur  ,  eft  de  celles  qui 
font  causées  par  l'air  vaporeux ,  épaiffi 
&  réduit  en  eau  dans  les  cavernes  de 
la  terre ,  pource  qu'il  y  a  aflèz  d'ex- 
périences qui  le  font  juger  ^  &  Ton  a 


ijo  De   l'Origine 

aflez  veu  de  lieux  Ibus  la  terre ,  où  lî 
fe  fait  des  diftillations  par  la  vapeur 
humide  de  lair. 

La  troifiéme  eft  de  celles  qui  ibnt 
causées  par  les  eaux  de  la  pluye ,  eftant 
facile  à  croire,  dit-il,  que  ces  eaux-là 
peuvent  faire  quelques  fontaines  par 
la  pénétration  qu  elles  font  dans  la  ter- 
re, &  principalement  fur  le  penchant 
des  montagnes,  ou  les  torrens  qui  y 
coulent  après  les  grandes  pluyes  peu- 
vent en  pafTant  y  laifler  entrer-  vne 
partie  de  leurs  eaux,  qui  s  écoulant 
par  après  petit  à  petit  ^  font  vne  elpe- 
ce  de  fontaines  :  comme  il  dit  l'avoir 
veu  par  expérience  en  Sicile  proche 
le  collège  où  il  demeuroit. 

Reflexions  fur  Popinion  du 
Ver 6  Schottus. 

De  la  façon  que  ce  Père  raifonne 
fur  la  Phyfique  ,  il  ne  peut  pas  eftre 
mis  au  nombre  des  Philofophes  phyfi- 
ciens  de  ce  temps,  qui  parlent  des  cho- 
fès  de  la  Nature ,  félon  la  connoiflàn- 
ce  qu'ils  en  ont  par  les  effets  de  la 
Nature  mefine  ,  fans  vouloir  méfier 
dans  leurs  difputes  les  chofes  de  la 


I 


D  E  s    FO  N  T  A  I  N  E  s.  î^t 

Religion  ;  le  refpecft  qu'ils  ont  pour 
elles  les  obligeant  de  les  regarder  com- 
me n'ayant  point  efté  révélées  aux 
hommes  pour  leur  enfeigner  la  Phyfî- 
que  m  aucune  autre  fcieace  d'vne  con- 
fideradon  d  petite  &  fi  baiîe. 

Le  zèle  de  noflre  Auteur  eft  loiia- 
b le,  d'avoir  talché  de  tonder  Ton  opi- 
nion liir  les  paroles  de  l'Ecriture  (ain- 
te;  maisaufTi,  comme  nous  avons  déjà 
remarqué ,  il  rexpofe  à  beaucoup  de 
difBcukez  &  de  contradictions .  Il  eft 
vray  qu'il  aura  vn  grand  avantage  fur 
tous  nos  Philolophes  :  car  quand  il  vou- 
dra ie  retrancher  dans  le  texte  de  l'E- 
criture &  l'oppofer  à  tous  les  argu- 
mens  qu'on luy  fera  ;  &  parce  que  Dieu 
eft  Tout-puifîànt  fuppofer  des. mira- 
cles quand  il  luy  plaira ,  &  enfiute  con- 
clure contre  tous  ceux  qui  ne  feront 
pas  de  fbn  avis ,  ou  qu'ils  Ibnt  des  im- 
pies &  des  athées ,  ou  bien  qu'il  a  rai- 
fon  ;  il  ne  trouvera  point  de  contradi- 
deurs  :  chacun  le  taira  par  refpeél. 

Mais  (ur  ce  pied-la ,  que  pourroit-il 
dire  àlaint  Thomas ,  qui ,  comme  nous 
avons  veu,  n  eft  pas  de  Ton  avis  ?  Ce 
grand  peribnnage  nignoroit  pas  les 


ijî  Dïï  l'Origine 
pafTages  de  rEcntiire ,  m  ce  qu'ei  o:it 
dit  les  Commentateurs  quand  ils  Font 
expliquée  •  cependant  il  n'a  pas  laïf  se  de 
prendre  vne  autre  opinion  ;  eft-ce 
qu'il  a  manqué  de  foy  pour  douter  de 
la  Toute-pui/îànce  de  Dieu  ?  eft-ce 
qu'il  a  négligé  des  autoritezfi  (àmtes  ? 

Mais  s'il  eft  vray ,  que  dans  les  Efco- 
les  des  Théologiens  on  difpute  quel- 
quefois academiquement  de  l'exiftcn- 
ce  de  Dieu ,  je  croy  que  l'on  pourroit 
de  mefme  examiner  &  dilcuter  les 
pafîàges  de  l'Ecriture fàinte,  que  noftre 
Auteur  a  rapportez,  avec  les  lentimens 
des  Pères  de  l'Eglife ,  ôc  les  Commen- 
taires des  Théologiens  qu'il  a  cottez; 
&  comme  ces  Dateurs  ont  des  prin- 
cipes lùr  lefquels  on  explique  le  texto 
ftcré,  je  ne  doute  point  qu'on  ne  trou- 
vaft  que  les  induélions  qu'il  en  tire 
iont  foibles,  &  ce  miracle  qu'il  eftablit 
mal  fonde:  c'eft  ce  que  je  veux  laiilër 
à  faire  à  ceux  de  cette  profenTion.  l'ay 
parlé  iiir  cette  matière  dans  la  difcu- 
tion  de  l'opinion  de  Wan-Helmont, 
ou  j'ay  dit  ce  qui  m'en  fèmble  ,  c'eft 
pourquoy  je  non  diray  pas  davanta2;e. 

le  ne  puis  pourtant  m  empeii:her  de 


DES  Fontaines.  t^; 
remarquer  icv ,  ce  que  j'ay  remarqué 
cy-devant, qu'il  faut  ou  iè  fervir  des  paf^ 
fàges  de  l'Ecriture  en  la  forte  &  en  la 
marnere  qu'ils  i  ont ,  &  les  prendre  a  la 
lettre  &  nV  nen  changer,  ou  bien  ne 
s'en  point  fei'vir  du  tout  ,  pource  que 
le  changement  qu'on  v  apporte  ,  ou 
Texplication  qu'on  leur  donne  les  chan- 
ge entièrement  ;  &  la  conièquence 
qu'on  en  tire,  n'eftant  fondée  que fiir 
ce  changement  ou  (iir  cette  explica- 
tion ,  n'a  pas  plus  de  force  que  la  pro- 
pofition  toute  nue  de  celuy  qui  l'a  al- 
légué. Et  de  fait  que  ieit  ce  paffage 
qu  ilallegue ,  Vne  font  aine  mont  oit ,  &c. 
puis  qu'il  dit  qu'il  faut  mettre  vn  plu- 
riel au  lieu  d'vn  fingulier  f  II  ne  s'en 
tient  donc  pas  au  texte  de  l'Ecriaire, 
puis  qu'il  le  change  de  la  forte  ;  & 
puis  qu'il  avoit  envie  de  le  changer , 
il  pouvoit  y  mettre  beaucoup  d'autres 
chofes  qui  ^uflènt  fervy  au  delîèin 
qu'il  avoir.  Mais,  m.e  dira-t-on  ,  cela 
ne  fe  fuft  pas  trouve  dans  l'Ecriture; 
il  efl:  vray ,  auffi  ne  trouve- t-on  pas 
dans  l'Ecriture  ce  pluriel  qu'il  veut  qui 
y  foit. 

Oiimpiodorus  qui  veut  que  dans  le 


1^4  E)  E  l'O  R  I  g  I  n  e 
paflage  de  FEcclefiafte  on  entende 
plufieurs  fleuves,  au  lieu  de  tous  les 
fleuves  ;  eft  d'avis,  comme noflre  Au- 
teur ,  de  changer  dans  les  partages  de 
l'Ecriture  ce  qu'il  trouve  faire  contre 
fbn  opinion  ;  &  fî ,  comme  les  opi- 
nions de  chacun  font  difl^erentes,tout 
le  monde  veut  changer  à  ce  texte  ce 
qui  ne  fe  trouve  pas  à  (on  lens  j  l'E- 
criture fera  changée  en  autant  de  ma- 
nières qu  il  y  aura  de  divers  fentimeas: 
Mais  ce  qui  eft  eftonnant ,  eft  que  cet 
Olimpiodorus  eft  vn  des  premiers 
Commentateurs  que  noftre  Auteur 
cite  pour  fouftenir  (on  opinion ,  &  c'eft 
le  premier  qu'il  contredit  :  car  il  n  eft 
pas  de  fbn  avis  dans  ce  changement 
la,  qui  faut-il  donc  croire?  Olimpio- 
dorus n'a  rien  trouvé  à  redire  au  Sin- 
gulier de ,  Vne  fontaine  montait ,  &c, 
noftre  Auteur  ne  veut  pas  s'en  con- 
tenter. Olimpiodorus  trguve  à  redire 
au  mot  de ,  Tous  les  fleures ,  &c,  & 
noftre  Auteur  s'en  contente  bien  ,  & 
s  en  veut  fervir.  Ces  contradidions 
font  fort  fafcheufes.  Se  fàuf  le  refped 
qu'on  doit  à  tous  ces  grands  perfon- 
nages,  Commentateurs, Théologiens, 


D  E  s    FO  N  T  A  I  N  E  5.        135 

5c  Philofophes  chreftieas  :  le  croy 
qu'Us  feroient  mieux  de  ne  point  rai- 
(onner  fur  la  Phyfique  lors  qu  ils  ex- 
pliquait l'Ecriture ,  ils  fe ravallent  trop 
en  delcendant  fi  bas ,  &  ils  expoleac 
vne  choie  lamte,  comme  eft  ce  texte, 
à  mille  cDiiti'adidions  qu'on  y  a  déjà 
ti'ouvées ,  &  qu'on  y  trouvera  à  jamais 
en  le  prenant  au  pied  de  la  lettre, 
gource  quil  n eft  point  fait  pour  en- 
leigner  la  Phyfique.  Qoand  le  Saint 
Elprit  a  parlé  de  ces  choies,  ça  efté 
ielon  la  croyance  commune  ou  félon 
les  apparences  vilibles  :  cDnmie  quand 
il  eft  dit,  que  le  SoleU  le  levé  &fe  cou- 
che ^  que  du  foir  &  du  matin  il  a  eftê 
fait  vn  jour  ,  &  tant  dautres  chofes 
ièmblâbles  ,  eft  -  ce  qu'à  l'égard  de 
Dieu  le  Soleil  (è  levé  ou  fe  couche  ? 
luy  a  qui  tout  le  monde  eft  prefent 
par  toutes  ces  parties,  &  qui  voit  tou- 
jours le  Soleil  de  la  mefme  forte,  & 
pour  qui  il  ne  fe  couche  ni  ne  fe  levé  5 
&  ce  foir  &  ce  matin  qui  font  les 
premiers  jours  de  la  création  du  mon- 
de ,  eft-ce  qu'à  l'égard  de  Dieu  il  y 
eut  vn  foir  &  vn  matin ,  &  vne  nuit  ? 
en  voit-on  pas  qu'il  parle  pour  eftre 


%%6        D  E   l'O  r  I  g  I  n  e 

entendu  de  tout  le  monde  ?  &  que  s'il 
euft  parlé  comme  vn  Phyfîcien ,  peu 
de  gens  y  auroient  compris  quelque 
choie. 

Mais  pour  finir  ,  &  répondre  au  mi- 
racle que  noftre  Auteur  fiippofe ,  pour 
accorder  les  paflages  de  l'Ecriture  avec 
fbn  opinion  ^  le  croy  qu'il  eft  très- à 
propos  de  (iiivre  en  cette  rencontre  le 
lèntiment  de  faint  Auguftin,  que  rap- 
porte noftre  Auteur  mefine  ,  en  fe 
biiant  vne  objection  fur,  ce  fiijet,  & 
croire  que  Dieu  gouverne  de  telle  for- 
te les  choies  qu'il  a  créées ,  qu'il  les 
laifTe  agir  félon  leurs  propres  mouve- 
mens  naturels ,  c  eft  à  dire ,  qu'il  a  dés 
le  commencement  du  Monde  eftably 
des  règles  dans  tous  les  Eftres  qu'il  a 
créez  qu'ils  noutrepaflent  point  ,  &  à 
qui  par  manière  de  dire  il  a  lailsé  le 
gouvernement  des  chofes  de  la  Phyf:- 
que  :  de  forte  que  ne  s'en  méfiant  plusj 
n  cela  fe  peut  dire ,  fa  parole  ne  doit 
lèrvir  que  pour  expliquer  des  chofes 
d'vne  plus  haute  élévation ,  &  il  ne  faut 
point  pour  accorder  ce  texte  avec  des 
chofes  que  nous  ne  connoifîbns  pas 
feulement .  inventer  &  fuppofer  des 

miracles 


D  E  s   FO  N  T  A  I  N  ïï  s.  t^7 

miracles  dont  il  neft  point  parlé  en 
manière  que  ce  foit  dans  tout  ce  qu  il 
y  a  de  livres  facrez.  Qi^conque  aura 
la  curiofité  de  voir  comment  les  parta- 
ges de  l'Ecriture  Te  peuvent  expliquer 
iiir  vne  difficulté  pareille  à  celle-c}^, 
&peut-eftre  plus  grande:  (car  ceft 
au  lujet  du  mouvement  de  la  Terre 
félon  l'opinion  de  Copernique  dont 
j'ay  déjà  parlé ,  )  il  peut  lire  vne  Epi- 
ftre  d'vn  Antonio  Fofcanny ,  religieux 
Carme ,  écrite  à  Ion  General  Fontorr, 
touchant  ce  nouveau  fifteme  de  Co- 
pernique 5.  par  laquelle  tous  les  parta- 
ges de  l'Eciiture  qu'on  peut  apporter 
contre  cette^  opinioa,  (ont  éclair cis  ^ 
expliquez  &  conciliez  avec  beaucoup 
d  eiprit  &  de  recherche.  Cette  Epiftrs 
le  voit  à  la  fin  des  Dialogues  de  Ga- 
lileo  Galilei  du  fifteme  du  Monde. 
Enfiiite  de  cette  Epiftreeft  vne  autre 
Epiftre  du  meime  Galilée  à  la  Duchef- 
fe  de  Tofcane,  ou  il  rapporte.  &  ex- 
plique la  dodrine  de  lEcriture  fainte 
&  des  Pères  ;  &  fait  voir  qu'il  ne  faut 
pas  s'en  fervir  témérairement  pour  des 
propofitions  purement  naturelles» 
Comme  il.  n'y  a  dans  ropinion  de 


tl^  De  l'Origi  n  e 
ce  Père  rien  de  nouveau ,  &  qui  n'ait 
efté  dit  par  les  autres  Philofbphes ,  que 
ce  /eul  miracle ,  dont  nous  venons  de 
parler ,  je  ne  m  arrefteray  point  à  dif^ 
cuter  le  furplus  de  Ton  opinion,  lavant 
fait  fuffifamment  comme  je  croy  fiir 
celles  des  autres.  le  diray  feulement  à 
l'égard  de  l'expeiience  qu'a  fait  Ma- 
gnanus ,  que  l'eau  qui  a  monte  ,  com- 
me il  dit  dans  ce  canal  de  verre,  n  en 
peut  pas  defcendre ,  &  qu  elle  y  de- 
meure toute  entière  (ans  en  laifTer  aller 
vne  goutte  3  nous  en  parlerons  plus 
amplement  en  la  féconde  partie  de  ce 
Dilcours. 

M.   ROHAVLT. 

IAcques  Rohault  qui  a  fuivy  Fopi- 
mon  de  M.  Delcartes  fur  le  fait  des 
fontaines ,  comme  en  toute  autre  cho- 
fe,  dit  dans  fon  traité  de  Phyiique, 
imprimé  à  Pans  en  tdzt.  Que  bien 
qu'on  ne  puifTe  confiderer  l'origine  des 
Fontaines  fans  quelque  forte  d  admi- 
ration, il  ne  luy  fenible  pas  néanmoins 
que  la  recherche  de  cette  origine  foit 
vne  chofe  fort  difficile ,  puis  que  quand 
on  voit  ^  dit-il;  que  les  fources  & 


D  E  s    Fo  N  T  A  I  NE  s.  1  ^5> 

les  Rivières  qui  en  font  les  amas , 
coulent  toujours,  qu'elles  entrent  daiis 
la  Mer  ,  &  qu  elles  ne  la  font  poi  ic 
eifler  3  il  faut  conclure  que  c'eft  elle 
qui  leur  fournit  les  eaux  ,  &  que  la 
Terre  eftant  ouverte  en  plulieurs  en- 
droits, il  eft  aisé  aux  eaux  de  la  Mer 
de  paiTer  &  de  couler  par  tout;  dcquo 
pour  ce  qui  eft  de  les  iàire  monter 
en  haut  il  faut,  dit-il,  qu'il  y  ait  quel- 
que raiion  pour  cela  laquelle  il  expli- 
que après  avoir  refuté  les  diverfes  opi- 
nions des  Philofophes  fur  ce  fajet  ;  & 
dit  qu'on  peut  raifonnablement  pen- 
1er  que  ces  eaux  lont  réduites  en  va- 
peurs par  la  chaleur  qui  le  rencontre 
dans  les  entrailles  de  la  terre  ;  qui  eit 
telle  qu'on  rexpeiimente  meime  d'au- 
tant plus  grande  qu  on  y  deloend  plus 
bas  5  &  que  les  vapeurs  ne  pou\:^.nt 
s  eftendre  ni  continuer  commodément 
leur  mouvement  en  fe  répandant  vers 
les  coftez  ou  il  y  en  a  en  inefîne- 
temps  d'autres  qui  tendent  à  fe  dila- 
ter ,  c  eft  vne  neceffité  qu'elles  fe  por- 
tent vers  le  haut  des  montagnes  ;  ce 
qui  eft  h  vray,  dit-il,  qu'il  y  en  amef- 
me  qui  s  élèvent  julque  dans  lair  ^  ou 

M  1} 


î4«  De  l'Origine 

elles  fervent  par  après  à  former  &  coni- 
pofer  des  pluyes ,  de  la  neige  ,  &  de 
la  grefle.  Q^  ces  vapeurs  eftantainfi 
paiTemiës  à  la  fuperficie  de  la  terre , 
rencontrent  de  la  froideur  qui  leur 
fait  perdre  la  plus  grande  partie  de 
leur  mouvement ,  &  par  confequent 
les  fait  arrefter  ,  &  la  fe  gliflànt  les 
vues  prés  des  autres  compd eut  de  pe- 
tites gouttes  qui  le  joignant  enfemblc 
defcendent  par  leur  pelanteur  vers  le 
bas ,  &  font  quelque  filet  d*eau  qui  fe 
joignant  à  vn  autre  &  ceux-cy  à  d'au- 
tres ,  compofent  vue  veine  d  eau  qui 
partant  par  les  fentes  de  la  terre  eft 
conduite  hors  la  montagne ,  &  fait  ce 
que  nous  appelions  vne  fource  d'eau 
Vive  ou  vne  fontaine  ;  &  parce  que 
le  iel  ne  peut  pas  s'élever  en  vapeur 
avec  les  parties  de  l'eau  douce  ou  il 
eft  méfié ,  de  là  vient  que  les  eaux 
des  fontaines  font  douces. 

Hefiexions  fur  f  opinion  de  M.  Kohauh 

La  différence  qu'il  v  a  de  l'opinion 
it.  M.  Rohault  à  celle  de  Lydiat  & 
deM.DuHamel ,  eft  que  ces  deux-cy 
«ionnentt  raifon  de  la  chaleur  qu'ik 


D  ES    FON  T  A  I  N  E  5,  141 

Client  caiifer  les  vapeurs  de  la  ter- 
re, en  luppoiant  va  feu  faufterrain 
C3ntinu  &  continuel  qui  TechaufFe , 
au  lieu  que  noftre  Auteur  nan  plus 
que  M.  Delcartes  melme  n'en  rend 
aucune  j  le  contentant  de  dire  queles 
vapeurs  font  causées  par  la  chaleur 
qui  le  rencontre  dans  la  terre  ,  fans 
dire  ce  qui  cauie  cette  chaleur  :  corn- 
me  s'il  vouloit  faire  croire  que  naturel- 
lement la  Terre  eft  chaude  au  dedans , 
ce  que  pas  vn  Philoiophe  que  je  Içache 
n'a  dit  encore  y  au  contraire  on  luy  at- 
tribue entre  autres  qualitez  celle  de 
froide ,  comme  dit  Lydiat  :  car  s'il  vou- 
loit  dire  qu'il  eft  inutile  de  prouver 
vne  chofe  qui  eft  connue  ,  &  que 
certe  chaleur,  comme  il  dit  enfuite ,  le 
trouve  eftre  plus  grande  plus  on  del- 
eend  bas ,  il  le  pourroit méprendre ,  cet- 
te chaleur  prétendue  n'eftant  pas  ac- 
tuelle ,  mais  feulement  apparente  & 
comparative  à  la  chaleur  ou  à  la  froi-» 
deur  du  dehors  ,  comme  il  a  efté  dit 
bien  au  long  fur  l'opinion  de  Lvdiaî  ;  & 
s'il  veut  s'en  tenir  à  ce  que  Ton  fent 
dans  la  terre ,  il  faudra  qu'il  demeure 
■  d'accord  qu'il  y  fait  froid  en  Efté, ce 


142  De  l'Origine 
qui  câuferoit  vne  autre  difficulté  à  ion 
opinion  ;  pource  que  par  cette  raiibri 
de  frailcheur  il  ne  fe  feroit  point  de 
vapeur ,  &  les  fontaines  ceffèroient  de 
couler  5  &  par  confequent  les  rivières 
dont  elles  font  les  amas ,  comme  il 
dit,  car  félon  qu'il  le  fait  entendre  le 
cours  &  la  fubfiftance  des  fontaines 
n'eft  fondé  que  (ur  cette  vapeur  con- 
vertie en  eau  à  mefure  que  la  conver- 
lîon  s*en  fait ,  &  c  eft  la  raifon  que  rend 
Ariftote  pourquoy  les  montagnes  ren- 
dent leurs  eaux  petit  à  petit. 

Les  autres  difficultezeftant  les  mef- 
nies  qui  ont  efté  remarquées  fur  les  o- 
pinions  de  Lydiat  &  de  Du  Haniel ,  il 
ny  fera  pas  fait  de  nouvelles  réponles, 

LE  PERE  FRANÇOIS. 

IEan  François  lefuite  5  dans  fon  livre 
intitulé  la  Science  des  eaux ,  impri- 
mé à  Rennes  en  Bretagne  en  1(^55. 
condamne  l'opinion  de  ceux  qui  don- 
nent les  eaux  de  la  Mer  pour  principe 
des  Fontaines ,  &  fouftient  qu'elles  ti- 
rent leur  origine  des  vapeurs  humides 
que  les  vents  font  entrer  dans  la  terre 
par  les  endroits  qui  lem*  font  oppofez  : 


DES  Fontaines.       145 
comme  font  les  collines  &  principale- 
ment celles  qui  regardent  le  couchant, 
d'où  viennent  le^  vents  les  plus  humi- 
des ,  &  que  ces  vapeurs  fe  convertii- 
lant  en  eau  f>it  les  fontaines ,  qui  f3nt 
par  cette  raifon  plus  ordinaires   aux 
lieux  qui  ont  cette  expofition  ,   qua 
ceux  qui  font  contraire  ;  que  s'il  fe 
trouve  qu  il  y  ait  de  ces  lieux-là  cm  il 
nV  ait  point  de  fontaines ,  &   qu'au 
contraire  il  y  en  ait  fiir  ceux  qui  regar- 
dent le  levant ,  c  eft  que  ces  eaux  ant 
trouvé  vn  fonds  de  gkiie  dont  la  pen- 
te les  porte  vers  la  colline  exposce  au 
levant,  en  leur  tàilànt  faire  le  trajet  de 
toute  lépaifleur  de  la  montagne.  Il 
(iippofe  que  cette  refolution  de  vapeurs 
en  eau  eft  faite  par  la  chaleur  du  feu 
foufterrain  dont  il  a  efté  parlé  cy-de- 
vant.  Il  croit  aufTi  qu'il  entre  dans  la 
terre  ,    par   pénétration  ,   beaucoup 
d'eaux  de  pluye  que  la  meime  chaleur 
fait  évaporer  au  haut  des  montagnes  ^ 
c^^refoudre  en  eau  :  Et  conclud  enfin 
que  toutes  les  eaux  ont  pour  principe 
les  pluyes  &  les  vapeurs  humides ,  lei- 
quelles  pénétrant  la  terre  tont  les  puits, 
&  eu  iortant  deviennent  foutaunes  3  ôc 


Î44  I>E  l'Or  i  gine 
de  fontaines  de  viennent  livieres.  iMit 
aufli  que  les  terres horifontales  laiflent 
entrer  dans  elles  toutes  les  eaux  de 
pluyes ,  que  les  verticales  n'en  reçoi- 
vent point ,  &  que  les  penchantes  en 
reçoivent  feulement  vne  partie  plus 
ou  moins  félon  leur  pente. 

Reflexion  fur  t opinion  du  ?cre 
le  an  François, 

Les  réflexions  que  Ton  pourroit  fai- 
re fur  cette  opinion  ,  font  celles-là 
mefmes  que  nous  avons  déjà  faites  fiir 
d'autres  femblables:  A  quoy  l'on  peut 
ajoufter,  qu'à  1  égard  des  fources  qu'il 
dit  eftre  plus  ordinairement  aux  colli- 
nes exposées  au  couchant ,  qu'à  celles 
qui  font  exposées  au  levant;  ce  ienti- 
ment  n'eft  pas  le  plus  ordmaire  :  car 
l'on  croit  avoir  remarqué  par  expé- 
rience le  contraire  de  ce  qu'il  dit ,  ce 
que  l'on  fonde  mefine  fur  le  cours  du 
Soleil  ,  qu'on  dit  avoir  beaucoup  de 
puifîance  fiir  la  produdion  des  four- 
ces,  &  fur  les  lieux  de  leurs  Ibrties: 
mais  cela  n'eft  qu  vne  opinion  fans  fon^ 
dément  valable  ^  l'objeclion  qu'on  y 
pourroit  faire  feroit  aufTi  bien  legei'e  ^ 


DESFONTAINES.  14.5 

quoy  que  la  remarque  de  noftre  Au- 
teur ne  foin  pas  plus  affurée.  Pour  ce 
qui  regarde  la  pénétration  de  la  Ter- 
re par  les  eaux  des  pluyes ,  nous  en 
parlerons  amplement  dans  la  fuite  de 
ce  Difcours  :  Mais  à  Tégard  des  puits 
qu'il  dit  eftre  caufez  par  les  eaux  des 
pluyes ,  il  me  fem^ble  qu'il  de  voit  ea 
avoir  parlé  avec  plus  de  reftriction 
qu'il  n  a  fait ,  &  ne  ]3as  attribuer  la 
caufè  de  tous  les  puits  lans  refer\eaux 
eaux  de  la  pluye  dans  le  fens  qu'il 
Teatend. 

P  A  L  I  S  S  Y. 

BErnard  PalifTy  ,  inventeur  de  ru- 
ftiquès  figulmes,  dans  fon  traité 
des  Fontaines,  imprimé  à  Paris  en  l'an- 
née  1580.  dit,  qu'ayant  confidere  de 
prés  la  caufe  des  fources  des  Fontai- 
nes naturelles  ,  il  a  connu  qu'elles  ne 
procedoient  &  n  eftoient  engendrées 
que  des  pluyes  ;  Et  auparavant  il  dit, 

f)arlant  des  puits ,  que  leurs  eaux  font 
èulement  des  égoufts  des  pluyes  qui 
tombent  alentour  ^  &  en  vn  autre  en- 
droit ,  parlant  des  petites  ifles  de  U 
Mer  ou  il  v  a  de  Teau  douce,  il  dit 

N 


14^  D  E  l'O  r  I  g  I  n  e  ,  8cc. 
que  cen  eft  que  des  égoufts  des  pluyes 
traverfaiit  la  terre  jufques  à  ce  qu  elles 
ayent  trouvé  fonds.  Et  en  va  autre  en- 
core il  dit ,  quon  ne  trouvera  jamais 
de  fontaines  en  vne  terre  (ablonneufe, 
pource  que  les  eaux  de  pluye  qui  tom- 
bent fiir  la  Terre  s'en  iroient  toujours 
enbas  jufques  au  centre  de  la  Terre^  & 
ne  (e  pourr oient  jamais  arrefter  pour 
faire  ni  puits  m  fontaines  ;  &  quela  eau- 
fe  pourquoy  les  eaux  le  trouvent  aux 
puits  &  aux  fontaines ,  eft  qu'elles  ont 
trouvé  vn  fonds  de  pierre  ou  de  terre 
argileule  qui  peut  tenir  leau ,  &  qu'il 
n'y  a  ni  puits  ni  fontaines  où  il  n'y  ait 
deflbus  quelque  terre  argiIeulè  ,  pier- 
re ,  ardoiie ,  ou  minerai  ,  qui  retien- 
nent les  eaux  des  pluyes  quand  elles  au- 
ront pal  se  au  travers  des  terres.  Ce 
font  les  propres  termes  de  cet  Auteur. 

Reflexions  fur  l'opinion  de  Palifsy, 

Cet  Auteur  eft  de  l'opinion  de  ceux 
qui  tierinent  que  les  fontaines  font 
causées  par  les  pluyes,  &  comme  jay 
remis  à  difcuter  cette  opinion  dans  la 
féconde  partie ,  je  n'en  diray  rien  davan- 
tage preientement. 


DE 
L'  O  R  I  G  I  N  E 

DES  FONTAINES. 

SECONDE     PARTIE. 

^^^^^^  Elles  font  à  peu  prés  les 
^^  opinions  que  les  Philofophes 
I  anciens  &  modernes  ont  eues 
touchant  T origine  des  Fontai- 
nes ôc  des  Rivières .  Par  les  reflexions 
que  j  av  faites  fur  chacune  en  particu- 
lier, je  ne  voy  pas  qu'il  y  ait  dequoy  en 
eftre  beaucoup  latisfait;&  aflurément 
tous  ceux  qui  n'y  prendront  point  d'in- 
tereft  feront  de  ce  fentiment  :  car  je 
voy  que  chacun  de  ces  Philofophes  en 
ion.  particulier  ,  a  rejette  l'opinion  des 
autres  quandellenes'eft  pas  rapportée 
àlaf"enne.  Peut-eftreaufîî  en  eft-ilde 
mefiTie  de  la  mienne  à  mon  égard  :  mais 
je  tafcheray  de  1  affranchir  de  toutes 

N  ij 


hS         De  l'Origine 

les  objeclioiis  que  j'ay  faites  fiir  les 
autres,  &  n'en  omettray  aucune  autre 
fi  je  puis  que  je  ne  me  fafle ,  &  à  la- 
quelle je  ne  réponde  de  bonne  foy. 
le  fouhaite  qu  il  vienne  quelqu  vn  qui 
la  rejette ,  comme  j'ay  rejette  les  au- 
tres, &  qui  en  mefme  temps  en  ouvre 
vne  autre  toute  nouvelle  qui  foit  meil- 
leure ,  puis  que  je  n  ay  deflbin  de  la  fou- 
tenir ,  qu'autant  que  je  la  croiray  fou- 
tenable. 

OPINION  DE  TAYTEVR: 

M  On  opinion  eft  donc  que  les 
eaux  des  pluyes  &  des  neiges 
qui  tombent  liir  la  Terre ,  font  la  cau- 
fe  &  Torigine  des  Fontaines.  Ce  fca- 
timent  eft  le  plus  ordinaire  &  le  plus 
fuivy  :  Néanmoins  de  la  façon  que  je 
conçoy  la  choie ,  il  y  a  vne  différen- 
ce extrême  entre  ma  pensée  &  celle 
de  ceux  qui  fuivent  ce  fentiment  or- 
dinaire. Car  ils  croyent  que  les  eaux 
des  pluyes  &  des  neiges  fondues  tom- 
bant fur  la  Terre ,  la  pénètrent  juf- 
ques  à  ce  qu  elles  ayeat  rencontré  de 
la  terre  graffe  ou  autre  choft  qui  les 
arrefte  5  furquoy  elles  coulent  vers 


D  E  s  Fo  N  T  A  I  NE  s.  î4^ 

quelque  ouverture  fur  le  penchant 
dVne  montagne  ;  &  moy  je  croy  que 
la  pluye  ne  pénètre  point  la  Terre , 
ni  ne  deicend  point  jufques  fur  cette 
terre  graiïe. 

Ils  croyent  que  les  eaux  qui  tom- 
bent fur  les  plaines  hautes ,  font  la 
caufe  des  tontaines,  pai*  le  moyen  de 
cette  pénétration  qu'ils  fuppoient  5  & 
moy  je  tiens  que  toutes  ces  eaux- là 
font  perdues  pour  les  fontaines  ,  6c 
«qu'elles  ne  fervent  qu'à  la  nourriture 
des  plantes  &  des  arbres ,  &  à  faire  des 
mares  5  des  eftangs  &  des  puits  de  peu 
de  durée  ;  &  aufli  à  donner  des  vapeurs 
qui  produifent  de  la  pluye ,  de  la  neige 
êc  de  la  grefle. 

Ils  crovent  que  les  pluyes  qui  tom- 
bent fur  le  penchant  des  collines,  font 
perdues  &  de  nulle  vtilité  pour  les  four- 
ces  ,  par  la  raifon  que  de  là  elles  tom- 
bent dans  les  rivières  qui  les  emmè- 
nent à  la  mer  j  &  moy  je  croy  au  con- 
traire qu  il  n'y  a  que  celles-là  qui  fer- 
vent à  la  produdion  &  entretien  des 
fovrces  par  cette  mefme  raifon  qu'el- 
les tombent  dans  les  rivières. 

Ils  crovent  auffi  que  ce  font  les 

N  iij 


150  De   l'Origine 

fontaines  qui  eftant  affeniblées  font 
les  rivières ,  &  que  s  il  n'y  avoit  point 
de  fontaines  il  n  y  auroit  point  de  ri- 
vières ^  &  moy  je  croy  que  ce  font 
les  rivières  qui  font  les  fontaines ,  & 
que  s'il  n'y  avoit  point  de  rivières  il 
n'y  auroit  point  de  fontaines. 

De  forte  qu'il  sen  faut  beaucoup 
que  nous  i  oyons  de  mefme  avis ,  quoy 
que  noiis  convenions  d'vn  mefine  prin- 
cipe 5  les  moyens  que  nous  eftablif- 
fbns  de  part  &  d'autre  pour  l'exécu- 
tion de  la  chofe  font  tout-a-fait  ditFe- 
rens ,  &  la  manière  dont  ils  les  c3nçoi- 
vent  devient  en  quelque  façon  vne 
opinion  particulière  qu'il  faut  encore 
examiner ,  &  voir  fi  elle  peut  élire 
receuë. 

OPINION  COMMVNE. 

Vitrvve,Gassendy,Palissy, 
LE  Père  Iean  François. 

I 'Appelle  cette  opinion,  l'Opinion 
Commune ,  parce  qu'il  n'y  a  prel- 
qiie  perfonne  qui  ne  la  fuive ,  fans 
autre  railon  que  je  fçache ,  (laoïi  qu'il 
y  a  de  l'appareace  que  cela  eft  auifi , 


DES  Fontaines.  151 
âcaufèque  les  fontaines  font  plus  for- 
tes à  la  fin  de  l'Hy  ver  quand  il  a  efté 
pluvieux,  qua  la  fin  de  l'Efté  quand 
î'Efte  a  efté  (kc^dc  qu'elles  font  plus 
eu  moins  fortes  félon  que  les  pluyes 
Ont  efté  plus  ou  moins  grandes.  Mais 
d  expliquer  par  le  menu  &  en  détail 
les  moyens  par  lefquels  cela  le  fait  : 
ceft  ce  que  perfonne  na  pris  foin  de 
faire  ;  &  c'eft  pourtant  ce  qu'il  y  a  de 
principal  à  confiderer.  Ne  laillons  pas 
néanmoins  d'examiner  ces  moyens 
quels  qu'ils  ioicat ,  &:  par  ce  qu'en  ont 
dit  ceux  qui  ont  iuivy  cette  opinion , 
tafchons  de  voir  i\  ces  moyens  lont  re- 
cevables. 

Entre  les  Auteurs  dont  jay  parle 
je  ncn.  trouve  que  quatre  qiu  ayent 
iiuvy  cette  opinion  Commune;  fç avoir 
Vitruve,  GafTendv,  le  Père  François, 
&  PalifR^ 

Ce  que  j'ay  rapporté  de  ces  quatre 
Auteurs  fait  voir  qu'ils  croyent  que 
les  eaux  de)  la  pluye  traverfent  la  Ter- 
re &  y  entrent  par  les  ouvertures  qui 
Ibnt  fur  les  montagnes  pierreuies^s'arré- 
tant  aux  lieux  lolides  &  non  Ipongieux. 
Quo  les  eaux  des  pluyes  &  des  neiges 

N  luj 


i^î  De  l'Or  i  gi  ne 

s'amaflent  dans  des  lieux  creux  fiir  les 
montagnes  qui  font  Ibuvent  couverts 
d'arbres,dont  l'ombrage  conferve  long- 
temps la  neige ,  quHè  fondant  petit  à 
petit  s'écoule  infenfîblement  par  les 
veines  de  la  terre ,  &  que  ces  eaux 
eftant  parvenues  au  pied  des  monta- 
gnes y  produifent  les  fontaines.  Que 
les  terres  horilontales  laiflènt  entrer 
dans  elles  toutes  les  eaux  des  pluyes , 
&  que  les  penchantes  n  en  laiflènt  en- 
trer qu'vne  partie  à  proportion  de  leur 
pente.  Que  les  eaux  des  fontaines  & 
des  puits  lont  feulement  des  égoufts 
des  pluyes  qui  tombent  alentour  &  qui 
traverlènt  la  terre ,  jufques  à  ce  qu'el- 
les ayent  trouvé  fonds ,  (ans  quoy  elles 
s'en  iroient  toujours  en  bas  ju{quau 
centre  de  la  Terre ,  &  ne  fe  pourr oient 
jamais  arrefter  ;  &  qu  il  n  y  a  ni  puits 
ni  fontaines  où  il  n'y  ait  deflt)us  quel- 
que terre  argileufe ,  pierre ,  ardoife , 
ou  minerai ,  qui  retiennent  les  eaux 
des  pluyes  quand  elles  ont  pafse  au 
travers  des  terres.  Ce  font  les  propres 
termes  de  ces  Auteurs. 


DE  s    FON  T  A  INES.  15} 

Réflexions  fur  F  Opinion  Commune, 

Il  eft  aisé  de  connoiftre  par  ce  que 
je  viens  de  raj^porter ,  quels  font  les 
moyens  par  lelquels  ceux  qui  fuivent 
lopinion  Commune  croyent  que  les 
eaux  de  la  pluye  peuvent  eftre  lacaufe 
des  fontames ,  qui  ne  lont  autres  que 
la  pénétration  delà  terre  par  ces  eaux- 
la  ^  &  leur  arreft  fur  quelque  fonds 
de  terre  grafle  &  argileufè  ,  pierre , 
ardoife  ou  minerai ,  comme  dit  Palif- 
fy ,  ou  fur  quelque  autre  tonds  (blide 
&non  fpongieux,  comme  dit  ^^•*:ruve. 

Puis  que  ceft  donc  là  leur  pensée^ 
&  probablement  celle  de  tous  ceux 
qui  fuivent  cette  opimon ,  examinons- 
la  ,  &  voyons  quelles  font  les  difficul- 
tez  quon  peut  y  remarquer;  Pour 
moy  j'y  en  trouve  deux  principales. 
La  première  eft  cette  prétendue  péné- 
tration de  la  Terre  par  les  eaux  de  la 
pluye,  qui  ne  me  femble  pas  polTible 
de  la  manière  qu'ils  l'entendent  :  la 
féconde  eft  que  je  ne  croy  pas  qu'il 
tombe  aflez  d'eaux  de  pluye  &  de 
neige,  pour  que  la  Terre  en  puiflb 
cftre  abreuvée  autant  qu'd  le  faut ,  & 


1^4-  De  l'Origine 
qu'il  en  puifîè  refter  eacore  aflez  pour 
faire  couler  les  fontaines ,  les  rivières 
&  les  fleuves  qui  en  font  produits , 
comme  ils  difentjpar  les  moyens  qu'ils 
fuppofent. 

Avant  que  d'entrer  dans  la  difcuf- 
fîon  de  ces  deux  difEcultez  ,  je  veux 
rapporter  icy  vne  expérience  que  j'ay 
faite  5  qui  pourra  donner  quelque  lu- 
mière à  ce  que  nous  avons  à  dire. 

Il  eft  dit  cy-devant  dans  l'opinion 
du  Père  Schottus  lefiiitc,  qu'Emanuel 
Magnanus  ayant  mis  du  fable  dans  vn 
canal ,  Feau  y  eftoit  montée  jufques  à 
la  hauteur  de  trois  palmes.  Poui*  voir 
fî  cela  elloit  vray,  (  car  ei  fait  d  ex- 
périences d'Auteurs  de  nouvelles  dé- 
couvertes on  ne  peut  eftre  trop  dé- 
fiant )  j'ay  pris  vn  tuyau  de  plomb  de 
vingt  lignes  de  Diamètre  &  de  deux 
pieds  de  long  ^  &  l'ayant  fermé  par  en 
bas  avec  de  la  toile,  comme  le  décrit 
Magnanus,  &  l'ayant  remply  delable 
de  Rivière  fec  &  pafsé  au  gros  fàs  ;  je 
l'ay  posé  perpendiculairement  dans  vn 
vaifTeau  d'vne  large  fuperficie  &  de 
peu  de  profondeur  plein  d'eau ,  la  par- 
tie fermée  en  bas ,  &  enfoncée  dans 


D  E  s    f  O  N  T  A  I  N  E  5.  tÇ^ 

Veau  de  quatre  lignes  feulement ,  & 
layant  laiisé  en  cet  eftat  l'elpacede 
24  heures  5  je  trouvay  que  Teau  du 
vafe  avoit  monté  dans  le  canal  jufques 
à  1 8 .  poulces  de  hauteiu'  ^  dont  le  fable 
eftoit  mouillé,  l'avoue  que  j'en  fus  af- 
Ccz  eftonné  ,  ne  meftant  pas  ima- 
giné qu  elle  puft  monter  fi  haut ,  & 
continuant  de  vérifier  cette  expérien- 
ce, je  voulus  voir  fi  cette  eau  amfi 
montée  pourroit  s'écouler  de  cofté  & 
d'autre  pouriaire  desfources,  queMa- 
gnanus  dit  fe  faire  de  la  forte ,  &  en 
meime  temps  il  me  vint  en  la  pensée 
que  ficela  ponvoit  eftre  ainfi,  le  mou- 
vement perpétuel  feroit  trouvé.  Pour 
eftre  donc  éclaircy  de  tout ,  je  fis  au 
canal  vne  ouverture  de  fept  ou  huit 
lignes  de  diamettre ,  deux  poulces  au 
deflùs  de  la  lurface  de  l'eau  du  vaze , 
à  laquelle  ouverture  je  joignis  vne  pe- 
tite goutiere  de  deux  poulces  de  ions;, 
allant  en  penchant  vers  leau,  dans 
laquelle  je  mis  du  melme  iable  f^c^ 
qui  fe  joignoit  à  celuy  du  canal  j  & 
deflous  ce  lable  ,  dans  la  goutiere  )'a- 
vois  mis  vn  papier  gi'is  dont  le  bout 
forçant  hors  de  h  goutiere  peadoit  à 


s^6  D  E  l*Orig  in  e 
plomb  à  demy  poulce  prés  de  Teau  in 
vafe,  m'imaginant  que  ceGbIe  allant 
en  pente  dans  la  goutiere  donneroit 
quelque  commodité  à  l'eau  qui  eftoit 
montée  dans  ce  canal ,  &  qui  de- 
voit  fe  communiquer  au  fable  de  la 
goutiere  ,  d'y  descendre  &  de  couler 
plus  facilement  ,  à  quoy  ce  papier 
gris  devoit  aufîî  fervir  de  quelque 
chofe  à  ce  qu'il  me  (embîoit  :  m'ima- 
ginant  auflî  que  Teau  du  vafe  fourni- 
roit  ce  qu'il  faudroit  pour  remplacer 
ce  qui  pourroit  fomr  par  cette  gou- 
tiere ,  &  qu  ainfi  le  mouvement  per- 
pétuel feroit  trouve  ;  n  ofant  plus  dou- 
ter que  cela  ne  puft  eftre  ,  après  ce 
que  Magnanus  avoit  dit ,  &  après  avoir 
trouvé  véritable  l'expérience  par  luy 
rapportée  fiir  laquelle  il  fondoit  fori 
opinion  •  mais  la  chofe  n  alla  pas  ainfi  ; 
car  quoy  que  le  fable  de  la  goutiere  fe 
moiiillaïl  ,  &  le  papier  gris  auffi  ,  ja- 
mais il  ne  tomba  vne  feule  goutte 
d'eau  de  cette  goutiere  ;  le  papier 
mefme  tout  moiiiUé  qu'il  eftoit  &  qui 
pendoit  prés  de  l'eau  du  vafe  ne  l'eftoit 
pas  aflez  pour  moiiiller  feulement  le 
àoigt  quand  on  y  touchoit.  Reconnoif- 


DES  Fontaines.  1157 
faut  donc  (  je  ne  veux  pas  dire  la  mau- 
vaile  foy  de  Magnanus ,  )  mais  l'erreur 
où  il  eftoic,  seftant  contenté  de  voir 
monter  Teau  dans  ce  fable ,  fans  avoir 
voulu  fçavoir  fi  elle  pouvoir  s'écouler 
de  cofté  ou  d'autre  ;  comme  il  l'aflii- 
roitpar  conjecture  feulement ,  je  vou- 
lus en  'eitre  éclaircy  davantage  ,  & 
pour  cet  effet  je  tiray  mon  canal  du 
vafe  &  le  tufpendis  fur  vn  autre  vaif- 
leau  vuide  durant  vne  demy journée: 
mais  jamais  il  ne  tomba  vne  leule 
goutte  d'eau  de  toute  celle  qui  eftoit 
montée  1 8 .  poulces  de  haut  dans  ce 
fable  5  &  la  toile  qui  fermoit  louver- 
ture  du  canal  &  qui  fouftenoit  tout 
le  lable  moiiillé  qui  y  eftoit  y  n'eftoit 
pas  mouillée  davantage  que  le  papier 
gris  de  la  goutiere.  le  pafiay  plus  ou- 
tre, je  jettay  de  l'eau  par  en  haut  fiir 
ce  lable  aiiîfi  abreuvé  ,  pour  voir  fi 
elle  pafieroit  à  travers  &  combien  il 
en  pafferoit ,  &  je  vis  qu'il  n'en  eftoïc 
pafsé  que  les  trois  quarts  j  &  le  jour 
d'après  y  en  ayant  versé  encore  vne 
pai'eiUe  quantité ,  je  vis  qu  elle  pafla 
toute ,  après  quoy  le  jour  fiiivant  je 
fis  lortir  du  canal  le  lable  qui  y  eftoit. 


ï^S  De  l'Origine 

en  oftant  la  toile  &  fecoiiant  à  plomb 
le  canal  ,  &  je  remarqiiay  que  le  fa- 
ble qui  fortit  le  premier  eftoit  com- 
me du  mortier  bien  mouillé ,  &  que 
le  dernier  ne  l'eftoit  pas  tant  à  beau- 
coup près ,  quoy  que  j'eufle  mis  deux 
fois  de  l'eau  fiir  celuy  d'enhaut  ^  qui 
eftoit  celuy  qui  fortoit  le  dernier.  lay 
recommencé  la  melme  expérience 
avec  du  lable  non  lalsé  ayant  fes  pier- 
res grofîes  &  menues  :  mais  Teau  n'y 
a  monté  que  dix  poulces.  le  l'ay  faite 
encore  avec  du  grais  calsé  &laisc ,  dans 
lequel  l'eau  n'a  monté  pareillement 
que  dix  poulces.  le  l'ay  faite  encore 
avec  de  la  terre  franche,  feiche,  gre- 
nue ,  non  fafsée  ,  fans  pierre,  dans  la- 
quelle elle  a  monté  1 8 .  poulces,  com- 
me dans  le  fable  falsé  ^  &  fiir  tous  ces 
fables  f afsé  &  pierreux ,  grais  &  terre 
franche ,  j'ay  versé  de  Teau  comme  la 
première  fois  ,  qui  a  palsé  de  mefm.e 
<Scavec  les  mefmes  circonftances.  le 
lay  fiite  encore  d'vne  autre  façon, 
ou  pluftoft  j  ay  fait  vne  autre  expé- 
rience 3  ;  ay  pris  de  la  terre  tranche , 
feiche,  fàfsée,  quej'ay  miie  dans  mon 
canal,  en  la  battant  vnpeu,  non  pas 


D  E  s    FO  N  T  A  I  NE  s.  1  5^ 

avec  vn  bafton  du  calibre  du  canal: 
mais  ieulement  arec  vn  petit  baftoii 
de  la  groflèur  d'vne  plume,  &fiir  cette 
terre  leiche  j'ay  jette  de  Feau  par  me- 
lure  pour  voir  li  elle  paiTeroit^  lame- 
lure  de  l'eau  que  je  mettois  eftoit  vne 
fiole  de  verre  de  la  grolTeur  d'vne 
moyenne  balle  de  jeu  de  paulme  que 
j'empliflbis  julquau  haut  du  goulet. 
l'y  en  av  donc  versé  de  temps  en 
temps  trois  fois  plein  cette  fiole  fans 
qu'il  foit  rien  forty  par  en  bas ,  &  à 
la  quatrième  il  en  efl:  torty  le  tiers  de  la 
fiole,  l'y  en  ay  verse  vne  cinquiém-e& 
le  tout  eft  ioTty  ;  &  encore  vne  fixié- 
me  &  pareillement  le  tout  efl  forty 
Gns  rien  davantage  pendant  plus  de 
1 8 .  heures,  par  où  j'ay  connu  que  certe 
terre  leiche ,  comme  elle  eftoit ,  ne 
pouvoit  eftre  difposée  à  eftre  pé- 
nétrée par  l'eau  quaprés  avoir  efté 
mouillée  de  trois  fioles  ce  demie  a. 
proportion  des  tS.  poulces  de  haut& 
du  diam.etre  du  canal  où  elle  eftoit, 
leiquelles  trois  fioles  &  demie  f3nt 
la  n'oifiéme  partie  de  la  hauteur  def- 
dits  t8.  poulces.  Enfin  pour  achever 
cette  dernière  expérience ,  toute  leau 


téo        D  E   l'O  r  I  g  I  n  e 

que  favois  jetteé  fur  cette  terre  eftant 
pafsée ,  comme  j  ay  dit ,  je  laiflày  le 
canal  &  la  terre  en  l'eftat  qu'ils 
cftoient  durant  trois  jours ,  après  lef^ 
quels  l'y  verlay  vne  fiole  d'eau  :  mais 
il  nQïi  paflà  que  les  trois  quarts  à  cau- 
fe,  comme  il  y  a  apparence  ,  que  le 
deflus  de  la  terre  s  eftoit  vn  peu  fd- 
ché  ;  &  y  ayant  enfuite  jette  vne  au- 
tre fiole  d'eau ,  elle  paflà  toute. 

Cette  expérience  me  fit  fbnger  à 
Vne  autre  chofe  qui  eftoit  de  voir,  fi 
de  l'eau  (alée  monteroit  dans  ce  lable 
avec  fbn  lel ,  ou  fi  en  fe  percolant  en 
montant  de  bas  en  haut,  elle  le  quit- 
teroit  comme  quelques  chimiftes  ma- 
voient  afluré  :  mais  l'eau  lalée  monta 
jufques  aux  1 8 .  poulces ,  &  le  lable 
eftoit  falé  en  haut  comme  en  bas,  & 
s'il  paroiflbit  leftre  vn  peu  moins ,  je 
croy  que  ceft  qu'il  neftoit  pas  fi 
moiiillè. 

le  tire  beaucoup  de  confequences 
de  cette  expérience.  Premièrement  je 
connois  que  l'opinion  de  Magnanus 
n'eft  pas  recevable,  &  quelle  neft 
fondée  que  fiir  vn  fait  qui  n'eft  vray 
qu'à  demy  :  fui*quoy  je  remarque  en 

pafiant 


DES    FON  T  A  I  N  E  S.  i6t 

pa/Tanc  que  ce  que  ]'ay  dit  ailleurs  eft 
bien  véritable  ;  que  la  plufparc  de  ceux 
qui  font  des  expériences  fur  des  décou- 
vertes dont  ils  veulent  palier  pour  les 
Auteurs,  ne  les  veulent  regarder  que 
ducofté  qu'elles  fervent  à  leur  delTein , 
comme  a  fait  Magnanus  qui  vouloir 
feulement  prouver  le  luccement  de 
Peau  par  la  te^re. 

Secondement  je  vérifie  ce  que  j'av 
dit  cy-devant  fur  l'opinion  des  Con- 
nimbres ,  que  les  chofes  qui  attirent , 
comme  l'éponge ,  le  fable  ,  &c.  ne 
rendent  point  ce  qu'elles  ont  attiré. 

En  troiliéme  lieu ,  que  la  Terre  n'efl 
point  pénétrée  par  l'eau  pour  la  laifîer 
pafTer  toute  qu'elle  ne  ioit  moiullée 
entièrement,  &  qu'elle  ne  foit  molle 
comme  du  moraer. 

En  quatriém.e  lieu,  que  pourmoîiiî- 
1er  delà  terre  &  la  rendre  ditposée  à  la 
pénétration,  il  faut  de  Feau  la  troifié- 
me  partie  de  U  hauteur  &  épaiflèur 
de  la  terre. 

En  cinquième  lieu,  que  quand  il 
cefîe  de  couler  de  Teau  a  ti'avers  la 
terre  ,  la  terre  pe^d  fa  difpofition  à  la 
pénétration  5  laquelle  ne  fe  peut  re- 

Q 


i6î  De  l'Origine 
parer  qu avec  perte  de  partie  de  leaii 
qui  y  fera  jettée  de  nouveau  plus  ou 
moins  félon  le  temps  de  la  ceflation , 
ou  félon  le  hafle  &  le  chaud  qu'il  au- 
ra fait. 

Enfin  que  la  terre  à  travers  laquel- 
le il  a  pafsê  de  l'eau  eft  mouillée  davan- 
ta2;e  en  bas  qu'en  haut,  foit  que  l'eau 
y  loit  montée  comm.e  en  l'expérience 
de  Magnanus ,  foit  qu  elle  y  Ibit  def^ 
cendué  après  que  la  terre  y  a  efté  pro- 
parée  comme  e  i  mon  expérience. 

Pour  reprendre  donc  noftre  Dif- 
cours  &  examiner  les  deux  difficultez 
que  j'ay  remarquées  fiir  l'opmion  Com- 
mune y  à  l'égard  de  la  première ,  qui 
eft  cette  pénétration  que  je  croy  ne  fe 
pouvoir  faire  ,  comme  ils  croyent  ^  le 
diray  premièrement ,  que  iï  l'on  en 
veut  croire  Seneque  &  Lydiat  après 
kiy ,  la  terre  ne  fe  laiHè  pas  pénétrer 
avec  tant  de  facilité  qu'on  croit  par  la 
pluye.  Ce  que  la  terre  boit ,  dit  ce 
Philofbphe,  eft  peu  de  chofe  :  car  ou 
elle  eft  déjà  humide,  &  alors  elle  re- 
fule  de  boire  ce  qui  luy  vient  au  delà 
de  ce  qu'elle  a  defiré ,  ce  font  les  ter- 
mes, ou  biea  elle  eft  feiçhe,  2c  Crïi  c^ 


DE  s    FON  T  A  I  NE  s.  i^^ 

cas  elle  retient  &  confiime  ce  qu'elle 
a  bu,  de  cela  eft  conforme  à  noftre 
expérience  ;  mais  j'ajoufte  à  ce  rai- 
fonnement  les  expériences  qu'on  fait 
tous  les  jours  fur  cette  pénétration  de 
la  terre. 

L'eau  dont  on  arrofe  les  arbrifTeaux: 
ou  autres  plantes  qui  font  dans  des 
quailîes ,  ne  pénètre  qu'avec  peine 
le  peu  de  terre  qui  y  eft,  Se  je  pour- 
rois  dire  qu'elle  ne  la  pénètre  point 
entièrement  5  l'on  a  beau  y  en  jetter 
tous  les  jours  de  nouvelle ,  on  ne  la 
voit  point  fortir  par  le  tond  de  ces 
quailTes ,  elle  demeure  attachée  aux 
parcelles  de  la  ten'e  qu'elle  a  m.oûil- 
lées  ;  &  celle  que  Ton  continue  d'y 
jetter  ne  lert  qu'à  remouiller  la  terre 
de  deffiis  qui  s'eftoit  ieichee  par  le 
chaud.  (  le  ne  parle  point  de  l'eau 
qui  palFe  quelquefois  entre  la  terre  & 
les  coftez  des  quailles  quand  il  y  a 
long-temps  qu'elles  n'ont  efté  arrosées, 
&  que  la  terre  s'eft  retirée  à  caille  de 
la  leichereiTe ,  cela  ne  peut  pas  sap- 
peller  pénétration  ). 

Le  mortier  de  terre  que  font  les 
maçons  limolîns ,  i  la  campagne  ^  & 

O  ij 


1(^4  De  l*Ori  gi  n  e 
qu'ils  tiennent  relevé  en  vn  monceau, 
ne  laiffe  point  écouler  fon  eau  quoy 
qu'il  en  {oit  tout  remply ,  au  contrai- 
re il  la  retient ,  &  s'il  vient  à  fe  lei- 
cher  avant  que  d  eftre  employé ,  l'on 
voit  hiQti  que  ce  n  eft  pas  que  l'eau 
ait  quitté  la  terre  &  qu'elle  ait  pafsé  au 
travers,  pource  qu'on  voit  que  ce  mor- 
tier fe  (èiche  également  par  toutes  Tes 
parties.  Il  en  eft  de  mefme  de  celuy 
qui  eft  employé  ^  dont  on  ne  voit  point 
que  Teau  coule  le  long  des  murailles 
quand  elles  font  faites,  ce  qui  pour- 
tant devroit  arriver ,  &  cela  eft  en- 
core conforme  à  noftre  expérience  , 
mais  en  voicy  d'autres. 

Les  mares  qui  font  dans  la  campa- 
gne 5  où  toutes  les  eaux  d'alentour  f e 
viennent  rendre,  les  gardent  durant 
tout  PEfté  fans  que  la  terre  du  fonds 
les  boive. 

Les  fofTez  qui  environnent  les  ter- 
res labourables  les  confervent  de  mef- 
me ,  jufques  à  ce  que  le  hafle  les  ait 
confumées. 

Vne  des  plus  grandes  peines  des  la- 
boureurs eft  de  deffeichcr  les  terres  des 
plaines  qui  font  fur  1^  montagnes  ^  que 


DES  Fontaines,  k^^ 
les  eaux  no  vent,  ils  font  pour  cela 
de  profonds  filions  qu'ils  traverfent  de 
longues  tranchées  &  vuidanges  pour 
les  conduire  dans  les  mares  dont  nous 
avons  parlé ,  autrement  leurs  bleds  fe- 
roient  ou  pourris  ou  gelez  pendant 
rhyver. 

La  terre  n'eft  donc  pas  fî  difposée 
à  la  pénétration  qu'ils  prétendent  ;ôc 
Ton  en  pourroit  donner  vne  rail  on 
entre  aun^es  qui  eft  allez  naturelle» 
C'eft  que  depuis  qu'il  pleut  fur  la  ter- 
re ,  &  prmcipalement  (iir  celle  qu'on 
a  de  couftume  de  labourer  &  culti- 
ver 5  l'eau  de  la  pluye  a  entraifné  a- 
vec  elle  ce  qu'il  y  avoit  de  gras  & 
de  délié  dans  cette  terre,  &  Ta  fait 
descendre  jufques  ou  la  charrue  Pa  en- 
tamée ,  où  elle  a  fait  vne  efpece  de 
couiToy  qui  peut  refifter  à  la  pene- 
ti'ation. 

Ceft  par  vne  fembkble  raifon 
que  ces  mares  &  cesfoflèzconfervent 
leurs  eaux  comme  l'on  voit  :  car  les 
eaux  U'oubles  qui  s'y  rendent  venant 
à  s'éclaircir  par  !e  repos ,  lailTent  aller 
au  fonds  le  limon  gras  dont  elles 
cftoiçnc  troublées ,  lequel  bouche  Je& 


t^(^         De  l'Origine 

pores  de  la  terre  &  fait  vn  (eniblable 
coLirroy,  qui  empefclie  que  F  eau  ne 
palTè  plus  avant;  &  de  fait  qui  voudra 
fouiller  dans  le  fonds  de  ces  mares  il  y 
trouvera  la  terre  dure  &  prefque  ici- 
che.  Il  en  eft  de  mefine  de  ces  ïoiïcz 
&  vuidanges  dont  nous  avons  parle. 

Mais  paflbns  plus  outi'e  ,  ne  nous 
arreftons  point ,  ni  au  raifonnement 
de  Seneque  ,  ni  a  nos  expériences 
de  ces  quaifl'es  d  arbnfTeaux  ,  de  ce 
mortier  de  terre  ,  de  ces  mares ,  fof- 
fez  ,  &  terres  noyées  par  les  eaux ,  ni 
à  ce  raifonnement  du  limon  des  eaux 
troubles  :  Entrons  dans  le  folide  de  la 
terre  &  voyons,  s'il  eft  poHîble,  com- 
ment elle  eft  faite  au  dedans ,  &  de 
quelle  qualité  elle  eft  quand  on  la 
fouille^ vn  peu  avant;  defcendons  ini- 
ques fur  cette  glaife ,  ou  les  eaux  ont 
accouftumé  de  de(cendre  ôc  de  s  ar- 
refter ,  comme  ils  difent. 

Le  mefme  Seneque  affiire  que  les 
eaux  de  la  pluye  n'entrent  point  dans  la 
terre  plus  avant  que  dix  pieds ,  cd  qu'il 
affirme  comme  vn  bon  vigneron  qu'il 
dit  qu  il  eft  ,  qui  a  fbuvent  creusé  la 
terre.  Pour  moy ,  par  les  expériences 


D  tS    FO  NT  A  I  NE  s.  1^7 

de  par  les  remarques  que  j  ay  Elites  en 
des  temps  ditterens  ^  je  n'ay  pas  trou- 
vé que  cette  pénétration  allaft  fî  avant^ 
j  ay  fait  ouvrir  la  terre  fiir  des  monta- 
gnes, iur  la  pente  des  collines,  dans 
le  bas  des  plaines ,  dans  des  jardins 
cultivez,  après  de  grandes  oclongues 
pluyes ,  je  n  ay  jamais  trouve  la  terre 
mouillée  plus  avant  qu' vn  pied  &  demy 
ou  deux  pieds ,  &  immédiatement  après 
je  lay  trouvée  de  mamere  qu'on  la 
pouvoit  dire  feiche  ,  &  dure  de  telle 
forte  qu'il  faloit  la  befoche  ou  le  pic 
pour  fentamer,  la  beiche  ni  la  houe 
ne  pouvoient  y  entrer.  lav  fait  creu- 
fer  des  puits,  j'av  cherché  des  eaux 
fur  le  penchant  des  montagaes  :  j  ay 
trouvé  pareille  choie  a  TouveiTure  de 
la  terre ,  c  eft  à  dire  pa^'eiile  humidité 
a  Fenn-ée,  &  pareille  feicherefle  plus 
avant  fans  aucune  apparence  qu  il  y 
euft  coulé  de  Feau, m  quelle  eneuft 
jamais  efté  moiiillée  ;  j  ay  trouvé  que 
cette  leicherefle  de  terre  connnuoit 
toujours  ,  jufque  à  dixhuit  ou  vingt 
pieds  de  profondeur,  quelquefois  plus, 
quelquefois  moins  :  tantoft  c  eftoit  de 
la  terre,  tantoft  du  lible,  d'autres  fois 


1^8  De  l'Origine 

du  gravier  ;  j'y  ay  rencontré  vne  fois 
parmy  des  démolitions  de  maifons  de 
la  cendre  tellement feiche ,  que  le  vent 
la  pouvoit  emporter  à  peu  près  com- 
me celle  que  l'on  viendroit  de  tirer 
du  feu,  (  ce  qui  eft  à  remarquer,  pour- 
ce  que  ces  démolitions  dévoient  avoir 
pluftoft  donné  pafTàge  à  1  eau  de  la 
pluye  pour  venir  moiîiUer  cette  cen- 
dre, qu'vne  terre  neuve  &  non  re- 
muée. )  Enfin  après  avoir  fciiiUé  juf- 
ques  à  dix-huit  ou  vingt  pieds ,  |  ay 
trouvé  du  (àble  vn  peu  humide  ,  ou 
bien  de  la  marne  ,  du  crayon  blanc, 
ouglaiie  blanche,  pareillement  humi- 
de, &  qui  continuoit  de  l'eftre  ainfi 
de  plus  en  plus  environ  vn  pied  & 
demy  :  &  après  j  ay  veu  de  I  eau  pa- 
roiftrc  dans  le  tuf,  entre  des  cailloux 
fîir  '  vn  lit  de  glaife  ,  fortant  à  gros 
boitillons  plus  ou  moins  félon  que  la 
veine  eftoit  féconde. 

Voila  en  quel  eftat  j'ay  trouvé  le 
dedans  de  la  Teire  quand  j'y  ay  cher- 
ché des  fources  :  ce  que  j  ay  reconnu 
eftre  pareil  en  tous  les  lieux  ou  j  ay 
veu  foiîiller  des  eaux;  &je  croyquil 
y  a  lieu  de  dire  qu  il  en  eft  de  melme 

par 


DESFONTAINES.  169 

par  tout  ailleurs,  nonobftant  quelques 
cas  finguliers  qui  ne  peuvent  pas  chan- 
ger la  vérité  de  ma  propofition. 

Si  cette  eau  que  je  trou  vois  eftoit 
delcendu^  par  vne  pénétration  viii- 
verlelle  &  vniforme  ,  comme  ils  la 
defignent  par  ce  quils  en  dilent,ea 
mouillant  toutes  les  parcelles  de  la 
Terre  dans  toute  Ion  epaifleur  ou  pro- 
tondeur, &  avec  cette  liberté  &  faci- 
lité qu'ils  fiippol'ent,  je  devrois  avoir 
trouvé  toute  la  terre  mouillée  depuis 
le  haut  julquenbas  inégalement,  de 
.  meime  qu'elle  fe  trouve  dans  le  canal 
de  noftre  expérience  ,  félon  quelle 
feroit  plus  ou  moins  defcendue;  & 
enfin  je  l'aurois  veuè'  diftiUer  douce- 
ment petit  à  petit  fur  cette  glaife ,  lùp- 
posé  quil  y  vmft  de  nouvelle  eau 
pour  la  pénétrer  ;  de  meime  que  quand 
j  a  VOIS  jette  de  Teau  fur  le  fable  ou 
terre  déjà  mouillée  de  mon  canal ,  & 
elle  ne  fe  feroit  fait  voir  en  quantité , 
qu'après  qu'on  luy  auroit  donné  le 
temps  de  (e  ramaflèr  en  va  lieu  plus 
creux  ,  qu'on  luy  auroit  tait  pour  la 
recevoir. 

Quelques  p.erfonnes  à  qiu  j  ay  fait 

P  ' 


t7o         De   l  O  r  I  g  I  n  e 

la  defcription  de  cette  foiiille  &  qui 
demeurent  d'accord  du  fait  ,  m'ont 
dit ,  que  cette  eau  vive  trouvée  fîir 
cette  glaife  fortant  à  gros  boiîiHons ,  eft 
vae  eau  qui  eft  venue  là  pay  des  en- 
droits éloignez  &  inconnus,  &  qu'elle 
s' eft  ainfi  répandue  &  amaisée  avec 
abondance  entre  les  pierres  de  ce  tuf. 

D  autres  le  prennent  plus  finement, 
&:  difent,  que  la  Terre,  comme  je  lay 
remarqué  ,  en  recevant  les  eaux  de  la 
pluye  ,  les  laifle  defcendre  entre  les 
parcelles  qui  la  compofent  jufques  au 
lieu  ou  la  charue  l'a  entamée,  &  où- 
nous  avons  dit  qu'il  y  a  vne  eipece  de 
courroy  ,  &  qu'eftantla,  félon  qu'il  y 
a  de  la  pente ,  elles  coulent  vers  les  en- 
droits bas ,  &  amfi  fe  pourtant  ou  s'at- 
tlrant  l'vne  l'autre ,  comme  par  vn  filtre 
oufiphon,  elles  trouvent  en  quelques 
endroits  des  fables  graveleux  qui  luy 
donnent  paflàge  jufques  fur  cette  glai- 
fè  profonde  ,  ou  elles  demeurent  af- 
feniblées ,  pour  fortir  par  les  ouvertu- 
res que  Ton  leur  hit  ou  qu'elles  f  e  font 
elles-mefmes ,  pour  couler  comme  des 
fources  3  &  qu'encore  qu'on  ne  voye 
pas  cela  diftindement ,  il  eft  à  croire 


DES  Fontaines  t-t 
néanmoins  que  cela  fe  peut  faire  de  la 
lorre  ,  puis  eu  on  voitaflez  de  fontai- 
nes conlTd érables  couler  fur  la  Terre, 
qui  fe  perdent  en  fort  peud'efpacede 
chemin  ;  &  comme  elles  iont  trop  for- 
tes pour  faire  croire  que  le  Soleil  ou 
Tair  les  puiflefaire  exhaler,  il  taut  dene- 
ceffitè  que  la  terre  les  boive^  &  pour- 
tant on  ne  içauroit  dire  précisément 
ni  montrer  l'endroit  par  lequel  elles 
entrent  dans  la  Terre. 

Cette  dernière  rèponfè  eft  aiîuré- 
ment  tout  ce  que  ceux  qui  croveit  la 
pénétration  ont  de  plus  forta  objeder, 
à  quoy  il  eft  pourtant  fort  aisé  de  ré- 
pondre :  mais  je  diray  auparavant  aux 
premiers,  que  c'eft  vne  tres-foible ré- 
ponfe  de  dire ,  que  cette  eau  eft  def^ 
cenduê  fur  cette  glaife  par  des  endroits 
efloignez  &  mconnus.  Ces  termes 
iont  voii'  le  peu  de  certitude  qu'il  y  a 
dans  ce  témoignage  :  fi  ces  lieux-là 
iont  inconnus ,  ils  ne  peuvent  faire 
foy  de  rien  ;  &  s'ils  font  efloignez , 
l'on  peut  s'en  approcher ,  &  alors  ils 
ne  feront  plus  efloignez.  Il  n'y  a  rien 

ui  ioit  efloigné  que  par  la  comparai- 
on  de  ce  qui  eft  proche  j  &  il  n'y  a 


?, 


1,72  D  E     l'O  R  I  gi  n  e 

poi:it  de  railon  pourquoy  je  ne  puifTe 
touiller  qu'en  vn  lieu  efloigné  de  ce- 
luy  par  où  cette  eau  eft  entrée.  Quel 
charme  y  a-t-il  qui  écarte  d'autour  de 
ce  lieu- la  les  gens  qui  voudroient  en- 
treprendre d'y  chercher  vne  (ource  ? 
ne  peut-on  pas  fouiller  par  tout  des 
puits  &  des  fontaines?  &  c'eft  le  icn- 
timent  du  Père  François  :  ces  endroits 
eiloignez  font  donc  par  tout,  &  Ton 
peut  les  rencontrer  par  tout. 

Quant  à  ce  que  difent  les  autres, 
que  cette  eau  coule  entre  deux  terres 
fur  ce  limon  gras  &  délié ,  jufques  a  ce 
quelle  ait  rencontré  quelque  fable 
pour  le  pénétrer  :  le  diray  première- 
ment 5  que  cela  eft  vne  marque  qu'il 
n  y  a  pas  par  tout  de  ces  endroits  pe- 
netrables  :  De  plus  que  fi  cela  eft ,  il 
faut  que  les  eaux  qui  entrent  dans  la 
Terre  par  ces  endroits- là,  foient  biea 
fortes  &  en  grande  quantité  quand  elles 
y  entrent ,  pource  que  dans  le  chemin 
qu  elles  ont  fait  pour  trouver  de  ces 
endroits  penetrables,  elles  ont  rencon- 
tré d'autres  eaux  qui  le  joignant  en- 
femble  doivent  faire  vn  ruiiseau  con- 
fiderable ,  de  mefine  que  Ton  voit  que 


DES  Fontaines^  tt^ 
Feâii  de  la  pluye  qm  tombe  fur  leroit 
d'vne  maifon  ,  qui  vers  le  faifte  eft 
peu  de  choie ,  fait  néanmoins  vn  aflèz 
fort  riuffeau  dans  la  goutiere  qui  la  re- 
çoit. Or  vn  ruifleau  de  cette  qualité 
fur  la  Terre  ie  feroit  voir,  &  depuis  le 
temps  qu il  coule  &  quii  entre  amfi 
dans  la  Terre ,  il  devroit  avoir  entraii- 
né  avec  luy  le  iable  avec  la  terre  ,  & 
avoir  fait  vne  eipéce  de  gouffre  juT- 
qua  la  glaiie. 

De  plus ,  ou  il  y  a  beaucoup  de  ces 
endroits  penetrables  lur  les  plaines 
hautes  ,  ou  il  y  en  a  peu  ^  s'il  y  en  a 
beaucoup ,  l'on  en  devroit  rencontrer 
fouvent ,  &  ils  fe  devroient  faire  voir 
a  l'œil,  comme  j'av  dit,  puis  que  ces 
écoulemens  ne  ie  font  que  ious  le  la- 
bour des  terres,  &  par  manière  dédire 
dans  les  filions.  Si  auiTî  il  n'y  a  pas 
beaucoup  de  ces  eadroits  la ,  F  eau  qui 
y  entre  en  doit  eftre  plus  forte ,  &  par 
conlequent  encore  plus  vifibîe^  &  ce- 
pendant on  n'a  jamais  rien  veu  de 
femblable  à  tout  cela, 

Il  eft  vray  que  fur  les  plaines  hau- 
tes l'on  voit  quelquefois  des  fauîes  & 
autres   arbres  &  plantes    aquatiques 

P  ii; 


1/4        De   l'O  r  I  g  I  n  e 
parmy  lefquels  il  fe  trouve  de  l'eau  : 
mais  ce  n'eft  point  de  celle  dont  nous 
parlons ,  c  eft  pluftoft  de  l'eau  qui  fort 
de  la  Terre,  que  de  l'eau  qui  y  entre, 
&  ces  eaux- la  font  des  efpeces  de  ma- 
res ioufterraines ,  ii  cela  fe  peut  ap- 
peller  ainfi  5  je  veux  dire  que  ce  font 
des   eaux  amafiées^enfemble  que  la 
Terre  n'a  pu  boire ,  &  qui  lavant  pé- 
nétrée, acaufequ  elle  a  efté  labourée, 
s'écoulent  doucement  où  elles  peu- 
vent, &font  en  quelques  endroits  des 
puits  ou  de  petites  mares ,  ielon  que 
le  terrain  y  eft  difposé. 

A  regard  de  ce  ruifleau  de  fontai- 
ne qui  le  perd  dans  la  Terre  fans  qu'on 
sapperçoive  comment  :  je  dis  que  , 
pour  faire  que  de  Peau  (e  perde  com- 
me celle  de.  ce  rui  il  eau  de  tontaine , 
dont  nous  venons  de  parler  ,  il  faut 
quelle  coule  de  meime  que  celle  de 
ce  ru id eau,  afin  que  par  fon  abond.m- 
ce  continuelle  &  par  (a  peianteur  elle 
le  fade  vn  chemin  dans  là  Terre  par 
quelque  endroit  fablonneux  quelle 
aura  rencontré  en  ruiflellant.  Si  l'eau 
de  la  pluye  faifbit  fur  les  plaines  hau- 
tes de  forts  ruifleaux  coulans  toiajours, 


DKS  Fontaines.  1-5 
cela  (e  pourroit  faire  :  mais  la  pluye  ne 
foit  de  tels  ruiflèaux  que  fiir  les  caftes 
pour  fe  précipiter  daas  les  Rivières ,  & 
ce  n  eft  pas  de  celles-là  que  les  Fon- 
taines font  produites  ,  au  {eitimeiit 
commua ,  pource  qu  elles  vont  fè  per- 
dre dans  les  Rivières  &  de  la  dans  la 
Mer. 

La  pluye  ne  fait  point  de  ruifleaux 
fur  les  campagnes  hautes ,  les  eaux  de- 
meurent prefque  au  mefme  endroit  où 
elles  iont  tombées ,  attachées  aux  par- 
celles de  la  terre  labourée  des  filions, 
qui  les  boivent  &  qui  les  retiennent 5 
ou  bien  elles  coulent  &  fè  rendent 
dans  les  foflez  &  dans  les  mares  qu'on 
leur  a  préparées  ,  ou  elles  attendent 
que  le  haile  les  fafle  évaporer  ,  & 
les  confume  inutilement  pour^  four- 
ces  3  &  ceft  ce  qui  fait  partie  de  la 
féconde  difficulté  à  TOpinion  com- 
mune qu'il  faut  expliquer, 

La  féconde  difficulté  que  je  trou- 
ve dans  l'Opinion  commune ,  eft  que 
je  ne  tiens  pas  que  les  pluyes  qui 
tombent  iur  les  plaines  hautes  puif- 
fent  iùffire  à  l'entretien  des  Fontaines , 
non  pas  à  caufe  de  leur  modicité ,  dont 

P  liij 


T7^        De   l*0  r  tg  in  e 

je  ne  veux  pas  pai'ler  prefeacement  : 
mais  par  la  raifon  du  déchet  &  de  la 
perte  qui  fe  fait  de  presque  tout  ce  qui 
tombe  fur  ces  plaiaes  ,  iàns  qu'il  en 
tourne  rien  à  profit  aux  fources  &  aux 
fontaines  vives. 

Pour  bien  entendre  cecy  ,  il  faut 
concevoir  &  difcuter  particulièrement, 
comment  fe  peut  faire  la  pénétration 
de  la  Terre  félon  l'Opinion  commu- 
ne. L'eau  qui  tombe  lùr  la  Terre, 
commence  par  moiiiUer  les  parties  de 
la  terre  ou  du  fable  qui  luy  font  les 
plus  voifines^  puis  elle  eimoiiille  d'au- 
tres plus  éloignées ,  puis  d'autres  >  al- 
lant toujours  en  descendant ,  ôc  moiiil- 
lant  la  Terre  par  toutes  fes  parties  les 
vnes  après  les  autres.  Il  taut  remar- 
quer que  l'eau  qui  a  moiiillé  la  partie 
de  terre  qu'elle  a  rencontrée  la  pre- 
mière, y  eft  demeurée  attachée  par  fa 
qualité  adhérente  5  &  que  celle  qui  a 
moiiillé  Ja  partie  qui  eftoit  deifous, 
eft  vne  autre  eau  qui  la  fiiivie ,  &  qui 
a  pafsé  plus  avant  pour  moîiiUer  les 
autres  parcelles  de  terre  aufquelles 
elle  s'attache  aufll ,  neseftant  pas  ar- 
reftée  aux  premières  qu  elle  a  trouvées 


DES  Fontaines.  x?? 
mouillées  :  ce  qui  fe  tait  ainfi  jufques 
aux  dermeres  &  plus  profondes.  De 
manière  qu'il  faut  concevoir ,  qu'avant 
quvne  certaine  quantité  d'eau  puifle 
traverfer  vne  certaine  quantité  &  épaif- 
feur  de  terre,  il  but  taire  eftat  que 
toutes  les  parcelles  de  cette  terre 
foient  mouillées  chacune  en  parncu- 
lier  &  par  toutes  leurs  fupperfîcies  ;  & 
cela  en  pure  perte  :  car  cette  eau-M 
ne  les  quittera  jamais  que  par  évapo- 
ration ,  a  caul  e  de  fa  qualité  adhérente, 
qui  fait  qu'elle  s'attache  à  tout  ce 
quelle  touche,  &  y  demeure lufpen- 
dué  ians  defceadre  en  bas  ou  Ion  poids 
la  devroit  attirer ,  comme  il  fe  void 
par  noftre  expérience. 

Il  arrive  encore  plus  :  car  quoy  que 
ces  parcelles  de  terre  foyent  toutes 
moiullees  par  toutes  leurs  fuperficies , 
il  ne  s'enfuit  pas  pour  cela ,  que  leau 
qui  tombera  delTus  par  après  doivent 
palTer  fans  déchet.  Cette  nouvelle  eau 
sarreflera  à  cette  première  qu'elle 
trouvera  n'avoir  fait  que  moiiiller  ces 
parcelles  de  terre ,  &  comme  par  com- 
pagnie V  demeurera  attachée  fans  vou- 
loir deiceadre  jufques  à  ce  que  on  y 


Î78        De   l'Origine 
en  jette  encore  d'autre  de  furpliis  & 
aifez  en  abondance,  pour •  que nfo 
Ivne  eatraifne  l'autre  ,  ce  que  Ion 
peut  remarquer  aux  gouttes  d'eau  qu  on 
jette  contre  des  feneftres  de  verre, 
leiquelles  y  demeurent  attachées  jui-  j 
ques  à  ce  qu'on  y  jette  d  autres  goût-  ' 
]?tS^}^^  ^^  P^^^^^^  aux  premières  ei 
iuffilance    les  font    enfin  defcendre 
en  bas. 

Ce  n  eft  pas  encore  a/Tez.  S'il  arri- 
ve qu'on  difcontinuë  pour   quelque 
temps  de  verfer  de  l'eau  ,  &  que  ce- 
pendant il  vienne  quelque  rayon  de 
ioleil ,  quelque  hafle  ,  quelque  vent 
iec,  la  terre  fe  ieichera  par  ledefiùs , 
&  cette  leicherefTe  gagnera  avant  plus 
ou  moins  félon  le  temps  qu'il  fera  ;  & 
h  après  cela  on  rejette  de  Teau  delTus 
ne  faudra-t-il   pas   qu'elle  remouille 
cette  terre  deireichée,  comme  fi  elle 
ne  Tavoit  point  efté,  amfi  qu'il  fe  voit 
par  noftre  expérience  cy-delïïis  rap- 
portée ?  Et  fi  l'on  ne  jetre  de  l'eau  f îir 
cette  Terre  que  par  de  femblables  in- 
tervalles ,  &  autant  qu'il  en  faut  feu- 
lemeî^  pour  la  tenir  fraifche  ôc  humi- 
de, il  ne  defcendra  nen  en  bas ,  ôc 


D  E  s  Font  A  I  NE  s.  i-p 
toute  cette  eau  fera  perdue  &  de  nul 
fi-iccés  pour  la  pénétration  qu'on  a  voit 
entrepnfe. 

Si  la  pe  letration  de  la  Terre  fe  fait 
de  la  iorte  que  je  le  viens  de  decru*e  ; 
&  s'il  eft  vray ,  comme  perionne  n'en 
doute ,  que  ce  fonds  de  glaife  ou  ter- 
re argileuie  ,  fur  laquelle  sarreftent 
les  eaux  de  la  pluve  quand  elles  paf- 
lent  au  travers  de  la  Terre  félon  cette 
Opimon  j  eft  ordinairement  à  dix-huit 
ou  vingt  pieds  de  profondeur ,  quel- 
quefois à  treitefurles  plaines  hautes: 
Il  taut  pour  taire  que  les  eaux  de  pluve 
deicendent  julques  là ,  qu'elles  mouil- 
lent toute  cette  épaifleur  de  vingt  ou 
trente  pieds ,  &  que  toutes  les  parcelles 
déterre  en  foient  humectées  &  mouil- 
lées amplement  par  toutes  leurs  furfa- 
ces,  avant  qu'il  puifle  palier' vue  feu- 
le goutte  d'eau  au  travers,  pour (e  ve- 
nir mettre  lur  cette  2;laife  dans  ce  ré- 
ceptacle. Il  taut  aufli  que  toute  cette 
épaidèur  de  terre  demeure  toujours 
mouillée  de  la  mefme  façon ,  afin  que 
les  eaux  qui  viendront  par  après  a  tom- 
ber deflùs  ,  la  puifiènt  pénétrer  làns 
déchet ,  luivant  la  meime  expérience. 


j8o  De   l'Origine 

Cela  eftant  de  la  forte  y  a-t-il  ap- 
parence  que  les  pluyes  d  vn  hyver  : 
car  il  n^y  a  gueres  que  celles-là ,  fuivaat 
Vitruve  ,  qui  puifTeiit  eftre  confide- 
rees  -,  que  les  pluyes  mefme  de  toute 
vae  année  puiflènt  mouiller  tant  de 
terre  ,  &  qu'il  en  refte  encore  affez 
pour  defcendre  au  fonds  fur  cette  glai- 
fe  pour  fournir  à  ces  écoulemens  de 
fontaines  ,  de  fleuves  &  de  nvieres , 
au/Ti  grands  &  auffi  continuels  qu'ils 
font  ?  Y  a-t-il  apparence  que  ces  pluyes 
d hyver,  qui  ne   font  ordinairement 
que  de  légers  brouillards  qui  tombent 
commedelapoufïîere  ,  &  dont  la  ter- 
re le  trouve  moiîiUée,  lans  qu'on  fça- 
che  preiquepourquoy,  puiflent  cou- 
ler entre  deux  terres ,  &  faire  des  ruif. 
féaux  Vifibles  &  aifez  forts  pour  en- 
trer dans    la  terre    comme  feroient 
ceux  des  fontaines  vives  &  toujours 
coulantes ,  par  ces  endroits  éloignez 
&  inconnus  ? 

Les  pluyes  foit  d'Hyver  foitd'Eflé, 
font  -  elles  fi  continues  qu'il  n  airive 
des  mtermiflîons,,  pendant  lelquelles 
le  deffus  de  la  terre  ne  vienne  à  fe 
feicher  &  perdre  ainfi  les  difpofiaons 


DES  Fontaines.        i8i 
neceflaires  1  la  pénétration? 

Ne  faut-il' pas  auOi  confiderer  les 
grandes  évaporations  qui  le  font  des 
eaux  quand  elles  lont  tombées  fur  les 
terres  nouvellement  labourées ,  dont 
les  parcelles  qui  les  ont  receues  les  ex- 
polent  à  l'air  ,  &  luy  donnent  vne  fi 
•grande  pnfe  fur  elles  pour  les  faire 
exhaler ,  par  le  vent  qui  vient  prefque 
toujours  après  la  pluye.  Combien  du- 
rant la  gelée  s  en  exhale-t-il  ,  quand 
la  Terre  ne  les  peut  recevoir  eftant 
gelée  comme  elles?  Combien  s'exha- 
le-t-il  de  neiges  avant  qu'elles  foient 
fondues  ?  (  car  la  glace  &  la  neige  s'ex- 
halent autant  que  l'eau  mefme  qui 
n'eft  pas  gelée  ^  )  &  cependant  c'eft 
dans  ces  neiges  que  TOpinion  Com- 
mune tonde  principalement  la^  fubfi- 
ftance  des  Fontaines.  Vitruve  dit  que 
celle  qui  tombe  aux  lieux  où  il  y  a 
beaucoup  d'arbres  ,  s'y  conferve  Tort 
long-temps ,  &  que  fe_  fondant  petit  a 
petit  elle  secoule  mienliblement  par 
les  veines  de  la  terre  :  mais  il  ne  con- 
iidere  pas  que  la  neige  qui  tom.be  aux 
lieux  ou  il  y  a  beaucoup  d'arbres  eft 
celle  qui  doit  rapporter  moins  d'vtilite 


l82  D  E     l'O  R  I  g  I  n  e 

aux  Foritciiiies ,  par  la  raifon  que  fi  les 
arbres  font  épais  &;toufiu5  la  moitié  de 
la  neige  ne  torribe  pas  en  bas ,  &  la  plus 
grande  paitie  demeure  iur  les  bran- 
ches exposée  au  grand  air ,  où  elle  s'é- 
vapore fans  fe  fondre  ;  que  fi  ces  ar- 
bres ne  font  pas  épais  &  touffus ,  mais 
feulement  ^à  ôc  là ,  la  neige  qui  tombe 
en  bas  ne  s'en  fond  pas  plus  tard  pour 
cela.  L'autre  confideration  quil  ajou- 
te ,  qu'elle  fe  fond  petit  à  petit  eft  de 
nulle  force  :  car  au  contraire  cette  leii- 
teur  A  (e  fondre  eft  ce  qui  luy  donne 
occafion  de  s'évaporer  davantage  en  le 
fondant;  &  il  n'y  a  que  les  dégels  lu- 
bits  qui  caulent  les  abondances  d'eaux, 
parce  qu'alors  il  ne  le  fait  point  ou 
peu  d  évaporation  ;  &  il  n'y  a  que  les 
abondances  d'eaux  qui  puifTent  cauler 
la  pénétration  qu'ils  fuppolent. 

Enfin  ne  voit-on  pas  que  fi  toutes 
ces  neiges  fe  fondent ,  &  s'il  tombe 
des  pluyes  fur  les  campagnes,  la  terre 
labourée  après  en  avoir  bu  fa  fiiffiian- 
ce  laifie  couler  le  furplus  dans  les  fol- 
fez  ,  dans  les  mares  &  dans  les  eftangs^ 
&  que  ces  e.iux  edant  la  vn  fort  long- 
temps &  jufques    au    fort  de  l'Elté 


D  E  s    Fo  N  T  a'i  N  E  s.  tSj 

me'nie,  il  faut  bien  n'ayant  pu  péné- 
trer la  Terre  qu'elles  s  évaporent,  & 
ainfî  qu'elles  ne  iervent  de  nen  aux 
Fontaines? 

Après  ce  que  je  viens  de  remarquer 
fur  les  deux  d;ffîcuirez  que  j  ay  trou- 
vées dans  ropinion  Commune  ;  je 
crov  qu'il  faut  demeurer  d'accord  que 
la  peietration  de  la  Terre  par  l'eau  de 
la  pluye  ne  le  pouvant  faire  lelon  cette 
Opinion;  &  les  pluyes  a  qui  elle  attri- 
bue 1  origine  des  Fontaines  n  eftant  pas 
luffiiantes  pour  les  produire,  &  enco- 
re moins  pour  les  taire  couler  conti- 
nuellement, il  y  a  lieu  de  rejetterce 
le  itiment. 

L'on  me  pourra  dire  que  la  preu- 
ve que  je  viens  de  talcher  de  faire  de 
cette  ieconde  difficulté  ,  fait  centre 
moy  en  ce  que  je  diminue  d  autant  mon 
principe  lequel  j  ay  commun  avec 
ceux  qui  fuivent  cette  opinion  ;  &  que 
fi  tant  de  Philolophes  ont  cru  que  tou- 
tes les  pluyes  &  les  neiges  enfemble 
ne  lont  pas  capables  de  fournir  au  cours 
contmuel  des  Fontaines  &  des  Riviè- 
res ,  elles  le  feront  encore  bien  moins 
fi  )ca  ofte  vne  partie  f\  conliderable 


i84         D  E    l*Or  I  g  I  n  e 

que  celle  des  eaux  qui  tombent  fur 
les  plaines  hautes,  qui  font  prefciue 
les  feules  qui  puiilènt  produire  des 
fources.  L'on  m'obje6lera  aufli  qu  A- 
nftote  a  dit  que  fi  les  eaux  qui  cou- 
lent par  les  fources  &  par  les  riviè- 
res durant  vne  année  eftoient  ramaf- 
sèes  ensemble ,  elles  fiirpafler oient  en 
grandeur  toute  la  maflè  de  la  Terre  ; 
&  comme  il  eft  aise  de  juger  que  tou- 
tes les  eaux  des  pluves  &  des  neiges 
durant  vne  année  ne  peuvent  pas  mon- 
ter juiques  k  cette  immenle  quantité, 
elles  le  pourroient  encore  moins  fi 
Ton  en  oftoit  vne  partie  fi  confide- 
rable. 

Mais  je  réponds  que  quand  j^ay  re- 
marqué cette  féconde  difficulté  fur  l'O- 
pinion Commune,  c'a  efté  dans  le  (ens 
de  ceux  qui  la  fuivent ,  qui  ne  conçoi- 
vent d'autre  matière  pour  les  fources 
que  les  eaux  qui  tombent  fur  les  plai- 
nes hautes ,  àcauie  que  celles  qui  tom- 
bent fur  les  collines ,  lelon  eux  ,  font 
perdues  pour  les  fources ,  par  la  raiion 

3 [u  elles  entrent  daas  les  Rivières  & 
e  là  dans  la  Mer  avant  qu'elles  ayent 
pu  pénétrer  la  Terre.   Car  moy  qui 

concov 


D  E  s  Font  A  î  N  E  s.  ïS^ 
conçoy  vn  autre  moyen  que  cette  pé- 
nétration ,  &  qui  fonde  mon  principe 
(ur  les  Rivieros ,  tant  s'en  faut  que  les 
eaux  qui  y  tombent  faflent  difficulté  à 
monfvfleme,  qu'au  contraire  c'eft  ce 
qui  ieftablit  plus  parncuLeremeat. 

Et  quant  aux  évaporations  &  déchets 
que  j  ay  remarquez  fur  les  eaux  des 
plaines  hautes,  quoy  qu'ils  (oient  com- 
muas à  Tvne  &  à  l'autre  opimon ,  il 
eft  certain  quils  tont  bien  plus  capa- 
bles de  détruire  celle-là  que  celle-cy, 
en  ce  qu  après  ces  eaux  des  plaines  hau- 
tes il  ne  relie  plus  rien  pour  (oufte- 
nir  l'Opinion  Commune  ;  pendant 
que  pour  louftenir  la  mie^ine  il  me 
refte  toutes  les  eaux  qui  tombent  dans 
les  nvieres  &  lieux  bas  :  comme  je  le 
feray  voir  dans  la  fuite. 

Cependant  puis  qu  Ariftote  a  avan- 
ce vue  propoiition  fi  eftrange  &  qui 
fait  vne  ob;edion  confid  érable  lur  mon 
opinion,  il  ne  faut  pas  la  laifler  fans  y 
répondre. 

Ce  que  dit  AiiftOwC  ébloiiit  d'abord 
&  fait  concevoir  vne  fi  grande  idée 
de  la  quantité  des  eâux  des  fleuves  du- 
rant vne  armée  >  que  fans  d'examinçjq 


tî6  De  l*Or  igi  n  e 

davantage  on  eft  preft  de  fe  rendre. 
Le  nom  de  cet  Auteur,  la  quantité  de 
fleuves  qu'il  y  a  fur  la  Terre  &  la  du- 
rée dVne  année,  font  quelque  choie 
qui  frappe  fi  fort  Timagination  qu'il 
eft  mal-aisé  de  ne  fe  laiiîer  pas  em- 
porter à  vne  propofition  {\  vrav  fem- 
blable  ,  &  fi  difficile  d ailleurs  à  diicu- 
ter.  Mais  ians  nous  eftonner ,  tafchons 
denvifager  cette  objeâiion  ,  &  Ians 
trop  nous  défier  de  nos  torces ,  eflayohs 
d'y  trouver  quelque  folution.  Pour 
mieux  concevoir  la  difficulté ,  exami- 
nons la  grandeur  de  la  Terre  dVn 
cofté  ,  &  la  quantité  &  grandeur  des 
fleuves  &  des  Rivières  de  l'autre  ;  peut- 
eftre  que  de  ce  qui  reiultera  de  là 
nous  tirerons  quelque  confequence 
qui  nous  pourra  donner  plus  de  lu- 
mière que  nous  n'en  avons  prelente- 
ment. 

De  quelque  grandeur  que  l'on  con- 
çoive la  Terre  l'on  fe  l'imagine  tou- 
jours moins  gi'ande  quelle  n'eft.  No- 
ftre  petitefle  nous  fait  confiderer  les 
montagnes  quand  nous  nous  en  ap- 
prochons comme  quelque  choie  de 
feiea  grand ,  &  nous  croyons  quelles 


DES  Fontaines.  1S7 
peuveat  avoir  quelque  proportion  a- 
vec  la  grandeur  quelque  immeale 
qu  elle  foit.  C'eft  ce  qui  tait  que  beau- 
coup degeis  trouvent  qu'il  n'y  a  guè- 
re d  apparence  de  dire  qu'elle  eft  ron- 
de ,  ayant  â^  R  grandes  megalitez 
d'élévations  ce  d'abaiilèmens.  Quel- 
ques-vns  plus  éclairez  di'ent  qu'on  k 
la  peut  comparer  à  1  ecorce  d'vne  oran- 
ge, laquelle  quoy  qu'elle  ioit  bien 
inégale  &  couverte  de  pentes  émi- 
nences  ne  lailTe  pas  de  pafTer  pour 
ronde.  Mais  cette  comparaiion  quoy 
qu'en  quelque  forte  recevable  ,  ne 
donne  pas  à  beaucoup  prés,  vne  idée 
de  la  rondeur  de  la  terre  iuffilante 
pour  la  bien  expliquer.  Les  emmen ces 
de  cette  écorce  font  encore  trop  éle- 
vées à  proportion  de  toute  l'orange  > 
&  il  n  y  en  a  point  qui  ne  lefoit  cent 
iois  &  meime  mille  fois  plus  a  pro- 
portion de  ce  fruit ,  que  quelque  mon- 
tagne que  ce  foit  ne  Teft  a  propo:*- 
iion  de  II  Terre  5  &  voicy  comment 
je  pretens  le  laire  voir. 

Fav  aflez  de  fois  confideré  ces  grands 
Globes  teneftres  qui  viennent  de  Hol- 
lande, qui  ont  deux  ou  trois  pieds  de 


i88       De   l'Origi  n  e 

diamètre  ,  &  je  fongeois  que  c'eiift 
efté  vne  chofe  afîez  agi^eable  fi  l'oa 
euft  pu  les  faire  de  relief  comme  la 
Terre  l'eft  en  effet,  c'eftàdire  creu- 
fer  le  lieu  de  la  Mer ,  luy  faire  des 
rivages  ,  edever  des  montagnes  &  des 
collines  3  &  tout  cela  avec  la  propor- 
tion des  hauteurs  &  des  grandeurs, 
telles  qu  elles  font  fur  la  Terre.  Mais 
je  fus  bien  eftonné  quand  faifànt  le 
calcul  du  diamettre  de  la  Terre  &  de 
la  hauteur  des  montagnes ,  je  trouvay 
vne  difproportion  prefque  infinie  de 
de  l'vne  avec  lautre  ,  je  ne  pou  vois 
rien  trouver  q  aflez  mince  pour  repre- 
fenter  les  montagnes  fiir  ces  globes , 
&  qui  ne  fuft  encore  trop  élevé  à  pro- 
portion de  leur  diamètre  :  Le  papier 
qui  les  couvroit,  félon  mon  calcul, 
eftoit  encore  ti'op  épais  :  car  je  rai- 
fonnois  ainfi.  Ce  globe  terreftre  a  de 
diamètre  trente-quatre  ou  trente-cinq 
poulces  5  fi  j'avois  mis  des  feuilles  de 
papier  les  vues  fur  les  autres  bien  bat- 
tues ,  il  n  en  faudroit  qu  environ  huit 
mille  quatre  cens ,  pour  faire  la  hau- 
teur de  ces  trente- quatre  ou  trente-cinq 
poulces,  L'épaifleur  d'vae  feiuUe  de 


DESFONTAINES.  tSp 
papier  eft  donc ,  dilois-ie ,  la  huit  mille 
quarreceaciéme  partie  du  diamettre 
de  ce  globe.  Et  puis  je  venois  à  dire, 
le  diamettre  de  la  Terre ,  félon  la  médi- 
re que  M' Picard  de  lacademie  Roya- 
le en  a  donnée  dans  le  Traité  qu'il  a 
fait  imprimer  en  t^zt.  eft  de  deux 
mille  huit  cens  loixante  trois  leue's, 
lefquelles  fi  je  diftribue  à  ces  huit  mille 
quatre  cens  feuilles  de  papier,  il  fau- 
dra environ  trois  de  ces  feiiilles  de  pa- 
pier pour  faire  vne  lieuo.  Or  vne  lieuë 
moyenne  de  France ,  fuivant  la  mefme 
meiure  du  mefme  M' Picart ,  vaut  deux 
mille  deux  cens  quatre-vingts  deux 
toifes  ;  lepaifleur  d'vne  feiiille  de  pa- 
pier vaut  donc  fur  ce  globe  à  propor- 
tion de  fon  diamètre  environ  lept  cens 
(oixante  toifes. 

le  confiderois  auiTi  que  M'  Picard 
dit  que  les  montagnes  fur  lefquelles 
il  a  fait  fes  obiervations  pour  la  me- 
fiire  de  la  Terre ,  ne  font  élevées  (iir 
la  furface  de  la  Mer  que  de  quatre- 
vingt  deux  toifes,  quoyque  ces  mon- 
tagnes là  fbient  des  plus  élevées  de  ces 
pays-cy.  Et  comme  elles  font  posées 
fiir  des  plaines  qui  eftânt  efloignées 


îpo        D  E   l'O  r  I  gi  n  e 

de  la  Mer  font  élevées  au  dediis  de  fà 
fuperficie  ,  puis  qu  elles  fouftieaneiit 
des  rivières  qui  vont  s'y  rendre  5  Fèle- 
vation  de  ces  montagnes  qui  y  font 
posées  en  eft  d'autant  diminuée  :  de 
lorte  qu'on  peut  dire  que  quelque 
hautes  que  nous  les  voyions ,  elles  ne 
fçauroient  avoir  plus  de  foixante  ou 
foixante  dix  toifes  de  haut  au  deiTus 
de  leurs  plaines ,  qui  eft  environ  la 
dixième  partie  de  l'épaiflèur  de  cette 
feuille  de  papier  a  proportion  du  dia- 
mètre de  ce  globe.  Ce^  calcul  me 
jetta  dans  vn  gi'and  eftonnement,  & 
me  fît  penier  que  la  poudre  très- légè- 
re qui  eftoit  fiir  ce  globe ,  bien  veniy 
&  bien  poly,  repreièntoit  encore  trop 
fortement  les  inégalitez  des  élévations 
&  des  abaiflèmens  de  Terre,  &  que 
la  eomparaifon  de  l'orange  eft  oit  biei 
imparfaite;  &  je  compns  qu'vne boule 
de  marbre  bien  poly  de  la  grofleur 
d'vne  orange  feroit  encore  trop  rabot- 
teufe  ,  &  de  là  je  tiray  ma  dernière 
conclufion  que  la  grandeur  de  la  Ter- 
re n  eftoit  pas  conceuë  comme  elle  eft. 
le  confiderois  enftiite  les  Rivières , 
kuj  largeur  &  leur  profondeur^  &  js 


DESFONTAINE^.  tpt 

dilois  :  Si  ces  montagaes  lont  R  peu  de 
choie  auprès  de  la  grandeur  de  la  Ter- 
re; les  Rivières  qui  ne  coulent  que 
dans  vn  tres-petit  efpace  de  ces  gran- 
des &  vaftes  plaines  qui  font  entre 
ces  montagnes  ,  font  quelque  chofe 
de  bien  petit.  Il  n'v  arien  d'aflez délié 
poiir  les  représenter  ,  &  principale- 
ment leur  protondeur  :  car  il  y  en  a 
peu  qui  ayent  plus  de  h:  pieds  de 
creux  ,  ce  qui  ne  feroit  que  la  lept 
cens  loixantiéme  pai'tie  de  lépaifleur 
d'vne  feuille  de  papier  ^  il  ny  en  a 
peur-eftre  point  qui  ait  trois  pieds 
d'eau  coulante  fur  toute  la  largeur, 
durant  toute  vne  année  le  fort  portant 
le  toible,  ce  qui  ne  leroitqu'vne  quin- 
ze cennéme  partie  de  cette  épaifleur; 
celles  qui  en  ont  davantage,  c'eft  par 
accident ,  ou  à  caufe  des  toiles  &  des 
inégalitez  de  leur  fonds  ,  ou  a  caufe 
de  leur  embouchure  dans  la  Mer,  & 
du  reHuK  qui  arrefte  &  iouftient  leurs 
eaux  :  mais  ce  ne  font  point  des  eaux 
toujours  coulantes. 

le  faifois  encore  cette  autre  refle- 
xion ,  que  pour  ne  fe  pas  méprendre 
en  confiderant  les  Rivières ,  m  te  lailîer 


ipt       De  l*Or  I  gi  n  e 

ébloiîir  à  leur  grand  nombre ,  &  aux 
eaux  qui  coulent  dans  leurs  bords  ^  il 
faut  ou  les  confiderer  chacune  en  par- 
ticulier 5  &  alors  il  eft  vray  que  le  nom- 
bre en  fera  grand ,  mais  aufTi  leurs 
eaux  feront  tres-petites  :  car  il  ne  fau- 
dra compter  que  les  eaux  qui  coulent 
depuis  leur  lource  jufqu'au  premier 
ruifleau  ou  rivière  qui  entre  dedans: 
ou  bien  il  ne  faudra  compter  que  les 
Rivières  qui  entrent  dans  la  Mer  ,  & 
alors  il  eft  vray  que  les  eaux  en  1  eront 
tres-confiderables ,  mais  aufli  le  nom- 
bre en  fera  beaucoup  moindre.  Vne 
perfonne  qui  voudroit  eftimer  la  Ri- 
vière de  Seine  en  Teftat  quelle  eft 
quand  elle  paflè  à  Pans  ,  &  compter 
les  eaux  là  defliis  j  &  qui  après  iroit 
compter  les  Rivières  de  Marne,  d'Yon- 
ne 5  d'Eftampes  ôc  autres  rivières  & 
ruifîèaux  au  nombre  de  plus  de  cent , 
qui  entrent  dans  la  Seine  avant  que 
paflèr  à  Paris ,  compteroit  ces  eaux-là 
deux  ou  trois  fois.  Toutes  les  Rivières 
font  foites  à  leur  embouchure  dans  la 
Mer  par  cette  raifon  ^  &ces  deux  fleu- 
ves fameux  de  la  Plata  &  de  S.  Laurent 
en  Amérique,  ne  roulent  autant  d'eaux 

quilsi 


D  E  s   FO    NT  A  I  N  E  s.  ipj 

qu  ils  font  ,  qu'a  caufe  qu'ils  reçoivent 
Tvn  prefque  toutes  les  Rivières  del'A- 
nierique  Méridionale,  &  l'autre  pref^ 
que  toutes  les  Rivières  de  TAmeriquc 
Septennionale  ;  &  après  tout  quelque 
grands  que  foient  ces  fleuves- là  &  au- 
tres (emb  labiés ,  ce  n  eft  que  durant  vne 
partie  de  l'année  feulement  5  leurs 
eaux  ne  coulent  pas  toujours  d'vne 
mel'me  force ,  les  diminutions  qui  leur 
arrivent  pendant  la  feichereflè  font 
très-grandes.  La  plufpart  des  grands 
fleuves  du  Monde  qui  font  fous  la 
Zone  Torride  nont  prefque  point 
d'eau  durant  l'Efliè  ,  &  il  y  en  a  des  plus 
fameux  qui  leichent  prelque  entière- 
ment. L'Euphrate  eft  quelquefois  telle- 
ment dénué  d'eaux  qu'on  le  pafîè  pref- 
que à  pied  fec  ;  le  Nil  qu'on  voitfe  dé- 
border en  Automne  fef  eicheroit  com- 
me les  autres  s  iln  eftoit  (ècourupar  les 
n  eiges  qui  fe  fondent  dans  les  lieux  ou 
il  prend  fon  origine,  &  dont  les  eaux 
font  long-temps  en  chemin  avant  que 
d'arriver  en  Egypte:  encore  nelefe- 
roient- elles  pas  déborder  fi  les  bords  de 
Ton  lit  n  eftoient  fort  bas  commue  ils 
font  :  car  d  ne  déborde  point  ailleurs  5 

R 


ii>4.  De   l'Origine 

aulTj  dit-oa  qu'autrefois lEgvpte efloit 
lùbmergée  ,  &  qu  elle  n'eft  devenue 
habitable  qu  e:i  fuite  des  frequens  dé- 
b3rdemens  de  ce  fleuve  qui  luy  ont 
amené  des  terres  que  les  eaux  de  ces 
neiges  qui  le  font  déborder  y  onten- 
traiinées  en  fondant  fur  les  monta- 
gnes; &  en  effet,  des  lept'embou^ 
chures  dont  parle  l'antiquité,  il  n'y  en 
a  plus  que  deux  qui  coulent  dans  k 
Mer  &  qui  foient  navigeables ,  deux 
qui  n'ont  que  tres-peu  d'eau  &  les 
trois  autres  font  entièrement  comblées 
de  terre,  au  rapport  de  Pierre  de  la 
Vallée. 

Si  donc  il  y  a  vne  fi  grande  difpro- 
portion  entre  la  mafle  de  la  terre  & 
la  hauteur  des  montagnes ,  qu'elles  ne 
foient  en  comparaifon  d'elle  que  ce 
qu'eft  la  poudre  fur  ces  globes  terre- 
fires ,  &  qu  vne  boule  de  marbre  bien 
polie  eft  encore  trop  rabotteufe  pour 
reprefenter  la  rondeur  :  Et  fi  les  Ri- 
vières font  à  l'égard  des  montagnes 
ce  que  les  montagnes  font  à  l'égard 
de  la  Terre ,  comme  il  eft  aisé  de  le 
juger  pour  peu  qu'on  ait  confideré  de 
deflùs  quelque    haute    éminence  les 


DES  Fontaines.  1^5 
Rivières  qui  coulent  dans  les  plaines , 
qui  ne  paroilTent  que  comme  des  filets 
luilans  3  &  fi  la  protondeur  des  Rivières 
eft  encore  moindre  ians  comparaifbn 
que  leur  largeur  que  nous  avons  éva- 
luée à  la  quinzeceiitiéme  partie  de le- 
pailleur  d'vne  feiiille  de  papier  a  pro- 
portion du  diamètre  de  ces  globes. ,  -y 
a-t-il  apparence  après  tout  cela  de 
croire  que  les  eaux  qui  coulent  dans 
de  fi  petits  efpaces ,  guifiènt  égaler 
cette  maiîe  prodigieule  de  toute  la 
Terre? 

le  içay  bien  que  ces  méditations  ne 
font  pas  des  argumens  convainquans 
contre  la  propofition  d' Anftote  :  mais 
elles  peuvent  toujours  donner  quelque 
lumière ,  pour  faire  juger  que  ces  eaux 
des  fleuves  n'égaleroient  pas  k  mafîb 
de  la  terre  non  pas  en  vn  an ,  com- 
me il  dit ,  mais  en  mille  ans  ;  &  que 
quand  il  a  avancé  cette  propofition  il 
seft  laifsé  emporter  à  la  grande  idée 
que  le  nombre  &  la  grandeur  des  fleu- 
ves luy  mettoit  dans  l'efprit,  fans  faire 
réflexion  fur  la  grandeur  immenfe  de 
la  Terre. 

L'on    mepouiToit  dire  que  quand 

R  ., 


i96  De  l*Origine 
Ariftote  a  avancé  cette  propofîtion , 
c'a  eftê  moins  pour  ibuftenir  que  l'eau 
des  Rivières  durant  vne  année  égaloit 
la  grandeur  de  la  Terre ,  que  pour  don- 
ner à  entendre  que  les  eaux  des  pluyes 
ne  pouvoient  pas  fufBre  aux  écoule- 
mens  continuels  des  Rivières  :  De  for- 
te que  quand  bien  1  on  voudroit  (i 
rendre  à  la  conclufion  que  je  tire  de 
mes  méditations,  &  abandonner  l'ob- 
jeélion  d'Ariftote  a  l'égard  de  l'abon- 
dance des  eaux  des  Rivières,  il  refte- 
roit  encore  celle  de  la  modicité  des 
pluyes ,  qui  eft  vne  objedion  ibufte- 
nuë  du  fentimeiit  de  toute  la  Philoso- 
phie ancienne  &  nouvelle. 

le  répons,  que  fi  les  fontaines  &  les 
fleuves  font  engendrez ,  comme  le  dit 
Ariftote ,  de  l'au*  condensé  &  reiblu  en. 
eau  dans  les  cavernes  de  la  terre  ,  ceft 
à' dire,  comme  F  explique  Lydiat,  de  la 
vapeur  que  ion  humidité  exhale  quand 
elle  eft  échauffée  :  Et  fi  cette  humidi- 
té luy  vient  des  pluyes  quelle  boit, 
comme  dit  le  meime  Ariftote  en  va 
autre  endroit,  il  faut  (elon  luy  qu'il 
pleuve  lùffifamment  pour  donner  à  la 
terre  vne  aflèz  grande  humidité  pour 


DES  Fontaines.  tp/ 
faire  de  la  vapeur  qui  puifle  donner 
des  eaux  aux  Fontaines  &  aux  Riviè- 
res pour  toute  l'année  ,  En  ce  cas  & 
félon  (on  fèntiment  les  eaux  de  la  pluye 
devroient  non  pas  ieulement  égaler  la 
grandeur  de  la  TeiTC  :  mais  la  lurpaf- 
fer  de  beaucoup  ,  puis  qui!  eft  vray 
que  ces  eaux-là  (ontlujettes  à  dauiïi 
grands  déchets  que  ceux  que  nous  a- 
vons  remarquer. 

Et  quant  à  ce  qui  eft  du  fèntiment 
de  toute  la  Philoîbphie  ancienne  & 
nouvelle ,  je  croy  qu'il  y  a  plus  d'ap- 
parence d'attribuer  aux  eaux  de  la  pluye 
&  de  la  neige  le  principe  des  Fontai- 
nes &  des  Rivières ,  qu'il  n'y  en  a  de 
l'attribuer  a  cette  feule  diftilation  in- 
térieure dans  la  terre  ;  &  que  le  fèas 
commun  ne  confentira  jamais  "qu'on 
préfère  vn  moyen  aufli  caché  que left 
cette  diftilation ,  &  dont  l'effet  paroift 
a/lez  foibîe ,  a  vn  moyen  aulTi  évident 
que  le  font  les  pluyes  dont  les  effets 
font  {\  grands  &  fi  connus.  Mais  com- 
me ces  raiions  ne  vont  qu'à  la  deftru- 
clion  de  l'opinion  contraire,  il  faut  taf- 
cher^  de  donner  d'autres  raifons  qui 
puiilènt  eftablir  celle  que  jefouftieiis 

R  iij 


t5>8        D  E   l'O  r  I  gi  n  e 

&  faire  voir  que  les  eaux  de  la  pluye  ; 
font  fiiffiiaîites  pour  faire  couler  les^ 
Fontaines  &  les  Rivières  toute  vne 
année. 

Quoy  que  je  pufle  raifonnablemeiit 
me  difpeiifer  de  prouver  cette  affirma- 
tive ,  de  mefme  que  ceux  qui  me  font 
lobjedion  ne  prouvent  point  leur  ne-' 
gative  5  IVn  eftant  aufTi  difficile  que 
l'autre  ;  je  tafcheray  néanmoins  en  fài- 
fant  des  eftimations  groffieres  de  la 
quantité  des  pluyes  &  de  celle  des  écou- 
lemens  des  Rivières ,  de  porter  le  ju- 
gement A  quelque  connoiflance  pro- 
bable de  lopinion  que  je  (buftiens  j  & 
pour  V  parvenir  5 

Il  faut  avant  toutes  chDfes  demeu- 
rer d'accord  des  moyens  de  meiîirer 
ces  deux  fortes  d  eaux.  Ceux  qui  font 
profeffion  de  gouverner  &  conduire 
les  eaux  des  Fontaines,  difent  qu  vn 
poulce  deau  donne  en  ^mgt-quatre 
heures  ceit  quarante  quatre  muids 
d  eau ,  d'autres  ne  difent  que  foixante 
&  dix  ;  &  je  croy  avoir  trouvé  qu'il  en 
donne  quatre- vingt  trois  fur  le  pied 
de  quatorze-vingt  pintes  pour  muid, 
fur  laquelle  mefure  je  me  regleray 


D  E  s    FO  N  T  A  I  N  E  s.  îpP 

pour  le  calcul  que  je  veux  faire  dans 
la  fuite.  Ils  diferit  auiTi  quVti  muid 
d  eau  vaut  huit  pieds  cubes ,  c'eft  à 
dire  qu'vn  vaifl'eau  de  deux  pieds 
de  haut  ^  de  long  &  de  large  tient  vn 
muid. 

Ces  mefures  ainfi  eftablies ,  il  s'en- 
fuit qu  vn  vaifTeau  qui  contient  qua- 
tre-vingt trois  muids  d'eau  peut  four- 
nir pendant  vingt-quatre  heures  de 
quoy  faire  couler  vn  poulce  deau  con- 
tinuellement 5  Et  pareillement  li  vn  re- 
lervoir  tenoit  trente  mille  trois  cens  - 
foixante  dix-huit  muids  deau,il  pourroit 
fournir  de  leau  durant  vne  année  pour 
faire  couler  vn  poulce  d'eau  continuel- 
lement ;  &  s  il  eftoit  vne  fois  plus 
grand ,  il  en  pourroit  faire  couler  deux , 
&  amfi  plus  ou  moins  à  proportion.  le 
fuppore  icy  vne  égalité  d'écoulement, 
quoy  que  je  fçache  bien  que  le  refèrvoir 
ertant  plein  l'eau  fortiroit  avec  plus  de 
vitefle ,  &  par  confequent  en  plus  gran- 
de quantité  que  quand  il  feroit  preft 
àeftre  vuidé  :  Mais  comme  ce  que  je 
dis  n'efl  que  pour  donner  vne  plus 
grande  intelligence ,  je  ne  m'arrefteray 
pas  à  certe  exactitude. 

R  mj 


20O  D  E    L*0  R  I  G  I  N  E 

Voilà  pour  ce  qui  cft  de  la  mefiire 
des  eaux  de  fontaines ,  voyons  quelle 
peut  eftre  celle  des  eaux  de  pluye  & 
de  neige.  Par  les  ob(ervations  que  j'ay 
faites  de  la  quantité  des  eaux  de  pluye 
&  de  neige ,  f ay  trouvé  que  depuis 
le  mois  d'Odobre  iddS.  juPques  à  pa- 
reil mois  de  t66p.  il  en  ell  tombé  la 
hauteur  de  dix- huit  poulcesfept  lignes  : 
Depuis  pareil  mois  de  l'année  1670, 
jufques  à  pareil  mois  de  i  d/ 1 .  il  n'en 
eft  tombé  que  la  hauteur  d'onze  poul- 
ces  fix  lignes  feulement  ^  &  depuis  le 
mois  de  lanvier  id/^.  jufques  à  pareil 
mois  de  167^.  la  hauteur  de  vingt  fept 
poulces  fix  lignes  :  le  joins  ces  trois 
quantitez  enfemble  pour  en  faire  celle 
d'vne  année  commune  ,  qui  fera  par 
ce  moyen  de  dix-neuf  poulces  deux 
lignes  vn  tiers. 

Cela  fupposê ,  il  faudroit  pour  par- 
venir à  noftre  deffein  ,  mefurer  ou 
eftimer  F  eau  de  quelqiie  rivière  com- 
me elle  coule  depuis  la  fource  jufques 
au  lieu  où  il  y  entre  quelque  ruiffeau^ 
&  voir  {}  leau  de  la  pluye  qui  tombe 
alentour  de  fon  cours  eftant  mife  dans 
vn  refervoir ,  comme  dit  Ariftote ,  feroit 


DE  s    FON  T  A  I  N  E  s.  201 

fuffifante  pour  la  faire  couler  toute  vne 
année,  l'ay  veu  la  Rivière  de  Semé, 
&  l'ay  corifiderée  aflez  exactement 
dans  Ton  cours  depuis  la  lource  jufques 
à  Aynay  le  Duc ,  oii  il  y  entre  vn  ruif^ 
feau  qui  la  groflit  :  c  eft  pourquoy  je 
la  prendray  pour  iîijet  de  l'examen  que 
je  veux  faire. 

Le  cours  de  cette  Rivière  naiflànte 
depuis  fa  fource  julques  à  Aynay  le 
Duc  eft  d'environ  ti'ois  lieues ,  &  les 
coftez  de  fon  cours  s  eftendent  à  droit 
&  à  gauche  environ  deux  lieues  de  cha- 
que cofté ,  ou  il  y  a  d'autres  ruifleaux 
qui  vont  ailleurs  ;  &  dautant  que  ces 
ruifleaux- U  ont  befoin  pour  leur  fub- 
fiftance  des  eaux  de  la  pluye  auiïî- 
bien  que  celuy  de  Seine ,  je  ne  veux 
compter  que  la  moitié  de  cet  efpace 
desxoftez ,  &  dire  que  le  lieu  où  pafle 
la  Seine  ,  a  depuis  la  fource  jufques  à 
Aynay  le  Duc  trois  lieues  de  long  (îir 
deux  lieues  de  large ,  &  puis  je  diray 
ainfi. 

Si  Ton  avoit  fait  vn  relervoir  de  cet- 
te grandeur  &  largeur  il  auroit  fix 
lieues  en  quarré  de  fuperficie ,  lefquel- 
les  réduites  en  toifes  iùivant  la  mefure 


205        De  l'O  r  I  g  I  ri  e 

cy-devanteftablie ,  feroient  trente- vn 
million  deux  cens  quarante-cinq  mil 
cent  quarante  quatre  toifes  de  fuper- 
ficie. 

Dans  ce  refervoir  il  faut  s'imaginer 
quil  eft  tombé  de  la  pluy e  durant  vne 
année  de  la  hauteur  de  dix-neuf  poul- . 
ces  vn  tiers  qui  eft  la  hauteur  d'vae  -, 
année  commune ,  ainfi  que  nous  l'a- 
vons remarqué.  Cette  hauteur  de  dix- 
neuf  poulces  vn  tiers  donne  deux  cens 
vingt-quatre  millions  huit  cens  quatre- 
vingt  dif-neuf  mil  neuf  cens  quaran- 
te deux  muids  d'eau  ou  environ  liiivant 
la  mefure  dont  nous  fommes  convenus. 

Toute  cette  eau  ainfi  ramai  se  e  en 
la  quantité  que  nous  venons  de  dire, 
eft  ce  qui  doit  (èrvir  à  faire  couler  cet- 
te RiViere  pendaiit  vne  année,  depuis 
(a  fource  julques  au  lieu  que  nous  a- 
vons  deiigaé ,  &  qui  doit  iervir  auiïl 
à  (iippléer  à  tout  ce  qu'il  peut  y  avoir 
de  déchets,  comme  nourritures  d'ar- 
bres ,  plantes ,  herbes ,  évaporations , 
écoulemens  inutiles  dans  la  Rivière  qui 
ne  font  que  la  groffir  pour  vn  temps 
&  pendant  qu'il  pleut  ,  égaremeis 
d'eaux  qui  peuvent  prendre  vn  autre 


DES  Fontaines.  ^205 
cours  que  devers  cette. Rmere  a  eau- 
fe  des  pentes  irregulieres  &  conti'aires, 
&  autres  tels  déchets,  pertes  &  dimi- 
nutions. ,    ,         r  n- 

Pour  ce  qui  eft  de  la  melure  oueltima- 
tion  de  l'eau  de  cette  nviere  naiflante, 
il  feroit  mal-aisè  de  la  trouver  au  jufte 
&  de  dire  quelle  qiunatè  elle  en  tour- 
nit  :  Neanmoms  autant  que  )  ay  pu 
ju2;er  elle  ne  peut  pas  avoir  plus  de 
mtl  ou  douze  cens  poulces  d'eau  tou- 
jours courante  ,   en   compenfant  le 
moins  qu'elle  en  a  à  fa  iburce  avec  le 
plus  quelle  en  a  vers  Aynay  le  Duc> 
ce  que  je  ]UZQ  par  la  comparaifon  que 
je  fais  des  ces  eaux  avec  celles  de  la 
Rivière  des  Gobelins  en  leftat qu'el- 
le  eft  vers  Verfailles  où  elle  a  cin- 
quante poulces  d'eau  félon  la  mefure 
qui  en  a  efté  faite  :  ainfi  j'eftime  que 
ce  fera  aflèz  d'en  donner  vingt-quatre 
ou  vingt-cinv"!  fois  autant  à  la  noftre  : 
car  Ton  canal  n'a  que  ^quatre  ou  cinq 
toifes  de  large ,  ia  profondeur  eft  pe- 
tite ,  elle  ne  porte  point  de  batteau. 
&ne  fert  feulement  qu'à  faire  couler 
des  bûches  qu'on  y  jette  à  bois  perdu 
pour  les  attacher  eafemble  plus  bas 


Î04  D  E    L*0  R  I  G^  N  E 

&  en  faire  des  trains  de  bois  flotté. 

Toutes  ces  chofes  ainfi  liipposées , 
je  dis  que  ftiivant  les  mefiires  dont  nous 
fbmmes  convenus ,  douze  cens  poul- 
ces  d'eau  donnent  en  vingt- quatre 
heures,  fur  le  pied  de  quatre -vingt 
trois  muids  d'eau,  pour  pouice  qua- 
tre-vingt dix-neuf  mil  fix  cens  muids 
d'eau  j  &  durant  vne  année  qui  eft 
trois  cens  foixante  /îx  fois  autant ,  ils 
donneront  trente-fix  millions  quatre 
cens  cinquante-trois  mil  fix  cens  muids. 
Cette  Rivière  ne  fait  donc  couler  dans 
fes  bords  depms  la  fource  jufques  à 
Aynay  le  Duc  pendant  vne  année  que 
ladite  quantité  de  trente  fix  millions 
quatre  cens  cinquante-trois  mil  fix 
cens  muids  deau.  Or  fi  je  tire  cette 
quantité  d'eau  des  deux  cens  vingt- 
quatre  millions  huit  cens  quatre- vingt 
dix-neuf  mil  neuf  cens  quarante-deux 
muids ,  qui  lont  dans  ce  refervoir  que 
nous  venons  d'imaginer,  il  en  refiera 
encore,  cent  quatre-vingts  huit  mil- 
lions quatre  cens  quarante-fix  mil  trois 
cens  quarante -deux  muids,  ce  qui  mon- 
te prefque  à  cinq  fois  autant ,  &  qui 
fert  pour  fub venir  aux  pertes,  diminu- 


DES  Fontaines.  îoç 
tions  &  déchets  que  nous  avons  re- 
marquez. Il  ne  faut  donc  qu  environ 
la  fixicme  partie  de  ce  qui  tombe 
d'eau  de  pluye  &  de  neige  pour  faire 
couler  cette  rhiere  continuellement 
durant  vne  année. 

ïe  fçay  bien  que  cette  dédudion 
n'a  aucune  lèureté  :  mais  qui  pourroit 
en  donner  vne  qui  hiil  certaine  ?  Néan- 
moins quelle  que  ioit  celle-cy  ,  je 
croy  qu'elle  doit  fatisfaire  davantage 
quvne  fimple  négative  comme  celle 
d*Ariftote  &  de  ceux  qui  Ibuftien- 
nent,  fans  fçavoir  pourquoy,  qu'il  ne 
pleut  pas  aflez  pour  fournir  à  l'écou- 
lement des  rivières.  Qaoy  qu'il  en 
(bit,  en  attendant  que  quelqu'vn  fafîè 
des  remarques  plus  précifes  ,  par  lef- 
quelles  il  prouve  le  cona'aire  de  ce' 
que  j'ay  avancé  •  je  demeureray  dans 
ma  pensée ,  &  me  contenteray  de  cet- 
te foible  lumière  que  me  donne  l'ob- 
ier vati  on  que  )'ay  faite,  n'en  pouvant 
avoir  de  plus  gi'ande. 

Si  donc  ces  eaux  peuvent  fuffire 
pour  l'écoulement  d'vne  Rivière,  elles 
pourront  fuffire  pour  toutes  les  autres 
Rivières  du  Monde  à  proportion  >  eu 


20^  De  l'Or  i  gi  n  e 
égard  principalement  à  ce  qui  refle 
pour  les  déchets ,  qui  n  eft  que  trop 
fiiflSfànt  ,  ôc  au  peu  d'efpace  que  je 
donne  de  cofté  &  d'autre  du  cours  de 
la  Rivière  qui  n'eft  que  dVne  lieuë 
de  chaque  cofté  :  car  les  Rivières  ne 
lont  pas  ordinairement  à  deux  Iieuès 
prés  Tvne  de  Tautre.  Il  y  a  donc  quel- 
que apparence  de  dire ,  que  les  eaux 
des  pluyes  &  des  neiges  font  fuffilan- 
tes  pour  faire  couler  toutes  les  Riviè- 
res du  Monde. 

L'on  me  pourra  dire  qu'il  y  a  des 
pays  ou  il  ne  pleut  que  rarement ,  3c 
d'autres  ou  il  ne  pleut  point  du  tout ,  & 
qu  il  ne  laiffe  pas  d  y  avoir  des  fleuves 
affez  grands ,  ce  qui  eft  véritable  :  mais 
les  fleuves  de  ces  pays  ou  il  ne  pleut 
que  rarement  ne  font  pas  continuels , 
ils  ne  font  gi'ands  qu'en  Hyver  3c  ils 
fe  feichent  prefque  du  tout  en  Efté; 
3arce  qu'eftant  voiiins  de  quelques 
lautes  montagnes  d'où  ils  viennent, 
es  neiges  qui  tombent  (iir  ces  monta- 
gnes en  abondance ,  &  qui  s'y  fondent 
après  5  peuvent  tant  qu'elles  durent 
cauier  leur  cours  avec  abondance  en 
Hyver ,  &   quand    elles    ceflent  les 


DES  Fontaines.        20/ 
abandonner  à  la  (èicherefle  en  Efté. 

Pour  ce  qui  eft  des  pays  ou  il  ne 
pleut  point  du  tout ,  il  n'y  en  a  guère 
dans  le  Monde.  La  Zone  Torride, 
ou  cela  pourroit  eftre  vray  plus  qu'en 
pas  vn  autre  ,  eft  arrosée  de  pluyes 
deux  fois  Tannée  abondamment ,  & 
peut-eftre  plus  que  ne  1  eft  la  Fran- 
ce ,  du  moins  en  plus  granile  abondan- 
ce dans  de  certains  temps.  Mais  quand 
il  y  âuroit  de  ces  pays-la  ou  il  ne  pleut 
jamais,  cela  n'empeicheroit  pas  qu'il 
n'y  coula ft  des  Rivières  qui  aur oient 
leurs  fources  en  dauti'es  pays  ou  il 
pleut,  commue  fait  le  Nil  qui  coule ea 
Egypte  où  il  ne  pleut  point.  Il  y  a 
des  pays  au  Monde  où  il  ne  croift  point 
de  ¥in ,  où  d  ne  laifle  pas  d  y  en  avoir 
beaucoup  ,  que  le  trafic  &  le  commer- 
ce y  amené  de  loin  :  De  mefiTie  ces 
grands  fleuves  font  vne  eipece  de 
commerce  de  leurs  eaux  pour  en  arro- 
1èr  des  Provinces  à  qui  le  ciel  n'en 
donne  pas  ordinairement. 

Suite  de  l'opinion  de  routeur. 

Apres  avoir  rejette  l'Opinion  Com- 
mune ,  après  avoir  fait  voir  que  l'eau 


îo8  De  l'Origine 
qui  coule  dans  les  Rivières  pendant 
vne  année  n  eft  pas  fi  confiderable  que 
fe  l'eft  figuré  Ariftote &  ceux  qui  lont 
fuivy,  &que  les  pluyes  peuvent  four- 
nir des  eaux  ruffifamment  pour  entre- 
tenir leur  cours  durant  vne  année  5  il 
ne  me  refte  plus  qu'à  faire  voir  com- 
ment les  eaux  de  la  pluye  &  de  la 
neige  tombées  dans  les  Rivières ,  peu- 
vent fortir  par  le  haut  des  montagnes 
pour  faire  des  fburces  : 

Avant  que  d'en  venir  là  il  efl:  be- 
foin  de  fuppoi er  &  d  eftablir  plufieurs 
choies ,  afin  d'y  apporter  plus  d  eclair- 
cifiement ,  &  pour  cet  effet, 

le  iuppofe  premièrement  que  dans 
le  corps  de  la  terre  &  principalement 
dans  les  montagnes  il  y  a  des  lits  de 
glaiie ,  de  terre  argileufe,  &  non  fpon- 
gieufe  5  des  fonds  de  pierre ,  d'ardoi- 
ie  ou  de  minerai,  comme  veulent  Vi- 
truve  Se  Palifly.  Que  ces  lits  de  glaifè 
qui  font  à  plufieurs  eftages ,  font  tan- 
toft  de  niveau  ,  tantoft  en  pente  & 
inclinez  d  vn  cofté  ou  dVn  autre ,  tan- 
toft creux  en  forme  de  badins  ou  gou- 
tieres ,  tantoft  relevez  en  boffe  &  fai- 
iànt  pente  des  deux  coftez  ou  tout 

alentour. 


DES  Fontaine  S.  20^ 
alentour ,  comme  des  goutieres  ou  des 
baflîns  renverfez  j  quelquefois  fe  con- 
tinuant les  vns  avec  les  autres  quand 
ils  (ont  d'vne  pareille  élévation,  d'au- 
tres fois  fe  feparant  &  laiflant  des  efpa- 
ces  de  terre  entre  deux  plus  ou  moins 
grands ,  &  cela  en  toutes  les  manières, 
formes,  figures ,  fituations,  grandeurs 
&  capacitez  qu'on  le  peut  imaginer. 

C^  fur  cette  glaife  ainfi  diiposée  ^ 
il  y  a  de  la  terre  graveleuTe  entremê- 
lée de  cailloux  &  de  pierres  de  toutes 
grofleurs ,  qu'on  appelle  tuf.  Qml  y  a 
beaucoup  d'endroits  ;  foit  da^isles  mon- 
tagnes ou  ailleurs  ,  où  il  n'y  a  point 
de  ces  lits  de  glaife:  mais  feulement  de 
la  terre  pure  ,  ou  du  fable  ,  fàblon  ou 
autrement. 

II  nyaperfonne  qui  ne  convienne 
de  cette  diipofition  de  terre  au  dedans^ 
&  l'on  peut  remarquer  que  quand  on 
tranche  vne  partie  de  quelque  monta- 
gne vu  peuprofondementjl'on  voit  que 
la  terre  qui  refle  eft  quelquefois  entre- 
couppée  de  differens  lits  de  glaife  a- 
vec  le  aif  au  delTus  qui  marquent  des 
lignes  ilroites  &  courbes  en  haut  ôc 
enbas  eu  toutes  ibrtes  de  façons. 

S 


2ta        De  l'Origine 

le  fiippofe  aufTi  que  la  terre  qiiieft 
entre  ces  lits  de  glaife,  iieft  pas  tout- 
à-fait  folide  :  mais  qu  elle  a  des  pierr-. 
res  entremeflées ,  &  qui  ne  fe  joigaeit 
pas  fi  bien  Tviie  à  l'autre  qu'il  ne  refte 
des  intervalles  vuides  où  il  n'y  a  que 
de  l'air  ^  &  qu'il  y  a  de  ces  pierres- là 
en  grande  quantité  &  de  différentes 
groflèurs  &  grandeurs  dafxs  le  corps 
des  montagnes ,  entalsées  les  vues  lur 
les  autres  qui  leur  fervent  de  bnde- 
mens  &  de  fouftiens  neceilaires.  Ces 
pierres  &  intervalles   font  ce  qu'on 
appelle ,  cavernes ,  canaux  &  conduits 
foufterrams,  qui  en  s'eflevant  de  la 
forte  depuis  le  bas  des  montagnes  jul- 
quesen  haut,  les  percent  &  traverfent 
avec  les  lits  de  glaife  qu'ils  rencon- 
trent en  leur  chemin  ,  foit  à  plomb , 
îbit  de  cofté  ou  obliquement. 

Il  n'v  a  perf bnne  qui  puiflè  difcon- 
venir  de  ce  fait  pour  peu  qu'il  ait 
fbiiillé  dans vne montagne,  loit  en  haut 
foit  en  bas,  &  qui  n'y  ait  rencontré 
des  pien-es  en  grande  quantité. 

le  fuppofe  encore,  quedeflbus  tou- 
tes les  plaines  bafles  où  coulent  les 
Rivières ,  il  y  a  vn  Ut  de  glaife  continu. 


DE  s  Font  A  I  NE5.  sti' 
foit  qu'il  foie  de  niveau  ou  non ,  qui 
va  fous  les  Rivières  &  ious  les  plai- 
nes fur  lefqnelles  elles  coulent ,  & 
aufli  fous  les  montagnes  mefmes  quel- 
que élevées  >  ou'elles  ibient.  Que  fur 
ce  lit  de  glaiie  continu  &  vniverlel  il 
y  a  non  feulement  du  tuf ,  comme 
fur  tous  les  autres  :  mais  beaucoup  de 
lable  pur  d'vne  hauteur  ou  épaiffeur 
confiderable,  entremeflé  de  cailloux  de 
toutes  les  groffeurs ,  &  quelquefois  en- 
trecouppé  par  eftages  de  res  autres 
litsdeglaife  avec  leur  tuf  ,  dont  nous 
avons  parlé. 

Cette  difpofition  eft  pareillement 
confiante  ,  par  les  expériences  qu'on 
fait  tous  les  jours  de  cette  venté*  en 
bafti/Tant  de  grands  édifices  ,  ou  en 
fouillant  des  puits  dans  ces- fortes  de 
plaines  ,  ou  Ton  ne  manque  prefque 
jamais  de  ti'ouver  de  la  glaiie .  &  beau- 
coup de  fable  au  deflbus ,  d'vne  gran- 
de épaiilèur,  qui  fert  à  faire  le  bafti- 
ment. 

Il  faut  encore  concevoii'  que  les 
plaines  bafles  ne  font  faites  que  pour 
recevoir  les  eaux  des  pluyes  &  tacîli- 
ter  leur  cours  vers  la  Mer ,  &  c'ed 

s  1] 


tiî  De  l^Ori  g  I  ne 

ce  qu  on  appelle  rivières  ou  fleuves  ; 
&  que  le  lieu  bas  où  font  fituees  ces  ri- 
vières n'eil  quafîn  que  toutes  les  eaux 
qui  defcetidentdes  moiitag^nes  s  v  vien- 
nent rendre  :  là  elles  Tont  fidelle- 
ment  retenues  par  la  gkife  qui  eft  (bus 
ce  fable  &  qui  les  empefche  de  péné- 
trer plus  bas. 

le  croy  quon  demeiu*e  bien  d'ac- 
cord qu  il  y  a  de  la  glaife  fous  le  cours 
des  Rivières ,  puis  qu  on  y  en  trouve 
fouvent  quand  on  y  prend  du  fable 
pour  baftir  ;  &  de  plus  lapparence  y 
eft  toute  entière ,  pource  qu'autrement 
elles  entreroient  dans  la  terre  &  fe 
perdroient  :  aufli  en  voit- on  en  plu- 
fieurs  endroits  du  Monde  qui  entrent 
dans  la  terre ,  &  en  fortent  par  après 
en  d'autres  lieux.    Ce  qui  caufe  cet 
accident  ne  peut  eftre  autre  chofe, 
finon  qualendroit  où   ces  fortes  de 
rivières  entrent  dans  la  terre  ,  la  glaife 
qui  les  fouftenoit  vient  à  s  abaifler  tout 
dVn  coup  5  &  en  mefme  temps  l'eau 
de  la  rivière  qui  la  fuit ,  trouve  en  ce 
lieu-làdes  pierres  &  des  rochers,  en- 
tre lefquels  elle  paffe  fuivant  toujours 
fa  glaiie  qiù  lafouftient:  unt  qu'enfin 


DES  Fontaines.        îîj 

le  terrain  de  deflus  s'abai/îànc  au(Ti.  pe- 
tit a  petit  rencontre  ce  lit  de  glaife ,  & 
laide  anifi  fortir  la  rivière  qui  conti- 
nue de  couler  à  fon  ordinaire  fur  la 
Terre. 

Il  eft  évident  aufîî  que  les  eaux  des 
pluyes  &  des  neiges  qui  tombent  fiir  les 
montagnes  &  lui'  les  collines  deicen- 
dent  dans  les  Rivières  :  aufll  voit-on 
qu'après  les  grandes  pluyes  &  les  grands 
dégels,  elles  croifTent  &  font  troublées 
à  caufe  des  terres  que  ces^eaux  entraî- 
nent avec  elles,  en  fefailant  vn  che- 
m.in  vers  les  Rivières ,  qui  eft  lelon  le 
hazard  &  la  rencontre  de  la  pente  > 
&  mefine  ion  voit  que  leurs  bords  font 
couppez  par  tout  par  les  eaux  qui  y 
ont  pafsé. 

Et  quoy  quil  femble  qu'il  n'y  ait 
que  les  grands  orages  qui  puilTent  fai- 
re tomber  ces  eaux  dans  les  Rivières 
en  la  mamere  que  je  le  prétends .  ce 
qui  arrive  trop  rarement  pour  y  fon- 
der la  lubfîftance  des  Rivières ,  qui  ne 
feroient  plus  que  des  torrens;  il  eft 
certain  néanmoins  que  fans  orage  les 
Rivières  croiflent  &  débordent ,  com- 
me il  arrive  après  les  longues  pluyes 


it4.  De  l'Origine 
&  les  grands  dégels  de  l'Hyver  où  il 
ne  (e  fait  point  d  ora2;es  ,  principale- 
ment quand  la  terre  le  trouvant  gelée 
fous  la  neige  lors  quelle  fe  fond  ne 
peut  pas  en  boire  les  eaux.  Car  coiii- 
me  en  ces  temps  de  pluye  &  de  dégel 
Pair  eft  beaucoup  humide,  &  la  terre 
gelée  ou  mouillée  pari  tout,  les  eaux 
qui  tombent  delFus  ne  font  ny  évapo- 
rées, ny  beu'es  par  la  terre  ou  du  moins 
fort  peu  :  c  eft  pourquoy  il  faut  ne- 
ceflairement  qu  elles  coulent  dans  les 
Rivières  qui  font  toujours  dans  les 
lieux  les  plus  bas  des  vallées ,  &  qu'el- 
les y  entrent  par  quelque  moyen  que 
€e  foit ,  ou  par  defliis  ou  par  de  flous 
leurs  bords ,  ou  par  des  ruifleaux  par- 
ticuliers ou  autrement. 

Il  le  trouve  pourtant  quelquefois 
des  vallées  fpatieufes  dont  la  pente  ne 
va  pas  vers  les  Rivières ,  ni  par  confe- 
quent  les  eaux  qui  tombent  delfus.  Il 
y  en  a  mefme  qui  font  plus  baffes 
que  la  fuperfîcie  du  courant  des  Ri- 
vières ,  comme  le  font  en  quelques 
endroits  les  plaines  oii  coule  là  Loire  : 
Mais  en  ce  cas ,  ces  fortes  de  plaines 
donnent  leurs  eaux  à  d'autres  nvieres 


DES  Fontaines.  2tç 
ou  l'uifleaux  qui  vont  le  reidre  ou  à 
la  Loire  plus  bas  ou  ailleurs  dans  quel- 
ques autres  rivières  5  Et  s'il  arrive  que 
dételles  eaux  rencontrent  quelque em- 
pefchement  dans  leurs  cours ,  &  que  le 
terrain  fe  trouve  gras  &  folide  en  ce 
lieu-là ,  elles  y  font  vn  eftang  ou  vn 
lac ,  dont  les  eaux  s  élevant  trouvent 
vn  écoulement  qu  elles  n  avoient  pas 
par  la  dirpoiition  du  terrain  ,  ou  bien 
elles  pafTent  fous  terre  par  quelque 
endroit  graveleux  &  perviable ,  &  en 
fbrtent  loin  de  là  en  forme  de  fontaine 
ou  de  rivière  :  ou  bien  elles  entrent 
dans  ce  fable  vniverfel  pour  iè  joindre 
avec  les  eaux  qu'elles  y  trouvent ,  & 
contribuer  avec  elles  au  cours  de  quel- 
que autre  nviere  voifine  ou  efloignée. 
Qooy  qu'il  en  foit ,  puis  qu'il  eil  cer- 
tain que  les  pluyes  &  les  de'zels  font 
groflir  les  Rivières  fans  qu'il  faffe  d do- 
rage ;  &  qu'au .  contraire  les  Rivières 
ne  groffiflent  jamais  par  les  orages ,  & 
n'en  font  pas  melme  troublées ,  il  faut 
demeurer  d  accord  que  les  eaux  des 
pluyes  quelles  qu'elles  foient  entrent 
dans  les  Rivières  ;  &  a  caufe  qu'elles 
ne  laifTent  pas  d'eflre  troubles  comme 


^t6  De  l'Origine 
s'il  y  eftoit  tombé  de  grands  torrens , 
û  faut  croire  que  lors  de  ces  dégels  il 
y  en  entre  beaucoup  qui  ont  coulé 
fur  la  terre  dont  elles  ont  entraîné  a- 
vec  elles  le  limon  ^  de  mefme  qu  il  y 
en  entre  auffi  par  deflbus  la  terre  fans 
les  troubler  par  ces  ouvertures  qu'on 
appelle  des  iources  :  Mais  de  quelque 
manière  que  les  eaux  des  pluyes  & 
des  neiges  fondues  entrent  dans  les 
Rivières  ,  il  ne  m'importe  n'ayant 
d'autre  intereft  que  de  voir  groffir 
les  Rivières  par  ces  eaux-là  en  quelque 
manière  que  ce  puifle  eftre. 

Il  faut  concevoir  encore  vnc  autre 
difpofition  de  la  terre  à  l'égard  de  la 
pente  des  collines  &  des  montagnes 
qui  eft,  que  la  terre  fur  le  penchant 
des  collines  &  des  montagnes,  eft  dis- 
posée en  forte  que  les  veines  &  fils 
(fi  cela  fe  peut  dire)  quelle  peut  a- 
voir  vont  en  defcendant  en  dehors  de 
la  colline  j  de  manière  que  feau  qui 
tombe  fiir  cette  terre ,  encore  quelle 
y  entre  à  caufe  quelle  aura  peut-eftre 
efté  labourée,  comme  left  celle  des 
vignobles,  ne  pourra  pas  pourtant  ea- 
ti'er  dans  le  corps  de  la  montagne  > 

quoy 


DES  Fontaines.  hj 
quoy  que  ce  loit  le  fentiment  du  Perc 
François  ,  au  contraire  cette  eau  fera 
toujours  repoulsée  &  rejettée  dehors, 
fi  ce  ii'eft  quelle  coule  Tous  cette  ter- 
re labourée  iùr  le  limon  gras  que  nous 
avons  dit  que  la  pluye  y  a  tait  entrer, 
jufques  en  bas ,  Scjurques  dans  quelque 
ruineau  ou  bien  juiques  dans  ce  lablc 
qui  eft  dans  les  plaines.  De  forte  que 
Ton  peut  dii'e  que  la  terre  du  penchant 
d'vne  colline  eft  diiposée  comme  les 
tuiUes  dvne  maifon,  qui  eftant  mifes 
les  vues  iiir  les  autres  en  penchant  en 
dehors ,  rejettent  auOi  toujours  leau 
en  dehors ,  (ans  la  louiFrir  entrer  dans 
le  corps  du  baftiment ,  jufques  à  ce 
quelle  fe  (bit  rendue  dans  la  *j;outiere 
ou  dans  quelque  autre  lieu  en  bas ,  où 
elle  fe  fait  voir  en  abondance. 

le  tonde  cette  difpofîtion  fur  ce  que 
j  ay  veu  que  ceux  qui  font  des  canaux 
d  eaux  fur  la  pente  de  quelque  mon- 
tagne ou  colline ,  pour  leur  taire  tenir 
leau ,  ne  mettent  point  de  courroy  de 
glaife  au  cofté  par  ou  le  canal  touche 
a  h,  montagne ,  mais  feulement  à  ce- 
luy  qui  eft  à  l'oppofite  &  aux  deux 
bouts  3  d'abord  jetrouYaycelaeftrange, 

T 


2tS  De  l'Or  i  g  i  n  e 
m'imaginant  que  la  glaile  qu  ils  met- 
taient aux  trois  autres  coftez  feroit 
inutile  s'ils  laiflbieat  celuy-la  ouvert 
&  (ans  défenfe  :  mais  après  y  avoir 
bien  pensé  j  ay  reconnu  que  c  eft  avec 
beaucoup  de  prudence  qu'ils  en  vtknt 
de  la  forte  :  car  tant  s'en  faut  qu'il  y 
ait  lieu  de  craindre  que  l'eau  s'en  aille 
par  ce  cofté-la ,  pource  qu'il  faudroit 
qu'elle  remontaft  pour  entrer  dans  la 
montagne  :  qu'au  contraire  c  eft  par  U 
mefme  que  l'on  doit  elperer  que  tou- 
te celle  qui  tombera  denhaut  entre- 
ra dans  le  canal  &  le  fera  emplir 
davantage,  &  mefme  ce  feroit  mal 
travailler  fi  l'on  mettoit  du  courroy 
en  cet  endroit ,  pource  que  les  eaux 
en  def  cendant  pour  entrer  par  là  dans 
le  canal  poufl  broient  le  courroy  avec 
Ja  muraille  qu'elles  jetteroient  dedans. 
Ce  qui  me  porte  encore  à  eftablir 
cette  difpofition  de  terre  des  collines, 
c'eft  qu'aux  pays  où  il  y  en  a  beaucoup, 
comme  en  quelques  endroits  de  k 
Bourgogne  &  de  la  Champagne  &  au- 
tres pays  montueux  >  Ton  voit  qu'aux 
lieux  Sas  où  ces  collines  fe  joignent 
&  s'aflèmbknt ,  il  y  a  toujours  des 


DES    FO  N  T  A  I  N  E  S.        2I5> 

niiflèaux  qui  coulent  plus  ou  moins  fé- 
lon que  les  pluyes  ont  eftè  grandes  ou 
modiques  &  qui  le  fortifient  toujours 
en  coulant.  L'on  ne  peut  dire  précisé- 
ment d  ou  leur  viennent  ces  eaux ,  puis 
qu'on  ne  les  voit  pas  couler  \il~blement 
du  haut  en  bas  de  ces  collines ,  auflî 
ne  teroient-elles  que  des  torrens  qui 
dureroient  peu  :  mais  ces  eaux  eftant 
entrées  dans  la  ten'e  de  defliis  la  colli- 
ne,  &  ne  pouvant  entrer  dedans  a 
plomb  5  comme  le  veut  le  Père  Fran- 
çois ,  par  la  raifon  que  nous  en  ve- 
nons de  remarquer  j  elles  coulent  en- 
tre deux  terres  en  fe  pouffant  ou  s  at- 
tirant l'vne  l'autre  juf ques  en  bas ,  où 
trouvant  quelque  limon  ou  terre  graf- 
fe,  elles  font  arreftées  &  rendues  vifi- 
bles,  failant  les  ruiflèaux  que  je  dis 
qui  coulent  long-temps ,  à  caufe  que 
ces  eaux  ainli  méfiées  dans  les  terres 
font  long-temps  à  les  quitter  &  à  def- 
cendre  :  &  enfin  ces  ruilTeaux  trou- 
vent moyen  de  s'échapper  entre  le 
pied  des  collines,  &ièjO!g.iant  ad  au- 
tres font  quelque  petite  rivière  qui  fe 
va  perdre  dmî  vne  plus  grande  dont 
elle  augmente  le  coui-s.    Que  fi  ces 

T  ij 


120         De   l'Ori  g  I  n  e 

eaux  en  defceaddnt  des  collines  ne 
trouvent  point  de  terre  grâflê  qui  les 
arrefl-e,  elles  descendent  toujours  juf- 
ques  à  ce  qu  elles  entrent  dans  les  fa- 
bles qui  font  en  bas ,  où  eftant  foufte- 
nues  de  cette  glaife  vniverfelle  dont 
j  ay  parlé ,  elles  coulent  entre  les  pier- 
res du  tuf ,  ou  dans  les  grandes  riviè- 
res ,  ou  dans  des  cavitez  pierreufes 
fous  quelque  montagne  où  elles  de- 
meurent jufques  à  ce  qu  elles  en  Tor- 
rent en  la  manière  que  je  le  feray  voir 
dans  la  fuite.  Cette  façon  d'écoule- 
ment que  je  donne  aux  eaux  entre 
deux  terres  fur  le  penchant  des  colli- 
nés ,  n*eft  pas  comme  cet  écoulement 
qui  ma  efté  obje^é  cy-devant  pour 
fouftenir  la  pénétration  fur  les  plaines 
hautes,  pource  que  je  ne  fuppofe  point 
icy  vne  pénétration  profonde  de  terre 
jufques  à  la  glaife  du  dedans,  laquelle 
j'ay  fait  voir  impolTible  &  actuelle- 
ment nulle  &  inconnue  :  mais  bien  vne 
pénétration  vif  ble  dVn  pied  ou  deux 
&  dont  on  ne  peut  douter ,  qui  peut 
conduire  les  eaux  avec  égalité  jufques 
en  bas  par  toute  l'étendue  de  la  colli- 
ne, &  non  pas  comme  l'autre  par  amas. 


D  E  s    Fo  N  T  A  I  N  E  s.  11  i 

en  des  lieux  differens&feparez, après 
s'eftre  afTemblées  aux  endroits  (abloa- 
neux  qui  ne  fe  trouvent  pas  par  tout  fur 
les  plaines  hautes. 

Toutes  ces  chofes  eftant  fupposées 
&  entendues  de  la  forte ,  à  quoy  je  ne 
croy  pas  qu'il  puifle  y  avoir  de  diffi- 
culté qui  ne  ioit  l'acile  de  lever  ,  Se 
dont  les  yeux  ne  puifTent  eftre  les  ju- 
ges &  les  témoins. 

Pour  rendre  ma  pensée  plus  intel- 
ligible 5  cDnfiderons  la  Terre  en  l'eftat 
qu'elle  eftoit  au  moment  de  la  créa- 
tion ,  avant  qu'il  fuft  toml>é  ni  pluye 
m  neige  3  lors  que  les  eaux  ayant  efté 
amalsées  en  vn  lieu  elle  parut  feiche 
&  aride,  comme  il  eft  dit  dans  TEcri- 
ture  fainte  5  &  nous  imaginons  que  la 
pluye  commence  à  tomber ,  &que  les 
eaux  delcendant  des  collines  par  di- 
vers ruiflèaux  ou  autrement  s'amafîent 
d.ms  les  plaines  &  fe  joignent  à  celles 
qu  elles  y  rencontrent  que  la  mefme 
pluye  y  a  répandues  :  ces  eaux  amfi 
amafsées  commencent  à  couler  vers  le 
lieu  le  plus  bas  de  la  plaïae ,  &  allant 
amfî  d'vn  lieu  bas  en  vn  autre  plus  bas, 
e:itre  les  montagnes  &  les  collines, 

T  a, 


22Î  Df    i'ORIGÎN    3 

gagnent  la  Mer  qui  eft  encore  plus 
bafîè.  En  coulant  de  la  forte  elles  fe 
font  vn  chemin  au  milieu  ou  au  plus 
bas  de  ces  plaines  en  creufant  la  terre 
quelles  entraifnent  avec  elles ,  jufques 
a  ce  qu  elles  rencontrent  la  glaifè  ou 
le  tuf  qui  eft  deflus  ,  fiir  lequel  s'ar- 
refte  auffi  beaucoup  de  fable  qui  fe 
répand  ordinairement  fur  tout  le  fonds 
de  ce  chemin  qu  elles  fe  font  fait  en 
coulant.  Ce  chemin  efl  plus  ou  moins 
creux  ,  plus  ou  moins  large ,  félon  la 
qualité  du  terrain ,  la  quantité  de  l'eau , 
&  la  vîtefîèavec  laquelle  elle  coule ,  & 
ces  eaux  font  pareillement  plus  ou 
moins  copieufès  &  abondantes ,  félon 
que  les  plaines  &  les  collines  d'alen- 
tour  fe  font  trouvées  plus  ou  moins 
fpacieufès,  &  ces  eaux  amfï  coulantes 
eft  ce  qu  on  appelle  rivière  ou  fleuve. 
Ces  eaux  coulant  de  la  forte  em- 
pliflènt  leur  canal ,  &  ne  pouvant  pé- 
nétrer plus  avant  dans  la  terre  à  caufe 
de  la  glaifè  qui  eft  au  deflbus  &  qui 
continue  fous  toute  l'efteadue  des  plai- 
nes &  des  montagnes ,  fè  glifîent  de 
cofté  &  dauti'e  dans  les  ouvertures 
qu  elles  rencontrent  entre  les  pierres 


D  E  s  FON  T  A  I  N  E  s.  21^ 

An  tuf  &  entrent  dans  ce  fable  qui  eft 
deffus  en  grande  quantité  &  épaiîieur^ 
S:  paflant  au  travers  à  caufe  de  la  fa- 
cilité qu'il  leur  en  donne  par  fes  par- 
ties grenues  ,  feiches  &  leparées ,  le 
remplirent  par  tout  tant  fous  les  plai- 
nes que  fous  les  collines  &  montagnes 
des  environs  ou  elles  entrent  aulTi  tort 
aisément  à  caufe  des  pierres  mal  join- 
tes qui  s  y  rencontrent ,  comme  nous 
avons  rembarqué ,  &  félon  que  les  eaux 
croiffent  dans  les  Rivières  par  l'abon- 
dance des  pluyes  &  des  neiges  fondues 
qui  continuent  dy  tomber,  elles  s'ele- 
vent  par  defîiis  les  bords  de  leur  lit^ 
inondent  &  couvrent  toutes  les  plai- 
nes j  quelquefois  jufquau  pied  des 
montagnes;  &  comme  ces  eaux  font 
élevées ,  elles  ont  davantage  de  force 
pour  entrer  dans  ce  fable  avec  vîtefTe, 
tant  par  les  coitez  des  bords  du  canal 
des  rivières,  que  par  le  defTus  meime 
des  plaines  inondées,  lefquelles  font  la 
plufpart  de  terre  fablonneufe  &  faci- 
le à  eflre  pénétrée  par  les  eaux  ,^  & 
principalement  par  celles-cy  qui  y  lont 
en  abondance  &  qui  pefent  defîiis: 
de  forte  quei  peu  de  temps  elles  rem- 

T  111) 


k 


^H        De  l'Origine 

pliflent  tout  ce  fable  ,  tous  ces  inter- 
valles  de  pierres ,  toutes  ces  cavernes 
&  canaux  qui  font  tant  deflbus  les 
plaines  bafles  que  deflbus  ces  collines 
&  montagnes,  jufques  au  niveau  dii 
courant  des  Rivières  ou  de  leur  inon- 
dation &  débordement. 

Ces  eaux  entrant  &  selevant  ainfi 
dans  ce  fable  &  dans  ces  pierres ,  mon- 
tent fur  ces  lits  de  glaife  qu  elles  y 
rencontrent ,  entrent  dans  ces  baflîns 
&  dans  ces  goutieres,  partent  par  def- 
fus  ceux  qui  font  élevez  en  boflè  & 
en  pente,  &fe  jettent  de  l'autre  cofté 
félon  la  difpofition  quelles  y  trou- 
vent 5  Et  félon  que  ces  débordemens 
durent  long-temps  ces  eaux  ont  plus 
de  commodité  de  savancer  dans 
ce  fable  jufques  à  ce  qu'en  s'éloi- 
gnant  de  la  rivière  d  ou  elles  font  par- 
ties ,  elles  rencontrent  dautres  eaux 
qui  leur  viennent  au  devant ,  foit  d'vne 
autre  rivière  voifine ,  foit  de  la  mel^ 
me  nviere  qui  va  en  tournoyant  com- 
me elles  font  la  plufpart ,  &  ainfi  ces 
eaux  venant  à  fe  joindre  &  fe  mettt'e 
de  niveau  IVne  avec  l'autre  ,  tout  le 
delîbus  des  plaines  &  des  montagnes 


D  E  S    FON  T  AIN   F  S.  11^ 

fe  trouve  remply  d'eau  dvne  grande 
hauteur  lelon  que  le  lit  de  giaile  du 
fonds  ie  trouve  plus  enfoncé ,  le  lable 
plus  profond,  les  canaux  &  cavernes 
plus  ipacieuies  -,  &  enfin  félon  la  ca- 
pacité de  tous  ces  lieux-là ,  dou  l'air 
qui  les  rempliflbit  fe  retire  par  en  haut, 
par  les  pores  de  la  terre,  à  mefure  que 
ces  eaux  v  entrent. 

Les  debordemens  eftant  celfezavec 
les  pluves ,  &  les  Rivières  eftant  re- 
tournées en  leur  premier  eftat  ,  les 
eaux  qui  font  entrées  fous  la  terre,  ne 
retournent  pas  de  mefme,  la  plus  gran- 
de partie  demeure  enfermée  dans  ce 
fable,  dans  ces  baŒns  de  glaife,  fur 
ces  lits  élevez ,  où  elles  ont  monté,  & 
par  defllis  lefquels  elles  ont  pafsé  qui  les 
empefche  de  revenir  :  meime  cette 
glaife  continue  &  vmverfelle  eft  fou- 
vent  iiiéQ;ale  en  fon  niveau ,  &  quel- 
quefois plus  baffe  fous  les  montagnes 
que  devers  les  Rivières  j  &  alors  les 
eaux  qui  y  font  entrées  y  demeurent 
(ans  pouvoir  retourner  aux  rivières. 
Quelquefois  elle  eft  plus  haute  ,  & 
alors  comme  elle  a  fa  pente  du  cofté 
des  Rivières  les  eaux  y  prennent  leur 


i2d  De     L*OïlIGINE 

cours, '&  tout  le  fable  qui  en  efloit 
remply  s'égoutre  a  la  fin  s'il  ne  furvient 
quelque  nouvelle  pluye  qui  faifànt, 
enfler  les  Rivières  leremplilîe  de  nou- 
veau :  mais  cet  écoulement  vers  les 
Rivières  ne  fe  fait  quavec  beaucoup 
de  temps ,  &  petit  à  petit,  tant  à  cauie 
de  leloignement  de  ces  eaux  qui  eft 
grand  quelquefois,  qua  caufedu  lable 
qui  les  retient ,  &d  où  elles  ne  peu- 
vent pas  fe  retirer  aufTi  promtement 
qu  elles  y  eftoient   entrées ,   pource 
quelles  eftoient  alors  poufsées  par  la 
violence  de  celles  du  courant  des  ri- 
vières &  de  leurs  dcbordemens ,  au 
lieu  que  pour  fortir  elles  n  ont  que 
leur  pefànteur  qui  eft  beaucoup  di- 
minuée par  les  parcelles  du  iàble  où 
elles  s\attachent ,  &  par  tous  les  obfta- 
cles  que  nous  avons  remarquez  &  que 
Ton  peut  s'imaginer. 

Ces  paiiiblesécoulemens  qui  fe  font 
par  tous  les  endroits  des  bords  des  Ri- 
vières &  par  le  fonds  meftie,  font  ce 
qui  entretient  leur  cours  avec  quelque 
égalité  ,  jufques  à  ce  qu'il  revienne 
d  autres  pluyes ,  qui  failant  enfler  les 
Rivières  remplifTent  promtement  ce 


D  E  s    FO  N  T  AJ  N  E  s.         117 

qui  s'eft  viudé  tout  a  loifTr  ,  comme 
nous  venons  de  dire .;  &  cette  alterca- 
tion de  pluyes  &  d'ècoulemens  fe  fai- 
fant  avec  vne  régularité  irreguliere, 
les  fait  couler  toujours  tantoft  plus 
tantoft  moins,  tantoft  des  eaux  que  la 
pluve  leur  donne  en  tombant ,  tantoft 
de  celles  qu  elle  avoit  mile  en  refend 
dans  ces  fables  fous  les  plaines. 

La  preuve  de  tout  ce  que  je  viens 
d'avancer ,  fe  peut  tirer  de  ce  qui  nous 
eft  continuellement  devant  les  yeux.  Il 
n'y  a  point  de  nviere  au  fond  de  la- 

3ue!le  il  n'y  ait  de  la  glaife,  au  fond 
e  laquelle  Ton  ne  trouve  ce  qu'on 
appelle  des  fources,  &  fur  fes  bords 
ordinairement,  que  l'on  voit  couler  & 
fe  feicher  enfuite  à  me'ure  que  l'eau 
de  la  Rivière  baiflè  ,  &  s'en  ouvrir 
d'autres  plus  bas  &  vn  peu  au  deffus 
du  niveau  du  courant  de  la  Rivière  5 
■  &  ces  fources  tant  du  fond  que  des 
bords  ne  font  que  des  ècoulemens  des 
fables  ou  les   eaux  eftoient  enaees, 
qui  félon  léquilibre  quelles  prennent 
avec  celles  de  la  rivière  ,  y  entrent 
avec  plus  ou  moins  de  force ,  eu  égard 
aulTi  àl'éloignementdecelles  qui  vien- 


I 


Î28        De  l'O  r  I  gi  n  e 

nent  de  lieux  reculez ,  félon  que  les 
plaines  ont  plus  ou  moins  d'eftendue^ 
&  ces  ouvertures  par  où  Ton  voit  l'eau 
entrer  dans  les  Rivières  qu'on  appelle 
fourceSj  font  les  endroits  par  ou  elles 
entrent  dans  ces  fables  quand  elles 
font  plus  baffes  que  la  furface  du  cou- 
rant ,  &  par  ou  elles  en  fortent  quand 
elles  font  plus  hautes. 

Il  n  y  a  point  de  plaine  ba/fe  où 
l'on  ne  trouve  de  la  glaife ,  du  lable 
&  de  l'eau:  car  on  y  Jait  des  puits  par 
tout.  Il  y  en  a  mefine  dans  les  deferts 
de  l'Arabie  où  les  Caravannes  fe  ra- 
fraifchiffent;  &  fi  ces  puits  y  font  ra- 
res ^ceft  qu'il  eft  de  la  politique  des 
Princes  qui  coifinent  à  ces  deferts 
qu'il  n'y  en  ait  que  ce  qu'il  en  faut 
pour  entretenir  le  commerce  des  voya- 
geurs feulemeit,  de  crainte  que  par 
la  commodité  des  eaux  qu'on  ne  trou- 
ve en  ces  pays-la  que  dans  les  puits , 
leurs  voiiîns  ne  faiîènt  dos  entrepriiès 
for  leurs  Eftats. 

Il  n'y  a  point  de  plaine  où  Ion  ne 
puifle  faire  des  puits ,  &  s'il  arrive  que 
ceux  qui  en  veulent  faire  fur  celle  de 
quelque  montagne  n'en  ont  point  reii- 


D  H  s    FO  N  T  A  I  N  E  s.  1^9 

contre  dans  leur  fouille,  ils  nont  qu'à 
creufer  profondément  jufques  au  ni- 
veau du  courant  de  la  rivière  prochai- 
ne ,  ils  en  trouveront  afliirèment ,  & 
ceft  ce  qui  eft  caufe  que  Ton  voit 
quelquefois  des  puits  auiTi  profonds 
quil  y  en  a. 

L'on  voit  que  Teau  croift  dans  les 
puits  des  plaines  baflès  félon  &  à  me- 
iure  que  celle  de  la  nviere  croift.  Nous 
voyons  à  Pans  que  l'eau  vient  dans  les 
caves  quand  la  Rivière  fe  hauffeaflez 
pour  cela  j  Ion  remarque  aufTi  quelle 
y  vient  en  vne  nuit ,  &  qu  elle  eft  deux 
ou  trois  mois  a  s'en  retourner.    Vne 
perfonne  d'efpnt  a  remarqué  dans  les 
caves  de  robfervatoire  royal  à  Paris 
qui  font  fort  profondes  ,  &  éloignées 
de  la  Rivière  d'environ  demy  iieuë , 
que  l'eau  qui  y  eftoit  au  mois  deîan- 
vier  1671,  eftoit  de  niveau  avec  celle 
de  la  Rivière  qui  s  eftoit  élevée  cette 
année  là  plus  que  les  autres  années; 
&  cette  eau  y  eft  demeurée  plus  de 
quatre  mois  après  fans  s  écouler.  En 
1  année  td^S.  que  la  mefme  Rivière 
de  Seine  déborda  extraordinairement , 
j'ay  veu  vn  piuts  à  la  campagne  à  demy 


IJO  D  E    L*0  R  I  G  I  N  E 

lienë  de  la  Rivière ,  jufques  ou  elle  a- 
voit  porté  les  eaux  de  fbn  déborde- 
ment ,  eftre  plein  jufques  à  s'en  aller 
par  defRis ,  &  couler  comme  vne  fon- 
taine durant  vne  partie  de  l'Efté,  quoy 
que  la  Rivière  s  en  fuft  retournée  en  iba 
eftat  ordinaire  ;  &  comme  elle  n  a  point 
débordé  de  la  forte  depuis  cette  année- 
là  ,  ce  puits  aufTi  n'a  point  efté  rem- 
ply  d'eau  comme  il  eftoit  alors. 

En  la  mefme  année  1(^58.  la  pluf- 
part  des  maifons  qui  eftoient  dans  le 
bas  de  la  ville  de  Pans ,  le  trouvèrent 
fort  endommagées  à  cauie  des  eaux 
qui  ayant  entré  dans  les  caves  en  a- 
voient  moLÎillé  les  fondemens ,  à  quoy 
il  falut  remédier  promtement,&  Ion 
ne  voyoit  en  ces  quartiers- là  que  mai- 
fons eïtayées  dont  on  reparoit  les  fon- 
dations y  &  cela  n'eft  point  arrivé  de- 
puis à  caule  que  la  Rivière  n'a  point 
débordé  depuis  avec  vne  pareille  force. 

En  Tannée  1670,  que  l'on  fonda  le 
quay  au  deflbus  des  TuiUeries  prés  le 
cours  de  la  Reine,  Ion  voyoit  couler 
dans  la  fondation  de  ce  baftiment  des 
eaux  qui  venoient  du  cofté  du  cours , 
8c  les  ouvriers  les  appelloient  des  four- 


DE  s    FO  N  T  A  I  N  E  s.  t^i 

ces:  mais  après  avoir  coulé  deux  ou 
trois  mois ,  elles  celTerent  tout  à  fait; 
(Se  la  caufe  de  cela  eftoit  ,que  le  -able 
de  la  plaine  du  cours  s  égoutoit  dans 
cette  fondation  qui  eftoit  plus  profon- 
de que  le  courant  de  la  Rivière ,  à  cau- 
fe des  batardeaux  dont  elle  eftoit  Ibu- 
ftenue,  &  cet  écoulement  celîà  quand 
il  n  y  eut  plus  d  eau  dans  ce  lable. 

L'on  pourroit  rapporter  vne  infini- 
té d  autres  exemples  feniblables  qui  ne 
lerviroient  pas  davantage  pour  la  preu- 
ve de  ce  que  j'ay  avancé,  qui  eft  afîez 
eftablie  par  ce  que  j'en  ay  dit,  &  par 
de  femblables  remarques  que  chacua 
peut  faire. 

Le  cours  &  l'entretien  des  Rivières 
eftant  expliqué  &  demonflré ,  il  ne  me 
refte  plus  qu  a  faire  voir  conirrient  li 
peut  y  avoir  des  lources  au  haut  des 
montagnes ,  &  comment  des  eaux ,  que 
je  iuppoie  eftre  en  bas  6c  dans  les  fon- 
dations par  m.anierede  dire  de  ces  hauts 
édifices ,  peuvent  monter  d  elles-mef- 
mes  jufques  a  leur  fommet. 

Puis  que  yav  trouvé  la  matière  des 
Fontaines  &  de  la  meilleure  qualité 
quelle  puifle  eftre  ,  je  veux  dire  de 


t 


^l^  D  e  l'O  r  i  g  i  n  e 
Peau  douce  en  abondance ,  pafsée  &^ 
purifiée  par  des  fables  purs  &  nets ,  & 
qu'il  ne  me  refte  plus  que  de  la  faire 
élever  jufques  à  l'embouchure  des  four- 
ces ,  je  nay  plus  rien  de  difficile,  tou- 
te la  Philolbphie  ancienne  &  nouvel-*- 
le  eft  pour  moy ,  &  demeure  d'accord 
que  cela  le  peut  faire  facilement  & 
naturellement. 

Ariftote  dit  qu  il  n'efl:  pas  hors  d  ap- 
parence de  croire  que  dans  la  Terre 
il  fe  fait  pareille  choie  que  nous  voyons 
fe  faire  hors  la  Terre  5  &  que  de  mef^ 
me  que  les  vapeurs  du  dehors  de  la 
Terre  s  élèvent  dans  l'air  &  y  (ont  con- 
verties en  eau ,  de  mefme  auflî  celles 
du  dedans  causées  par  les  eaux  de  la 
pluye  que  les  rivières  y  font  entrer, 
peuvent  s'élever  au  haut  des  monta- 
gnes &  y  produire  de  leau. 

Seneque  croit  que  les  vapeurs  que 
la  Terre  exhale  sepaiflî/Tent  dans  les 
concavitez  &  fe  convertiflent  en  eau , 
&  que  l'ombre ,  le  froid  &  le  repos  per- 
pétuel qui  s'y  rencontrent  en  (ont  là 
caufe  ;  il  croit  donc  que  ces  vapeurs 
ou  air  épaifli  s  élèvent  en  haut, 

Cai'dan  eft  de  cet  avis,  quand  il 

jouit 


DES  Fontaines.  23^ 
joint  i  k  violence  du  flux  &  reflux  de 
la  Mer ,  la  condeiifàtion  &  changement 
de  l'air  en  eau ,  qu'il  dit  s'attacher  au 
haut  des  corxavitez  de  la  terre,  il  don- 
ne cette  cauie  pour  la  principale  de 
la  prodùdion  des  Fontaines. 

lacques  Dobrzenski  croit  pareille- 
ment la  condenfàtion  &  le  change- 
ment d'air  en  eau,  &  par  conTequent 
cette  élévation  au  haut  des  concavitez 
de  la  terre,  puis  que  cette  condenfa- 
tion  fiippoie  vn  air  humide  qui.  ne 
peut  avoir  pris  (on  humidité  qu'en  va 
lieu  plus  bas  que  luy. 

lean  Baptifte  V/an-Helmont ,  plii- 
toft  que  de  contefter  cette  élevatioqL 
des  eaux^  a  mieux  aimé  s  imaeiner  vne 
vertu  vivifiante  dans  ion  iable  pur, 
par  le  moyen  de  laquelle  les  eau;5w 
dont  il  veut  quil  ioit  remply,  mon- 
tent de  leur  bon  gré  juiques  au  haut 


des  montagnes. 


Thomas  Lydiat^  M'  Du  Hameî .  & 
le  Père  Schottus^  admettent  vn  feu 
foufterrain  pour  élever  les  eaux  de  J^ 
Mer,  converties  en  vapeurs ,  au  haut 
des  concavitez des  monta^iaes,  . 

M'  Defcartes  &  M'  RonauJt  iiippo* 

'^  ■      V 


2Î4         De  t'ORiGiNE, 

lent  vne  chaleur  naturelle  à  la*Terre 
pour  cauler  le  mefme  effet. 

Vitruve  mefme  dit  que  les  eaux  qui 
font  arreftées  dans  la  terre  aux  lieux  lo- 
lides  &  non  fpongieux ,  produifènt  des 
vapeurs  qui  percent  la  terre  &  fe  ren- 
dent vifibies  à  ceuxqui  veulent  chercher 
des  fburces  &  le  ch^ngQnt  en  eau  fi  qIIqs 
font  arreftées  par  quelque  corps  folide 
opposé. 

D'autres  Philofophes,  comme  (aint 
Thomas, les  Connimbres  &  autres,  ont 
dit  que  cette  élévation  Cq  pouvoit  fai- 
re par  la  force  du  Soleil  :  Dautres^ 
comme  Magnanus  ,  que  la  terre  fu- 
çoit  les  eaux  &  les  attiroit  â  elle  com- 
me feroit  vne  éponge. 

Enfin  tous  (ont  demeurez  d'accord 
de  cette  élévation  d'eau  ou  de  vapeurs 
aqueufes  au  haut  des  montagnes  ^  &  ce 
commun  confentement ,  quôy  que  fon- 
dé fiir  de  differens  principes ,  eft  vne 
marque  afièz  grande  delà  vérité  de  ce 
fait,  fur  lequel  ils  ne  Ibnt  différés  les  vns 
des  autres  que  par  les  caufes  &  moyens 
I  qui  ne  leur  fontpas  bien  connus ,  ce  qui 

I?  peut  eflre  pardonné  /puis  que  c  eft  ce 

qui  eft  le  plus  caché  dans  la  nature-. 


UE  s    f  O  N  T  A  I  NE  s.  255 

le  poiirrois  donc  (lir  la  foy  d'audi 
bons  garands  que  ceux  que  j'ay  nom- 
mez ,  avancer  que  ces  eaux  quej'ay 
fait  voir  dans  le  fonds  des  montagnes, 
entre  ces  grcfles  pierres  qui  y  Ibnt, 
dans  ces  cavernes  &  canaux  &  dans  ce 
(able  y  font  élevées  en  vapeur  jufques 
à  la  fuperficie  du  dedans  de  ces  mon- 
tagnes, quelque  hautes  quelles  ibient, 
&  réduites  en  eau  ,  fans  en  rendre 
d  autre  railbn  ,  comme  tait  Anftote , 
que  la  relTemblance  de  ces  vapeurs  du 
dedans  de  la  terre  a  celles  du  dehors, 
que  nous  fç avons  s'élever  dans  Tair  & 
fe  convertir  en  eau.  Cette  raifon  pour- 
roit  eftre  receué  avec  grande  appa- 
rence ,  puis  qu'il  n'y  a  pas  plus  de  dif- 
ficulté à  croire  Tvn  que  l'autre,  &  en- 
core moins ,  au  fentiment  de  M' Det- 
carres  &  agrès  luy  de  M' Du  Hamel_, 
pource,  diient-ils,  qu'il  eft  plus  faci- 
le aux  vapeurs  du  dedans  de  la  terre 
de  s'élever  dans  les  canaux  étroits  qui 
y  font  qu'a  celles  du  dehors ,  dans  l'air 
vague  &  eftendu  comme  il  eft  ^  &  tou- 
jours agité.  Et  quoy  qu'Ariftote  n'ait 
Sas  deligiié  la  caufe  de  la  chaleur  qui 
-Oit  eftre  dans  la  terre  pour  exciter 

V  n 


23^       De  l'O  r  I  g  I  n  e 

la  vapeur  -y  je  croy  qu'il  a  (iipposé , 
comme  le  croit  aulli  Lydiat ,  bien  qu  il 
ne  fiiive  pas  en  cela  fon  opinion ,  que 
cette  chaleur  luy  eft  communiquée 
par  le  Soleil  :  car  quelques  conjectu- 
res que  Lydiat  rapporte  au  contraire , 
comme  nous  avons  veu  dans  fon  Opi- 
nion, il  eft  difficile  de  s'imàgmer  que 
la  Terre  qui  eft  continuellement  ex- 
posée aux  rayons  arderis  du  Soleil  n'ait 
contradé  quelque  chaleur ,  du  moins 
iufques  à  vn  certain  degré ,  c'eft  a  dire , 
autant  que  fon  tempérament  froid  & 
que  fà  diftance  du  Soleil  l'oiit  pu  per- 
mettre •  car  de  dire  qu  elle  n  ait  jamais 
pu  recevoir  nv  retenir  aucune  chaleur 
du  Soleil,  il  liv  a  guère  d'apparence 
puis  qu  elle  n  eft  pas  froide  au  dernier 
-degré  comme  elle  le  devroit  eftre  ,  s'il 
eft  vray  qu'elle  loit  froide  par  la  natu- 
re à  caufe  de  fon  épaifleur  &  de  (a 
pelànteur ,  félon  le  ientiment  des  Pe- 
npâteticiens  ;  &  comme  nous  lènrons 
bien  qu  elle  n'eft  pas  auflî  froide  qu  eft 
Ja  glace  ,  ce  qui  s'en  faut  ne  fçauroit 
venir  que  de  la  chaleur  que  le  Soleil 
luy  a  communiquée. 

Si.  donc  il  y  a  quelque  chaleur  dans 


DES   FO  N  T  A  I  N  E  S.  2^7 

h  Terre,  &  fi  ce  quil  y  en  a  luv  vient 
du  Soleil,  ils'eniiiit  que  l'humiclité qui 
fe  trouvera  daas  la  Terre  pourra  eftre. 
réduire  en  vapeur  &  élevée  en  haut 
par  les  conduits  5c  canaux  qui  y  font., 
&  cela  d'autant  plus  que  la  chaleur 
doit  eftre  plus  forre  vers  le  haut  de 
la  teire ,  c  eft  a  dire  vers  (a  fuperficie, 
comme  plus  proche  du  Soleil ,  que 
vers  Ton  centre  qui  en  eft  plus  éloi- 
gné •  eftaiit  vray  auffi ,  que  pour  ex- 
citer de  la  chaleur  il  ned:  pas  necef^ 
faire  que  le  feu  ou  la  chaleur  foent 
fous  la  choie  humjde ,  comme  Lyd^at 
le  veut  eftablir  ,  il  fiiffit  que  le  tea 
puiiTe  agir:  Auffi  voit-on  que  F  eau  de 
la  Mer  ne  s"  exhale  qu'à  caule  que  le 
Soleil  l'échauffé  ,  &  quoy  qu  il  ne  l'é- 
chaufieque  par  le  de  (lus,  il  fait  néan- 
moins m.onter  fa  vapeur  vers  luv-mei- 
me.  Qoe  l'on  mette  de  l'eau  dans  vn 
vaifTeau  profond ,  Se  qu'on  approche 
de  la  fiiperficie  de  cette  eau  vn  fer 
rouge  &  ardent ,  il  la  fera  bouillir  par 
le  dellus  fans  que  le  fonds  de  cette  eau 
en  ibit  échauffé  davantage ,  &  la  va- 
peur en  montera  en  haut. 

Quoy  qu'Ariitore  ôc  tous  les  autres 


îjS  De   l'Origine 

Philosophes  ne  donnent  qu  vne  caufe 
de  l'évaporation  de  l'eau ,  fçavoir  la 
chaleur  ,  je  pourrois  en  trouver  en- 
core deux  autres ,  Vvne  le  froid  Ton 
contraire,  &  lauti'e  le  mouvement  des 
paities  de  Tair. 

Ce  qui  me  fait  reconnoiftre  le  froid 
pour  vne  des  caufes  de  Vévaporation  , 
cft  que  j  ay  obi èrvé  qu  en  Hy  ver ,  la 
glace  &  la  neige  s'évaporent  de  mef- 
me  que  fait  l'eau  en  Efté.  l'en  ay  fait 
Texperiencc  en  l'année  t66p,  pen- 
dant le  plus  grand  froid  de  cette  an- 
née 5  ou  j  ay  remarqué  que  l'eau  que 
i'avois  mife  dans  vne  grande  balance, 
ou  j'avois  fait  durant  i'Efté  des  obfer- 
vations  fiir  l'évaporation  de  l'eau ,  que 
cette  eau  eftant  gelée  s'évaporoictous 
les  jours  coiifïdei*ablement ,  ce  que  je 
jugeois  par  la  diminution  de  fon  poids, 
qui  alloit  durant  vingt-quatre  heures^ 
jiilques  à  vne  once  trois  gros  (iir  qua- 
tre livres  que  pefbit  cette  glace ,  dont 
la  Superficie  eftoit  de  douze  poulces 
fur  trois  d'épaifleur.  Cette  diminution 
de  quantité  &  de  poids  de-  cette  gla- 
ce, ne  peut  eftre  autre  chofe  qu  vne 
évaporation  comme  celle  de  Teau.  Et 


DES  Fontaines.  235) 
je  ne  doiite  point  que  la  vapeur  ne 
s'en  élevé  en  lair,  demeime  que  cel- 
le qui  eft  excitée  par  la  chaleur  en 
Efté,  puis  que  je  voy  que  lair  eft  tou- 
jours tres-humide  en  Hyver,  &qu'e  les 
broiiillards  y  montent  &  s.'y  élèvent  en 
cette  faiion  comme  en  vne  autre.  Mais 
pourquoy  les  vapeurs  ne  monteroient- 
elles  pas  en  haut  en  Hyver ,  puis  que 
les  exhalaifbns  qui  font  plus  groflîeres 
&  plus  pefàntes,  &  composées  de  par- 
ties terreftres  y  montent  bien  ?  Il  ar- 
rive aflez  f buvent  qu'il  tonne  pendant 
le  plus  grand  froid  ;  En  Tannée  t  ^5  8 .  au 
commencement  de  Févner  qu  il  fai- 
foit  vn  froid  extrême,  il  tonna  vn  fbir 
fur  les  huit  heures  deux  ou  trois  fois 
avec  beaucoup  de  bruit  ;  Il  y  a  donc 
quelque  appai'ence  de  croire  que  le 
froid  peut  exciter  la  vapeur  des  cho- 
fes  humides,  de  mefine  que  le  chaud 
le  fait. 

La  féconde  caufe  que  je  donne  à 
Tévaporation ,  eft  le  mouvement  des 
parties delair ,  lefquelles  eftant  en  vne 
continuelle  agitation  ,  frottent  celles 
de  l'eau  qui  lont  dans  va  (emblable 
mouvement ,  &:  les  feparant  les  vaes 


240         De  l'Origine 

des  autres  ,&  fe  méfiant  enfemble  les 
enlèvent  en  haut  avec  elles.  Comme 
il  eft  très-certain  que  la  chaleur  caufè 
levaporation ,  &  que  Ion  pourroit 
clouter  que  le  froid  ion  contraire  puft 
produire  vn  {emblable  effet ,  je  ne 
terois  point  de  difficulté  d'attribuer  1  le- 
vaporation à  ladion  des  parties  de 
l'air ,  à  qui  la  chaleur  par  le  mouve- 
ment qu  elle  augmente  dans  les  par- 
ties de  Teau  ,  donne  plus  de  priie  à 
celles  de  lair  pour  fe  méfier  avec  elles 
(k  pour  les  enlever. 

Ce  qui  me  fait  appuyer  fur  cette 
pensée,  eft  que  je  voy  qu'il  ne  laiflè 
pas  de  fe  faire  évaporation  lans  l'aide 
ny  du  chaud  ny  du  froid.  De  1  eau 
lailsée  dans  vn  vaifleau  en  quel  lue 
endroit  retiré  ou  il  ne  fait  ny  chaud 
ny  froid  ,  comme  dans  vn  cabinet, 
garderobe ,  ou  armoire  ,  s'évaporera , 
&  au  bout  de  quelque  teinps ,  ioit  ert 
HyveribitenEfté,  le  vaiiîeaufe  trou- 
vera vuide.  L'on  voit  auili  quelque- 
fois au  mois  de  luin  s'élever  des  brouil- 
lards qui  gaftent  les  bleds ,  &  alors  on 
ne  peut  pas  dire .  que,  ce  foit  le  gi*and 
froid  qui  les.  élevé ^:  ny  aufli  le  grand 

chaud , 


DES  Fontaines.        241 

chaud ,  pour  ce  que  quand  cela  arrive 

la  chaleur  diminue ,  &  que  fi  c  eftoitle 

grand  chaud  il  devroit  y  avoir  de  fem- 

blables  brouillards  au  plus  fort  de  tous 

leseftez,  il  taut  donc  que  ce  foitvne 

autre  caufe  qui  produiie  vn  tel  effet  & 

ce  pourroit  bien  eftre  celle  que  je  dis. 

L'on  peut  donc  dire  que  la  vapeur  de 

leau  peut  eftre  excitée  aulTi  bien  par  le 

froid  que  par  le  chaud  &  autant  parle 

mouvement  des  parties  de  l'air  que  par 

celuy  du  feu. 

L'effet  de  cette  evaporation^foit  qu'elle 
foit  caulée  par  le  chaud  ou  par  le  troid , 
ou  par  la  feule  agitation  des  parties  de 
l'air ,  eft  toujours  femblable,  je  veux  dire 
que  l'eau  évaporée  demeure  toujours  ce 
qu  elle  eftoit ,  l'eau  évaporée  eft  tou- 
jours eau  &  fon  evaporation  n'eftant 
qu  vne  Réparation  de  les  parties ,  elle  ne 
manquera  pas  de  redevenir  eau  auffi- 
tcft  que  cette  feparation  ceftera&que 
les  parties  écartées  pourront  fe  rejoin- 
dre. Il  eft  vray  que  l'evaporation  qui  fê 
fait  par  le  moyen  du  feu ,  eft  plus  vifi- 
ble  que  celle  qui  fè  fait  par  les  autres 
moyens,  mais  T effet  ne  laifle  pas  d'eftre 
toujours  pareil.  Le  vif  argent  fe  difTipc 

X 


24^  De  l' Origine 
par  le  feu ,  &  s'évapore  lans  qu'on  s'en 
âpperçoive&  s'eflevant  ea  haut  quoy 
qu^il  ioit  tres-pelànt ,  s'arrefte  au  pre- 
mier corps  qu  il  trouve  diiposè  à  le  re- 
cevoir, &  là  il  reprend  ia  première  fi- 
gure &  conliftence  :  le  fuif d'vne  chan- 
delle ,  la  cire  d'vne  bougie  allumée  s'e- 
vaporent  à  peu  près  de  mefhie  en  brû- 
lant j  &  vne  partie  de  leur  fubftance  qui 
eft  vray  fèmblablement  ce  qui  eft  de 
plus  pur  ou  ce  que  la  trop  grande  adion 
duteu  a  écarté  lans  le  brûler,  reprend 
par  après  G  première  figure,  forme  & 
conliftence  en  s  attachant  a  quelque 
chofe.  l'en  ay  fait  lobfervation  par  ha- 
zard  à  la  cire  d'Efpagne  queje  brûlois , 
a-u  bout  de  laquelle  je  trouvois  ou  du 
iiiif  ou  de  la  cire  fans  avoir  touché  ny 
la  chandelle  ny  la  bougie  ou  je  lavois 
fait  chauffer. 

L'on  voit  que  les  viandes  qu'on  fait 
cuire  rendent  vne  fumée  qui  porte  avec 
elle  lesqualitez  des  viandes  mefmes: 
eette  fumée  engraifle  le  linge  &  l'etoiFe 
où  elle  touche ,  elle  nourrit  &  raflafie 
ceux  qui  y  font  continuellement  ex- 
polèz  ,  &  leur  fait  perdre  lappetit 
fans  les  rendre  malades.    Tous  les 


D  K  s    f  ON  T  A  I  N  E  s.  24^5 

ciiîfiniers  lonc  gras ,  les  Chaircuitiers 
le  font  aufll ,  &  les  Bouchers  de  mei- 
mejquoyqiie  ces  derniers  ne  faffent 

f)oint  chauffer  leurs  viandes.  La  feu- 
e  vapeur  de  la  viande  &  de  la  graiiTe 
qui  s'eleve  par  l'aclion  de  1  air,  ôcqui 
■porte  avec  elle  les  parcelles  humides  & 
plus  iubtiles  de  la  viande  ^  les  pourrait 
nourrir  en  vn  bel  oui ,  cc  mieux  que  la 
viande  metme.s'ils  pouvoient  humer  al- 
lez de  cette  vapeur.  Si  Ion  veut  pouf- 
fer encore  plus  avant  cette  réflexion, 
Torfpeut  dire  que  fi  les  Médecins  n  ont 
pas  ordinairement  bonne  couleur,  c'eft 
à  caufe  qu'ils  iont  continuellement  dans 
des  lieux  rem.plis  de  vapeurs  mauvaifes 
qui  font  iur  eux  vn  lemblable  effet 
quoy  que  contraire. 

Il  y  auroit  encore  beaucoupd'autres 
choies  femblables  a  dire ,  comme  des 
odeurs,  des  maladies  contagieules,  & 
autres,  qui  ne  peuvent  avoir  leurs  et- 
fets  que  par  vne  manière  d  évapora- 
L  tion  &  de  ieparationdes  parties  les  plus 
fubtiles ,  que  j'obmets ,  pour  dire  que 
Teau,  comme  toutes  les  chofes  humi- 
des ,  eft  naturellement  difpofée  à  Tcv.!- 
poration,  &  que  cette  évaporation  n  eil 

Xij 


.^44  i^E   L  Origine 

qii  vne  élévation  de  les  parties  fèparées 
fans  aucun  changement,  &  que  quand 
ces  parties  peuvent  (è  rejoindre ,  elles 
reprennent  la  mefine  forme  &  confî- 
ftencc  qu'elles  avoient  auparavant,  ce 
qui  arrive  a  l'eau  plus  particulièrement 
&  plus  efficacement  qu  à  quelque  autre 
chofe  humide  que  ce  foit  à  caufe  de  û 
fimplicité. 

Mais  quelles  que  foient  les  raifons 

que  j  ay  données  &  que  Ton  pourroit 

donner  de  l'évaporation ,  il  eft  certain 

qu  il  s'en  fait  vne  très-grande  dafts  la 

terre  &  principalement  durant  l'hiver. 

Cela  fe  voit  dans  les  caves  de  l'Obler- 

vatoirç  Royal,  où  pendant  le  plus  grand 

froid  la  vapeur  eft  prefque  palpable, 

&  fe  convertit  en  eau  contre  la  voûte 

des  divers  fentiers  qui  y  font  d'où  on 

la  voit  couler  le  long  des  murailles  juf- 

ques  en  bas  où  elle  fait  de  petits  ruif- 

feaux. 

Dans  les  caves  des  maifbns  de  Paris 
qui  ne  (ont  pas  fi  profondes,  il  Te  voit 
vne  femblable  vapeur  qui  rend  humi- 
de, &  qui  fait  à  la  fin  pourrir  tout  ce 
qu'on  y  a  mis,  les  fbûpiraux  qu  on  y  fait 
ne  fervent  qu  a  donner  ifRië  à  cette  va- 


DES  Fontaines.  245 
peur,  laquelle  l'oa  voitfornr  en  hiver, 
&  des  puits  auffi  comme  vne  fumée  qui 
fe  gelant  aux  b3rds  de  ces  Ibupiraux  & 
de  ces  puits,  y  fait  vne  manière  de  nei- 
ge qui  devient  eau  eji  fe  fondant. 

Le  bois  quia  feiourné  quelque  temps 
dans  ces  caves ,  rend  beaucoup  d  eau 
quand  il  eft  mis  au  feu,  quoy  qu'il  ait 
efté  mis  iec  dans  ces  caves ,  &  que 
quand  il  en  fort  il  ne  paroilTe  point  eftre 
humide. 

Il  n'y  a  pas  feulement  des  vapeurs 
humides  dans  les  caves,  &  dans  les  puits: 
il  y  en  a  aufli  dans  le  corps  de  la  Terre 
épais  &  maffif  comme  il  eft.Ce  que  l'on, 
peut  juger  par  les  grands  arbres  plantez 
dans  des  courts  de  quelques  grandes 
maiions  de  cette  ville,  ils  fe  nournflèat 
&  croiflènt  tous  les  jours  de  plus  en 
plus  j&  comme  la  nournmre  ne  peut  pas 
leur  venir  des  pluyes  à  caufe  que  ces 
courts  font  pavées  à  chaux  &  à  ciment, 
il  faut  quelle  leur  vienne  du  fond  de  Ja 
terre,  &  cette  nouriture  ne  peut  eftre 
autre  ehofe  que  les  vapeurs  humides 
dont  je  parle ,  qui  s  élèvent  juiques  a  la 
racine  de  ces  arbres  &  qui  les  nour- 
nlTent  quelque  grands  qu'ils  foient 

X  iij 


24(^        De   l'O  r  I  g  I  n  e 

Le  père  François  lefuite ,  dont  nous 
avons  rapporté  l'opinion,  dit  dans  fou 
livre  de  la  Science  des  eaux ,  que  dans 
lEfclavonie  il  y  a  vne  Montagne  ap- 
pelléeOdrnilooft,fur  la  cime  de  la  quel- 
le ,  comme  on  toiîilloit  pour  en  tirer 
des  caillons  &  des  pierres ,  on  arriva  à 
dix  pieds  de  profondeur ,  ou  on  trouva 
vn  grand  &  épais  banc  de  caillou,  le- 
quel ayant  efté  tiré  il  s'éleva  inconti- 
nent vne  tres-épaifle  fumée  de  vapeurs 
qui  fortit  par  les  fentes  &  ouvertures , 
l'elpace  de  treize  jours,  &  vingt-cinq 
jours  après  cette  fortie ,  les  Fontaines 
qui  fortant  de  divers  endroits  de  la  mon- 
tagne arrofoient  toute  la  campagne  in- 
férieure tarirent ,  &  ceflànt  de  couler , 
la  terre  devint  feiche  ôc  fterile ,  &  en- 
fuite  les  herbes,  les  arbres,&  les  eftangs 
defleicherent.  Il  rapporte  encore  que 
les  PP .  Chartreux  de  Paris  ont  vn  Mou- 
lin à  Meudon ,  à  deux  lieues  de  Paris,oii 
ayant  apperceu  vne  diminution  d'eau 
confiderable ,  &  ayant  reconnu  que  la 
caufe  venoit  de  ce  qu  on  avoit  décou- 
vert vne  carrière  voifine ,  qui  par  fes 
fentes  jettoit  quantité  de  fumées  ,  ils 
achetèrent  ce  lieu  .  &  bouchant  les 


DES  Fontaines.  i^r 
fautes  de  la  carrière  ont  rétably  Teaudé 
leur  Moulin. 

Ce  que  rapporte  le  Père  François  eft 
d autant  plus  vray-femblable  que  l'ex- 
périence femble  le  confirmer  :  car  on 
remarque  que  la  plufpart  des  fources 
que  Ton  trouve  dans  la  terre ,  en  les 
cherchant  &  fouillant  ne  durent  pas  ft- 
long  temps  que  celles  qui  Torrent  na- 
turellement ;  &  leurs  eaux  diminuent 
toujours,  tant  qu'a  la  fin  ces  lources-li 
tanflent.  Et  la  raifbn  eft  ,  qu^en  les 
fDÎîillant  l'on  donne  vent  à  levapora- 
tion  5  qui  par  ce  moyen  en  eil  moi^i^ 
d-e^  &  ne  tournit  pas  à  la  nouvelle 
lourcece  quelle  Feroit  n'efrantpasé- 
ventée^au  lieu  que  les  lources  nauireiles 
qui  ont  percé  la  terre  d'elles-meihies 
ne  reçoivent  aucun  déchet  &  conti- 
nuent de  couler  toujours  d Vne  mefme 
forte  fans  reflentir  d'augmentation  ou 
de  diminution  que  (elon  que  la  matière 
de  leurs  eaux  augmente  ou  diminue 
comme  je  le  diray  cy  après ,  cependant 
fi  on  vient  à  les  foiiiller  &  à  changer 
leurs  (orties ,  fouvent  elles  fe  perdent  à 
câufe  que  Tévaporation  eft  interrom- 
pue &  altérée ,  ce  qui  n'arnveroit  pas  (i 

X  iiij 


î48        De  l'Origine 

leurs  eaux  leui'  veiioient  en  pénétrant 

la  terre. 

On  peut  donc  croire  qu  il  fe  fait  dans 
la  terre  vne  é  vaçoration  capable  de  pro- 
duire del'eau ,  foit  par  la  chaleur  que  le 
Soleil  y  a  communiquée  &  qu'il  y  en- 
tretient, fbit  par  le  froid  fon  contraire , 
foit  par  la  ièule  agitation  des  parties  de 
lair  qui  eft  aufll  libre  dans  le fondsde la 
terre,  dans  fes  canaux  &  dans  fes  pores 
mefmes  ^  que  dehors  la  terre,  foit  par 
d  autres  caufes  que  je  puis  ne  fçavoir 
pas,  &  qui  ne  font  peut-eftre  pas  vne 
de  celles-là. 

Mais  pour  revenir  à  noftrefùjet:  La 
vapeur  de  Teau  eftant  élevée  de  la  forte 
du  fond  de  ces  Montagnes  jufques  à 
leur  fommet,  &  eftant  la  arreftée  & 
fans  mouvement ,  pour  ne  pouvoir  paf- 
fer  outre,  foit  a  caufè  que  les  canaux 
&  ouvertures  fîniflent  quand  ils  appro- 
chent de  lalùrfice  de  la  Terre  ou  qUq, 
eft  plus  déliée  &  ou  fès  pores  font  plus 
reflerrez,  foit  àcaufo  du  froid  de  cette 
fuperfîcie  causé  par  le  froid  a^iuel  de 
l'Hiver  qui  la  reflèrre  &  qui  fait  vae 
croufte  fur  tout  le  defliis,  foit  par  le 
froid  des  nuits  aux  lieux  où  il  ne  gele 


DES    FON  T  A  INE  5.  249 

pas  aulTi  fouveat  qu'en  ceux-cy ,  ou 
par  celuy  que  les  eaux  de  la  pluye  luy 
peuvent  communiquer  ,   ou  par  vae 
autre  caufe  qui  nous  eft  mco.muë,  cette 
vapeur,  dis-je^ceflant  d'eftre  agitée  par 
le  refferrement  des  pores ,  &  par  Ten- 
gourdiflenient  que  luy  caufe  le  froid 
quelle  rencontre,  fe  réduit  en  petites 
gouttes  d'eau,  qui  fe  joignant  les  vnes 
aux  autres  &  devenant  ainfi  plus  grofles, 
defcendent  ala  fin  vers  vn  lieu  plus  bas 
où  elles  en  trouvent  d'autres  avec  qui 
elles  le  joignent  encore ,  &  coulent 
tant  qu  elles  rencontrent  quelque  lit  de 
glaife  qui  les  arrefte ,  &  qui  les  conduit 
en  fe  fortifiant  toujours  par  la  rencon- 
tre quelles  ^on.t  de  nouvelles  eaux, 
jufques  à  ce  qu  elles  fe  taflent  quelque 
ouverture  fur  la  pente  d'vne  Monta- 
gne,&c'efl:  ce  qu  onappelle  vae  four- 
ce  ou  vne  fontaine ,  qui  eft  plus  ou 
moins  forte  félon  la  capacité  des  lieux 
foufterrains ,  la  qualité  des  canaux  mon- 
tans  &  des  pores  de  la  terre,  félon  l'a- 
bondance de  Teau  qui  eft  deflbus,  la 
difpofition  de  la  glaife  pour  la  recevoir, 
lafouftenir  &la  condmre,&  félon  l'ou- 
verture par  où  elle  fort  5  &ce  qui  taie 


à 


i^o       D  E  l'O  ri  gi  n  e 

que  toutes  ces  fortes  de  fources  ioufFrJc 
toujours  des  diminutions  durant  TE  fté, 
c  eft  que  la  chaleur  ouvrant  les  pores 
du  demis  de  la  Terre^&  donnant  parce 
moyen  paflàge  à  ces  vapeurs ,  les  laifle 
monter  dans  l'air  ou  elles  caufent  d? 
temps  en  temps  de  grands  orages ,  qui 
font  tomber  fur  la  tei're  des  eaux ,  qui 
fans  cela  fe  feroient  jointes  aux  autres 
qui  font  dans  la  terre  &  auroient  em- 
pefché  la  diminution  que  les  fources  en 
ibufFrent. 

Il  eft  vray  qu'il  y  a  beaucoup  ds 
montagnes  &  de  collines  où  il  n'y  a 
point  de  fontaines  &  de  fources  :  mais 
c'eft  qu'il  ne  fe  trouve  point  en  ces 
Iieux-là  de  lits  de  glaife  propres  & 
diipofez  pour  arrefter  ces  eaux  d'éva- 
poration  ,  ou  pour  les  conduire  de- 
hors ;  &  que  le  terrain  de  la  monta- 
gne fe  trouvant  eftre  tout  de  fable  ou 
iablon ,  fans  lits  de  glaife ,  ces  vapeurs 
eftant  montées,  l'eau  en  quoy  elles  fe 
font  converties  ne  pouvant  eftre  ar- 
rcftée  defcend  jufques  en  bas  flir  la 
melme  eau  d'où  elle  eft  oit  fortie  par 
évaporation  :  de  melme  qu'on  voit  que 
le  couvercle  d'vn  pot  où  il  y  a  de  l'eau 


DE  s    FO  N  T  A  I  N  ïï  s.         1^1 

qui  bout,  laifle  écouler  de  Feau  éva- 
porée hors  le  pot  par  l'extrémité  de 
Tes  bords  ou  il  ne  le  joint  pas ,  &  le 
furplus  delcend  dans  le  pot  meime  & 
fe  méfie  avec  la  mefme  eau  dont  elle 
seftoit  feparée  par  évaporation. 

Vne  autre  difficulté  fe  prefente  en- 
core ,  qui  eft  qu'entre  les  fontaines 
qu'on  voit  fur  le  penchant  des  colluies, 
les  vnes  coulent  toujours  d'vne  force 
à  peu  prés  égale  ,  d'autres  fouft>ent 
de  grandes  diminutions  en  Efté  & 
en  Automne ,  dautres  fe  feichent  en- 
tièrement ,  &  d'autres  ont  des  aug- 
mentations notables  &  extraordinai- 
res en  des  années  plus  qu'en  dau- 
tres ,  &  enfin  qu'il  n'y  en  a  point  qui 
ne  fouffre  dimmution  en  Efté. 

La  caufe  de  ces  inégalitez  ,vient  de 
la  diipofition  de  k  glaife  continue  qui 
eft  fous  les  plaines  bafles  &  fous  les 
montagnes,  je  veux  dire  que  quand 
la  pente  de  cette  glaife  n  eft  pas  tour- 
née vers  le  courant  de  la  Rivière ,  & 
qu'il  fe  fait  la  vne  cavité  où  il  de- 
meure beaucoup  d'eau  qui  ne  peut 
s'écouler  dans  la  Rivière  avec  le  refte , 
eu  bien  qu  il  fe  rencontre  quelqu  vn 


ici  De  l'Origine 

ou  plufieurs  de  ces  baflîns  dont  nous 
avons  parlé,  plus  grands  quen  d'autres 
endroits  ,  les  eaux  qui  y  demeurent 
pouvant  fournir  aux  êvaporations  con- 
tinuelles ,  les  fources  qui  en  font  pro- 
duites coulent  dVn  cours  continuel  Se 
prefque  toujours  égal ,  a  cauTe  qu'il  y 
a  de  la  matière  fuffifànte  pour  les  e  i- 
tretenir  en  cet  eftat  :  mais  quand  cette 
glaife  a  là  pente  vers  la  Rivière  ,  & 
qu'il  n  y  a  que  peu  de  ces  baflins ,  ou 
qu  ils  font  petits ,  ou  qu'il  n'y  en  a 
point  du  tout  ;  &  que  par  ce  moyen 
l'eau  qui  eft  dans  ces  (àbles  s'écoule 
vers  la  Rivière  ,  &  que  ces  baffins 
cftant  petits  font  bien-toft  vuidez, 
les  fontaines  en  reçoivent  des  diminu- 
tions différentes,  &  quelquefois  tarifa 
fent  entièrement  :  comme  aufll  au 
contraire  quand  l'eau  des  déborde- 
mens  des  Rivières  seft  élevée  allez 
pour  entrer  dans  des  bafïins  &  fur  des 
lits  de  glaife  plus  élevez  que  les  or- 
dinaires, ce  qui  n'arrive  pas  iouvent; 
alors  comme  il  y  a  vne  plus  grande 
matière  pour  l'évaporation ,  les  four- 
ces  en  deviennent  plus  fortes  &  ont 
des  écoulemens  copieux  &  abondans 
plus  qu'à  Tordmaire. 


D  E  s    FO  N  T  A  I  N  F  s.  1^% 

Ces  lits  ds  glaife  fur  lefquels  je  dis 
que  s'arrefte  l'eau  que  la  vapeur  a  pro- 
duite pourroient  faire  quelque  difficul- 
té, &  l'on  me  pourroit  dire  que  tant 
s'en  faut  quil  ny  ait  des  fontaines 
qu'aux  lieux  où  je' dis  qu'il  y  a  de  ces 
lits  de  2;laife,  qu'au  contraire  ce^feroïc 
en  ces  lieux-U  qu'il  devroit  n  y  en 
point  avoir ,  par  la  raifon  que  cette 
claiie  doit  vrailemblablement  empef- 
cher  la  vapeur  de  monter  plus  haut  : 
car  alors  l'eau  enquoy  elle  fe  leroit 
convertie  s'écouleroit  en  bas  au  lieu 
d'où  elle  eftoit  venue  en  vapeur  &  ne 
feroit  ooint  de  fources.  Mais  la  répon- 
fe  qu'il  y  a  à  cette  objedion  eft ,  que 
cette  glaife  eftaiit  de  mefme  tempéra- 
ture de  chaleur  ou  de  froidure  que  la 
terre  qui  la  fouftient  &  qui  la  couvre, 
elle  n  empefche  point  que  la  vapeur 
la  pénètre  comme  elle  a  fait  l'autre 
te-re;  cette  vapeur  continue  de  moi- 
ter  jufques  à  ce  quelle  ait  trouvé  ce 
qui  la  peut  faire  refoudre  en  eau,  & 
alors  elle  defcend  fur  cette  meime  glai- 
fe qu  elle  ne  peut  plus  pénétrer  eitant 
devenue  eau  comme  elle  avoit  tait 
quand  elle  n  eftoit  que  vapeur.  Cela 


tt^4'  De  l'O  r  I  g  I  n  e 
le  peut  aisément  comprendre  par  vne 
expérience  facile  à  faire  :  M.ettez  de 
leaii  dans  vn  pot,  couvrez-le  de  papier, 
&  par  deflus  mettez  y  Ton  couvercle  ac- 
couftumé  5  faites  boiiillir  Teau  durant 
quelque  temps ,  puis  oftez  le  couver- 
cle 5  vous  verrez  que  le  papier  (èra  tout 
couvert  d^eau  ,  &  que  cette  eau  ne 
pourra  pafl'er  à  travers  ce  papier  pour 
tomber  dans  ce  pot  :  cependant  cette 
eau  eft  venue  de  la  vapeur  de  celle  du 
pot  qui  a  monté  &  qui  a  traversé  ce 
papier  fans  aucune  dijSculté  ,  à  caufe 
qu'il  eft  oit  entre  leau  bouillante  &  le 
couvercle  du  pot ,  &  qu  il  s  eft  trou- 
vé de  mefiîie  température  que  toute 
la  capacité  du  pot  jufques  à  fou  cou- 
vercle :  Mais  quand  cette  vapeur  a 
rencontré  le  couvercle  dont  la  tempe- 
rature  &  la  folidité  différentes  de  cel- 
les de  la  capacité  de  ce  pot ,  l'ont  fait 
convertir  en  eau  ;  cette  eau  defcen- 
dant  fur  ce  mefine  papier  que  la  va- 
peur avoit  traversé  ,  s'y  arrefte  fans 
qu'elle  puifle  le  pénétrer  ,  à  caufe. 
quelle  eft  vn  corps  plus  épais  &  plus 
ferré  que  n'efl  vne  vapeur. 

Voilà  quelle  eft  mon  opinion  de 


D  E  s    FON  T  A  I  NE  s.  05^ 

l'Origiae  des  Fontaines ,  &  de  quelle 
façon  je  conçoy  que  le  meut  cette  ma- 
chine. Lefyfteme  quej'en  eftabliseft 
d'autant  plus  à  recevoir  ,  à  l'exclufioa 
de  tout  ce  que  fe  ibnt  imaginé  ceux 
dont  j'ay  rapporté  les  opinions  ,  s'il 
meft  permis  de  parler  de  la  forte , 
qu  il  eft  tres-fimpîe  &  très-naturel.  Il 
n'y  a  rien  de  difficile  à  entendre ,  rien 
de  nouveau  à  concevoir,  nen  à  (iip- 
pofer  gratuitement  ny  parniiracle^ 
tout  eft  évident ,  tout  eft  commun , 
tout  eft  connu  &  receu  de  tout  le  mon- 
de 5  &  peut-eftre  auOl  que  pour  cette 
railbn  Ton  me  pourra  dire  que  j'ay  fait 
de  grands  efforts  pour  trouver  vne  cho- 
fe  ou  il  n'y  avoit  point  de  difficulté. 
Q^il  n'y  a  prefque  perfonne  en  ce 
tcmps-cy  qui  ne  croye  &  ne  foit  per- 
{iiadè  que  les  fontaines  Ibnt  causées 

f)ar  les  eaux  de  la  pluye  &  des  neiges 
ondués  3  &  qu  il  importe  peu  que  ce 
foient  les  fontames  qui  fafTent  les  ri- 
vières ,  ou  que  ce  foient  les  rivières 
qui  faflent  les  fontaines ,  puis  que  les 
vaes  &  les  autres  viennent  de  la  pluye; 
&  aufîi ,  que  je  ne  fuis  pas  le  premier 
qui  ait  parlé  de  ces  grands  reiervoirs 


t')6  De   l'Origine 

d'eaux  fous  la  Terre  ,  puis  que  ceft 
la  première  pensée  des  Phiîofophes 
anciens.  Mais  ceux  qui  raifonneront 
de  la  forte  feront  bien  connoiftre  le 
peu  de  reflexion  qu'ils  auront  fait  fur 
cette  matière ,  &  combien  ils  font  peu 
capables  d'en  juger.  Il  eft  vray  que 
le  vulgaire  ,  fans  que  par  ce  terme  )e 
veiiille  diminuer  le  mente  de  ceux 
qui  fiiivent  cette  opinion ,  il  eft  vray, 
dis-je,  que  le  vulgaire  &  moy  n'avons 
qu'vn  mefme  principe  :  mais  la  matiè- 
re de  s  en  fervir  eft  bien  différente 
entre  luy  &  moy.  Le  vulgaire  prend 
pour  caufe  des  fontaines  les  eaux  des 
pluyes  3  &  je  fais  voir  que  félon  la 
manière  dont  il  croit  que  cela  (è  fait  ^ 
les  eaux  des  pluyes  ne  (çauroient  y  fuf- 
fire  ny  mefine  faire  couler  vne  goutte 
d'eau  par  les  ouvertures  des  fources  ^  & 
moy  qui  prens  aufTi  le  mefme  principe , 
je  fais  voir  qu'il  y  a  des  eaux  de  refte  & 
cinq  fois  plus  qu'il  n'en  faut  pour  y  fa- 
tisfaire  &  à  tous  les  déchets  pofllbles. 
Ce  n  eft  pas  aflbz  pour  expliquer  vne 
machine  que  d'en  faire  connoiftre  feu- 
lement le  principe ,  vn  bon  Mechani- 
çiea  examine  jdques  à  la  moindre 

corde 


D  E  s    FO  N  T  A  I  NE  s.  2^7 

Corde  ,  &  jufques  à  la  plus  petite  che- 
ville de  celle  qui  luy  eft  prefentée, 
avant  quil  crove  la  biea  connoiftre, 
quelquefois  tout  le  fecret  coniTfte  dans 
la  moindre  pâme.  Seroit-ce  aflèz 
pour  me  faire  entendre  ce  que  c'eft 
quvne  horloge  que  de  me  dire  ieu- 
le  ment  que  Ion  mouvement  eft  cause 
par  \-n  reilbrt  ou  par  vn  contrepoids,  & 
qu'il  eft  aisé  de  voir  que  cela  eft  ainfi , 
puis  que  quand  Tvn  ou  l'autre  manque 
îe  mouvement  cefle  ;  &  que  félon  qu'ils 
font  plus  ou  moins  torts  ou  pefans  l'hor-- 
loge  va  plus  ou  m.oins  vifte  ?  De  mef- 
me  que  font  quelques-vns  qui  difenr, 
que  pour  preuve  que  les  eaux  qui  font 
dans  les  puits  viennent  de  La  pluve, 
c  eft  que  durant  la  leicherefTe  il  n^  a. 
point  d  eaux  dans  les  puits ,  &  qu'au- 
contraire  il  y  en  a  beaucoup  quand  il 
a  beaucoup  plu.  Tout  cela  ne  me  dit 
point  ny  comment  cette  eau  de  pluve 
entre  dans  ces  puits  ,  ny  auffi  com- 
ment cette  horloge  fait  marcher  (bn 
aiguille  avec  tant  de  juftefte  :  com- 
ment elle  fait  former  a  (on  timbre  les 
heures  H  à  propos,  &c.  Et  comme  je 
me  puis  imaginer    plufîeurs   mDye-is 

Y 


25B        De   l'Origine 
pour  IVn  &  pour  l'autre ,  ce  ne  fera 
pas  par  ces  priacipes  connus  que  je. 
les  découvriray.  Eft-ce  que  M'  Ha- 
guens  qui  a  invente  l'horloge  à  peidu- 
le,  na  rien  inventé  de  nouveau  ?  Les 
gens  dont  je  parle  diront  que  non, 
pource  que  cette  manière  d'horloge, 
diront-ils ,  eft  faite  comme  vne  autre  ; 
elle  a  non  feulement  vn  contrepoids 
ou  vn  reflort  comme  les  autres  horlo- 
ges 5  mais  auffi  elle  a  des  roues  &  des 
pignons,  avec  les  mefines  nombres  de 
dents  que  toutes  les  autres  ;  &  que- 
cette  petite  verge  de  fer  qui  va  dVn. 
coftè  &  d  vn  autre  ,  ou  eft  toute  la 
différence ,  eft  trop  peu  de  chofe  pour 
en  faire  tant  de  cas  &  s'écrier  comme 
Ton  fait.    Quant  à  ce  qui  eft  de  ces 
gi*ands  refervoirs  d'eaux  dont  l'anti- 
quité a  fait  mention  fous^  le  nom  de 
lacs  fouften'ains  ;  l'oferay  dire  que  ceux 
qui  en  ont  parlé  ne  fçavoient  guère 
ce  qu'ils  difoient.  Ils  vouloient  aue  ce 
fuilent  des  eaux  vives  &  étemelles  ,& 
cela  eftoit  pluftoft  vne  couverture  à 
leur  ignorance  qu'vne  venrable  pen- 
sée fondée  fur  quelque  chofe  de  folir 
de.  Auffi  Anftote  i  a  coadainnée  comr 


D  E  s    FO  N  T  A  I  N  E  s.  ^     1^9 

nie  eftaiit  lans  apparence,  &:  fi  ceux: 
cm  l'avoieiit avancée  reuffeiit  conceuc 
lis  fe  lufTeiit  mieux  expliquez  qu'ils 
n'ont  tait,  l'ay  fait  voir  dans  la  réfle- 
xion fur  ropinion  d'Ariftote  que  ces 
lacs  foufterrains  eftoient  imaginaires 
&  inutiles  pour  les  lources  de  h  façon 
qu'ils  font  rapportez. 

Mais  je  n'ay  rien  à  répondre  a  des 
gens  qui  raifonneroient  de  la  lorter 
ce  n'eft  pas  d'eux  que  )'ay  entendu 
parler  au  commencement  de  ce  Dii- 
cours,  quand  j'ay  dit  que  je  m'efton- 
nois  pourquoy  tant  d'habiles  perfon- 
nages  traitoient  l'Origine  des  Fontai- 
nes avec  vne  fi  grande  négligence ,  & 
pourquoy  ils  ne  mettoient  pas  vne  par- 
ne  de  leur  application  à  cette  recher- 
che 3  fi  de  telles  perfonnes  y  avoieiit 
pensé  plus  profondément  ,  ils  le  fe- 
roient  avifez  aufli-biea  que  moy  de 
ce  qui  m'efi:  venu  en  l'eCprit^  &  s'ils 
n'en  avoienr  efté  perluadez  ils  en  au- 
roient  du  moins  fait  la  remarque,  & 
auroient  par  avance  refuté  mon  para- 
doxe. Car  fi  l'on  y  prend  garde  pas 
vn  de  ceux  qui  ont  traité  cette  matiè- 
re, non  pas  m^elme  Lvdiat  ar  le  Pei^ 

Y   1, 


i6o  De  l'Origine 
Schottus ,  qui  en  ont  éciit  de  propos 
délibéré ,  ne  Ta  approfondie  ni  fait  feu- 
lement de  reflexion  fur  labondance 
ou  modicité  des  eaux  des  pluyes ,  ny 
fongê  ce  qu  elles  peuvent  devenir ,  ny 
fur  ces  eaux  douces  qu  on  trouve  par 
tout  fous  les  plaines  bafTes  &  dans  le 
tond  des  montagnes  j  pas  vn  n'a  voulu 
examiner  la  poilîbilité  de  cette  pré- 
tendue pénétration  de  la  Terre  par  les 
eaux  de  la  pluye,  ny  confîderer  de 
prés  ces  prétendues  Iburces  du  fond  de 
la  Mer  &  des  Rivières ,  &  tant  d'au- 
tres circonftances  que  je  nay  pas  re- 
marquées ,  &  quaflurément  ils  au- 
roient  découvertes  pluftoft  que  moy 
s'ils  y  avoient  apporté  le  memie  foin 
avec  lequel  ils  font  leurs  obiervations 
iur  toutes  fortes  de  chofes  ;  Car  quoy 
que  je  me  fois  peut-eftre  un  peu  trop 
eftendu  fiir  cette  matière ,  j  enay  laifsè 
encore  à  dire  plus  que  je  n'en  ay  dit, 
que  j  ay  retranché ,  pour  abréger  va 
Difcours  quin  eft  déjaque  trop  long. 

Qupy  qu'il  en  foit  il  me  fuffit  d  eftre 
en  quelque  forte  venu  à  bout  de  mon 
deflèin ,  &  d  avoir  fait  voir  contre  To- 
pinion  de  la  meilleure  Philofophie, 


DESFONTAINES.  2(^t 

que  les  Fontaines  peuvent  eftre  pro- 
duites par  les  pluyes  ,  &  d*en  avoir 
imaginé  la  manière  &  expliqué  les 
moyens  ;  &  enfin  d  avoir  eftably  ce 
paradoxe  que  j  ay  avancé  dés  le  com- 
mencement de  mon  opimon  :  que  les 
Fontaines  ne  font  point  la  cau/e  des 
Riyieres  :  mais  que  ce  font  les  Riyieres 
qui  font  la  caufe  des  Fontaines  ,  &  que 
\  s'il  ny  ayoit  point  de  Riyieres  il  ny 
!  auroit  point  de  Fontaines,  Cette  pro- 
pofition  n  a  point  encore  efté  avancée 
par  perfonne  que  je  fçache  ;  &  tout  ce 
quil  y  a  de  Philolophes  a  tellement 
cru  le  contraire ,  que  quand  ils  ont  par- 
lé de  rOrigme  des  Fontaines  ils  ont 
entendu  parler  auflî  de  celles  des  Ri- 
vières, comme  les  Rivières  ne  pouvant 
ny  avoir  naiflance ,  ny  fubfifter  Tans 
les  Fontaines. 

a  Platon  dit  que  les  eaux  de  fbn  Ba- 
ratre  ou  Tartare  s'élèvent  jufques  aux 
fontaines  qu'elles  font  couler ,  &  par 
confequent  les  rivières. 

b  Ariftote ,  que  plufieurs  petites  fon- 

éln  Thœd.  Per  fofdem  canales exundare  iude  adfonte» 
•  rfque,  itaque  fluvios  gignere. 

y  Vbi  plur»s  coierinc  fontes  majores  procreare  ex  qui- 
bui  auvioU  primu»  dicuncur,ac  deinceps  flumina  magoa 


2(?î  De  l'Origine 

taines  aflemblées  en  forment  de  plu? 
grandes  d'où  font  produits  de  petits 
neuves ,  qui  dans  la  fuite  &  par  la  ren- 
contre de  plufieurs  autres  fleuves  fem- 
blables ,  deviennent  de  très- grands 
fleuves. 

c  Epicure  dit  auffi  que  les  plus  grands 
fleuves  font  caufezpar  lesécoulenieas 
des  fontaines, quoy  que  petites  chacune 
en  particulier ,  &  qui  dépendant  des 
montagnes  fe  rencontrent  &  font  enfin 
vn  feul  fleuve. 

d  Cardan,  que  les  eaux  fe  joignant 
dedans  &  dehors  la  Terre  coulent  en 
ruifleaux ,  &  que  plufieurs  fe  rencon- 
trant &  fe  joignant  enfemble  font  vn 
fleuve. 

€  Molina ,  que  les  fleuves  font  faits 
par  les  fontaines. 

Lydiat  dans  (on  Traité  qui  porte 
pour  titre  ^  de  l'Origme  des  Fontaines , 

ex  plurium  pluriumque  acceflîone  fiant. 

e  Diog.  Laercedans  Gaffenit  p.  yx.  Caetera  autem  majo- 
ra fluenta>  ex  hifce,  tametfi  figillatim  paruis  creancur, 
dum  in  convalles  multas  defluunt ,  &  harum  alix  in  alias 
abeunt ,  inque  vnum  tandem  alveum  coalefcunt. 

d  Cari,  de  fubtilitAte  l.  z.  pAg.  iij,  Senfim  igitur  inrra 
extraque  rivuli  coafta  aqua  effluunc  ,  atque  muiti  in 
VJium  coeuntes  flumen  efîiciunt. 

«  Fontes  exquibus  conficiuntur  flumina. 


DES  Fontaines.  k^^ 
parle  indifféremment  des  fontaines  (3c 
ce  des  rivières. 

aLoÇTius  dit,  que  les  fleuves  font 
Câulez  par  la  rencontre  de  plufîeurs 
fontaines  qui  s'aflemblent  &  le  joi- 
gnent enfemble. 

b  M'  Defcartes,  que  pluficurs  ruif- 
feaux  des  fontaines  affemblez  compo- 
fent  des  fleuves. 

c  GafTendidit  que  les  fleuves  tirent 
leur  origine  des  fontaines. 

d  Schottus  dit  aufTi  que  les  fontair- 
nés  font  l'origine  des  fleuves. 

€  M'  Rohault,  que  les  Rivières  font 
les  amas  des  fontaines. 

f  Le  Père  François ,  que  toutes  Iss 
eaux  ont  pour  principe  l'eau  de  pluve, 
qui  eftant  tombée  dans  la  terre  fe  fait 
eau  de  puits ,  en  Ibrtant  devient  fon- 
taine &  de  fontaine  nviere.  Il  ditaulîi 
que  les  lources  font  la  caufe  de  tous 


a  LeJ?:us.  Ex  fontibus  autem  in  vnum  alveum  con- 
fl  jentibus  flumina  exiftunt. 

b  Defcttr.  p.  119 ,  Ibi  fontes  fcaturiunt  quorum  rivuli 
muki  fimul  congregaci  flumina  componunt. 

c  Gajf.  p.icyi.  De  origine  fontium  àquibus"  deincepi 
âu'/ii  originem  ducere  dicjncur. 

d  Schot.  p.  9.  Fontes  qui  funt  fluminum  origines. 

e  Roh.  p.  zjo.  La  piufpart  des  fourcet  »e"  tarifent  ptinS 
&  Ut  mieru  qui  en  font  Ut  amat. 


164'        I^E  l'Origine 

les  amas  d'eaux  vifibles. 

Enfin  l'on  n  auroit  jamais  fait  fi  l'on 
vouloit  rapporter  tout  ce  qu'il  y  a  de 
témoignages  fiar  ce  fiijet ,  tant  il  eft 
confiant  que  toute  la  Philofophie  an- 
cienne &  moderne  a  toujours  cru  que 
les  fontaines  efiioient  le  principe  des 
fleuves  ;  &  c'efl:  ce  qui  efl:  caulè  que 
tous  les  Philofbphes  qui  ont  parlé 
fiir  ce  fiijet ,  n'ont  point  trouvé  de  plus 
grande  difficulté  que  dans  la  recher- 
che de  la  matière  de  ces  grands  écou- 
lemens  continuels ,  fiir  ce  faux  princi- 
pe que  les  fontaines  en  efl: oient  la  eau- 
fe  ;  &  c'efl:  ce  qui  a  fait  recourir  les 
vns  aux  eaux  actuelles  de  la  Mer ,  les 
autres  à  des  eaux  vives  &  naturelles 
(ans  dire  quelles  elles  font,  amafiées 
dans  la  terre  en  grande  abondance  de 
retenues  enreferve  dans  de  grands  lacs 
qu'ils  s' 7  font  imaginez;  les  autres  à 
des  convertiflemensde  vapairs  en  eaux 
par  le  moyen  des  teux  foufterrains ,  ou 
de  l'élément  mefme  de  l'air  en  ceîuy 
de  l'eau;  &  ce  qui  les  a  empefché  de 
fonger  aux  eaux  des  pluyes  ^  a  efté 
qu'ils  ne  les  ont  pas  eftimées  (uffilan- 
tes,  à  caule  qu'ils  voyoïent  qu'il  ne 

pleuvoir 


DE  s  Font  A  INE  s.  :<^5 
pîeuvoit  pas  toujours  &  que  h  plus  gran- 
de partie  de  ces  eaux  deiceadoit  des 
montagnes  dans  les  rivières  &  delà  dans 
la  Mer ,  &  que  le  furplus  tomboit  ou  (ur 
les  plaines  baflès ,  ou  elles  ne  pouvoient 
rien  contribuer  à  la  produélion  des  ton- 
taines  qui  font  aux  lieux  élevez ,  ou  bien 
tomboit  fur  les  plaines  hautes  où  elle 
cftoit  confiimée ,  ou  en  vapeurs  pour 
faire  d'autres  pluyes ,  ou  en  nourriture 
pour  leaçlantes,  lesherbes  &  les  arbres. 
Mais  outre  ce  faux  principe  ou  lîs 
fe  font  arrêtez ,  ils  fe  font  encore  ima- 
giné qu'il  v  avoit  bien  plus  de  fontai- 
nes quil  n'y  en  a  en  effet,  ils  ont  ap- 
pelle de  ce  nom  tout  ce  qu'ils  ont  veu 
d'eaux  lortir  &  couler  hors  de  terre , 
loit  au  haut  des  montagnes  foit  au  bas, 
ibit  dans  les  plaines ,  ou  au  fonds  mxf- 
nie  des  Rivières  &  de  la  Mer  ;  en  quoy 
ils  fe  font  bien  mépris ,  &  par  la  le  font 
fait  de  grandes  affaires.  Car  il  faut  qu'ils 
demeurent  d'accord  qu'il  n'y  a  de  vé- 
ritables fontaines  que  celles  qui  vien- 
nent d'vn  lieu  plus  élevé  que  n'eft  le 
courant  d'vne  rivière  prochaine  •  tout 
le  refl:e  doit  eftre  foupçonné  n'eftre 
que   des  écoulement  de  ces  nvieres 

Z 


2é6  De  l'Origine 

voifînes  5  qui  s  écartant  dans  les  fables 
à  droit  &  à  gauche  y  rencontrent  des 
lits  de  glaife,  dont  la  pente  ne  fuit  pas 
celle  du  lit  de  la  rivière  d'où  ils  for- 
tent  5  &  qui  eftant  fouftenus  prefque 
de  niveau  par  vn  long  efpace  de  che- 
min, coulent  doucement  fous  la  plai-  ' 
ne  ou  fous  la  cofte  entre  les  pierres 
du  tuf  5  &  enfin  viennent  à  fortir  par 
vne  ou  plufieurs  ouvertures  qu  elles  fe 
font ,  &  qui  le  trouvent  elq^  en  ce 
lieu-là  beaucoup  plus  hautes  que  le 
courant  de  la  rivière ,  ce  qui  les  fait 
prendre  pour  des  lources.  Il  en  eft  de 
mefiîie  de  ces  fources  qu'on  dit  eftre 
dans  de  certains  puits  dont  le  fonds  eft 
plus  élevé  que  le  courant  prochain  des 
nvieres ,  &  que  par  cette  raifon  Ton  ap- 
pelle fources  ;  ce  ne  font  point  de  vé- 
ritables (burces ,  ce  font  de  ces  mef^ 
mes  écoulemens  dont  on  rencontre  le 
cours  dans  ces  puits  3  celles  qu'on  trou- 
ve dans  les  mines ,  au  fonds  des  riviè- 
res, &  au  fonds  de  la  Mer  mefme, 
font  encore  moins  des  fources  que  les 
autres  :  car  ce  ne  font  que  des  eaux  qui 
viennent  par  vn  cours  naturel ,  ou  des 
rivières    aalentour  ,  ou  des   plaines 


DESFONTAINES.  id/ 

meirnes  qui  lont  remplies  par  toute 
leur  efteiiduê ,  comme  nous  avons  dit, 
des  eaux  que  les  rivières  leur  ont  com- 
muniquées 5  &  qui  rencontrant  des  ca- 
naux bien  joints ,  comme  il  y  en  a 
beaucoup  dans  la  terre ,  te  conduit ent 
au  fonds  de  la  Mer&  des  Rivières  par 
les  ouvertures  qu  elles  s'y  tont. 

Pour  faire  voir  qu'il  y  a  des  riviè- 
res qui  ont  des  pentes  plus  fortes  que 
d'autres ,  de  en  des  endroits  plus  qu'en 
d  autres ,  je  rapporteray  icy  deux  exem- 
ples ,  l'vn  eft  de  la  rivière  d'Eftam- 
pes ,  diftanre  de  la  ville  de  Paris  d'en- 
viron fept  lieues,  qui  entre  dans  la  Ri- 
vière de  Seine  à  la  ville  de  Corbeil. 
L'on  a  eu  deflein  n  aguere  de  tirer  des 
eaux  de  cette  rivière  vn  peu  au  deflus 
de  fon  embouchure  pour  les  condui- 
re à  Pans ,  &  les  livrer  fur  le  haut  de 
la  montagne  de  (ainte  Geneviève,  qui 
eft  élevée  de  plus  de  cent  pieds  au 
deflus  du  courant  de  la  Rivière  de  Sei- 
ne en  ce  lieu-la.  le  fçav  bien  qu  on  a 
voulu  trouver  de  là  difficulté  au  dei- 
iein  qui  en  a  efté  proposé ,  à  ciufe 
qu'on  prétendoit  que  la  pente  a  eitoit 
pas  fuffifante  pour  livrer  ces  eaux  au 

Zi, 


z6%  Dïï   l'Or  îGi  ne 

lieu  où  Ton  le  propoioit  :  mais  quand 
il  y  auroit  eu  quelque  chofe  à  dimi- 
nuer de  cette  élevatioa  (  quoy  que  je 
fouftienne  qu'il  ne  faut  point  de  pen- 
te pour  conduire  de  1  eau  ,  &  que  la 
pente  ne  lert  que  pour  la  faire  couler 
avec  plus  de  vîtefle  )  il  eft  toujours 
certain  que  ces  eaux- la  pou  voient  eltre 
conduites  en  vn  lieu  beaucoup  plus 
élevé  que  le  courant  de  la  Rivière  de 
Seine,  &  aflèz  pour  à  leur  (ortie  pal- 
ier pour  vne  fource  qui  auroit  paru 
prodigieufe  à  celuy  qui  n  auroit  pas 
Iceu  ce  que  c  euft  efté. 

L  autre  exemple  eft  de  la  Rivière 
d'Orne  en  Normandie  ,  laquelle  a  de 
pente  depuis  Argentan  jufques  à  Caeii 
trois  cens  quarante  pieds,  &  fait  de 
continuelles  cafcades.  Cette  pente  a 
efté  examinée  par  ordre  du  Roy ,  & 
fe  peut  encore  aisémeat  juftifier  par 
les  moulins  qui  Ibnt  iur  cette  rivière , 
doat  les  chutes  prouvent  cette  venté. 

Si  donc  il  s'échappoit  fous  terre  des 
eaux  de  ces  deux  rivières  &  qu  elies  y 
trouvaflènt  quel.]ues  canaux  favora- 
bles ,  dont  la  pente  feroit  plus  dju- 
ce  que  celle  de  ces  rivières ,  &  que 


DE  s  Font  A  ïNE  5.  jd'^ 
ces  eaux  qui  auroient  coulé  dans  ces 
canaux ,  vinflent  à  lortir  iur  le  pen- 
chant de  quelque  montagne,  à  la  hau- 
teur que  j'ay  dit  ou  environ ,  n'appel- 
leroit-on  pas  ces  eaux- la  des  fources, 
du  moins  elles  en  auroient  toutes  les 
qualitez  :  elles  feroient  fraifches  &  tie- 
des  en  leurs  faifons,  elles  augmente- 
roient  &  diramueroient  de  melme, 
elles  feroient  claires ,  nettes  &  douces, 
&  fi  ces  eaux  eft oient  en  abondance, 
comme  elles  le  pourroient  eftre  par  la 
bonté  &  heureufe  conftrudion  de 
leurs  canaux,  ne  s'efronneroit-on  pas 
de  cette  grande  eniifion  ?  &  n  auroit- 
on  pas  fujet  de  douter  qu  vne  évapo- 
ration  îîmple  puft  caufer  vn  fi  puif- 
fànt  effet  ? 

La  difficulté  que  Ton  pourroit  faire 
feroit  flir  ces  canaux  foufterramsdont 
il  y  auroit  lieu  de  douter ,  &  principale- 
ment pour  ce  qui  eft  de  leur  fidélité 
à  confen'er  les  eaux  fans  les  laifièr  é- 
couler  :  mais  fi  Ton  y  veut  bien  pen- 
fer,  la  chofe  ne  fe  trouvera  pas  fi  difïî- 
cile  qu'il  femble ,  pource  qu'il  n'efl  pas 
befoin  d'vne  fi  grande  fidélité  à  ces  ca- 
naux pour  opérer  ce  que  je  viens  de 

Z  ùj 


270  r>  E    l'O  R  I  g  I  N  E 

dire.  le  ne  parle  que  des  eaux  qui 
C3ulerit  naturellemerit  &  làns  contrain- 
te, je  ne  fiippofe  leule-neit  quVne 
pente  moins  forte  que  celle  des  riviè- 
res d  3Û  elles  font  (orties,  ce  qui  (e 
peut  faire  mefme  fans  canaux.  Il  n  y 
a  qu  à  s'imaginer  vne  longue  goutiere 
de  glaife  ,  ou  vn  enfoncement  dans 
celle  qui  eft  continue  dans  les  plaines, 
dont  la  pente  foit douce,  fur  laquelle 
Peau  coulera  tacilement  kns  s  écarter 
de  cofté  ny  d'autre  :  Mais  quand  mef- 
me il  faudroit  lùopofer  des  canaux 
bien  joints  &  bien  fermez,  comme  en 
effet  il  eft  befoin  qu'il  y  en  ait  de  tels 

fKour  caufer  ces  prétendues  fources  dans 
e  fonds  des  Rivières  &  de  la  Mer  ;  il 
n'y  a  rien  en  cela  de  contraire  ny  à  la 
vérité  ny  à.  la  vrailemblance.  Il  y  a 
aflez  de  fontaines  qui  ne  peuvent  a- 
voir  d'autre  caulè  que  celle-là.  Pier- 
re De  la  Vallée  rapporte  que  dans  les 
Ifles  Strophades ,  félon  le  récit  que 
luy  en  firent  les  Religieux  qui  les  ha- 
bitent, il  y  a  vne  fontaine  qui  doit 
avoir  fa  fburce  dans  la  Morée  ,  & 
qu  ds  croyent  venir  de  ce  lieu  de  terre 
ferme  jufques  dans  ces  Ifles  par  dellbus 


DES  Fontaines.  ^^  i-t 
h  Mer  ,  pource  qu'il  Tort  afîez  loii- 
venc  avec  Teau  de  cette  foiitai'ie  des 
choies  qui  ne  peuvent  venir  que  de  la, 
év  qu'il  ei  eft  lortv  vne  t^is  vne  taiîe 
à  boire,  faite  d vue  courge  garnie  d  ar- 
gent. 

Vn  célèbre  Aftronome  de  l'Acade- 
nue  royale  m'a  dit  avoir  veu  à  Mode- 
né  foiiiller  de  la  terre ,  où  après  avoir 
creusé  vn  peu  avant  Ton  rencontra  vne 
eipecede  lablon  gras  ,  le-]uel  foudaia 
s  éleva  comme  fi  c  euft  efté  de  la  pafte, 
&  enfin  fe  creva,  d'où  il  lortit  de  1  eau 
en  abondance  ,  laquelle  eau  Ton  fit 
monter  plus  de  fix  pieds  plus  haut  que 
le  terrain  d'alentour ,  par  le  moyen 
d\'a  tuyau  qu'on  joignit  à  ce  làbbn 


gras. 


Tay  veu  à  la  campagne  deux  fon- 
taines dans  vn  pré  éloignées  Tvne  de 
J  autre  d'environ  cent  toifes ,  dont  on 
vouloit  faire  conduire  les  eaux  dans 
va  canal  au  bas  de  ce  pré.  Comme 
1  on  eut  fait  faire  vne  tranchée  pour 
recevoir  F  eau  de  celle  qui  eftoit  la 
plus  haute ,  Ton  vint  avertir  qu'il  n^y 
avoit  plus  d^eau  dans  l'autre  fontaine: 
on  ie  douta  de  ce  que  c  eftoit ,  &  pour 

Z  iiij 


272  De  l*0 r I g I n  e 
en  eftre  aflîiré  Toa  fie  refermer  la  tran- 
chée &  remettre  la  première  fontaine 
en  fon  premier  eftat  :  alors  celle  qui 
s'eftoit  tarie  recommença  de  couler  ; 
ce  que  Ton  réitéra  par  plufieurs  fois 
avec  vn  femblable  liiccés ,  &  cela  fe 
faifoit  avec  autant  de  promtitude  &  de 
facilité  que  s*il  y  euft  eu  communica- 
tion de  IVne  à  l'autre  par  des  tuyaux 
bien  joints. 

En  Normandie  ,  les  Rivières  de 

Drome  &  d^Aure  le  joignent  prés  de 

Bayeux  en  vn  eidroitoû  elles  feper-' 

dent  appelle  la  folFe  du  foucy^diftantde 

la  Mer  dVne  bonne  lieue  ;  ce  qui  caufe 

cette  fofTe  eft  qu'il  s  eleve  en  ce  Iieu-là 

vne  colline  qui  s'oppofe  au  cours  de 

ces  deux  rivières ,  &  les  empeichedc 

]e  continuer  vers  la  Mer ,  ou  elles  ne 

laiflènt  pas  daller  en  paflànt  par  def^ 

fous  cette  colline  :  ce  que  Ton  juge 

3arcc  que  quand  la  Mer  s  eft  retirée 

'on  voit  fortir  du  fonds  du  rivage  à 

'oppofite  de  cette  colline  beaucoup 

d'eau,  que  l'on  croit  eftre  celle  de  ces 

deux  rivières ,  qui  s'élève  à  gros  boiîil- 

lons  de  trois  ou  quati'e  pieds  de  haut 

par  des  ouvertures  qui  font  dans  1«5 


DES  Fontaines.  175 
pierres  dont  tout  le  rivage  eft  compo- 
sé. Cette  eau  eft  douce  &  fort  claire, 
&  ne  fortiroit  point  à  bouillons  s  il  n  y 
iwoit  des  canaux  fous^  la  terre  capa- 
bles de  la  tenir  enfermée  afîez  pour  la 
faire  jaillii'  comme  elle  fut  ,  autre- 
ment elle  couleroit  paifiblement  Se 
fans  violence. 

Prés  de  la  ville  de  Vermenton  ea 
Bourgogne  ,  a  vne  demy  lieue  d>a 
village  nommé  Arcy ,  il  y  a  vne  caver- 
ne ious  terre  dVne  longueur  &  d  vne 
capacité  eftonnante:  l'on  l'appelle  les 
grottes  d'Arcy,  a  caufe,  comme  jecroy, 
du  voifinage  de  ce  lieu ,  &  des  con- 
gélations différentes  &  admirables  qui 
s  y  voyent  en  quantité  ,  repreientant 
les  rocaïUes  des  grottes  de  nos  jardins. 
l'en  feray  icy  vne  deicription  fomniai- 
re  qui  ne  fera  pas  inutile  à  monfujet, 
ny  peut-eftre  defagreable  à  entendre^ 
&  je  m'affure  que  Ion  ne  fera  pas  fal- 
ché  fi  ce  récit  Interrompt  la  fuite  de 
mondilcours  pour  quelque  temps, non 
plus  que  je  ne  l'ay  point  eftê  quand 
la  curiofité  de  voir  ces  grottes  m'a  fait 
détourner  de  mon  chemjn.  Ce  village 
d'Arcy  eft  fur  le  bord  dVne  petite 


274         De  l'Origine 

rivière  nommée  la  Cure  ,  à  peu  prés 
de  la  force  de  celle  d'Eftamoes.  En 
ce  heu  d'Arcy  ou  le  vovent  les  re^es 
dvQ  vieux  pont  ruiné,  finit  vn  graad 
demy  cercle  que  le  cours  de  cette  ri- 
vière a  commencé  à  vn  quart  de  îieuè' 
au  deflus,  &dans  lequel  elle  eiferme 
vne  portion  de  terre  qui  deiiend  de 
tous  les  collez  vers  cette  rivière ,  com- 
me font  les  codes  dVn  vi^aoble;  le 
deflus  eft  plat  a  Tordinaire  r&  ce  font 
des  terres  labourées  &  cultivées  com- 
me ailleurs.  A  l'endroit  où  commen- 
ce ce  demy  cercle  eft  vne  grande  ar- 
cade d  environ  quinze  toifes  de  large, 
dvne  roche  naturelle,  dont  le  cein- 
tre  eft  comme  celuy  de  l'arche  dVa 
pont  qui  auroit  Tes  deux  bafes  enfon- 
cées dans  la  terre ,  &  dont  on  ne  ver- 
roit  que  le  tiers  :  cette  arcade  tient 
dvn  cofté   feulem.ent  à  vne  longue 
iuite  de  rochers  efcarpez  &  afièz  hiits 
qui  bordent  la  cofte  en  cet  endroit 
en  remontant  félon  le  cours  de  la  ri- 
vière- c'eft  par  cette  arcade  que  Ion 
entre  dans  ces  grottes  en  traverCmt 
quelques   brouflàiUes.   L  entrée  n'eft 
pas  difficile  d'abord,  mais  quand  on  a 
marché  quinze  ou  vingt  pas^  le  terraia 


DES  Fontaines.  27Ç 
qui  s'eleve  fous  la  voûte ,  laquelle  eft 
ceirirrée  comme  l'arcade  ,  oblige  à  fe 
bailler  pour  pafîer  deffous  &  pour 
delcendre  iubirement  lur  le  vray  ter- 
rain ou  plattonds  de  la  grotte.  Elle 
paroift  d  abord  de  la  largeur  de  huit 
ou  dix  toiles  ;  mais  fa  longueur  qui 
eft  de  deux  à  trois  cens  toifes ,  ne 
le  peut  appercevoir  à  caufe  des  ténè- 
bres de  ce  lieu  quil  faut  éclairer  avec 
plufieurs  flambeaux.  L'on  voit  feule- 
ment que  les  congélations  font  fort 
blanches  comme  li  elles  eftoient  de 
plaftre.  A  meiure  qu  on  avance  la 
voûte  femble  s'élever,  foit  quen  ef- 
fet elle  s' eileve  ,  ioit  que  le  terrain 
s'abailTe,  ou  tous  les  deux  eniemble, 
en  des  endroits  elle  paroifl  haute  de 
vingt  pieds ,  en  d'autres  de  vingt-cinq, 
&  en  d'autres  de  trente.  Il  y  a  deux 
chemins  pour  aller  dans  le  fonds  de 
cette  caverne  qui  fe  rejoignent  à  tren- 
te ou  quarante  toifes  de  la  ;  celuy  de 
mam  gauche  eft  plus  difficile  a  caufe 
des  pierres  ou  congélations  qui  fer- 
ment le  paflàge  ,  ôc  qui  ne  lai/îant 
qu  vne  petite  ouverture  obligent  à  fe 
baiffer  beaucoup  &  à  ramper,  par  ma- 


1X76       De  l'Origine  ^ 

ni  ère  de  dire  ,  ea  pIuiTeurs  endroits; 
I  autre  eft  plus  ouvert  &  avec  moins 
d  embarras ,  fi  ce  n'eft  que  le  fonds 
iur  lequel  l'on  chemme  eft  comme 
par  tout  ailleurs  fort  inégal  à  cau^e  des 
pierres  qui  y  font  à  toutes  fortes  de 
hauteurs,  &  qui  font  broncher  lourde- 
ment ceux  qui  0!it  attention  à  regar- 
der les  fingulantez  de  ce  lieu  ^  &  à 
caufe  au/Tî  d' vne  terre  grafle ,  humide 
&  mégale  en  hauteur  qui  eft  entre 
ces  pierres  ,  fur  laquelle  il  eft  diffi- 
cile de  s'enipefcher  de  glifTer.    L'é- 
lévation, la  largeur  &  la  longueur  de 
cette  voûte  toute  de  pierre ,  font  vn 
écho  ou  retentiflement  fort  agréable 
qui  fait  durer  long-temps  le  bruit  qu  on 
y  fait ,  &  qu'on  entend  comme  rouler 
bien  loin  dans  la  profondeur  obfcure 
de  cette  caverne.    Toute  cette  voûte 
eft  ornée  de  congélations  qui  font  des 
pointes  ou  culs  de  lampes  de  toutes 
grofleurs  &  qui  defcendent  en  bas ,  les 
vnes  plus,  les  autres  moins  avec  vne 
diverfité  admirable  j  les  coftez  en  font 
ornez  auiïî ,  où  s'eftant  aflemblées  elles 
font  des  avances  de  temps  en  temps 
fur  le  chemin  qu elles  interrompent- 


Des  Fonaînej.        177 
&  quand  0.1  les  conficlere  de  prés  on  y 
remarque  des  ruftiques  merveilleufes 
qui  repreientent  des  rochers,  des  mon- 
tagnes j  des  plaines ,  &c.  femblabies , 
comme  j'ay  dit ,  à   celles  qu'on  fait 
dans  les  grottes  artificielles  des  jardins, 
mais  qui  n'ont  pouit  fans  comparaifba 
la  beauté  ny  le  génie  de  celles-là.  Les 
congélations  qui  pendent  de  la  voûte 
deicendent  quelquefois julqu à  terre, 
ou  s'amaflant  &  le  joignant  enitemble 
elles  font  pareillement  des  corps  ou 
maflîfs  dans  le  milieu  du  chemin  qui 
repreientent  auffi  de  femblabies  rufti- 
ques  ;  quelquefois  il  lèmxble  que  ce 
{oient  de  ces  chapelles  qui  font  dans 
quelques  paroi  <Ies  ou  il  y  a  des  fepul- 
chresde  noftre  Seigneur,  ou  de  celles 
où  Ion  voit  attachez  &  pendus! T en- 
tour  ,  des  bras ,  des  jambes ,  des  teftes, 
des  mains  de  cire  &  autres  marques 
de  dévotion  5  II  femble  auflî  que  ce 
HJent  des  linges  de  ièrvice  ,  comme 
chemifes ,  aaleçons ,  chaullettes  &  au- 
ti'es  qu  on  ait  eftenduës  pour  leicher; 
quelquefois  aufli  il  femble  que  cefoient 
des  pi  eces  dedrap  ou  de  ierge  qui  feroiét 
attachées  en   pMeurs  rangs  à  cette 


^78  D  E    L*0  R  I  G  I>r  E 

voûte  Tvne  prés  de  l'autre ,  &  que  le 
veat  feroit  mouvoir  &  fe  méfier  en- 
lemble  ,  d'autres  lois  ce  font  comme 
des  pierres  couvertes  de  petites  ondes 
de  meime  que  de  l'eau  qui  coule  & 
qui  s'échappe  de  coPcé  &  d'autre  entre 
des  pointes  de  rochers ,  enfin  Ton  y 
voit  des  reflemblances  de  tout  ce  qu'on 
peut  s'imaginer  ,  i oit  d'hommes,  d'a- 
nimaux, depoilîons,  de  fruits,  &c.  Il 
s'y  voit  auflî  des  colonnes  qu'on  diroit 
eftre  cannelées,  posées  fur  leur  pied- 
deflal  qui  s'elevent  jufques  à  la  voûte, 
ou  pluftofl  qui  en  delcendent  :  car  j'y 
en  ay  remarqué  vne  dont  le  pied-de- 
ftal  ne  touchoit  pas  à  terre  ;  &  il  eft 
afTez  difficile  de  concevoir  pourquoy  ce 
pied-deflal  efl  plus  gros  que  la  colon- 
ne puis  que  le  tout  s'eftant  fait  par  l'eau 
qui  ef^  defcendué  de  la  voûte ,  il  faloit 
que  le  bas  tlift  plus  menu  que  le  haut, 
comme  aux  pointes  qui  en  delcen- 
dent •  mais  je  croy  que  la  grofîeur  de 
ce  pied-deflal  vient  du  rejaillifTement 
des  gouttes  qui  avoient  tombé  a  terre 
à  l'entour  de  cette  colonne ,  lelcuelles 
s'attachant  à  fa  partie  baflè  la  voient 
rendue  plus  grofle  que  le  haut  :  ces 


I 


DES  Fontaines.       2-p 
colonnes  ont  plus  de  quinze  poulces 
de  diamètre ,  &  quinze  ou  vingt  pieds 
de  hauteur.  ly  ay  remarqué  vne  con- 
gélation plus   eftrange  que  ceîles-la , 
c'eft  vne  portion  de  colonne  attachée 
à  la  voure,  à  laquellle  portion  de  co- 
lonne tient  vne  manière  de  Dôme , 
dont  cette  colonne  eft  comme  la  lan- 
terne :  ce  Dôme  efl  de  cinq  à  iix  pieds 
de  large,    creux  par  dedans  comme 
vne  couppe  ,  de  tout  onde  dedans  & 
dehors^  il  eft  ainiî  fufpendu  en  Tair 
à  fix  pieds  de  terre ,  fans  eftrc  foufte- 
nu  par  autre  chofe  que  par  cette  ma- 
nière de  lanterne  à  quoy  il  eft  atta- 
ché.  Entre  ces  congélations  qui  font 
contre  les  coftez  de  la  voûte,  il  y  en 
a  vne  à  main  droite  que  Ton  remarque 
particulièrement  :  ce  font  cinq  ou  fix 
gros  tuyaux  de  cinq  ou  (ix  pieds  de 
haut  &  de  huit  ou  dix  poulces  de  dia- 
mètre, creux  par  dedans  &  arrangez 
d'alignement  l'vn  prés  de  l'autre  iàns 
le  toucher  pourtant  ;  quand  on  frappe 
ces  tuyaux  avec  vn  bafton  ils  rendent 
des  ions  differens  &  fort  agréables  , 
que  l'écho  de  la  grotte  fait  durer  long- 
temps, &  pour  cela  on  les  appelle  des 


iSo         D  E   l'O  r  I  g  I  n  e 
orgues.  Il  V  a  par  endroits iiir  les  C3fi-ez 
de  certe  yoiite  lur  la  gauche  des  ma- 
nières de,  cabinets  ou  cellules ,  d.iîis 
lefquels  l'on  entre  avec  quelque  pei- 
ne 3   I  earray  dans  vn  où  il  y  avjit  V:ie 
efpece  de  fege  &  de  table  tout  de 
congélation ,  avec  vn  petit  bafTîn  dais 
lequel  il  tomboit  de  Teau  de  la  voûte , 
cette  eau  eftoit  fort  claire  &  fort  agre.i- 
ble  a  boire  ^  eiviron  eii  ce  melme  lieu 
ceux   qui  nous  co.iduiloient  ,  car  je 
n  eftois  pas  feul ,  me  firent  remarquer 
vne  pierre  de  congélation  élevée  de 
terre  d'e'iviron  vn  pied  ëc  demy  en 
forme  de   borne  ou  pain  de  lucre  , 
comme  il  y  en  a  de  femblables  en  plu- 
iîeurs  autres  endroits  de  cette  grotte  ; 
fiir  le  haut  de  cette  borne  il  tomboit 
des  gouttes  d'eau  de  temps  en  temps, 
comme  leroit  la  durée  d'vne  féconde , 
ils  me  dirent  qu'ils  ne  s'eftoient  apper- 
ceusde  cette  congélation  nouvelle  que 
depuis  deux  ou  trois  ans.     le  ne  vis 
guère  tomber  d  eau  de  la  voûte  en 
d'autres  lieux  qu'en  ceux  que  je  vieis 
de  dire,  qu3y  qud  y  euft  de  1  humi- 
dité à  la  plufpart  de  ces  pointes  &  cuîs 
de  lampe  3   &  de  fait  le  chemin  iur 

lequel 


DE  s  Font  AINES.  îSt 
lequel  nous  marchions  neitoit  poiat 
mouillé  ny  gafcheux ,  mais  leulemeat 
humide ,  comme  il  eft  ordiiiairemeiit 
dans  des  caves  :  ce  n'eft  pas  quil  ny 
ait  de  l'eau  en  abondance  en  quelques 
endroits,  comme  à  Tentrée  environ 
trente  toiles  avant  lor  la  main  droite^ 
on  l'on  me  fit  voir  beaucoup  d'eau  qui 
formoit  ce  qu'ils  appellent  l'étang,  le^ 
quel  commence  au  milieu  de  la  lar- 
geur de  la  grotte  &  s'étend  a  coflé  jui- 
ques  au  pied  de  la  voûte  qui  s'écarte 
&  s  abailTe  beaucoup  en  cet  endroit. 
Cet  eftang  peut  avoir  cin^  toiies  d& 
large  iur  quinze  ou  vingt  de  longueur  5 
je  croy  que  cette  eau  vient  de  la  ri- 
vière qui  n'Qïi  eft  eHoignée  que  de 
cinquante  ou  ioixante  toiles.  \'ers  le 
bout  de  cette  grotte ,  autant  qu'on  a 
pu  y  avancer,  il  fe  trouve  auflî  de 
Feau  répandue  dans  de  differens  bai- 
fîns ,  que  forme  Tinégalité  du  plancher 
&  des  pierres  de  congeianon  qui  le 
eompolentjCe  qui  raitde  la  difficulté 
aupaflage,&  enfin  i'emp^lc. :e  tout- à- 
fait, parce  que  le  terrain  .e  baifle  en  cec 
endroit  &  le  laille  to  l-  couvrir  de  l'eau 
qui  y  eft  ;  mais  on  ne  voit  point  d'eau. 

Aa 


lîi       De  l'O  r  I  g  I  n  e 

tomber  de  h  voûte  5  ïon  ne  fcîiiiroit 
dire  iî  l'on  eft  proche  du  bout  de  cet- 
te caverne  à  caufe  de  la  grande  obscu- 
rité que  la  lumière  des  flambeaux  ne 
peut  furmonter.  Cette  eau  comme 
celle  de  l'eftang  eft  fort  claire  ,  & 
de  telle  forte  qu'on  fo  jetteroit  de- 
dans a  l'on  n  eftoit  averty  :  mais  le  pé- 
ril ne  foroit  pas  grand  ,  car  le  pis  qui 
en  pourroit  arriver  foroit  deftre  va 
peu  moiîillè.  Toutes  ces  congélations 
font  fort  blanches,  &  les  figures  quel- 
les forment  font  raboteuiès  Se  couver- 
tes de  petites  élévations ,  quelquefois 
rondes  comme  celles  du  chagrin,  d'au- 
tres fois  pointubs  &  piquantes.  Cette 
blancheur  neft  qu  vue  petite  croufte 
tendra  qui  reiTemble  à  du  lucre  que 
ion  met  for  des  fruits  ou  autre  choie, 
qui  eft  facile  à  emporter.  Qo^nd  on 
cafle  quelquvnede  ces  pointes  ellefe 
trouve  percée  par  le  milieu  d'vn  bout  à 
1  autre,  &  Ton  remarque  que  La  m.atiere 
s'eft  mifo  en  ro;id  a  lentour  de  ce 
vuide  par  les  diftcrens  cercles  qu'elle 
marque  :  de  mefmc  que  les  ti'oncs 
d'arbres  en  font  voir,  autour  de  leur 
maîielle  quand  on  les  afoiez.  Cette 


DE  s  Font  A  I  NE  s.  2^? 
madcL-e  eft  jauiiaftre  &  quelque  pea 
femblable  a  du  cr^^ftal  ou  à  du  talque 
de  plaftre  ;  il  eft  facile  à  polir  ,  mais 
ce  poly  n'eft  nuUemeat  beau  a  cauie 
de  la  molleiie  &  de  l'inégalité  de  la 
matière  ,  l'on  ne  voit  que  quelques 
brillans  par  endroits  comme  fèroit  du 
fel.  La  longueur  de  cette  caverne  ne 
fe  peut  juger  que  par  le  chemin  qu'on 
y  fait ,  pource  que  les  congélations 
dont  j'ay  parlé  qui  deicendent  de  k 
voûte  en  grande  quantité  &  qui  font 
ces  frequens  amas  au  milieu  &  aux 
coftez  j  les  élévations  Se  abaiilèm.ens 
du  terrain  ou  plancher  (iir  lequel  il 
s'eft  fait  auffi  d'autres  congélations, 
qui  ne  reprefenteni:  que  des  pierres 
roulées  ça  &  la  ou  des  bornes:  tout 
cela  empefche  la  veue  de  le  porter 
bien  loin,  &  ces  embarras  ne  font  pas 
dei agréables,  au  contraire  ils  donnent 
vne  grande  magnificence  à  cette  grot- 
te par  la  variété  furprenante  de  tant 
de  ngures  différentes  qui  lepreientent 
de  tous  coftez.  Il  y  a  vn  endroit  de 
cette  voûte  ou  il  n  y  a  point  de  con- 
gélations &  ou  elle  paroift  de  pierre 
fort  vnie  fans  ceintre ,  couverte  d  vne 

Aa  i) 


28+        De  l'Origi  ne 

petite  broderie  de   quelque  matière 
plus  brune,  &  de  relief,  à  petits com- 
partime;is  ou  guilbchis,  A  peu  prés 
comme  les  traces  que  foat  des  vers 
fur  le  bois  eatre  le  troïc  &  Tecorce, 
&  que  Ton  V3it  quand  on  levé  cette 
écorcelors  qu'elle  efl  à  demy  pourriez 
Ton  ne  peut  pas  juger  de  quelle  ma- 
tière eft  cette  broderie  à  caufe  de  la 
grande  élévation  de  la  voûte  en  cet 
endroit  qui  eft  auffi  fort  vafte;  Ton 
l'appelle  la  fale  du  bal ,  ou  de  Mon- 
fieur  le  Prince ,  qui  a  voulu  luy  doi- 
ner  C^n  nom  ,  à  ce  que  dii oient  nos 
guides.  Lair  de  cette  grotte  eft  fort 
tempéré,  il  n'eft  ny  chaud  nv  froid, 
ny  lec  ny  humide,  &  1  on  y  peut  de- 
meurer long-temps  fans  eftre  incom- 
modé.   Taurois  bien  defiré  examiner 
toutes  ces  rarerez  avec  plus  de  foin  : 
mais  il  y  avoit  en  noftre  compagnie 
vne  femme  &  vne  fille ,  àjix  IVne 
moins  hardie  que  Tautre  &  vn  peu  m- 
difposée ,  ne  voulut  guère  avancer  dans 
ce  lieu  ténébreux  ,  auiïi  s  en  rerour- 
na-t-elle  bien-toft  après  avec  l'équi- 
page &  Tefcorte  à  l'entrée  de  la  grot- 
te. La  fille  plus  courageufe  ne  voulut 


DESF0NTATNE5.  285 

point  nous  quitter  :  mais  fjn  peu  de 
dilpDlition  à  vne  fatigue  coaime  celle 
de  marcher  fur  vn  cliemin  auHi  rade 
que  celuy-là,  avec  vne  chaufTure  telle 
que  ce  beau  fexe  la  porte  j  ck  le  peu 
de  curiofité  pour  ces  fortes  de  cho.es 
qui  ne  Ibnt  guère  de  le^or  gouft ,  luy 
caulèrent  à  la  fia  des  impatiences  ,  à 
quoy  il  falut  avox  égard  Ôc  la  tirer  le 
plus  promtement  qu'il  nous  fut  pofïî- 
ble  de  cet  épouvai-table  cachot:  nous 
demeurafmes  cependant  plus  dVne 
heure  à  aller  &  A  revenir ,  quel  :]ue  di- 
ligence que  nous  fi^iois.  L'on  nous 
fit  remarquer  vne  chofe  aflèz  particu- 
lière. Il  y  avdt  autrefois  des  chauve- 
fouris  en  grande  quantité  dans  cette 
grotte  dont  elles  ont  peut-eftre  efté 
chafsées,  &  de  fait  nous  nenvilmes 
qu  vne  feule.  Ces  animaux  pendant 
qu'ils  y  faifoient  leur  retraite  avoient 
ioin  de  faire  ;leur  cnrdure  tous  ei  vu 
melme  endroit,  qiu  eft  environ  àtrca- 
te  toifes  de  Tentrée  où  il  fe  voit  vi 
amas  de  leur  fumier  de  plus  de  cin] 
pieds  de  haut ,  &  que  vingt  tombe- 
reaux ne  pourroient  pas  vuider  ;  i  oii 
n^a  voit  point  par  tau  ailleurs.  Voix 


tU       D  t  l'O  r  I  gi  ne 

me  fit  encore  remarquer  qu'à  vn  cer- 
tain endroit  de  cette  longue  caverne 
environ  au  milieu ,  il  y  a  vne  ouvertu- 
re à  vn  des  coftezd^ environ  troispieds 
de  diamètre  ,  &  vne  autre  ouverture 
pareille  à  loppolite  vn  peu  en biaiiair, 
par  lefquelles  nos  guides  nous  dirent 
qu'il  pafloit  quelquefois  vn  torrent 
qui  traverfoit  la  caverne.    ~ 

Cette  grotte, à cer  que  j'av  pu  juger, 
traverfè  fous  terre  la  code  que  j  ay  dit, 
que  la  Rivière  eivironne  a  vn  demy 
cercle.  Et  en  CiFet,  nos  guides  après 
nous  avoir  nondrè  le  chemin  iiir  le 
bord  de  la  Rivière  en  tournant ,  nous 
quitte-eat  pour  prendre  le  plus  court, 
&  montant  fur  la  colline  en  traverle- 
rent  le  delTus  de  droit  fil,  marquant 
ainfi  le  diamètre  de  ce  demy  cercle  j 
&nous  trouvafmes  qu'ils  eftoient  arri- 
vez à  la  grotte  avant  nous.  le  luis  aflîi- 
ré  que  fi  Ton  faiioit  entrer  cette  Ri- 
vière dans  cetce  grotte,  par  l'arcade 
par  laquelle  nous  y  entrafmes ,  elle  lor- 
tiroit  à  Arcy  &  rentreroit  dans  fon  lit, 
laiiTant  à  (ec  celuy  qui  décrit  ce  demy 
cercle.  le  croy  aulTi  que  cette  ouver- 
ture par  laquelle  palFe  quelquei'ois  ce 


DES  Fontaines.  2S7 
torreat,  eft  vn  conduit  plus  petit  qui 
reçoit  des  eaux  de  cette  Rivière  quand 
elle  eft  haute,  &  qui  les  meine  dans 
la  Rivière  melrne  quelque  part  plus 
bas ,  ou  qui  fait  quelque  Fontaine  & 
écoulement  d'eau  en  quelque  endroit 
de  ce  pays-là  qui  m'eft  inconnu. 

Ces  grottes  d'Arcy  me  font  ibuve- 
nir  d'vne  caverne  ou  grotte  qui  eft  dans 
vne  iflede  l'Archipel  nommée  Antipa- 
roSjdont  j'ayveu  la  Relation  taite de- 
puis peu.  La  grandeur  de  cette  gratte 
eft  en  largeur  Se  en  protondeur  dans 
terre,  &  il  y  a  des  congélations  com- 
me en  celle  d'Arcy  :  il  y  a  des  pointes 
qui  deicendent  de  la  voûte ,  des  colon- 
nes ,  des  bornes ,  des  cabinets ,  des  or- 
giTes,des  figures  d'hommes, d'animaux, 
de  fleurs,  de  ivum  ,  de  draperie,  & 
de  la  broderie  en  quelques  endroits, 
(XC.  La  différence  eft  que  la  matière 
en  eft  plus  dure  &  plus  femblable  à  du 
cryftal  ,  &  que  les  pierres  font  de 
marbre. 

Puis  que  nous  enfonimes  fiirce  fu- 
jet,  je  dirav  encore  cecy.  Auprès  de  la 
ville  de  Meaux  il  y  a  vne  grofîe  ro- 
che ,  de  laquelle  fort  vn  nuiieau  d'eau 


iU        De  VOrigine 

fort  claire  &  extrêmement  frairche? 
cette  roche  eftoit  autrefois  toute  foli- 
de,  &  il  nen  fortoit  point  d'eau.  Il  ar- 
riva qu'en  l'année  t6i2,oi\t6t9, cette 
roche  fut  cafîee  par  le  moyen  dVn 
fourneau  ou  mine  avec  de  la  poudre  à 
canon ,  pour  avoir  de  la  pierre  pour  en 
bâtir  va  Monaftere  de  Prez  de  Cregy. 
Cette  roche  eftant  caflee  il  en  i'ortit  de 
l'eau  en  grande  abondance  ,  qui  fit  va 
fort  ruifleau  qui  coule  encore,  &  parut 
en  cet  endroit  vne  caverne  remplie 
de  pierres  congelées  d' vne  grande  beau- 
té: &  c'eft  de  ces  pierres  cingelées 
ou eft  faite  vie  grande  niche  en  ru- 
ftique  au  jardin  de  Ruel,  au  bout  de 
l'allée  delà  cafcade&âloppolite.  Ces 
pierres  font  fort  dures , &  lemblables 
â  des  agates  brutes.  L'on  trouva  aulïi 
dans  cette  caverne  des  fruits  pétrifiez, 
comme  ooires ,  pommes ,  raifins ,  &  au- 
tres chofes  femblâb^es.  Cette  caverne 
où  Ton  ne  peut  entrer  A  caufe  de  l'eau 
qui  en  f3rt ,  efl-  probablement  la  fin 
d'vn  canal  pierreux  lous  terre ,  qui 
prend  de  Teau  plus  haut  à  la  rivière  de 
Marne  poiv  la  conduire  ei  ce  Ueu-li: 
&  peut-ellre  que  ce  melme  ruifeu: 

couloit 


DES  Fontaines.  28p 
couloit  il  y  a  long-temps  comme  il  fait 
à  preient:  mais  que  par  fuccefTi  on  de 
temps  &  par  la  dilpofition  de  leau  & 
de  la  terre  du  lieu ,  il  s^eft  fait  tant  de 
pierre  a  la  fortie  de  ce  canal  qu'enfin 
il  en  a  efte  bouché  tout-à-fait ,  &  peut- 
eftre  aufTi  qu'il  le  refermera  encore 
quelque  jour  par  la  mefme  raifon  ;  & 
il  l'on  venoit  à  l'ouvrir  de  mefnie  qu'on 
a  fait  ,  je  croy  qu'on  y  trouveroit  de 
femblables  pétrifications  de  fruits  & 
autres  choies  ;  pource  que  la  beauté  de 
cette  grotte  &  la  traifcheur  de  Ion  eau 
y  attirent  alTez  de  gens  pour  s'y  diver- 
tir, qui  peuvent  y  jetterde  femblables 
chofes  dedans. 

Pour  revenir  donc  à  noftre  premier 
difcours  ôc  apphquer  ce  que  nous  ve- 
nons de  dire  à  noftre  fujet  ^  il  eft  con- 
fiant qu  il  y  a  des  canaux  dans  la  terre 
capables  de  recevoir  des  eaux  &  de 
les  conduire ,  fans  qu'on  s'en  apper- 
çoive  ,  en  des  lieux  éloignez,  &  il  ne 
faut  point  douter  que  ces  deux  Riviè- 
res en  Normandie  qui  s'alTemblent  à 
la  fofle  du  Soucy ,  ïiQn  trouvent  là  de 
femblables ,  qui  les  conduisent  à  la  Mer 
par  deflbus  la  coliuae  qui  s'oppofe  à 

Bb 


290  De  l'Or  i  g  i  n  e 
leur  cours.  Et  pour  parler  encore  de 
la  peneLration  prétendue  de  la  terre 
par  l'eau  de  la  pluye  ;  ce  que  )  ay  re- 
marqué aux  grottes  d'Arcy ,  fait  bien 
voir  qu  elle  n  eft  pas  fi  facile  qu  on  le 
dit  :  car  il  ne  tomboit  de  l'eau  qu  en 
deux  ou  trois  endroits  de  cette  longue 
caverne  ;  &  quand  j  y  fus  il  y  avoit  plus 
d'vn  mois  quil  pleuvoit  continuelle- 
ment ,  &  mefme  il  pleuvoit  encore 
dans  le  mefme  temps  que  j'y  eftois. 
Si  pourtant  on  vouloit  conclure  en  fa- 
veur de  cette  pénétration ,  à  caufe  que 
ces  congélations  ne  font  faites  que  des 
eaux  qui  ont  traversé  la  terre  de  def- 
fus ,  &  qui  en  diftillant  dans  cette  grot- 
te ont  emmené  avec  elles  le  fel  pier- 
reux dont  elle  eft  remplie  ;  je  diray 
deux  chofes.  La  première  que  le  ter- 
rain de  deflus  n'ayant  gue^e  d'épaif- 
feur ,  peut  facilement  eftre  traversé  par 
la  pluye  :  outre  que  probablement  il 
eft  remply  de  pierres  &  de  rochers  : 
comme  c  eft  la  difpofition  de  tout  le 
pays ,  &  comme  ce  fel  dont  je  viens  de 
parler  le  tait  connoiftre ,  qui  donnent 
aisément  paffage  aux  eaux  du  ciel; 
l'autre ,  que  quand  le  terrain  aç  feroit 


D  î  s  FO  N  T  A  r  NI  s.  îpi 

point  pierreux  comme  je  leluppofe,  le 
peu  a  eau  qui  tombe  de  la  voûte  fait 
bien  VOLT  la  difficulté  qu^elIe  a  pour  le 
pénétrer  &  qu'il  n'en  tombe  guère  en 
beaucoup  de  temps ,  ce  qui  ne  ièroi: 
pas  capable  de  faire  vne  iburce. 

Il  eft  donc  croyable ,  comme  j'ay 
dit  5  qu'il  y  a  des  conduits  dans  la 
terre  qui  peuvent  conlerver  les  eaux 
qui  V  partent  5  avec  autant  de  ieiu'eté 
&  de  facilité  qu'il  en  faut  pour  les 
faire  fortir  en  divers  lieux  quoy  qu  é- 
Toignez. 

L'on  peut  donc  dire  aufTi  qu'il  n'y 
a  pas  tant  de  fontaines  que  Ton  s'ima- 
gine ;  &  Que  fi  de  toutes  celles  à  lui 
Ion  donne  cenom_,  o i en retranchoit 
celles  qui  peuvent  eftre  foupçonnées 
venir  de  ces  écoulemens  de  nvjeres ,  il 
n'en  refteroit  guère  qu  on  puft  appel- 
ler  ventablement  fontaines  ;  &  fi  l'on 
obfen'e  avec  (oin  les  rivières^  les  lacs 
&  les  eftangs ,  leur  hauteur  lv  leur  fi- 
tuation ,  beaucoup  de  fontaines  renom- 
mées &  quon  regarde  avec  efionne- 
ment  perdront  ce  nom  :  car  il  eft  cer- 
tain que  iur  les  montagnes  ,  entre,  les 
vallons  3  il  y  a  fouvent  de  ces  amas 

Bb  1) 


îp2        De   l'Origine 

d  eaux  à  toutes  fortes  de  hauteurs  qui 
pourroient  bien  leur  donner  naiflànce. 
Si  donc  il  refte  fi  peu  de  véritables 
fontaines,  il  eft  aisé  de  croire  que  cel- 
les qui  mentent  ce  nom  peuvent  eftre 
causées  par  des  vapeurs  réduites  en 
eau ,  &  cela  d'autant  plus  que  celles 
qui  font  de  cette  qualité  ne  font  pas 
copieufes  &  abondantes  :  car  quand  on 
confiderera  quvn  nuage  qui  le  iera 
formé  en  Fair  en  deux  heures  de  temps, 
lequel  n  eft  composé  que  de  vapeurs 
de  la  terre  ,  produit  des  pluyes  qui 
inondent  tout  vn  pais ,  Ton  pourra  s'i- 
maginer qu  il  le  peut  faire  la  mefinc 
chofe  (ous  la  terre,  &  que  n'y  ayant 
pas  les  divers  changçmens  &  agitations 
dans  ces  lieux  cachez  &  retirez ,  qu  il 
y  a  dans  Tair  :  ces  vapeurs  qui  montent 
continuellement  de  ces  eaux  qui  Ibnt 
enbas ,  peuvent  aufTi  fe  condenfer  & 
fe  convertir  de  melme  &  encore  plus 
facilement  en  eau ,  &  caufer  ces  écou- 
lemens  continuels  des  fontaines  tels 
qu'on  les  voit  en  plufieurs  lieux. 

Car  fi  l'on  confidere  de  quelle  fa- 
çon les  nues  (e  font  dans  l'air,  &  en 
lùite  commeat  elles  y  produifent  la 


Des  Fontaines.        2^5 

pliiye,  il  fera  facile  de  s'imaginer  com- 
ment la  mefme  chofe  fe  peut  faire  au 
dedans  de  la  terre. 

l'ay  afl'ez  fouvent  obfervé  que  lors 
que  le  ciel  ou  Pair  eft  netdVa  bout 
a  l'autre ,  &  qu'il  n'a  point  de  nues , 
le  bleu  en  eft  ordinairement  pafle  ;  & 
Il  Ion  y  veut  bien  prendre  garde ,  il 
paroift  trouble  &  brouillé,  au  lieu  que 
quand  il  eft  remply  de  gros  nuages , 
comme  de  gros  pelottons  deeotton  ou 
de  laine,  le  bleu  que  l'oi  voit  entre 
les  nues  paroift  plus  vif  &  d'vne  cou- 
leur plus  foncée. 

le  fçay  bien  que  Ton  me  peut  dire 
que  cette  couleur  bleue  eft  toujours 
égale  ,  &  que  R  elle  paroift  foibîe 
quand  il  n'y  a  point  de  nues ,  ceft  que 
la  grande  lumière  du  Soleil  ébloliit  & 
fait  fur  elle ,  ce  quelle  fait  ftir  vue 
chandelle  allumée  qui  na  nulle  clarté 
quand  elle  luy  eft  exposée  ,  &  qui 
(emble  reprendre  là  vigueur  quand  on 
la  met  dans  quelque  lieu  obicur  ^  & 
que  par  cette  raifon  le  bleu  de  l'air  pa- 
roift plus  foible  dans  cette  grande  lu- 
mière ,  &  plus  fort  lors  qu'il  eft  veu 
entre  ces  grofTes  nues ,  qui  luv  faifant 

Bb  iij 


ip4*         D^  l'Origine 

quelque  ombre  femblent  luy  rendre  Ql 
couleur  plus  vive ,  à  quoy  melme  Top- 
pofîtionde  la  «grande  blancheur  des  nues 
peut  iervir  de  beaucoup,  &  qu'amfi  cet- 
te différence  de  couleur  neft  qu  appa- 
rente. 

Mais  cette  raifon  ne  fàtisfait  pas, 
pource  que  (i  cela  eftoit  de  la  forte , 
&  que  la  grande  lumière  du  Soleil  avec 
Toppofition  de  la  blancheur  des  nues 
en  pelottons  fiflenc  cette  différence  ; 
l'on  devroit  voir  Pair  dans  (à  véritable 
couleur,  en  le  regardant  de  dedans  vu 
lieu  obfcur  ou  cette  lumière  nebloiiit 
pas  les  yeux  ,  &  en  le  comparant  à 
quelque  blancheur  voifîne  ,  comme 
de  quelque  baftiment  furquoy  le  So- 
leil jetrer oit  Tes  rayons  ,  ce  que  Tex- 
pene;ice  fait  voir  neftre  point.  Lon 
devroit  pareillement  le  voir  pafle  quand 
il  y  a  de  ces  nues  en  pelottons  ,  de 
mefme  que  quand  il  ny  en  a  poiat, 
pource  que  le  bleu  de  l'air  n  eft  cause 
ques  par  la  grande  épaiffeur  j  8c  com- 
me cette  épaifleur  depuic  la  terre  juf- 
que  aux  nuées  neft  pas  (uffîfante  pour 
caufer  cette  couleur  vive,  puis  que  les 
nues  ne  nous  paroiflent  pas  bleues  j  il 


Dïïs  Fontaines.  spç 
faut  ^Liecere  couleur  bleue  vienne  de 
toute  1  epailleur  de  Tair  dais  toute loa 
étendue,  ^-ui  va  beaucDup  au  defîus 
des  nu :s ,  ou  la  lumière  e-lant toujours 
égaie  -le  doit  pas  éblouir  davantage  en 
vn  temps  qu'en  va  autre.  Ce  n  eft 
donc  point  nv  de  la  trop  grande  lu- 
mière du  Soleil  nv  de  lombre  des 
nues ,  ny  de  1  oppofitioii  de  leur  cou- 
leur blanche  que  la  couleur  bleue  de 
Tair  eft  plus  ou  moins  vive. 

lay  fait  encore  vne  autre  remarque, 
qui  eft  que  quand  les  nues  ioiit  en 
pelottons,  quelquefois  elles  fe  diffi- 
pent  &  deviennent  a  rien  5  en  forte 
que  i\  Ion  veut  prendre  la  peine  &  la 
patience  de  regarder  attentivement 
vne  des  plus  petites  nues  pendant  trois 
ou  quatre  minutes  feulement  ,  Ton 
verra  que  fa  figure  fe  changera ,  & 
qu'a  la  Hn  ellesevanoiiira,  fans  fc avoir 
ce  qu  elle  fera  devenue  •  &  lors  que 
cela  fe  fait  le  bleu  de  l'air  qui  aupara- 
vant eftoit  Vif  &  foncé  devient  pafle 
&  trouble. 

lay  remarqué  aufTi  que  quelque- 
fois le  contraire  arrive  :  car  vne  petite 
nue  qui  paroiftra  feule  au  milieu  du 

Bb  iiij 


ip6        D  E   l'O  r  I  g  I  n  e 

cieljfè  grofTira,  &  s'eftendra  de  telle 
lorte  qu  au  bout  dVne  heure  elle  cou- 
vnra  tout  rHorifon  ;  &  cet  accroifle- 
ment  fe  fait  imperceptiblement  fans 
qu'on  puifie  juger  d  ou  il  vient  :  l'en 
ay  fait  la  remarque  vne  fois  entre  au- 
tres où  vne  petite  nue  que  j'a vois  ob- 
fèrvée  i'eule  au  milieu  du  ciel ,  &  dont 
la  figure  aflez  particulière  avoit  attiré 
mon  attention  ,  s  accreut  &  s'eftendit 
par  Tefpace  d  vne  heure  ou  environ , 
de  telle  forte  que  non  feulement  elle 
couvrit  tout  l'Horifon:  mais  aufïi  elle 
donna  vne  pluve  qui  dura  toute  la  nuit, 
ce  qui  me  fit  fouvenir  de  cette  petite 
nue  que  le  Prophète  Helie  vit  s  élever 
de  la  Mer  lors  qu'il  fit  pleuvoir  en 
Samarie  après  vne  longue  feicherefîe, 
laquelle  s'accreut  fi  tort  en  peu  de 
temps  qu  elle  couvrit  tout  le  ciel  &  le 
rendit  obfcur,  comme  remarque  l'E- 
criture; &  le  Rov  Achab  fut  averty 
par  le  Prophète  de  fe  retirer  promte- 
nient  avec  Ion  chariot  de  peur  d'eftre 
fîirpris  par  cette  grande  pluye.  Le  Pro- 
phète dit  que  cette  nue  avoit  la  figu^ 
re  du  pied  ou  velige  d'vn  homme; 
de  (  fij  ofe  parler  comme  luy  )  celle 


DES  Font  AINES.  197 
aue  je  vis  avoit  la  figure  d'vne  vergette 
a  nertover  des  habits ,  &  ne  paroiffoit 
pas  avoir  plus  de  deux  pieds  de  hauteur. 
Qm  voudra  fe  doaaer  la  patience  de 
faire  de  femb labiés  obiervations  daas 
les  reilcoatres,  verra  que  ce  que  je  dis 
des  nues  tait  en  décroiflemerit  qu'en 
accroiflement  eft  véritable. 

La  confequence  que  je  tire  de  ces 
obfervations,  eft  que  Tair  eft  toujours 
remplvde  vapeurs ,  &  que  quand  on  le 
voit  fans  nues  &  vn  peu  pafle  &  brouil- 
lé, c  eft  que  les  vapeurs  font  ditpersées 
&-  efteiduës  également  par  toute  la 
capacité  ;  &  quand  il  paroift  plus  brun 
&  qu'il  y  a  des  nues  en  pelottons ,  c'eft 
que  les  vapeurs  font  ramafsées  enfem- 
ble  en  plufieurs  monceaux. 

Ce  qui  me  porte  à  croire  cediiper- 
fement  vniverfel  de  vapeurs  dans  tou- 
te l'eftenduë  de  lair ,  eft  première- 
ment, que  quand  le  ciel  eft  net,  & 
qu'il  ne  paroift  y  avoir  aucunes  nues  ; 
il  ne  laifie  pas  de  faire  du  vent  affez 
fouvent,  &  quelquefois  fort  véhément  : 
or  ce  vent  n  eft  autre  chofe  que  des 
vapeurs  dilatées  j  il  y  a  donc  des  va- 
peurs dans  lair  que  Ion  ne  voit  pas  ; 


!2p8  De  l'Origine 
car  il  n'y  a  pas  lieu  de  dire  que  ces 
vapeurs  vie  inent  de  loin  &  dVii  air 
où  il  y  a  des  nues  qui  les  eigendreat, 
source  que  ces  vents- la  les  auroieit 
)ie!i-toft  amenées ,  quel  ue  part  qu  el- 
.es  fuflent  ;  & neaim  3insces  veits  du- 
rent quel  ]uefDis  pluf'eurs  j^urs ,  pei- 
da it  lelquels  lair  c 3 itinuë  d'eftre  let 
&  fe^'ein.  Secon.ie ne.it  qua  id  l  air  elt 
net  de  nuis,  Foi  voit  qu'au  matin  & 
au  !bir  avant  le  lever  &  après  le  cou- 
cher du  Soleil ,  lur  rHorifon  à  l'oppo- 
fite  du  Soleil,  lair  preiddes  couleurs 
de  rju^e,  de  violet  &  de  bleu, telle- 
nieit  bien  me  fiées  Tvne  à  l'autre  &  à 
tout  le  ren:e  de  lair,  qu'il  eft  impoP- 
fible  de  remarquer  où  vne  couleur 
commence  &  ou  elle  fiait.  Or  ces 
couleurs  ne  font  autre  chofe  que  la 
reHexion  ou  réfraction  que  les  rayons 
du  Soleil  déjà  couché  ,'OU  non  encore 
levé,  font  iiir  les  vapeurs  qui  font  dans 
lair  ,  de  melme  qu il  fait  tlir  les  nues 
quand  il  y  en  a  ,  lefquelles  couleurs 
font  niiées  les  vnes  aux  autres  avec 
grande  égalité,  par  la  raifon  que  les 
vapeurs  iont  eftendués  &  difpersées 
auffi  avec  égalité  dans  toute  la  capacité 
de  l'air. 


D  ^  s  F  o  N  r  A  I  N  p  s.       299 
Le  nouveau  Baro-nerre  deMonfieur 
Hugue  15  tait  vjir  eacoi^e  ailez  claire- 
mearce  oue  je  dis.  Ce  Baron er;e  ]ui 
marjue  plus  exademeat  lv  plus  vili- 
blemeat  que  pas  vn  autre  qu'oa  ait  eu 
jui'iues  à  prefeac ,  les  diverles  pefai- 
teurs  de  Tair ,  tait  voir  que  lors  que  le 
ciel  eft  lerein  c  eft  lors  que  lair  eft  le 
plus  pelant;  &  que  lors  qu'il  le  dilpo- 
fe  à  la  pluye  ou  au  veut  ,  il  paroift 
plus  îeger.  La cauie  de  cela  eft,  que 
lors  que  le  ciel  eft  ferein ,  les  vapeurs 
humides  font  difpersées  dans  toute  la 
fubftance  de  Tair  &  ne  font  qu  vn  corps 
avec  luy,  &  ajoufte^t  à  fa  pelànteiir 
naturelle  la  leur  progre,  en  force  |u  é- 
tant  incorporées  eniemble  elles  agil- 
fent  fur  le  mercure  &  fur  l'eau  dont 
eft  composé  le  Baromètre ,  avec  toute 
la  pefanteur  que  Ivn  &  l'autre  peu- 
vent avoir  :  m'ais  quand  ces  vapeurs  ie 
raiTèmblent&  deviennent^nuèes ,  elles 
ne  rendent  plus  l'air  pelant,  pource 
qu  elles  n'v  lont  plus  incorporées  ;  & 
lair  devenant  amli  plus  léger  ne  pefe 
plus  fur  le  mercure  &  fur  l'eau ,  com- 
me il  faifoit  quand  il  eft  oit  meflé  & 
Yny  avec  bs  vapeurs. 


300  De   l'Origine 

Les  caufes  de  ce  dirperfement  Se  de 
ce  ramaflemeiit  de  vapeurs  (  (i  ces  mors 
fè  peuvent  dire  )  font  afliirémeat  na- 
turelles :  mais  Tvne  eft  plus  connue  que 
l'autre.  L'on  ne  doute  guère  que  îa- 
gitation  des  parties  de  Tair  ,  qui  eft 
vniverfelle  dans  tout  (o.i  corps,  ne  di(- 
fïpe  les  vapeurs  que  la  terre  envoyé 
&  ne  les  divilè  en  autant  de  parcelles 
qu  il  eft  luy-meirne  divisé  •  &  quainfi 
il  ncn  (oit  à  la  fin  tout  remply:  mais 
il  n'eft  pas  trop  connu ,  comment  & 
par  quelle  railon  ces  vapeurs  divisées 
fe  peuvent  ramafîer  enfemble ,  fe  ren- 
dre vifibles ,  &  former  vn  corps  com- 
me font  les  nues ,  capable  d  arrefter  la 
lumière  du  Soleil  ;  &  commentée  mou- 
vement des  parties  de  lair  qui  a  efté 
(uflîGnt  pourdifîîper  ces  vapeurs,  ceiîe 
quelquefois  de  leftre ,  &  permet  que 
ce  qu  il  avoit  feparé  le  raflemble  &  fe 
ramafle  julques  à  retouriier  en  Ion  pre- 
mier corps.  Cette  caufe  eft  tellement 
cachée,  que  nonobftant.  le  Baromete 
dont  je  viens  de  parler  il  eft  impofïl- 
ble  de  dire  précifement  quand  il  doit 
pleuvoir  :  cependant  quoy  que  cette 
caufe  foit  entièrement  cachée  ,  1  eiFet 


DE  s    FON  T  A  I  N  E  s.  ^01 

ne  laifle  pas  d  eftre  fore  connu ,  &  per- 
fonne  ne  doute  que  la  pluye  ne  vien- 
ne des  Ta'Xurs  de  la  Texe  élevées  en 
l'air ,  qui  eHant  rair-a.e  es  eniemble  Se 
épaifTies ,  re:)remieT.t  leur  première  for- 
me &  C3n(trre.ice  d'aai  ,  &  par  leur 
pelanteur  defcendeat  enbas  &  font  la 
pluve. 

Si  Ton  veut  donc  fe  fervir  des  re- 
marques que  nous  venons  de  faire  fur 
ce  qui  le  fait  dans  1  air,  il  iera  aisé  de 
concevoir  comment  pareille  choie  le 
peut  faire  dans  la  terre,  en  s'imagmant 
quelle  eft  remplie  de  vapeurs  au  de- 
dans ,  &  que  tout  fon  corps ,  je  veux 
dire  depuis  le  lieu  bas  ou  l'eau  s'eft 
retirée  &  ramafsée  jufqua  la  fuper- 
fîcie ,  eft  toujours  humide  en  quelque 
endroit  qu'on   puiflè  l'ouvrir^  com- 
me je  lay  déjà  dit  ;    Que  ces   va- 
peurs font  plus  êpaifiès  en  vn  endroit 
qu'en  vn  autre,  félon  la  matière  qui 
les  produit  :  Que  ces  mefmes  vapeurs 
fe  convertilTent  en  eiiu  en  plus  ou  moins 
d'abondance  félon  que  la  caufe  en  eft 
plus  ou  m.oms  forte  j  &  enfin  que  cet- 
te eau  defcend  aux  lieux  bas  par  fa 
pelanteur    naturelle    qu'elle  reprend 


302  De   l'Or  i  gt  ne 

avec  (à  première  forme  :  Qa^on  peut 
croire  qu'il  y  a  dans  la  terre  comme 
dans  lair  quelque  chofe  qui  condenfe 
ces  vapeurs  &  les  réduit  en  eau ,  &  que 
cette  condenlàtion,  quoy  que  non  con- 
nue, ne  laifie  pas  d^eftre  &  dagir  dans 
la  terre  comme  dans  l'air  ,  avec  cette 
différence  néanmoins,  qu  ellen  eft  pas 
exposée  aux  changemens  &  incon- 
ftances  de  l'air,  ou  la  chaleur  du  Soleil 
hafte  ou  retarde,  augmente,  diminue 
ou  altère  cette  condenfation ,  &  fait 
les  incertitudes  &  inègalitez  des  pluyes, 
&  où  les  vents  cha fient  les  nues  qui 
en  font  causées ,  pour  donner  de  la 
pluye  en  d  autres  lieux  eue  ceux  oii 
les  vapeurs  avoient  efté  excitées:  ce 
qui  n  eft  pas  delà  forte  dans  des  lieux 
auflî  cachez  ôc  autant  à  labry  que 
ceux-là  :  auflî  ce  convertiflement  de 
vapeurs  en  eau  s'y  fait  avec  vne  régula- 
rité &  vniformitè  continuelle  comme 
celle  avec  laquelle  1  on  void  que  les 
véritables  fontaines  coulent  ^  &  c  eft, 
ce  me  femble,  de  cette  forte  quefeau 
(e  peut  engendrer  dans  la  Terre  pour 
les  produire. 

Mais  pour  reprendre  la  fuite  de 


DES  Fontaines.  305 
noflre  difcours,  s'il  eft  vray,  après  les 
remarques  que  jay  faites ,  oue  les  fon- 
taines ne  font  pas  la  cauledes  rivières, 
comme  la  cru  toute laPhilofophie, & 
que  tout  ce  qu  on  appelle  tonraine  ne 
lefl-  pas  ;  je  puis  dire  que  par  le  moyen 
dont  je  conçoy  que  fe  meut  la  machi- 
ne des  iontames,  je  trouve  la  folunon 
aux  difficultez  qui  ont  donné  le  plus 
de  peine  a  tous  les  Philo!ophes. 

Car  par  ce  moyenje  trouve  des  eaux 
en  abondance  fous  toute  la  iurface  de 
la  Terre ,  de  c  eft  ce  qu'ils  ont  vaine- 
ment cherché  dans  les  eaux  de  la  Mer, 
qu  ils  ont  fupposé  eftre  répandues  de 
mefme  par  tout. 

Par  ce  moyen  il  n'eft  point  befoin 
de  ce  feu  foufterram  &  vniverfel ,  que 
d  autres  le  font  imaginé ,  pour  changer 
en  vapeur  les  eaux  de  la  Mer,  ny  de 
les  faire  pafTer  par  tant  de  fortes  de 
terres ,  pour  leur  taire  quitter  leur  iel 
&  leur  amertume. 

Par  ce  moven  il  neft  point  befbiti 
de  faire  faire  de  h  grands  eitorts  au  re- 
flux de  la  Mer  pour  pouiTer  fes  eaux 
jufques  au  fommet  des  montagnes, 
comme  d'autres  ont  voulu ,  ny  à  vae 


304         D  E    L*0  RI  G  I  N  E 

infinité  de  canaux  de  la  terre  pour  les 
canierver  fidellement  entermèes  du- 
rant de  fi  longs  chemins. 

Par  ce  moyen  il  n'eft  point  befoin 
auflî  de  luppofer  des  vertus  &  des  pro- 
prietez  particulières  aux  aftres ,  &  en- 
core moms  d  avoir  recours  à  des  mira- 
cles nouveaux  pour  les  i^aire  mouvoir. 
Les  eaux  que  fay  trouvées  font  au  lieu 
où  leur  pefànteur  les  a  appellées  3  elles 
y  font  en  abondance ,  lans  fel  ny  amer- 
tume ,  &  le  iPiOuvement  que  je  leur 
donne  eft  naturel ,  elles  fè  partagent 
librement  &  lans  contrainte,  les  vnes 
vont  vers  les  rivières  par  la  pente  de  la 
terre  qui  les  fouftient  ^  les  autres  s'ê- 
levent  au  haut  des  montagnes  par  éva- 
poration  ,  &  s'eftant  enfin  réiinies  le 
rendent  à  la  Mer  d'où  elles  eftoient 
Ibrties  en  vapeurs. 

Par  ce  moyen  je  refous  la  difScultê 
remarquée  fur  l'opinion  de  Lydiat ,  de 
DuHaniel,  de  Defcartes ,  de  Schottus, 
&  de  R  ohault ,  touchant  le  deflâlement 
de  toute  la  Mer  ,  en  y  faiiànt  entrer 
autant  d  eaux  douces  par  les  rivières 
qu'il  en  peut  fortir  par  Tévaporatioa 
caiitinuelle  que  le  Soleil  &  1  air  peu- 
vent 


D  E  s  Font  A  I  N  E  s.  505 
Teat  caulèr,  lans  que  le  fel  delà  Mer 
foit  au  hazard  de  demeurer  dans  le 
corps  de  la  terre  fans  pouvoir  retour- 
ner à  la  Mer. 

Par  là  )  explioue  le  pafTage  de  l'Ec- 
cleliafte ,  (  s'il  eft  permis  de  s'en  ferv^ir 
icy)  avec  moms  de  peine  que  tous 
ceux  qui  1  ont  allégué •  oc  parla  lena- 
vance  rien  qui  loit  contraire  à  la  ma- 
nière ordinaire  dont  la  Nature  ie  fert 
en  toutes  les  opérations ,  qui  eft  de  les 
faire  avec  fimp licite  lans  peine  &  ians 
embarras. 

L'on  fait  plufîeurs  objections  à  ceux 
qui  ont  traité  de  l'Origine  des  Fontai- 
nes, aufquelles,  quov  que  )'en  traite 
aufli ,  je  pourrois  n  eftre  pas  obligé  de 
répondre ,  acaufe  que  mon  opinion  eft 
entièrement  différente  de  la^leur;& 
que  ce  qui  caufe  les  difficultez  qu'on 
leur  objecfle  ne  fe  trouve  pas  dans  le 
fvfteme  que  ]'enay  eftabiv.  La  caufe 
de  cela  eft  que,  (  comme  je  diTois  n'a- 
gueres  )  ds  ont  cru  que  les  .ontaines 
cftoient  la  caufe  des  nvi^  es  &  des 
fleuves,  &  qu'il  y  avoi  b  ei  plus  de 
fontaines  qu'il  i-iy  e  i  a  en  effet.  Et 
comme  ils  ne  donnent  point  d'autre 

Ce 


^06        De  l'O  r  I  g  I  n  e 

Î)rincipeà  leurs  fontaines,  &parcon- 
èquent  à  leurs  rivières  &  à  leurs  fleu- 
ves ,  que  des  eaux  produites  par  éva- 
poration  >  &  que  ce  principe  qui  n'ayant 
àeffet  que  par  la  continuation  de  Ton 
adion  ,  n*eft  pas  capable  ny  fuffifant 
pour  produire  lubitement  des  eaux  en 
grande  abondance  comme  il  en  faut 
pour  fournir  aux  prodigieux  écoule- 
mens  de  tous  les  fleuves  du  Monde  ; 
ils  ont  bien  de  la  peine  à  répondre  fiir 
beaucoup  de  cas  finguliers  qui  fe  trou- 
vent en  quelques  fontaines ,  à  quoy  il 
m'efl;  facile  de  répondre,  par  la  ma- 
nière différente  de  la  leur,  dont j  efla- 
blis  les  caufes  mouvantes  de  ma  ma- 
chine. 

Vne  des  plus  grandes  objections 
qu  on  leur  fait ,  eft  qu'il  y  a  des  fon- 
taines capables  de  porter  bateau  dés 
leurs  fburces ,  &  par  là  onconclud  qu'il 
faut  qu' vne  fontaine  de  cette  qualité  ait 
pour  fon  origine  autre  chofe  que  des 
vapeurs  condensées  dans  les  rochers 
des  montagnes  5  qui  ne  fçauroient  pro- 
duire que  de  petites  gouttes  d'eau  en 
beaucoup  de  temps  ^  &  à  ce  fu)et  l'on 
rapporte  l'exemple  ,  entre  plufieurs 


DES  Fontaines.  ^07 
autres ,  d'vne  fontaine  prés  de  la  ville 
d'Orléans  qui  fait  à  fa  iource  va  grand 
bafTin  comme  feroit  vne  mare  dont 
le  fonds  eft  très- profond ,  &  de  la  cou- 
le avec  grande  abondance  jufque  dans 
la  Rivière  de  Loire ,  qui  n'en  eft  di- 
ftante  que  de  deux  lieues ,  où  elle  Cq 
décharge;  &  ceruiffeau  ou  riviere  eft 
capable  de  porter  des  batteaux  dés  fa 
fource  meime. 

Pour  bien  répondre  à  cette  obje- 
ékion  il  faut  premièrement  la  confT- 
derer  en  gênerai ,  &  il  faudroit  aulîi 
que  de  femblables  faits  quoi  met  eti 
avant  fiifTent  bien  éclaircis  &  avérez  : 
Car  de  dire  en  gênerai  qu'il  fort  du 
haut  des  montagnes  des  four  ces  a  fiez 
abondantes  pour  faire  des  mifleaux  ca- 
pables de  porter  des  batteaux ,  je  ne 
croy  pas  quil  y  en  ait.  le  fçay  bien 
qu'il  y  a  des  Torrens  puiflans  qui 
tombent  de  fort  haut  :  mais  ce  n  eft  pas 
de  ces  eaux-là  que  nous  parlons ,  pour- 
ce  qu'Us  tarifent  bien-toft  ^  le  fçay 
bien  auffi  qu'il  y  a  des  nvieres  qui 
coulent  toiajours  &  qui  font  descafca- 
des  en  tombant  de  fort  haut,  comme 
font  celles  de  Tivoly  de  d'aiTtres  fem- 

Ce  ij 


5oS  De  l'Origine 

blables  :  Mais  qui  ne  fçait  que  ces  cai- 
cades  de  Tivoly,  (ont  vue  rivière  coni- 
me  vne  autre  dont  la  pente  eftfoufte- 
î>uë  par  vn  terrain  élevé,  qui  n'ayant 
pas  iiiivy  la  pente  des  autres  rivières 
&  ruifTeaux  des  environs ,  vient  à  man- 
quer fiibitement,  &  luy  fait  faire  le 
faut  eftounant  que  Ton  voit^  &  à  cela 
il  n'y  a  rien  à  admirer  que  cette  fea- 
tafque  difpofition  de  terrain  &  (on 
fubit  changement.  Les  moulins  qui 
font  fiir  les  pépites  rivières  font  autant 
de  petites xafcades ,  lefquelles  fi  Ion 
les  avoit  jointes  enfemble ,  je  veux 
du'e,  jfi  Ton  a  voit  foufteiu  le  cours  de 
ces  rivières  dais  vne  douce  peite  de- 
puis la  chute  du  premier  moulin  juf- 
ques  à  celle  du  dernier,  feroient  vne 
cafcade confiderab^ , C3miTie  nous  la- 
voas  remarqué  cy- devant  fiir  la  riviè- 
re d  Orne  ,  prés  de  Caëa  en  Nor- 
mandie. 

le  dis  d3nc  qu'il  ne  fort  point  du 
haut  dVne  montagne  de  ces  ruifleaux- 
là ,  qui  n  aye  it  la  raifon  &  la  caufe  que 
f  ay  dite ,  c^eft  à  dire  quelque  autr^  ri- 
vière éloignée  qui  laifle  échaper  fous 
terre  vne  partie  de  fes  eaux  fur  vne 


DES   FON  T  A  I  N  E  Ç.  jop 

pente  plus  d3iice  que  n'eft  la  fîeane , 
i  en  ay  rapporté  des  exemples  proba- 
bles ;  &  amfi  lobjeétioa  enge^ieralne 
regarde  point  mon  opinion ,  &  peut- 
eftre  que  dans  le  particulier  de  l'exem- 
ple proposé ,  elle  ne  la  re 'gardera  point 
aulTÎ  non  plus  que  celle  des  autres. 

Car  il  y  a  grande  apparence  que 
cette  prétendue  fburce  prés  d'Orléans, 
eft  delà  qualité  de  celles  dont  je  v;ens 
de  parler  j  &  que  ce  n'eft  quVn  écou- 
lement &  vne  portion  de  la  gra  ide  ri- 
vière de  Loire  qui  vient  Te  rendre  en 
ce  lieu- là  par  des  voves  cachées  -,  fai- 
sant (bus  la  terre  vne  véritable  lile  de  la 
portion  de  pays  qu'il  embraiTe  •.  aufTi  re- 
marque-t-on  que  fon  eau  eft  trouble  ou 
claire  félon  que  l'eft  celle  de  la  Loire. 
II  y  a  tant  de  fleuves  dans  le  M3nde  qui 
fe  perdent  &  entrent  dans  la  terre ,  & 
qui  en  refîbrtent  bien  loin  après ,  que 
cela  ne  peut  caufer  deftonnement. 
Quand  quelque  perlonne  intelligente 
examine  les  chofes  ,ilen  trouve  ben- 
toft  la  raifon  ^  &  s  il  n'y  avoit  que  de  tel- 
les gens  qui  voyageaient  parle  Mon- 
de ôc  qui  fî/îent  des  relations  de  leurs 
voyages,  loa  ne  nous  racouteroit  pas 


3^0       De  l'O  r  I  g  I  n  e 
tant  de  merveilles  que  Ton  fait  ^  Ti- 
gaorance  admire  tout  &  fe  kit  va  pro- 
dige de  la  moindre  chofe  extraordi- 
naire quelle  voit. 

Cette  diflSculté  méfait  penlerà  vne  au- 
tre qui  arrefte  Ariftote,  &  le  fait  refou- 
dre  à  croire  que  TOrigine  des  Fontaines 
vient  du  changement  d'air  en  eau^oudes 
vapeurs  humides  de  la  terre  conden- 
sées Se  réduites  en  eau ,  à  caufe  que  les 
f)lus  grands  fleuves ,  dit-il ,  prennent 
eur  naillance  au  pied  des  plus  gran- 
des montagnes  dans  les  concavitez  qui 
doivent  y  eftre  grandes ,  &  où  il  fe 
doit  faire  vn  plus  grand  changement 
que  dans  celles  des  peUtes^  &  là  def- 
uis  il  fait  vne  ample  énumeration  des 
plus  grands  fleuves  du  Monde,  &  fait 
remarquer  qu  ils  fortent  des  plus  gran- 
des montagnes.  Il  y  a  aflurément  de- 
quoy  seftonner  comment  vn  telper- 
ionnage  a  parlé  de  la  forte ,  &  com- 
ment il  a  pu  croire  que  la  fource  dVn 
gi'and  fleuve  devoit  eftre  plus  grande 
que  celle  d  vne  petite  rivière  :  comrne 
fi  c  eftoit  leur  fource  qui  fuft  la  caulè 
de  leur  grandeur  ou  de  leur  petitefîè. 
Ne  f^^ak-on  pas  quelesileuves  ne  de- 


DESFONTAINÎS.         ^tf 

viennent  grands  que  par  les  eaux  des 
ruiflèaux  &  des  rivières  qui  y  entrent, 
&  que  quelquefois  vne  rivière  entre 
dans  vne  autre  où  elle  perd  ion  nom , 
quoy  qu'elle  foit  plus  grande  que  celle 
qui  la  reçoit  ? 

Cette  remarque  fur  Ariftote  peut 
encore  f ervir  pour  £iire  voir  combien 
il  croyoït  fortement  que  les  fontaines 
font  la  caufe  des  rivières  :  combien  les 
grands  écoulemens  des  vns  &  des  au- 
tres luy  donnoient  de  peine  pour  eii 
trouver  la  matière ,  &  combien  auffi 
il  croyoït  que  les  pluyes  iervoient 
de  peu  pour  produire  &  les  rivières  & 
les  fontaines  ;  puis  qu'il  veut  que  la 
grandeur  des  fleuves  dépende  de  leur 
lource ,  &  leur  lource  de  l'évaporatioa 
qui  le  fait  au  dedans  de  la  terre. 

Lon  me  peut  faire  vne  objedion 
aflèz  raifonnable  fur  ce  que  ,  quand 
}ay  reftité  l'opinion  de  Lydiat  ,  de 
De(cartes ,  de  Du  Hamel  &  des  autres 
qui  veulent  que  les  eaux  de  la  Mer 
foient  la  caufe  des  fontaines ,  en  s'éle- 
vant  par  évaporation  au  haut  des  mon- 
tagnes j  j  ay  dit  que  f\  cela  fe  fliifjit 
de  la  forte  il  arriveroit  deux  chofes3 


3tî  D  E  l'O  r  ï  gi  n  e 
La  première ,  que  k  Mer  feroit  deve- 
nue douce  depuis  le  temps  qu'il  y  cou- 
le de  Feau  douce  d'vn  cofté  par  les 
rivières  &  qu'il  ea  fort  de  lalée  de 
l'autre  par  les  grandes  ouvertures 
que  Del  cartes  &  les  autres  {uppofeiit 
eftre  aux  bords  &  au  fonds  de  la 
Mer,  par  ou  Tes  eaux  fe  répandent  dans 
la  terre.  La  féconde,  que  la  terre  de- 
vroit  depuis  ce  temps-là  eftre  toute 
remplie  du  fel  que  ces  eaux  lalées  y 
auroient  laifsé  en  s'évaporant  ;  &  là 
defîiis  l'on  me  peut  dire  que  quand 
bien  le  fyfteme  que  f ay  eftablv  ieroit 
comme  je  l'imagine,  rien  ne  fçauroit 
cmpefcher  que  du  moins  vers  les  bords 
de  la  Mer  la  terre  ne  foit  remplie  du 
fèl  que  lès  propres  eaux  y  doivent 
avoir  lailsé  quand  révaporation  seneft 
faite,  de  mefine  que  je  dis  quelle  fe 
fait  de  celles  des  pluyes ,  pource  que 
probablement  les  bords  de  laMer ,  de- 
vant eftre  humeâ:ez  de  fes  propres 
eaux  bien  avant  fous  la  tere  par  la 
force  du  reflux  ^  il  ne  s  y  eft  fait  d  é- 
vaporation  que  d'eaux  lalèes ,  qui  par 
cette  raifon  ^doiveit  avoir  laifse  leur 
ièl  dans  la  terre  des  bords  de  la  Mer. 

le 


D  E  s    FO  NT  A  I  N  E  s.  ^I  J 

le  répons  que  cela  feroit  vray  fi  les 
eaux  de  la  Mer  rempliffoient  la  terre 
de  fes  rivages ,  comme  on  le  prétend 
par  cette  objedion ,  &  qu  elles  s'eften- 
difient  bien  avant  fous  les  plaines  & 
les  montagnes  :  mais  deux  chofes  em- 
pefchent  cet  épanchement  d'eaux  ma- 
rines. LVne  que  l'eau  falée  eft  êpaifle 
&  pelante  ,  Se  n'a  d'autre  pente  que 
devers  le  bas ,  où  la  pelanteur  du  fel 
à  qui  elle  eft  attachée  l'attire  ^  &  par- 
tant  n'a  pas  de  difpofition  à  entrer  dans 
les  coftez  des  rivages  dont  le  moindre 
obftacle  les  peut  facilement  empef- 
cher.  L'autre  eft  que  les  terres  &  les 
(ables  de  ces  rivages  font  déjà  remplis 
des  eaux  que  les  rivières  y  ont  laiisé 
couler ,  &  qui  occupant  tous  les  inter- 
valles &  pores  des  terres  &  des  fables, 
n'y  laifl'ent  point  entrer  celles  de  la 
Mer,  &  quoy  qu'il  femble  que  le  re- 
flux par  lelevation  de  les  eaux  y  en 
doive  chafler  ,  les  rivières  qui  en- 
trent dans  la  Mer  s'élevant  avec   le 
meinie  refîux,  tout  élever  aiifïi  leurs 
eaux  douces  dans  leurs  iables  X  droit 
&  à  gauche ,  où  elles  demeure:it  tou- 
jours dans  vne  pareille  élévation  a  caule 

Dd 


^i4  De  l'Or  i  gi  n  e 
de  la  fréquente  révolution  des  ces  re- 
flux ,  dont  les  mtermiffions  ne  font 
pas  fuffiiantes  pour  laiffer  rabailîer  les 
eaux  qui  font  dans  ces  fables ,  où  eftant 
toujours  comme  en  melme  eftat ,  elles 
ont  aufli  la  force  d'enipefcher  les  eaux 
faléesd'y  entrer.  Auffi  voit-on  beau- 
coup de  puits  d  eau  douce  près  les  riva- 
ges de  la  Mer ,  ce  qui  ne  devroit  pas 
eftre  R  les  eaux  falées  fe  répandoient fa- 
cilement dans  les  terres  des  environs. 

L'on  pourra  me  iaire  encore  vne 
objedion  ,  &  me  dire ,  qu'y  ayant  ii 
peu  de  véritables  fontaines ,  comme 
je  le  fais  voir  ^  l'on  peut  croire  que 
nonobftant  tous  les  déchets  &  toute  la 
confomption  que  j'ay  remarqué  (e  fai- 
re dans  les  eaux  des  pluyes  8c  des  nei- 
ges ,  il  en  pourra  néanmoins  defcendre 
aflèz  dans  la  terre  peur  fournir  de  Teau 
aux  véritables  fources. 

Qaelque  bien  fondée  que  paroifle 
cette  objedion  ,  il  eft  aisé  néanmoins 
d'y  répondre  :  Car  premièrement  cette 
modicité  de  véritables  fontaines,  &  ce 
petit  nombre  auquel  je  dis  qu'elles  doi- 
vent eftre  réduites ,  n  eft  que  par  com- 
paraifon  avec  la  grande  quantité  d  au- 


DESFONTAINES.  315 

très  que  rancienne  &  la  nouvelle  Phi- 
lofophie  le  font  imaginées,  &  avec  les 
écoulemens  eftonnans  de  quelques- 
vnes  qu'ils  appellent  iburces ,  c^mme 
ce  que  j ay  remarqué  quauroit  e/lé  la 
nviere  cl'Éftam_pes  à  Pans ,  &  que  font 
les  rivières  de  Drome  &  d'Aure  en  Nor- 
mandie fur  le  bord  de  la  Mer,  &  en- 
fin celle  de  Loiret  prés  d'Orléans  :  Ainii 
donc  quand  je  dis  qu'il  ne  refteroit 
guère  de  fources  qu'on  pûft  appeller 
véritablement  iources,  je  veux  dire 
feulement  qu  il  n'y  en  auroit  pas  tant  à 
beaucoup  prés  de  ce  que  l'on  croit:  Mais 
cela  n  empeiche  pas  qu'il  n'en  refte 
vne  prodigieuie  quantité.  Seconde- 
ment je  croy  avoir  iuffifamment  prou- 
vé que  la  pénétration  de  la  Terre  par 
les  eaux  de  la  pluye  ne  fe  peut  Eure , 
tant  par  la  manière  dont  j'ay  tait  voir 
qu'elle  fe  doit  faire ,  s'il  s'en  fait  quel- 
qu  vne,  que  par  les  expériences  &  les 
reflexions  que  j'ay  faites  liir  Magnanus. 
'En  troiliéme  lieu,  quand  il  pafleroit 
quelque  eau  à  travers  la  Terre ,  com- 
me f  en  fuis  demeuré  d'accord  en  cer- 
tains cas ,  il  ne  s'enliiit  pas  que  cet- 
te forte  de  pénétration  puiflè   faire 

Dd  ij 


^i6  De   l'Origine 

couler  des  eaux   comme    l'on    voit 
que  coulent  celles  dont  nous  parlons. 
Il  eft   vray  que  j  ay  dit  quon  voit 
fur  quelques  plaines  hautes  de  leau 
qui  fort  de  terre   &  qui  caufe    des 
mares  &  des   puits  ;   &  immédiate- 
ment après  je  dis  que  le  ruifleau  d  vne 
tbntame  fe  perd  quelquefois  en  en- 
trant dans  terre ,  &  de  là  on  voudroit 
prouver  non  feulement  Tobjeâiion  qui 
m'eft  faite  :  mais  encore  defiruire  Tim- 
poiTibilitè  que  j'avance  de  la  pénétra- 
tion de  la  terre  par  leau  de  la  pluye. 
Mais  quoy  que  je  fois  demeure  d'ac- 
cord de  tout  ce  qui  eft  dit  cy-deflus , 
l'on  ne  peut  pas  en  tirer  ces  confe- 
quences  :  car  à  f  égard  de  la  pénétration 
êc  de  ce  ruifleau  de  fontaine,  il  ne 
faut  que  voir  ce  que  j'en  dis  :  Et  à  l'é- 
gard du  puits  produit  par  cette  eau  fur 
vne  plaine  haute,  il  n'en  re(ultera  rien 
non  plus  contre  ce  que  j'ay  avancé  : 
car  cette  eau  dont  je  parle  qui  fait 
quelque  mare  ou  quelque  puits  en 
defcendant  par  quelque  endroit  fablon- 
neux  &  heureulement  difposé  pour  ce- 
la ,  ne  coulera  dans  ce  fable  que  jui- 
ques  à  ce  que  la  terre  d  ou  elle  vient 


DES  Font  AINE  s.         317 
fe  foit  égoiittêe  ;  &  des  qvie  cette  eau 
cefiera  de  couler  ,  ce  qui  arrivera  va 
peu  après  que  lapluyefera  cefsèe,  la 
mare  ieichera  &  le  puits  tarira:  ous^l 
ne  rarift  pas ,  ce  fera  à  cauf^  qu'il  fe 
fera  mis  beaucoup  d'eau  en  relene 
autour  de  luy  dans  le  mf ,  qui  fera 
d'vne  grande  eftenduë  &  en  torme  de 
balTin  comme  dans  vne  cifterne  ,  la- 
quelle  eau  ne  fortant  de  ce  puits  qu  a 
mefure  qu'elle  en  fera  tirée,  durera 
véritablement  plus  que  la  mare  &  ne 
tarira  pas  fi-toft  :  mais  fi  i'eau  de  ce 
puits  avoit  vn  écoulement  continuel 
comme  l'eau  qui  l'a  produit ,  il  ne  du- 
reroit  pas  plus  de  temps  qu  elle  ;  & 
cet  écoulement  qu'on  voudroit  appel- 
1er  vne  fource  auroit  autant  d'mtermif- 
fions  qu'il  arriveroit  de  ceflations  & 
de  renouvellemens  de  pluyes ,  &  alors 
elle  feroit  femblable  aux  iources  que 
le  Père  Schottus  nous  a  dit  que  pro- 
duifoit  le  torrent  qui  pafToit  prés  de 
fbn  Collège  en  Sicile,  quand  il  avoit 
coulé  quelque  temps  :  mais  vne  fource 
vive,&  c'eft  de  celles-là  dont  nous  par- 
lons ,  qui  coule  inceflàmment  durant 
toute  vne  année,  dont  les  diminutions 

Dd  11) 


3t8  De   L'Or  i  gi  n  e 

&  les  accroifîèmeiis  font  reliez  par  le 
Primtemps  &par  l'Automne ,  à  qui  les 
pluves  accidentelles  &  incertaines  de 
l'Efté,  cammeloatles  orages  quicau- 
fent  les  torrens  ,  napporte.it  aucun 
changement ,  doit  avoir  vn  autre  prin- 
cipe de  la  continuité  de  fon  écoule- 
ment ,  que  l'eau  retenue  enreferve  dans 
le  tuf  des  plaines  hautes ,  dont  la  ca- 
pacité ne  Içauroit  élire  fuffi&nte  pour 
fournir  à  toutes  les  fources  qui  décou- 
lent fiir  les  collines  d'alentour  durant 
toute  vne  année.  Car  encore  que  fé- 
lon moy  les  Rivières  qui  coulent  tou- 
jours &  avec  plus  d  abondance  que  les 
fources,  ne  coulent  que  des  eaux  rete- 
nues dans  les  fables ,  comme  |  ay  dit  : 
néanmoins  la  manière  dont  fe  fait  la 
diftribution  de  ces  eaux  pour  fournir 
à  leurs  écoulemens,  eft  tout  d'vne  au- 
tre façon  que  ne  (çauroit  eftre  celle 
ny  de  ces  fources  de  mares  ny  des  au- 
tres: Ces  eaux  retenues  enreferve  dans 
ces  fables,  entrent  dans  les  rivières  par 
plufieurs  endroits ,  les  vns  plus  hauts  les 
autres  plus  bas ,  fiicceilivement  les  vns 
aux  autres  toujours  en  deicendant  de 
plus  bas  eu  plus  bas ,  félon  que  le  cou- 


DES  Font  A  i  ne  s.         ^19 
ratit  de  k  rivière  baifib ,  comme  je  Fav 
remarqué.  Et  cette diftribunon  eu  tel- 
lement bien  ordomièe,  que  quand  le 
courant  de  la  riviere  eft   eleve  ,   es 
eaux  de  referve  ne  iortent  que  parles 
ouvertures  qui  font  de  niveau  avec  le 
courant ,  &  les  autres  font  retenues  ians 
pouvoir  fortir  ,  par  Y  équilibre  qui  le 
garde  des  vnes  avec  les  autres ,  fçavoir 
de  celles  du  dedans  avec  celles  du  de- 
hors 3  &  quand  le  courant  baifle ,  ces 
eaux  de  relerve  baillent  aufll,  &  les 
ouvertures  par  lefquelles  elles  s'ecou- 
loient  ne  donnent  plus  d'eau ,  ce  font 
celles  qui  font  audeflbus,&  ainfijut- 
ques  à  la  plus  baffe  :  De  forte  que  l  on 
pourroit  dire  que  fi  vne  riviere  eftoit 
vne  fource,  elle  auroit  des  ouvertures 
pour  lePrintemps, d'autres pourTEfté, 

d'autres  pour  l'Automne,  &  d'autres 
pour  iHyver,  les  vnes  plusbafles,  les 
autres  plus  hautes  :  mais  les  fources  qui 
n'ont  qu  vne  feule  ouverture  par  la- 
quelle, Efté  &  Hyver  elles  font  cou- 
ler leurs  eaux  ,  devroient  ne  plus  cou- 
ler dés  que  la  première  fuperficie  de 
leur  ref ervoir  fe  leroit  écoulée ,  &  s'il 
demeiu'oit  encore  de  l'eau  dans  le  tuf 

Dd  uij 


320  De  l'Or  igin  e 
ou  refervoir  foiifterraia  ,  elle  n  en 
pourroîtpas  fortir  à  caiifc  qu'elle  feroit 
plus  baffe  que  fou  ouverture ,  &  de- 
meureroitainfi  inutile,  quelque  quan- 
tité qu  il  y  en  puft  avoir  ;  &  pour  faire 
écouler  toute  cette  eau,  il  faudroit ,  ou 
faire  vne  ouverture  plus  bas  ,  ou  fi 
cela  fe  pouvoit,  ibuflever  le  fonds  de 
ce  refèrvoir  &  le  pencher  de  mefme 
qu'on  fait  à  vn  muid  de  vin  pour  avoir 
toute  la  liqueur  qui  y  efl.  Ainfidonc 
quelque  amas  qui  puft  s'eftre  fait  dans 
la  terre  par  le  moyen  de  cette  péné- 
tration ,  il  demeureroit  inutile  dés  le 
commencemeat  du  Printemps  quand 
fa  fiiperfîcie  f e  fèroit  abaifsée  jufques 
au  defTous  de  cette  ouverture ,  &  fi  l'on 
vouloit  que  récoulemeit  qui  auroit 
commencé  continuafl  de  fe  faire  avec 
égalité,  il  faudroit  qu'il  revmfl  d'autre 
eau  avec  égalité  pour  fortir  toujours 
par  la  mefme  ouverture  :  Or  cette  éga- 
lité ne  fe  içauroit  trouver  dans  les 
pluyes,  de  meime  qu'elle  fe  trouve 
dans  le  cours  des  fources  ;  auffi  voit-on 
que  la  diminution  qui  fe  remarque  aux 
fontaines  leur  arrive  avec  vne  propor- 
tion plus  réglée  que  n'eft  l'arrivée  & 


DES  Fontaines.        3ît 
k  ceflàtion  des  pluyes ,  qu'^ftant  tou- 
jours fubites ,  inégales  &  lans  certim- 
de ,  ne  fçauroient  produire  que  de> 
effets  femblables.  H  faut  donc  conce- 
voir pour  la  continuité  de  ces  ecoule- 
mens ,  tels  qu'on  les  voit ,  vne  autre 
caufe  que  les  pluyes  de  toute  vne  an- 
née ;  veu  mefme  que  quelques  pluyes 
qu'il  faffe  en  Efté ,  l'on  ne  voit  point 
que  les  fontaines  en  reçoivent  aucun 
accroiffement  pour  cela,  nv  au  con- 
traire que  quelque  feicherelle  qui  ar- 
rive en  Efté,  les  fources  en  loient  di- 
minuées dans  l'année  meime-.leur  ac- 
croilîèment  ne  leur  arrive  qu  après  les 
grandes  eaux  &  les  grands  dèborde- 
mens  del'Hvver ,  qui  reftabliflenttout 
d'vn  coup  ce  que  la  feicherefle  oe 
l'Eftê  fembloit  devoir  avoir  ruine,  & 
leur  diminution  ne  leur  arrive  qu  après 
vne  feichereffe  d'vne  année  qui  n  a  pas 
efté  reparée  par  les  pluyes  &les  de- 
bordemens  de  l'Hyver  luivant.  Or  il 
y  a  bien  plus  d'apparence  datti-ibuer 
cette  continuité  découlement  égale- 
ment inégale  à  vne  diftiUation  &  coa- 
vertiffement  de  vapeur  en  eau,  com- 
me je  l'ay  dit,  &  comme  le  croit  la 


322         De  l'Origine 

meilleure  Philofophie  ;  pource  aue 
cette  caufe  ne  peutfoiifFnr  d'altération 
que  par  la  confumption  de  fa  matière , 
qui  le  Enfant  petit  à  petit ,  par  les 
moyens  que  j^ay  décrits,  caufe  auffi  la 
diminution  des  fources  petit  a  petit, 
aux  vues  plus,  aux  autres  moins. 

Quelle  que  foit  donc   vne  fource 
ou  torte  ou  foible ,  elle  ne  Tçauroit  cou- 
ler continuellement  fi  elle  na  vn  autre 
principe  que  la  pénétration  de  la  terre 
par  les  eaux  de  la  pluye  &  des  neiges 
tondues  de  rHyver,&ruppo5émerme 
que  cette  pénétration  fe  fafle ,  com- 
me /en  fuis  demeuré  d'accord  en  va 
certain  cas ,  &  par  des  difpolitions  par- 
ticulières de  la  terre  &  des  lieux  :  cet- 
te pénétration  fe  fait  plus  rarement, 
ce  en  bien  moins  de  lieux ,  qu'il  ne  fe 
voit  de  fontaines  vives  ;  &  leurs  eaux 
font  en  beaucoup  moins  grande  quan- 
tité que  celles  des  véritables  fontaines 
Vives  dont  je  pai*le. . 
^   Il  y  auroitvne  infinité  de  queftions 
a  hure  fur  plufieurs  cas  finguliers  qui 
arrivent  aux  fontaines ,  comme  ce  que 
Ion  dit,  qu'il  y  en  a  qui  ont  des  aug- 
mentations &  des  diminutions  alte^- 


DES  Font  AI  NES.       325 
natives  qui  le  rapportent  avec  le  flux 
&  reflux^delaMer,  d'autres  qui  en  ont 
d'vne  manière  opposée  ,  d'autres  qui 
font  chaudes,  dautres  qui  font  minéra- 
les &  qui  ont  des  faveurs  &  des  odeurs 
particulières,  &  quelquefois  des  vertus 
medecinales,&de  cent  autres  maniè- 
res. Mais  toutes  les  queftions  que  l'on 
me  pourroit  faire  fur  ces  differens  ac- 
cidens  ne  regardent  point  mon  opi- 
mon ,  &  je  ne  fuis  point  oblige  d'y  re- 
pondre ;  cen'eft  pas  qu'il  ne  fuft  peut- 
eftre  aflez  facile  de  le  faire  par  les 
principes  de  Mécanique ,  de  Médecine 
&  de  Chimie  :  mais  il  fiudroit  pour 
cela  vn  volume  plus  gros  deux  fois  que 
celuy-cy. 

Pour  mov  qui  n  ay  entrepris  de  par- 
ler que  de  l'Origine  des  Fontaines,  il 
me  fufEt  de  l'avoir  fait ,  &  de  leur  avoir 
par  cemoven  donné  lanaiflance.Leur 
deftin  eft  de  courir  fur  la  Terre  &  par 
le  Monde  ,  je  les  ylaifleray  aller  (ans 
prendre  aucun  intereft  en  ce  qui  peut 
leur  arriver  de  bien  ou  de  mal  ^  fi  les 
vnes  deviennent  renommées  par  les 
diiîerentes  qualitez  bonnes  ou  mauvai- 
ses qu'elles  auront  contradces  dans 


324  De  l'Orig.  des  Font 
leurs  voyages,  folon  k  bonne  ou  mm^ 
vaiie  reicontre  qu'elles  auront  faite  de 
terres  favorables  ou  difgraciées;  files 
autres  attirent  ladmiration  &  l'eflon- 
nement  des  curieux  par  leurs  éconle- 
mens  &  par  leurs  effets  furprenans,fi  les 
autresdemeurentdans  leur  naturel  doux 
&  paifible ,  comme  elles  l'ont  receu  en 
naiflant.  Tout  cela  ne  me  regarde  point, 
il  lufîït  qu'elles  foient  fontaines  ample- 
ment ,  la  qualité  n  eftant  qu' vn  accident 
qui  leur  peut  arriver  ou  ne  pas  arriver 
fans  changer  leur  effence  ;  de  comme 
des  enfans  qui  ont  quitté  le  logis  de  leur 
père  pour  voyager,  s'il  arrive  qu  à  leur 
retour  ils  ayent la  taille  changée,  ouïe 
vifâge  méconnoiiîàble,  ou  qu  ils  ayent 
perdu  leiu'  équipage,  ou  bien  quils 
lay^ntaugmenté,  ou  qu'ils  layent  con- 
fervé  tel  qu'ils  lavoient  en  partant ,  n'en 
font  pas  moins  pour  cela  les  enfans  de 
leurs  pères  :  Auffi  quelque  chofe  qui 
puifTe  arriver  aux  fontaines ,  de  bien,  de 
mal,  deftonnant  &  de  merveilleux, 
tout  cela  ne  les  Içauroit  empefcher 
d'eftre  toujours  les  filles  des  rivières 
leurs  véritables  mères. 
FIN. 


LETTRE 

A  M-"  HVGVENS 

AV    S  VI E  T 

DES    EXPERIENCES. 


^J^  O  N  s  I  E  V  R  , 


Depuis  yo/lre  départ  je  71  dy  fongé  à 
autre  chofe  fuà  ce  pie  yoi^  malPe!^  dît 
touchafît  mon  fy/ieme  de  l'origine  des 
Fontaines ,  &  ^uoy  pu  je  me  fois  rendu 
aux  ra-ifons  fur  hj'cj utiles  yous  a^e^ 
fonde  yojire  Crîti^uj  ^  il  me  refic  pour- 
tant  de  grands  doutes  fui  m;  tiennent 
comme  en  fufpcns  ,  &  que  ji  ne  puis 
m'empcfchcr  de  yous  dtclarcr  en  attm- 
dant  fue  je  J ois  de  retour  a  Pari^  pour 
en  ayoïr  la  folution,  La  plus  grandz 
difficulté  que  yous  maye':(  opposée^  a 


^i6  Lettre. 

efié  fur  ce  que  je  fuppofe  dans  la  terre 
des  effets  fmhl  abus  à  ceux  de  la  pom- 
pe ^  aufquils  je  donne  pour  eau  je  prin- 
cipale lattraE^îon  par  la  crainte  du 
yuide  ;  Et  aujiî  que  par  cette  rrjfem- 
blance  de  la  pompe  je  fais  élever  des 
eaux  a  toutes  fortes  de  hauteurs ,  quoy 
que  je  fçache  bien  que  Vattra^ion  nejl 
pas  reccu'e  àprefcnt  dans  la  Phyjique  non 
plus  que  la  crainte  du  ^uide  ^  dr  que 
t on  j''ouflient  que  la  pompe  ne  peut  ele- 
yer  de  l'eau  que  jujques  ci  la  hauteur  de 
32.  ou  33.  pîeds -^  furquoy  yous  m'a- 
ye:(  reprefente  que  ce  nejl  pas  fans  de 
lonnes  raifons  que  Con  nie  l'attraSiion 
&  la  crainte  du  yuide  ^  <&  que  cejljur 
de  bonnes  expériences  aujsi  quon  ejl 
a/fur e  de  ce  terme  de  Veleyation  d'eau 
dans  la  pompe  qui  ne  Ce  fait  que  par 
la  pefantcur  de  l'azr  qui  pre/fant  la 
furface  de  l'eau  où  efl  po/êe  la  pompe 
y  fait  monter  cette  eau ,  lors  quen  le- 
yant  le  pîjlon  on  luy  fait  place  pour 
y  entrer  ,  e^  qu  enfin  elle  ny  monte 
que  jujques  à  ce  quelle  ait  pris  yn 
équilibre  ayec  la  pcfanteur  de  l'air  ^ 
cequelle  fait  quand  elle  efl  paryenué 
à  la  hauteur  de  ii^oun^  pieds ,  après 


Lettre.  327 

tjuoy  elle  demeure  en  repos,  Leffudlcs 
expériences  fe  faïfd7it  &  fe  continuant 
tous  les  jours  a^ec  ynj'ucces  toujours 
pareil ,  il  ny  a  pas  lieu  de  reclamer 
à  Rencontre.  Sur  cjuoy  je  yous  diray 
franchement  ,  ^ue  je  ne  demeure  pas 
tout 'd'j ait  a  accord  de  ces  deux  pro^ 
pojitions  générales   comme  elles  font^ 
non  plus  cfue  des  conclufions  gênera^ 
les   ^ue   Von   tire   de  beaucoup  g! au- 
tres expériences.     Car  ejuelques  expé- 
riences que  ïon  puijfe  faire  ,  l'on  ne 
peut  s  y  arrejler  purement ,  Ji  le  juge- 
ment  &  les  jms  tout  enfemble  ne  s'y 
accordent:  Icsfens  fe  trompent  fouyent 
quatidils  agijfentfeuls ,  &  le  jugement 
fe  méprend  auffi  quelquefois  fi  les  fens 
ne  le  redrejfent.    Les  fens  nous  difcnt 
quJn  bafton  droit  mis  moitié  dans  Ceau 
efl  rompu ,  <&  le  jugement  nous  ajfure 
du  contraire.  Le  jugement  nom  a  dit 
jufqud  prefent  que  l'air  e/loit  léger ^& 
depups  quelque  temps  les  fens  nom  ont 
découvert  qu  il  efl  pejant^par  pltfietirs 
tiouyelles  expériences  qui  en   ont  ejls 
faites  :  mais  quJlcs    que  foi:nt  tou- 
tes  les   expériences    que  l'on  fçauroit 
faire  ^  &   quelque  fujct  que  puiffent 


328  Lettre. 

ayoir  les  fcns  &  le  jugement  tout  efi' 
femble  dejire  fatisfatts  ,  je  tiens  ^ue 
toute  la  confe^uence  que  Von  en  peut 
tirer  ^  eflque  la  chofe  Je  fait  ainji  a^cc 
telles  &  telles  machines ,  de  telle  gran^ 
deur ,  de  telle  matière ,  en  tel  lieu ,  &c, 
fans  qutl  y  ait  lieu  d'afjigner  "'Pne  caufe 
plùtofl  qu'une  autre  a  T  effet  qui  aura 
ejié  découvert  par  cette  expérience  ^  & 
fans  que  l'on  foit  obligé  de  croire  ^  par 
exemple  y  que  l'eau  qui  monte  dans  y  ne 
pompe  y  e/i  pluto/i  poujféepar  la  pefan^ 
teur  de  l'air  ^  qu'elle  ny  e/l  attirée  par 
attra^ion^  ou  par  la  crainte  du  yuide. 
Car  Ji  je  y  où  que  cette  eau  ,  lors  qu\ 
elle  cfl  paryenue  j.ufques  a  trente-deux 
pieds  d'éleyation ,  s'arrefie  fans  quon 
la  puijfe  faire  monter  plu/S  haut  comme 
Von  dit  ^  pourquoy  f'audra-t-il  que  je 
croye  que  ce  terme  de  ^i,  pieds  efi  celuy 
déséquilibre  quellea  ayccCair  ,  fans 
que  je  puijfe  croire  quil  y  ait  encore 
yne  autre  caufe  de  cet  arrejl  ?  Et  pour* 
quoy  ne  me  fera-t-il  pa^s  permis  de  dou* 
ter  que  fi  l'expérience  fe  faifoit  ayec 
d'autres  machines ,  plus  grandes ,  a'ym 
autre  proportion  ,  &  à'yne  autre  ma- 
tière ,  ou  autrement  la  ckofe  fe  ferait 

d'Jne 


Lettre.  1^9 

d'yne  autre  forte  i" 

il  e/t  certain  ^ue  dans  laNature^^  il 
ne  fe produit  aucun  (f  et  par  yne  fitde 
caufe  ,  &  ^uau  contraire  il  ny  en  a 
point  pii  n  en reconnotjfe phfieurs^ dont 
les  ynes  font  particulières  aux  chofes 
fur  lefijmîles  les  ejfcts  fe  prodmfent ,  tiT 
les  autres  y  font  étrangères  &  yiennent 
de  dehors  ,  &  concourent  fieanmoins 
a  la  produ^ion  de  leurs  effets, 

La  chaleur  du  feu  nefi'pits  la  feule 
caufe  de  V  emhrafement  du  hops ,  il  faut 
^uîl  y  ait  dans   le  hois    ^ne  difpoj^^ 
tîon  a  eftre  brûle  ,  il  faut  efuil  foit 
fec  jufijud  yn   certain  degré  ,  &   il 
faut  tjue  ce  hops  foit  dans  yn  litu  & 
dans  yne  difiance  proportionnée  peur 
cela  :   il  faut  auffi  futi  y  ait  de  l'air 
à  l'entour  du  bois  éjm  foit  libre  ,    & 
non    pas    rejjerrè   ou  enfermé,    Ainfi 
ï embr afemint  du  hops  aura  cin<f  cau^ 
fes  '■  entre  autres  ,  toutes   différentes  , 
dont  l'ytie  efi  eftrangcre  au  hops ,  com- 
me la  chaleur  du  feu  ,  Vautre  luy  e/l 
propre   comme  fa  difpofition  naturel- 
le à  eftre  brillé ,  &  les  trois  autres 
font  communes  &  au  bois  &  au  feu^ 
&  quoy  tjua  la  chaleur  du  feu  fmbU 

Ee 


3?o  Lettre. 

ejtre  la  feule  caufe  de  lembraferrimt  du 
bops  pource  ^ue  l'effet  luy  reffemhle  , 
néanmoins  il  ne  fe  fer  oit  aucun  emhra- 
fement  fi  IPne  feule  de  ces  cmcf  caufcs 
mancjuoit.  Par  cet  exemple ,  quanA  je 
yerray  monter  l'eau  dans  la  pompe  con- 
tre fon  indination  naturell  : ,  //  faudra 
bien  fue  jayoue  que  celafe  fait^  maiî 
en  mefmî  tpmps  je  pourray  fonder  quil 
y  aura  plu/ieurs  cauf  s  qui  contnouènt 
à  cet  effet  :  je  croiray  fi  Von  l>eut  que 
la  prfant.uY  de  V air  y  ant  beaucoup , 
rien  ne  niempcfchera  aufft  de  croire  que 
la  crainte  du  yuide  y  a  fa  part ,  &  que 
fi  l'on  y  ayoit  hienpense^  Von  y  en  trou- 
ver oit    beaucoup   d'autres    qui    yien- 
droient  du  cojVe  de  Veau  ,    des  maté- 
riaux ^  de  la  forme  de  la  machine.,  de 
fa  proportion.,  &c.  Mais  de  me  déter- 
miner d  la  fuie  pefanteur  de  Vair  ^  & 
d  exclure  toutes  autres  caufe  s  il  y  au- 
roit  ce  me  femble  de  la  temeritê.  Quand 
je  yerray  aufii  V empefchem.nt  qui  fe 
rencontre  d  le^er  Veau  au  delà  des  32. 
pieds ,  pourquoy  gefneray-je  mon  juge- 
ment jufques-id  que  d'en  attribuer  la 
caufe  aufeul  équilibre  de  Vair^  Et  pour- 
quoy nepourray-jepas  rrt  imaginer  qu'il 


Lettre.  a5« 

y  a  quelque  qualité  dans  VedUquepue 
connoîs  pa^qui  contribué  d  cet  empcfchc^ 
mmt ,  <&  que  la  machine  peut  pécher  en 
proportion  ou  en  force  de  matériaux  f 
Ainft  tout  ce  que  je  pourray  conclure, 
fi  Ton  y  eut  que  j'attribue  la  caufe  de 
cet  effet  aufcul  équilibre  de  l'air ,  fera^ 
que  celafemble  ^ray  a^ec  cette  machine, 
mais  de  m'obligcr  d  tirer ^  ^ne  csnji- 
quence  générale ,  &  par  Id  faire  corn" 
paraifon  de  nos  forces  a^ec  celles  de 
tout  fyniyers ,  &  de  noftre  adrejfe  & 
jufteffe  ayec  celle  dont  la  Nature  feferc 
en  toutes  chopes  ,  &  en  mcfmc  temps  fur 
le  foihle  <!X  imparfait  témoignage  de 
mi  s  fins  tenir  mon  jugement  en  con^ 
tramte ,  jufques  d  re?npefcher  de  rai- 
jonner  <&  de  faire  les  reflexions  dofir 
il  eft  capable,  c  ejl  où  je  ne  yoy  nulle 
appar.nce,  Vonfçait  ajfe\  que  les  ma- 
chines  ri  ont  pas  toujours  yn  femblable 
fucces  quand  elles  font  exécutées   en 
grand  ou  en  petit  ,  &  que  les  propor^ 
rions  font  également  difficiles  d  garder 
en  ryn  &  en  l autre -^  cependant  il  ny 
a  prefque  que  cette  proportion  qui  pro^ 
duij^e  les  effets  dejîre:^. 
Les  enfa>:s  pouffent  des  fops  ayec  yio^ 

E  c  il 


33*  Lettre. 

lence  dans  des  farbacannes  tjumd  elles 
ont  deux  ou  trois  pieds  de  longueur , 
&  ils  ne  le  font  pas  fi  facilemmt  m 
ayec  yn  pareil  fucce s  fumd  elles  en  ont 
yingt'cinq  ou  trente^  ou  quand  elles 
ne  font  longues  que  de  cinq  oufixpouU 
ces.  il  en  ejl  de  mefme  d'l>n  canon  ou 
couleyrine  ,  qui  poufferont  l>n  boulet 
al>ec  grande  force  &  fort  loin,  quand 
ils  auront  cette  longueur  de  ytngt-cinq 
ou  trente  pieds  ,  dr  qui  ne  le  ferotent 
pas  s'ils  en  aboient  50.  ou  60.  ouqutls 
rien  eufjent  que  deux  ou  trois.  Ce  qui 
caufe  ces  différences  ceft  que  la  propor- 
tion  du  calibre  a^ec  la  longueur  de 
ces  machines  ri  ejl  pas  gardée] 

I^on  peut  encore  donner  yn  autre 
exemple  pour  faire  yoir  la  neccf^itê  de 
la  proportion  dans  les  machines.  Vne 
flûte  ou  tuyau  Morgue,  plus  il  efllon^y 
plus  il  fonne  <2t  parle  d'yn  ton  bas  ^ 
éiufli  efl-ce  en  l'alongeant  &  en  Vac^ 
courciffant  que  Von  V accorde  a^ec  les 
autres:^  cependant  Von  le  pour  r  oit  faire 
d'yne  telle  longueur  qu'il  ne  rendroit 
aucun  fon  ,  quand  mefme  on  luy  don-- 
neroit  le  iPent  le  plus  violent  que  l'on 
peut  donner.   Ce  défaut  ne  yiendroit 


Lettre.  3^5 

ni  de  la  matière ,  ni  de  la  forme  de 
la  machine ^  mais  feulement  de  lapro^ 
portion  qui  ne  ferott  p/ts  gardée  entre 
fa  longueur  &  fon  calibre ,  parce  que 
en  retranchant  petit  a  petit  de  cette 
longueur  excefiilPe  ,  &  s' approchant 
ainft  de  la  proportion  quil  doit  ^- 
yoir  a^ec  fon  calibre ,  il  commencera 
dfonner  ^n  peu  ,  pups  davantage  ;  ù* 
enfin  ejlant  paryenu  dfajufle  propoï" 
tion  il  rendra  ion  fon  agréable  &  natu- 
rel 5  ni  trop  doux  ni  trop  fort  5  mais  fi 
yous  continue:^  de  raccourcir  ,  le  fon 
en  deviendra  aigu  ,  dr  mfme  à  la  fin 
il  fera  difficile  de  le  faire  parler,  si 
l'on  nayoit  point  fait  de  tuyaux  d'or- 
gue d'yne  longueur  excejliye ,  &  quon 
je  fu/i  contenté  de  ce  premier  principe 
de  plus  ou  moins  long ,  l'on  tirer  oit  yne 
conclufion  générale  quen  alongeant  yn 
tuyau  d  l'infiny^  l'on  luy  ferait  pren- 
dre yn  ton  bas  d  l'infiny  ,  ce  qui  nefl 
point  yray, 
llparoi/i  donc  que  la  proportion  efi  abfo' 
lument  ne cejf aire  dans  les  machines  pour 
leur  faire  produire  les  efi-ets  defirey  ; 
&  il  efi  pareillement  éyident  que  l'on 
ne  peut  pat  tirer  des  confcquences  genc» 


354  Lettre. 

raies  de  beaucoup  ci' expériences  cjue  l'on 
fait,  &  tjue  tout  ce  cjuq  l'on  en  peut  ap-« 
prendre  y  eft  feulement  tjue  ce  quelles 
nou^  font  yoir  ,  fe  peut  -faire  a^ec  les 
machines  3  les  injtr urne ns,  &  Us  ntatc^ 
riaux  dont  nou^  nom  fommes  feryps 'j 
&  en  mfme  temps  nous  faire  craindre 
ijiien  les  faifant  a^ec  â*autres  machines 
&  d'y  ne  autre  proportion  ,  ou  a^ec 
dUutrcs  in(irum:ns  ,  a  autres  matc^ 
riaux  ç^  d'autres  en  confiances  ,  elles 
tlayent  yn  autre  effet. 

Que  fç  ayons -nous  fi  des  gens  dejprit 
ijuî  yiendront  après  nou^ ,  in/iruits  & 
éclaire!^  par  les  chofes  dont  nous  leur 
aurons  laijfe  des  mcmoires ,  diront  point 
au  delà  de  ce  cjue  nous  fç ayons ,  autant 
^ue  nous  ayons  e/ié  au  delà  de  ce  qua 
fceu  r antiquité  ?  Et  de  mefme  que  nous 
ayons  inyente  yn  grand  nombre  d 'in-- 
ftrumens  pour  l'jflronomie  &  pour  les 
mechaniques  \  ils  nen  my entent  auf^i 
à^ autres  y  ou  nadjoùtent  quelque  chofe 
à  la  perje^ion  de  ceux  que  nom  ayons, 
&  qitaycc  ces  nouyeaux  fecours  ils  ne 
fajjent  des  decouyertes  de  chofes  d  quoy 
nom  nauro7is  point  pense ,  <&  lefquellts 
renyerferont  .beaucoup  de  maximes  que 


Lettre.  355 

nous  tenons  pour  tres^a/furées  ?  Voiis^ 
mefme ,  Monlïtur^  naye^^yorn  pa^s  de- 
cou^rt  dcpups  peu ,  tjue  le  Siphon  pcoy 
qu-  pUc2  dans  ^n  recipi  nt  yuide  a  air, 
m  laijfe  pas  de  nr:r  Ccau  par  dcjftt^  les 
bords  du  yaijfcau  ou  eji  mife  la  plm 
courte  de  Ces  jambes  ,   de  m  [me  cjuil 
fait  en  pi  in  air  3  e27*  e^ue  deu  ;  plaques 
de  m?tail  polies ,  jointes  enfjmhle ,    ne 
laiffent  ptts  de  tenir  C^ne  d  C autre  dans 
ce  ni'jfme  yaijjeau  yuide  a  air  3  &  pour^ 
tant  ces  deux  effets  font  attribue:^  a 
la  pefanteur  de  Vair.   Monteur  Vafchal 
dans  fon  Traité  de  V'eqmlthre  des  lu 
^ueurs ,  ce  me  femhle^  Cajfure,  &  dc^ 
figne  mcfme  le  poids  a^ec  lequel  Von 
peut  faire  déprendre  ces  deux  plaques 
de  met  ail  félon  leur  l>olume  <&  gran^ 
deur  de  fuperficîe  :  &  cela  a  e/ié  cru 
jufqtid    prefent  que    ^ous   a^e:^  fait 
yoir  quil  doit  y  a^oir  encore  û! autres 
raifons  d  confiderer  que  celle-là  dans 
l^ effet  du  siphon  &  de  l'ynion  &  attache^ 
ment  des  corps  polps  enfemhle.   ISia-t-on 
pO/S  encore  découvert  que  le  mercure  qui 
dans  yn  canal  fermé  par  en  haut  & 
plongée  par  en  bas  dans  a  autre  mercure^ 
defcendoit  jufquis  a  la  hauteur  de  17, 


ilé  Lettre. 

ou  1^.  poîdces,  ^ui  efl  CequiUhre^uon 
dit  éjuîl  prend  a^ec  l'air  ,  fe  foùtient 
pourtant  cjudcjmjoi^  jufcjues  a  la  hau» 
teur  de  7*^.  poulces  :  ce  que  Monfieur 
Tafchal  ri  a  point  connu  ^  ri  ayant  fondé 
toute  fon  expérience  pour  la  pffaraeur 
de  l'air  y  laquelle  îl  appelle  fa  grande 
expérience  y  que  fur  cette  hauteur  de  17, 
ou  1%,  poulces.  Tant  quon  a  ignore  que 
cette  hauteur  pourvoit  aller  jufques  d 
75.  poulces  ,  l'on  dtfoit  que  les  17,  ou 
28.  poulces  efloient  l' équilibre  du  poids 
du  mercure  a'^ec  celuy  de  l'air ,  de  mef 
me  que  l'on  dit  que  les  52.  pieds  le  font 
de  celuy  de  l'eau  aloec  latr  dans  lapom^ 
pe,  dont  on  ay  oit  fait  y  ne  règle  gêner  a^ 
le  :  mats  d  prefent  que  l'on  a  fait  l'ex- 
périence de  ce  mercure^  peut^eftre  ayne 
autre  marner  e  &  a^ec  d  autres  circon^ 
fiances  y  Von  ne  trouve  plus  que  ce  pre- 
tendu  équilibre  ait  yne  règle  ajjurée  ; 
car  il  ne  y  a  quelquefois  que  jufques  d  ^4*. 
poulces  5  d'autres  ^'  52 .  d'autres  ^'  5 5 .  dT* 
Ji  r  on  ayoit  fait  la  ynfme  chofe  pour  le- 
leyatîon  de  l'eau  dans  la  pompe ^  peut- 
eftre  que  ces  32.  pîeds  iroîcnt  jufques  d 
cent  &  au  delà.  Mais  on  a  eu  tant  de 
joye  iayoir  trouyé  que  l'air  eft  pefant, 

après 


L  E  T  T  R  E.  557 

aj?ris  que  tant  de  Vhilofophes  ont  dit 
durant  tant  de  Jieclcs  quîl  efloit  léger ^ 
quon  yeut  attribuer  à  cette  pefanteur 
de  Cair  la  plufpart  des  effets  dont  nou^ 
ignorons  les  caufes, 

il  eft  certain  quil  y  a  lieu  de  louer 
beaucoup  ceux  qui  les  premiers  ont  fait 
les  expériences  dont  7iom  parlons  ,  (!T 
qui  ri  ont  p^ts  youlu  fe  rapporter  entie^ 
rement  au  jugement  des  anciens ,  dr 
foufcr ire  aveugle memt  à  leurs  opinions 
fur  beaucoup  de  chofes  :  car  comme  l'on 
dît  que  la  défiance  cfi  la  mère  de  la 
fureté  ,  ces  expériences  e/iant  par  ma^ 
niere  de  dire  ^ne  défiance  des  opinions 
des  anciens ,  il  en  ejl  refulte  des  afju^ 
rances  de  beaucoup  de  chofes  dont  on 
pouJoit  douter  raifonnablemsnt,  Maps 
fi  ces  expériences  nom  ont  fait  douter 
de  tant  de  chofes  dont  auparavant  noios 
e/hons ,  ce  nous  fembloit  ^  bien  ajjure:^^ 
elles  deyroicnt  nom  mettre  en  de  plus 
grands  doutes  fur  beaucoup  d^e  chofes 
queriou^  croyons  prfentemerit  biencer^ 
t  aine  s  y  &  nom  faire  craiftdre  que  quel- 
que jour  la  pojhrit'e  ne  nom  le  rende ^ 
&  ne  fe  mocque  de  no/lrePhilofophiede 
mefme  que  nom  nom  mocquons  de  celle 
de  l'antiquit*  Ff 


55^  Lettre. 

Maù  retenons  à  no/îre  fujet  ,  lors 
qu  ayant  fait  yne  ouverture  à  yn  ton- 
neau remply  de  ytn  ou  d'^ne  autre  li- 
queur,  ce  yin  ou  cette  liqueur  ne  for- 
tent  point  fi  le  yaiffeau  c/i  bien  ferme 
far  tout  ailleurs ,  Von  dît  que  la  caufe 
de  cet  événement  efi  la  pcfanteur  de 
l'air  qui  pour  ejlre  plm grande  que  celle 
de  la  liqueur  enfermée  dans  ce  yaijfeau 
lempcfche  de  for  tir  ,  l'air  fe  tenant  a 
cette  ouverture  de  mfme  que  fi  cefloit 
^ne  pièce  de  hoM ,  ou  d'y  ne  autre  matière 
iicnfolide  que  Von  y  auroit  mife.  L'on 
en  dît  autant  de  ce  tuyau  remply  de  mer- 
cure dont  je  yiens  de  parler  ^  lequel  en- 
core me/ me  qu  il  foit  tire  hors  du  mer- 
cure ou  il  trempe  ,  ne  laijfe  pas  de  le 
foutenir  fuj^endu  en  l'air  jufques  a  la 
hauteur  de  jt^,  poulces.  Si  cen  ejl  la 
la  rai/ on ,  il  y  a  ce  me  femhle  de  quoy 
s  étonner  comment  l'air  ^ qui  e/i  composé 
d'yne  infinité  de  parties  disjointes  ^fc^ 
paries  0^  toujours  en  mouyement  qui  font 
yn  corps  fi  mol  &  fi  aise  a  percer  y  &  qui 
cède  â  tout  ayec  tant  de  facilite  ,  ne 
cède  point  d  la  pefanteur  de  cette  li- 
queur <!T  de  ce  mercure  y  CiT  à  leurs 
parties  qui  font  bien  plus  folides  &  qui 


l 


Lettre.  335> 

nûbeiffent  pa^s  fi  facilement  ^  &  com- 
ment cette  ligueur  <&  ce  mercure  ejui 
ont  beaucoup  de  pefanteur  ne  trouvent 
pas  le  moyen  de  percer  a^ec  leurs  par^ 
ties  folides  ,  &  ^ui  font  toujours  en 
mouvement,  celles  de  l'air  tjui  riont 
pas  tant  de  folidite  ^  <&  ^ ut  d! ailleurs 
font  fi  dîfposées  d  céder  &  a  fairepU" 
ce  à  Ce  cjui  efl  plus  folide  qu  elles. 

Ne  deyroitM  pas  du  moins  arriver 
alors ,  ce  tjui  arrive  dans  de  certains 
y  erres  d  boire  qui  ont  en  bas  ynegrof-^ 
fe  boule  ^  dans  laquelle  par  yne  ou^er-^ 
ture  très 'petite  i  te  ytn  qu  on  y  fait  en» 
trer  en  fort  quand  on  a  mrs  de  Peau 
dans  le  ^erre ,  &  pajjfe  au  traders  de 
toute  cette  eau  fans  qu'il  fe  mefle  a^ec 
elle  y  jufques  d  ce  qu'il  f oit  parvenu 
au  dejfus ,  où  on  le  yoit  nager  comme 
feroit  de  l" huile  ,  pendant  que  leau 
prend  dans  cette  houle  la  place  que  le 
yin  y  occupoit.  l'ont  cela  fe  fait  par 
cette  petite  ou'Verture  par  ou  l'^n  <& 
ï  autre  pajfent  en  mcfme  temps  fans 
fe  m:jler  ,  l^'^n  en  montant  ^  Vautre 
en  difcendant ,  comme  s  ils  pajf oient 
chacun  par  yn  tuyau  ou  canal  feparé^ 
ayec  yn  acquif cément  réciproque  qu  ils 


l^o  Lettre. 

fe  donnent  l'yn  d  ï autre  y  le  plus  fort 
donnafit  pajfage  au  plus  foihle  au  tra^ 
y  ers  de  fes  parties  ^  ^uoy  ^ue  plus  folu 
des ,  afin  éjuil  luy  faffe  place  c^.  luy 
Ihre  le  lieu  où  tl  yeut  fe  mettre  ^  â 
catfe  ^uîl  e/l  le  plus  fort  &  le  plus 
pefant,  Si  l'eau  youloit  faire  dans  ce 
y  erre  comme  l'air  fait  d  ce  tonneau  y 
&  fe  tenir  opiniajlrement  à  V ouver- 
ture de  la  houle  de  ce  Verre  ^  le  vin 
ne  pourroit  fe  mettre  en  la  place  de 
leau  dr  demeurer ott  immobile  d  ce 
pajfage.  Pour^uoy  ,  s'il  ncjîoit  ^us- 
fiion  (jue  de  pefanteur  plus  ou  moins 
grande ,  Cair  rien  fer  oit -il  pas  au- 
tant aVec  la  liqueur  enjermee  dans 
ce  muid ,  que  l'eau  en  fait  dans  ce 
yerreaVec  le  vin  de  la  boule  ?  car  alors 
Vair  eft  plus  pefant  que  la  liqueur  ^  de 
mefme  que  l'eau  dans  le  Verre  eft  plus 
pefante  que  le  vin  qui  ejl  dans  la  bou- 
le ^  &  pourquoy  de  concert  enfemhle  Vvn 
n  entrer  oit -il  pas  dans  ce  tonneau  au 
mefme  temps  que  l'autre  en  for  tir  oit  ? 
L'on  me  pourra  dire  que  l' air  perd  fa 
continuité  dans  Vn  corps  liquide,  oïl  il 
fe  met  en  parties  rondes  qu'on  appelle 
bulles  j  &   quVn  corps  liquide  fait 


m 


Lettre.  541 

au  fi  le  femhldble  (juani  il  efl  daju 
Vair  ou  il  fe  m  t  auft  en  parties  ron- 
d:s  ^uon  nomme  ^^out tes  ^  &  que  cela 
eftant  de  la  forte  il  ny  a  pas  lieu  £  at- 
tendre que  ces  deux  corps  ainjt  diyije:^ 
&  entrecoupe'^  comme  ils  le  feroimt 
puiffent  s'ajujler  fi  bien  dans  cette 
ouyerture  qui  efl  petite  ,  quau  m^f- 
me  temps  que  V^n  entrer  oit  en  bul^ 
les  dans  ce  muid,  l'autre  en  fortiroit 
en  gouttes  ,  ou  bien  que  s  il  faut  que 
tyn  entre  a^ant  que  l' autre  forte  ^  ou 
que  tyn  forte  a^ant  que  Vautre  en^ 
tre  ;  il  ny  a  point  de  rai/ on  pourquoy 
r^n  entrera  a^ant  l'autre.  Mais  cette 
raifon  ne  fatisfait  pas  :  car  fi  l'air  & 
cette  liqueur  fe  di^ifent  comme  F  on 
yicnt  de  dire ,  &  que  cela  f oit  la  caufe 
de  cet  empefchement ,  le  y  in  &  l'eau  de 
ce  y  erre  auroient  autant  de  raifon  pour 
nefafferpas ,  puis  que  le  y  in  &  l'eau  fe 
diyifent  aufSi^bten  que  l'air  &  la  //- 
,  queur  quand  ils  font  l'yn  dans  Vautrcy 
&  d'yne  manière  encore  plus  ccTifidera- 
ble  :  car  ils  fe  me  fient  l'^n  a^ec  l'autre 
quand  ils  fe  touchent  &  cela  a^ec  ^ne 
trc  s 'grande  facilite  ^  comme  efiant  yne 
chofe  qui  leur  eft  naturelle  :  &  nean-' 

Ff  11) 


342  Lettre. 

moins  V^n  &  L'autre  dam  ce  pajfage 
renoncent  à  cette  naturelle  difpojition 
à  fe  mtfler   pour  Ce  confère er  chacun 
iPny  a pj-mpue.  L'air  &  la  liqueur 
fourr oient  en  faire  autant  l'yn  à  l'é- 
gard  de  P autre,  &  quitter  leur  dijpo^ 
Jition  naturelle  a  devenir  iul les  &  gout- 
tes ,  de  mefme  ^ueleyin&  l'eauquit^ 
tent  leur  difpofition  naturelle  k  fe  ms^ 
1er  pour  entrer  dans  ce  muid  ou  four 
m  for  tir  :  car  l'yn  &  l'autre  peuvent 
s' alonger  y  &  mettre  leurs  parties  de 
fuite  l'y  ne  a  l'autre  fans  interruption 
en  yne  manière  très 'déliée)  comme  quand 
ils  pajfent  dans  des  canaux  étroits ,  & 
fe  faire  l'yn  dans  ï  autre  y  ne  manière 
de  canal  dans  lequel  ils  pajfer oient  en 
mefme  temps  dans  l'air  &  dans  ce  muid^ 
comme  font  Ceau  &  le  yin  dans  cette 
houle  &  dans  ce  yerre.  Ceux  qui  nont 
point  connoijfance  de  cette  chofe  ont  de 
la  peine  a  la  croire-^  &  ^  on  leur  en 
faifoit  la propojition  fans  en  ayoïr  Vex^ 
perience  prejle  ils  la  nieroient ,  &  la 
tiendr  oient  pour  ah  fur  de  ^  à  caufe  de 
V expérience  qu'ils  aur oient ,  que  le  yin 
fe  méfie  dr  fe  dtJSipe  dans  l'eau. 
Ce  que  je  yiens  de  dire  me  donne  oc^* 


Lettre."  343 

cajion  défaire  'ym  autre  remarque  y  qui 
fftr erreur^  je  l'ofe  appcller  atnji,  oà 
je  yoy  que  font  ceux  qui  s  attachent  Ji 
fort  aux  expériences,  ils  ne  Veulent 
rien  croire  fi  ï  expérience  ne  i  en  peut 
faire  deyant  eux  y  &  cependant  on  nen 
peut  pas  faire  de  beaucoup  de  chofes  que 
Von  connoifl.  Si  ces  gens-lâ  ne  ffa^ 
yoient  point  que  les  mstaux  dT  les  pier- 
res mcfmes  fe  peuvent  fondre  ,  et  ^ue 
l'eau  fe  peut  glacer-^  &  que  l'on  yinjl 
leur  dire  que  Von  peut  rendre  le  cuivre 
liquide  &  coulant  comme  de  l'eau,  & 
l'eau  dure  &  folide  comme  de  la  pier- 
re y  ils  demander  oient  incontinent  den 
yoir  l'expérience  y  &  comme  l'on  ne 
pourroit  pas  la  faire  a  t  égard  de  l'eau, 
(  je  fuppofe  qu'il  n'y  eufl  point  de  glace 
alors  a^ec  laquelle  l'on,  pu jl  faire  geler 
de  l'eau  )îls  nier  oient  que  l'eau  fe  peut 
durcir  y  &  l'on  auroit  hean  leur  dire 
quonauroit  y  eu  de  la  glace,  <&  qu'ils 
font  oblige:^  de  croire  au  rapport  des 
témoins  fufffans  ;  ils  ny  ajoiifteroient 
point  de  foy ,  <s>  dir oient  que  quand  ils 
croyent  les  expériences  faites  par  cC au- 
tres ,  cefi  qu'il  ne  tient  qu'à  eux  de  les 
Vérifier,    Quand  ils  raifonnent  de  la 

F  fin; 


"§44  Lettre. 

forte  ils  croyent  a^oir  d'autant  plus  de 
raifon  qtion  leur  a  fait  Inexpérience  de 
la  fluidité  du  cuivre  ,  par  laquelle  ils 
yoyent  que  leur  maxime  générale  de  ne 
rien  croire  fans  expérience  e/l  davantage 
confirmée  ;  &  quoy  qutls  raifonnajfent 
apparemment  bien  3  ils  fer  oient  pourtant 
dans  r erreur  :  mais  ils  ne  raifonne^ 
rotent  pas  moins  bien  s  ils  fongeoient 
que  fi  Von  a  pu  faire  ï expérience  du 
premier 3  ccjl  que  l'on  a  eu  tout  ce  qui 
ejioit  necejf aire  pour  cela,  &  que  fi  Ton 
ne  l'a  pu  faire  du  fécond ,  ceji  que  l'on 
a  manque  ou  de  matériaux ,  ou  à'in* 
flrumens  ,  ou  de  lieux  propres  j  ou  d'au^ 
très  chofes.    Et  l'on  peut  dire  que  cejl 
a^ec  quelque  témérité  que  l^on  tire  des 
expériences ,  les  deux  concluions  gene^ 
raies  dont  je  yiens  de  parler,  l'yneque 
telle  chofe  efi  d  caufe  de  quelque  expe- 
rience  qui  en  a  ejîe  faite ,  l'autre  que 
telle  chofe  ri  efi  pas  à  caufe  qu'il  rien  a 
pu  ejire  fait  d'expérience  :  car  quelque 
bonnes  <&  ytilcs  que  foient  les  expe^ 
rience  s  3  il  ri  y  a  pas  Um  de  s'y  atta^ 
cher  fi  jortcm?nt  qu'on  foit  oblige  de 
croire  tout  ce  que  Von  croit  ^otr  par 
elles  f  &  de  ne  rien  croire  que  ce  qui 


Lettre.  54.5 

fe  yoit  par  elles ,  dr  encore  moins  cCen 
tirer  des  confequences  par  Icpfuelles 
nous  déniions  en  aj^igner  les  caufes  à 
de  certaines  chofes  pluflofi  qu  à  dau^ 
très  y  puis  qu'il  efl  Ji  dijficile  de  les  con- 
noiftre  toutes  &  fi  périlleux  d'en  faire 
le  choix. 

Mais  fur  tout  il  faut  fe  défier  de 
foy^mefmey  &  craindre  que  l'amour  de 
la  nouveauté  &  celuy  que  nous  ayons 
naturellement  pour  nos  fentimens  ne 
nous  empefche  de  juger  fans  pajSion  : 
car  en  s'obflinant  fi  fort  à  attribuer 
par  exemple  la  caufe  de  l'êleyation 
de  Peau  dans  la  pompe  à  la  feule 
pifanteur  de  l'air  ^  fans  y  Vouloir  ad- 
mettre aucune  autre  caufe  ;  on  fait 
yoir  plus  d'affeSfation  que  de  jugement  y 
&  l'on  donne  a  connoijlre  que  tout  ce 
que  l'on  fait  d'expériences  efl  plufiojl 
four  le  prouver  que  pour  en  découvrir 
la  yerite  comme  fay  dit.  Quand  je 
youdray  me  mettre  dans  l'efprit  qu'il 
m*cft  indiffèrent  que  l'eau  de  la  pompe 
y  monte ,  ou  par  la  pefantcur  de  l'air 
ou  par  la  crainte  du  yuide ,  ou  par  yne 
autre  caufe ^  ou  par  toutes  celles-là  en^ 
femble  5  je  feray  comme  yous  aye:(  fait. 


1,4'^  Lettre." 

MonJieUTi  f  examiner. ^i  a^ec  yn  efprtt 
dégage  &  non  préyenu  toutes  fortes  de 
raifons  y  je  feray  des  ?'-^peric7ice's  de  tou^ 
tes  les  manières  que  je  pourray  ^  a^ec 
toutes  fortes  aînjhumens ,  de  machines 
&  de  matériaux  ^  &  dans  la  défiance 
oïl  je  yoy  que  je  dois  e/ire  d'ejire  trom- 
pe par  mesfcns ,  par  monjugem?nt ,  far 
ma  propre  foîhhffe  &  petit c/fe  y  par  cel- 
le des  matériaux,  &  par  cdle  des  ma- 
chines que  je  luis  capable  de  mouvoir  ^ 
je  cratndray  toujours  o!efire  trompe-^ 
plus  je  croiray  yoir  clair  ,  plus  je  me 
defieray  &  craindray  a\Jlre  eblouypar 
les  chofes  nouy elles  que  je  croiray  de- 
couyrtr  qui  nayoient  point  efie  connues 
aupar ayant  :  Mais  fi  je  yeux  paffer 
pour  celuy  qui  aura  trouyh  le  premier 
que  l'air  ejl  pelant ,  &  qui  en  aura 
donne  qudques  preuyes  par  des  expc^ 
riences  jujques  alors  inconnues  ;  /"/  ejl 
certain  que  je  fer  ay  tout  ce  que  je  pour  ^ 
ray  pour  accorder  toutes  chofes  à  mon 
dejfein  ;  ^  que  ji  en  tray aillant  fen 
rencontre  quelqu  y  ne  qui  y  f oit  tant  f oit 
peu  contraire  ,  je  r  abandonner  ay  dT  ne 
youdray  pas  mfime  m'en  faire  P obje- 
ction j  pour  ne  pas  ruiner  ma  propofition 


Lettre.  ^4.7 

ny  donner  la  moindre  atteinte  a  ce  qus 
fauray  youlu  ejlahlir  comme  premier 
inventeur. 

Quant  a  la  féconde  difficulté  que  yous 
rnaye!^  faite,  Monjieur ,  qui  efi  quil  ne 
fe  fait  point  d'attra^ion  dans  la  Nature 
par  la  crainte  du  louide  ou  autrement  > 
dr  que  tous  les  mou^emens  iy  font  par 
impuljîon  du  plus  fort  d?'  du  plus  pe- 
fant,  fur  le  plus  foîble  &  le  plus  léger  y 
il  femble  a  abord  que  cette  propoji- 
îion  foit  plus  rece^able  &  mieux  fon- 
dée :  car  rien  ne  fefaifant  dans  la  Isla- 
ture  par  miracle,  il  faut  que  tous  les 
mouyemens  fe  faffent  par  des  principes 
de  Mechanique,  le  ne  laijfe  pas  néan- 
moins de  trouyer  cette  proposition  har-^ 
die ,  &  de  m'ejlonner  comment  l'on  r«- 
treprend  de  parler  de  chofes  que  ïon  ne 
connoijl  point,  Sçait-on  ce  que  ceftque 
fort  &  pefa7it  ?  (  car  le  foihle  &  le  le* 
ger  ne  font  que  le  moins  fort  &  le  moins 


furquoy  il  s' appuyé  pour  pouffer  yn 
moins  fort  que  luy-,  fer  oit-ce  jury  n  autn 
plus  fort  f  cda  troit  d  l'tnfiny,  S  fait- 


34^  Lettre. 

on  ce  que  c\Jl  que  pifanteur  ?  comment 
le  pejant  agit  fur  le  moins  pefant  ?  & 
d'où  îl  prena  j^a  pefant  eur  ^  ce  ne  peut  pas 
eflre  à'iPne  autre  chofe  plus  pefante ^  ce 
fer  oit  pareillement  aller  à  Vinfiny  5  d^ 
nous  Soyons  cC  ailleurs  que  foulent  les 
thofes  de  plus  grand  'Volume  pefent 
moins  que  celles  d^l>n  plus  petit  ^  ce  qui 
f croit  contraire  aux  principes  de  Mecha- 
nique,  pource  qu^n  corps  de  petit  yolu^ 
me  donnant  moins  deprife  fur  luy  pour 
eflre  pouJSé ,  détroit  recevoir  moins  de 
force  &  pefer  moins.  Mais  quand  on 
f çaur  oit  tout  cela,  f  fait -on  comment  la 
pierre  d'aimant  agit  quand  elle  fait  ye^ 
nir  à  elle  le  fer  ?  y  oit -on  quelque  cbo^ 
fe  qui  poujfe  le  fer  a^ec  force  ?  ou  que 
quelque  chofe  de  plus  pefant  que  luy  le 
fajfe  avancer  ?  Et  quand  cela  feroit 
commsnt  e/t-ce  que  l' aimant  feroit  mou* 
yoir  ce  fort  &  ce  pefant  pour  les  faire 
agir ,  puis  quil  ne  touche  à  rien ,  du 
moins  qui  foit  yijible  ou  reconnoijfable 
par  nos  fens ,  comment  cet  aimant  corn- 
munique-t'il  fa  yertu  attra^i^e  au  fer 
pour  en  attirer  d'autre  comm?  luy  ? 
Comment  le  diamant ,  Vamhre,  lagom- 
me  Ucqu€  GT  le  foufre ,  &  tant  d  au- 


Lettre.  34P 

très  ckoPes  fort  communes  attirent -elles 

d'autres  corps  cfloigne:(  &  les  retien^ 

tient ,  Cir  cjudcjuifois  Us  chajfent  après 

les  ayoir  attire:^  comme  font  la  gom-» 

me  lacque  <&  le  Joufre  dont  je  yiens  de 

parler,  dont  cji  compose  ce  cjuon  appel- 

le  are  d 'Ef pagne  ?  tout  cela  ne  fe  fait 

point  ce  me  femhle  par  impuljion  aDn 

plus  fort,  ny  par  le  poids  a '^n  plus  pc- 

fant ,  du  moins  leur  aUionfe  fait  fans 

attouchement.  Comment  les  odeurs  fe 

communiquent-elles  ?  &  comment  (es 

chofs  d  qui  elles  ont  ejié  communiquées 

les  communiquent -elle  s  encore  a  fJau-' 

très  ?  Comment  Ce  peut  comprendre  la 

feye  qui  monte  aux  arbres  ?  peut -on 

dire  que  ce  f oit  la  pefanteur  de  l'air  qui 

la  fait  monter  entre  Vecorce  <&  lehois^ 

comme   dans  ^ne  pompe  ^  il  faudroit 

pour  cela  qu'il  y  eufl  yn  r: fermoir  de 

fel>e  dans  lequel  fer  oit  le  pied  de  l'ar^ 

ire  y  &  quand  bien  il  y  en  auroit ,  cette 

fc^e  ne  détroit  monter  que  jufques  à 

trente  deux  pieds  de  haut ,  &  il  y  a 

des  arbres  qui  en  ont  plus  defix-^ingts. 

Comment  eft-ce  que  l'on  comprend  que 

les  yapeurs  de  la  Terre,  fans  qùil  fajfe 

aucun  yent ,  s  élément  dans  l'air  quie/l 


350  Lettre. 

plus  léger  &  plus  fotile  quelles  :  car 
ces  yapeurs  font  de  Veau  toute  formée^ 
(îîfpersee  en  gouttes  imperceptibles  & 
qui  ont  yne  Jolidîte  plus  grande  que 
neft  celle  de  i  air  puis  quelles  arreftcnt 
la  lumière  du  Soleil  &  font  ombre  fur 
ta  Terre,  &  me f m:  font  capables  de  re- 
cevoir la  clarté  &  de  la  réfléchir ,  dT 
de  faire  Voir  des  couleurs  de  me f me  que 
peut  faire  Peau  e/lant  enfon  lieu  3  ce  que 
Vair  ne  fait  point  :  cependant  ces  Va- 
peurs y  fans  que  cet  air  foit  agité  &  mef- 
me  dans  fa  plus  grande  tranquillité  & 
ionacC)  ne  laijfent  pas  de  séleVer  com- 
me l'on  Voit  ajffe:(  fouVent.  Combien  fe 
fait-il  de  chofes  dans  le  corps  des  ani^ 
maux  qui  femblent  ne  pouvoir  efire  at- 
tribuées qu  à  quelque  puijfance  attra-  < 
UiVe? 

Après  toutes  ces  reflexions  Von  71  a 
point  d^ autre  raifon  pour  nier  fattra- 
Hion  par  la  crainte  du  Vuide ,  Jînonen 
difant,  à  V égard  de  la  crainte  au  Vuide^ 
quil  eft  hors  de  propos  d'admettre  des 
aVerJtons  dans  des  chofs  inanimées  qui 
tien  peuvent  pas  ejlre  capables  :  a  quoy 
je  répons  que  ceux  qui  parlent  ainfi  ne 
laijjçnt  pas  de  dire  dans  Voccajion)  que 


Lettre.  451 

la  yie  a  horreur  de  la  mort ,  que  le 
feu  <f  l'eau  font  ennemis  ;  ils   dipnt 
duf^i  quand  ils  parlent  des  animaux  ^ 
qui  au  f intiment  de  'Dif cartes  ,  ne  font 
que  des   machines   composées  de  chofcs 
i'fianimees  incapables  a  aucunes  pajsions, 
qùîls  ont  des  amîtît^  &  des  a'^er fions -^ 
<!T  que  les  chiens  aiment  les  hommes  y 
que  les  moutons  craignent  les  loups  ^  les 
four i s  les  chats ,  &c.  Et  a  V égard  de 
CattraUion  ils  difenty  'quîl  ny  a  nulle 
apparence  de  l'admatre  dans  la  Nature 
quand  on  iPott  que  cette  Nature  n'a  ny 
crochets  ny  cordes  pour  attirer -^  &  moy 
je  dis  que  je  ne  yoy  poi72t  aufi  quelle 
ait  de  bras  3  de  mains ,  de  pieds  pour 
poujfer  les  corps  forts  &  les  corps  pe» 
fans  comme  elle  fait, 

le  pourrois  faire  beaucoup  a'autres 
remarques  fur  cette  difficulté  ,  a  quoy 
ilferoit  difficile  de  donner  yne  folution 
yalable  ayec  ces  deux  principes  de  pe- 
fanteur  d'air  <3>   d'impulfion  du  plus 
fort  :  Ainfi  je  croy  que  je  puis  dire  fur 
le  premier ,  que  les  expériences  ne  don- 
nent point  de  décijions  générales ,  &  que 
•  le  plus  fouyent  elles  ne  prouyent  rien 
d ayant  âge  ,  Jinon  que  ce  quelles  font 


1^1  Lettre. 

yoirfe  peut  faire  ;  CJT  fur  la  féconde 
may:ime  i  que  les  principes  du  mouye" 
ment  nejlant  pas  connus  il  n*y  a  pas 
lieu  de  rejetter  ahfolument  l attraUion 
pour  nadmatre  que  la  fuie  impul/ion-y 
&  que  c\Jl  beaucoup  fe  hasarder  que  de 
décider  aufi  précisément  que  Von  fait 
de  la  caufe  du  mouvement ,  &  cela 
d^ autant  plus  que  fay  remarque  quil 
y  a  des  mouyemens  quon  ne  peut  pas 
yraifmhlablemcnt  attribuer  au  fort 
&  au  fefantj  puis  quon  ne  y  oit  en  eux 
aucunes  marques  cCimpulJion, 

Voila  y  Monjiiur  y  d  peu  près  ce  que 
je  penfe  fur  ces  deux  diffxulte^  ,  re- 
folu  neanmions  de  fuiyre  ce  que  yous  en 
ordonnèrent  après  que  yous  yous  fere^ 
yous^mefme  re folu  fur  l'incertitude  où 
je  croy  que  yous  ont  mis  les  expe^ 
riences  que  yous  aye:^  faites  du  siphon  y 
&  des  deux  plaques  de  met  ail  :  Ce- 
pendant  dtoutha:(^ard  je  nay  pas  you- 
lu  aller  contre  ces  deux  maximes  dans 
la  fuite  de  mon  Traite  des  Fontaines-^ 
<j  pour  ne  pas  mefme  tomber  dans  quel' 
tjue  occajion  de  contejîation,  fay  quit- 
te les  expeduns  quefayoistrouye:^  dans* 
la  rejfemblance  delà  pompe  pour  foujle- 

mr 


Lettre.  35g 

nir  mon  fyjieme  5  le  fats  efiat  de  yous 
prefenter  ce  Traite  après  que  je  lUuray 
rey^u^jejuts, 


MOKSIEFKy 


A  ••  le  dernier  de 
lujllet  1672.. 


Gg 


TABLE  DES  MATIERES, 

PREMIERE  PARTIE. 

opinions  des  PJnliJophes  touchant  roru 

gine  dis  Fo?it aines  ,  &  re flexions 

fur  chacune  en  particulier. 

Opinion  de  Platon.  page  S 

Opirfion  d'Aiiftote^  p.  15 

Opinion  d'Epiciire.  p.  21 

Opinion  de  Vitruve^  p.  ii 

Opinion  de  S enec^ue.  P*  ^4 

Opinion  de  Pline.  P-  32. 
Opinion  de  S.  Thomas  &  des  Plûlofophes  de 

Connimbre.  f- 3^ 

Opinion  de  Scaliger.  p.  3  8 

Opinion  de  Cardan.  p.  40 

Opinion  d'Agricola.  p-  48 

Opinion  de  W.  DobrzenZKÎ.  p-  4? 

Opinion  de  Van  Helmonr.  pv^yi 

Opinion  de  Lydiat.  p.  72 

Opinion  de  Davity.  p.  8^ 

Opinion  de  Defcartes^  p.  90 

Opinion  de  Papin.  p.  97 

Opinion  de  Gaflendi»  p.  ii^ 

Opinion  de  Du Hamel.  p-iij 

Opinion  du  Père  Schottus»  p- nj 

Opinion  de  Rohault.  p,  138 

Opinion  du  Père  François»  p- 142- 

Opinion  de  PaiiiTu  p.  147 


Table  des  Matières. 

SECONDE    PARTIE. 

opinion  de  l'Auteur  ,  fes  preuves   & 
ohjeUîo7is  au  contraire. 

Opinion  de  de  l'Auteur.  page  148 

Opinion  commune ,  &  reflexions  fur  cette 
opinion.  p.  150 

A 

Defcrfpâon  des  grottes  d'Arcy.  ^      p-  2-73 

Grotte  d'Amiparos.  p.  187 

C 

Les  fontaines  Chaudes  ne  peuvent  pas  avoir 
pour  cûufe  de  leur  chaleur  le  feu  foufter- 
rain.  p.  81 

lin  y  a  point  plus  de  Chaleur  dans  les  caves  & 
dans  les  puits  en  Hyver  qu'en  Efté.         p  84 

Terres  des  Collines  comment  difpofées.  p.  116^. 

Canaux  foufterrains  capables  &  fidelles  pour 
conduire  des  eaux  fous  terre.  p.  i6^ 


Paflages  de  l'Ecriture  fainte  ne  doivent  point 
eftre  employez  à  prouver  ce  qui  eft  de  la 
Phyfique.  p.  ^4.  &  135 

Il  fe  fait  vne  grande  Evaporation  des  eaux  de  la 
pluye  &:  de  la  neige.  '  p.  181 

Caufes  de  l'Evaporation  de  l'eau.  p.  138 

On  a  penfé  de  conduire  des  eaux  de  la  Rivicic 


Table  des  Matières. 

d*Effcampes  fur  le  mont  fainte  Geneviève  à 
Paris.  p.  ^6J 

F 

Il  n'y  a  point  de  Peu  foufterrain  vniverfel  fous 
toute  la  terre.  p.  75? 

Toutes  les  Fontaines  ont  des  diminutions  &  des 
augmentations,  &  pourquoy.  P-^-jo 

Deux  moyens  par  lefquels  félon  l'Opinion  com- 
mune l'eau  defcend  dans  la  Terre  pour  pro- 
duire les  Fontaines.  P-i?"^ 

Les  Fontaines  cherche'es  &  trouvées  dans  terre 
ne  durent  pas  long-temps.  p-  2-47 

Pourquoyiln'yapasdesFontainespartout.  p.ip 

Les  Philosophes  n'ont  rien  trouvé  de  plus  diffi- 
cile à  chercher  que  la  matière  àt%  Fontaines, 
p.z<5-4 

il  n'y  a  pas  tant  de  Fontaines  que  l'on  croit,  p.  i6^y 

Objection  fur  les  Fontaines  aux  bords  de  la 
Mer.  p'3ii 

Objçdion  fur  la  modicité  des  véritables  Fon- 
taines au  fentiment  de  l'Auteur.  p-  2.14 

G 

H  y  a  de  la  Glaife  ou  terre  grafTe  fous  toutes 
les  plaines,  &  fous  toutes  les  montagnes-  p.  110 
Les  lits  de  Glaife  n'empefchent'poijit  les  vapeurs 
démonter  dans  la  terre.  P-2-53 

Grotte  de  Gregy  prés  Meaux..  p.  287 

Grotte  d'Arcy.  p.  275 

Crotte  d'Antiparos.  P-  ^§7 

I 

Reflexion  fur  le  pafTage  de  l'Ecriture  fainte,  où 
il  eft  parié  du  Soleil  ^ue  Jofué  fit  arrefter.  p.  6^ 


Table  des  Matières. 


Lacs  que  l'antiquité  a  fuppoTez  eftrc  dans  la 
Terre  ,  ne  peuvent  fcrvir  à  faire  couler  les 
Rivières.  .  P-  i7-&H^ 

Lieue  commune  de  Irance,  combien  a  de  toiles. 

Objedion  des  Fontaines  portant  battcau  a  leur 
fourcc  &  de  celle  de  Loiret  prés  d  Orléans. 

p.  30^- 

M 

Vérification  de  l'cxpetience  de  Magnanfis  tou- 
chant leau  qui  eft  attirée  par  le  fable  lec , 
&  circonftances  de  cette  expérience,      p.  i  J  5 

Tourquoy  les  Moulins  tournent  plusvifte,  a  ce 
eue  l'on  dit ,  le  matin  que  le  foir.  P-  4J 

Les  eaux  de  la  Mer  ne  peuvent  pas  eftre  répan- 
dues fous  toute  la  furface  de  la  Terre  ,  com- 
me le  dit  Defcartcs.  ?\^^ 

De  combien  les  Montagnes  ordinaires  font  éle- 
vées au  deffus  de  la  fur  face  de  la  Mer.     P'i»? 

Le  Muid  d'eau  réduit  au  cube  combien  il  ueuc 

Ca^rriere  à  Meudon  d'où  U  fortoit  des  vapeurs. 

p.  14^. 
lontaiue  à  Modene-  P'  ^7^ 

N 

Obfervations  fur  la  manière  comment  fe  font 
les  Nuées.  P'  ^^^ 

O 

L'Opinion  de  l'Auteur  eft  plus  rccevable  que  pas 
vue  de  celles  qui  ont  cfté  rapportées.       p .  M  5 


Table  des  Matières. 


Gombienil  faut  que  la  Terre  foit  mouillée  pour 
eftre  difpofée  à  la  Pénétration.  p.  i^i 

1-es  Pluyes  ,  mefme  félon  Ariftote  ,  font  fuifi- 
lantes  pour  faire  couler  les  Fontaines  conci- 
nuellement.  p.i8.&i9^ 

Lz  Pefanteur  de  la  Terre  ne  peut  pas  faire 
monter  l'eau  aux  montagnes  pour  caufer  les 
Fontames.  p.  40 

Xes  Puits  falez  ne  viennent  point  de  la  Mer, 
comme  le  croit  Defcartes.  p. y  y 

la  Terre  n^eft  point  Pénétrée  par  ks  eaux  de 
ia  pluye  en  la  manière  que l'eftablit  l'Opinion 
commune:  pourguoy  &  combien  elle  eft  Pé- 
nétrée, p  j^, 

li  ne  Pleut  pas  a/Tez  ,  félon  f  Opinion  commu- 
ne ,  pour  faire  couler  cominuellement  les  Fon- 
^in«.  p  j^j 

Comme  fe  fait  la  Pénétration  de  la  Terre  par 

les  eaux  de  la  pluye.  jyg 

les  eaux  de  la  Pluye  &  principalmcnt  celles  de 

i  Hyvcr   ne  peuvent  pas  pénétrer  la  Terre 

pour-  defcendre  fur  la  glaife.  p.  179 

Combien  vn  Poulce  d'eau  donne  de  muids  du- 

rant  vingt  quatre  heures.  p.  i^s 

Ccwnbien  les  Pluyes  &  les  Ndges  <ionnent  de 

hauteur  d'eau  durant  vne  année.  p.  100 

La   fixiéme  partie  des  Pluyes.  fuifit  pour  faire 

couler  les  Rivières  continuellement.      p^  104 
les  eaux  des  Pluyes  &:  des  Neiges  defcendent  des 

montagnes  &  des  collines  dans  les  Rivières. 

Il  peut  y  avoir  des  Puits  dans  les  plaines ,  mefme 


Table  des  Matières^ 

dans  celles  de  lArabie.  p.  118 

R 

Ce  qui  fait  que  les  Rivières  fe  perdent  dans  la 
Terre.  p.  m 

Toute  la  Philofophic  a  cru  que  les  Rivières 
eftoient  produites  par  les  Tontaines.      p-  1^- 

Comment  fe  font  Jes  Rivières.  p.  m 

Ce  qui  entretient  le  cours  continuel  des  Riviè- 
res, p.  116^ 


L'eau  Salée  attirée  en  ham  par  du  fable  Cec  ne  fe 

deflale  point.  p.  i<5"o 

Comment  l'eau  de  la  Mer  fe  peut  de/Ta  1er,  félon 

les  Chimiftes  en  pafTant  par  de  la  terre,  p.  47 

Comme  i'e^u  entre  dans  les  fables  des  plaines. 

p.  iii. 
Ce  que  c'eftque  les  Sources  qui  font  au  bord  & 
*'  au  fonds  des  Rivières  &  de  la  Mer.  p.  117 
Tontaine  dans  vne  des  Ifles  Strophades-  p.  2.70 
Rivières  deDrome  &  d'Aure  à  lafofle  deSoucy. 

p. i7iv 


Comment  la  Terre  fe  trouve  difpoféc  en  foiiillant 
des  puits  ou  des  fontaines.  p-  i<^<5 

Confiderations  &  reflexions  fur  la  grandeur  & 
rondeur  de  la  Terre,  p- 18(^ 

Diamètre  de  la  Terre.  P-  189 

Difpofition  &  efiat  de  la  Terre  au  dedans  pour 
caufer  les  Fontaines.  p.  108 

La  Terre  eft  échaiilFce  par  le  Soleil.         p- 13* 


Table  des  Matières. 

V 

L'air  Vaporeux  produit  les  Fontaines  ,  &  com- 
ment Ariftote  fe  peut  entendre  fur  ce  fujer. 

p.  i^ 

Les  Vents  ne  peuvent  pas  faire  monter  des  eaux 

au  haut  d». s  montagnes.  p.  35 

Les  Vapeurs  de  la  terre  fcmt  voir  les  objets  en 
des  fituations  différentes.  p.  109 

L'eau  monte  en  Vapeurs  au  haut  des  montagnes 
félon  tou5  les  Philofophes.  p.  131 

Montagne  en  Efclavonic  d'oùil  (cMrtoit  des  Va- 
peurs, p.  Z4<5' 

Comment  les  Vapeurs  caufcni  des  Fontaines. 

p.  148 


JâUtes  k  corriger. 

PAge  8.  PhœdoD,  liftzi  Phaedon,  ld€m  p-  9„ 
page  19.  que  ce  vuide ,  hfn.  que  de  ce  ivààt. 
page  al .  Pytoclus ,  lifet,  Pythocles. 
page  %y.  Caflandus ,  lifeu  Caflandru». 
page  37.  n'y  peut  élire ,  lifeu  n*y  eft  peut-eftre. 
page  4J.  devroic ,  liftz,  devoir. 
pape  126.  dans  les  canaux,  /«/«^  dans  des  canaux, 
page  1 3  j.  en  voit-on  pas ,  lifez,  ne  voit-on  pas. 
page  ISS-  laquelle  je  mis ,  ii/êa:  laquelle  goutiere  je  mis» 
page  17/.  pourfources ,  lifez.  pour  les  fources- 
page  190.  dernière  ,  liftx^  première, 
page.  103.  faite,  lifet.  prife. 
page  a/6,  matière  ,  liftn  manière, 
page  316.  dans  ce  fable  ylifeiz  travers  ce  fable. 


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